SCHiM
5.2
SCHiM

Jeu de Ewoud van der Werf et Extra Nice (2024Nintendo Switch)

Et sploush ! En plein dedans, et les deux pieds joints s’il vous plait !

Ah ça ! C’est devenu tout un filon le « jeu concept » ; ce type de jeu construit autour d’une idée tellement originale qu’elle se suffirait presque à elle-même pour illuminer notre vie de joueur ! Sauf qu’en fait – attention spoilers – bah non. Pas forcément. Pas du tout même.

Pourtant on a tous notre exemple du jeu concept qui nous a refilé une telle claque que, depuis, on espère remettre la main sur un autre titre susceptible de nous en remettre une autre du même genre… Et c’est là que le piège se tend grandement et sûrement ; le piège dans lequel ce SCHiM m’a fait tomber.


Pour tomber dans ce genre de piège, il suffit généralement d’un simple petit trailer de présentation qui sache cocher les bonnes cases. Là, dans le cas de celui de SCHiM, j’y ai découvert un jeu très épuré où il s’agissait simplement d’incarner une petite bestiole vivant dans l’obscurité. Pour espérer la déplacer, il était nécessaire de repérer et d’anticiper les déplacements des ombres projetées. Une belle promesse de jeu de plateformes revisitée en somme, d’autant plus séduisante qu’elle était parée d’une direction artistique pour le moins aguicheuse relevant d’un véritable parti pris esthétique.

Il ne m’en a pas fallu davantage à l’époque où j’ai découvert ça : j’ai directement rangé SCHiM dans mes envies et, sitôt est-il sorti, que je l’ai tout de suite perçu comme étant ce petit jeu rafraichissant susceptible de me stimuler et de m’émoustiller lors de petits instants de détente… Je n’ai pas voulu trop me renseigner pour ne pas me gâcher le plaisir de la découverte. Je me suis dit que, de toute façon, c’était un petit jeu concept qui n’allait pas me coûter trop cher. J’ai donc connecté ma Switch, sorti ma carte bancaire et… Ah ! ...Tiens ! 25€ tout de même ? Bon, c’est sûrement le prix à payer pour un vrai effort de conception et de réalisation… Allez, j’ai ma carte en main après tout… Et voilà, j’ai sauté à pieds joints…

…Et je suis donc tombé en plein dedans.


Parce que oui, c’est bien gentil d’avoir une idée originale et une esthétique léchée, mais encore faut-il l’exploiter. Et c’est là que, pour SCHiM, le bât blesse... Et pas qu’un peu.

Car, au bout du compte, qu’en fait-il, ce jeu, de cette idée consistant à sauter d’ombre en ombre ? Jusqu’où développe-t-il le concept ? Bah pas très loin en fait…

…Pas plus loin que ce qu’on peut en découvrir lors de sa première minute, pour tout dire. Dans SCHiM, on saute d’ombre en ombre en appuyant sur A. De temps en temps, on doit appuyer sur Y pour activer un feu de circulation, rebondir sur une pancarte ou baisser un passage à niveau. Il faudra aussi savoir tourner la caméra pour trouver des ombres nouvelles. Au plus dur on devra prendre en compte des objets mobiles comme des vélos ou des voitures pour espérer passer d’un point à un autre, voire gérer des effets de clignotement, mais c’est tout. Tout ça pour que, après trois heures d’un long ennui, on arrive à la fin.

Voilà. 25 balles pour trois heures de plateformes redondantes.

Mais quelle arnaque...


Alors après, peut-être que certains seraient tentés de me reprocher mon côté lapidaire. SCHiM, c’est le genre de jeu qu’on ne peut pas réduire à son gameplay. Il y a aussi une histoire derrière tout ça ; une démarche narrative. Une poésie. De là, reprocher qu’on ne fait que sauter d’ombre en ombre dans SCHiM, ça reviendrait presque à dire qu’on ne fait que marcher dans What Remains of Edith Finch.

En cela je me permets donc de bien insister sur ce point : les gameplays minimalistes ne me dérangent pas en soi – d’ailleurs j’adore Edith Finch – mais la question c’est de savoir au service de quoi ce gameplay minimaliste a-t-il été mis en place ? Est-ce que tout ça se met au service de l’expérience ludo-narrative proposée par le jeu ? Or – et je pense que vous l’avez compris – dans le cas de ce SCHiM, pour moi, cette expérience ludo-narrative, elle est tout bonnement catastrophique.


Le premier vrai gros problème de SCHiM, c’est qu’il ne sait pas raconter son histoire. Pire, il ne sait même pas raconter son univers non plus.

En cela, les seuls premiers tableaux sont assez révélateurs du fiasco ludo-narratif qu’est ce SCHiM. Alors que leur fonction est de tout poser en termes d’enjeux et de mécaniques, ceux-ci échouent sur l’essentiel, quand bien même on parle de quelque chose de minimaliste au possible.

Qui contrôle-t-on vraiment ? La bestiole dans l’ombre ? Le gamin ? Les deux alternativement ? Si oui, qu’est-ce qui explique qu’on switche de l’une à l’autre ?

Chose aussi fortement singulière lors de ces premiers niveaux : on ne sait même pas ce qu’on doit faire, ce qu’on a le droit de faire, ce qu’on attend de nous…

Pourquoi autant d’embranchements morts ? D’interactions insignifiantes ? D’objets à collecter dont on ne sait même pas s’ils servent à quelque chose ?

Pourquoi ces autres bestioles présentes dans les ombres ? Sont-ils des amis à délivrer ? Des indices ? De simples décorations insignifiantes ?

Pourquoi dans un niveau je peux contrôler la petite bestiole à ma guise sans avoir à me soucier du gamin alors que dès le niveau suivant je me retrouve comme un chien attaché à une laisse qui ne peut plus avancer si le gamin n’avance pas avec lui ?

Pourquoi d’ailleurs ce fil dessiné au sol ? Que signifie-t-il vraiment ? Que doit-on en faire ?

Pourquoi, quand je contrôle la bestiole, je peux la plupart du temps me moquer des obstacles physiques pour ne considérer que les ombres au sol et d’autres fois je me retrouve bloqué par un muret, une vitre, un grillage ?

Pourquoi je peux profiter de l’effet de torsion de la pancarte alors que c’est l’élément physique de la pancarte qui dispose de cette particularité et non l’ombre ?

…Et toujours cette question qui persiste : mais je dois faire quoi bordel ?!!


Ce n’est qu’à partir du septième tableau que les enjeux se clarifient enfin. Voilà que bestiole et gamin (devenu adulte) se retrouvent séparés et il convient dès lors de les faire se retrouver.

Seulement voilà, pour que la bestiole que nous incarnons puisse retrouver l’être auquel elle est associée, le jeu nous désigne pour chaque tableau un objectif à atteindre et ensuite c’est « roule ma poule ». Les objectifs désignés sont souvent posés là, comme ça, arbitrairement. Pourquoi ici la femme qui fait coucou ? Pourquoi le camion ? Le chien ? La cycliste ? L’enfant au skateboard ? L’intrigue peine à nous le dire, alors on obéit sans trop discuter. Et si jamais en cours de route on oublie (ce qui peut arriver, vu comment ça manque de logique et de clarté), alors heureusement, le développeur du jeu a prévu pour nous la touche ZR.

ZR, c’est la preuve ultime que le développeur du jeu a bien compris que quelque chose n’allait pas dans le cheminement de son jeu, mais qu'il a préféré rajouter une rustine plutôt que de corriger le problème de fond. Et le problème c’est qu’avec ZR en main, on n’a même plus la motivation ni la raison de chercher à comprendre une quelconque logique au tableau qu’on nous propose. On trace tout droit et puis basta…


Alors après, c’est vrai que ça n’empêche pas quelques rares moments bien sentis. Par exemple, c’est vrai qu’en décidant de tracer tout droit son chemin sur les premiers tableaux, on assiste au déroulement d’une longue marche continue durant laquelle chaque obstacle visuel est l’occasion de faire une ellipse dans la vie du personnage ; longue marche qui fonctionne d’autant mieux qu’à chaque ellipse, des gens nous suivent, nous rejoignent, nous laissent. Parfois on est avec les potes, et puis brusquement on a abandonné cette compagnie-là pour celle de notre petite-amie qui, au tableau suivant, n’est plus là. Du coup on marche tête baissée, et les aplats de couleurs du décor évoluent alors en fonction. Donc oui, d’accord, je vois l’idée…

…Mais pour que cette séance fonctionne au mieux, il faut tracer donc tout droit, ne s’arrêter sur rien et n’interagir avec rien. Bref, qu’il s’agisse de la manière dont la narration s’organise ou bien qu’il s’agisse des effets induits par l’usage intempestif de la touche ZR ; tous deux nous envoient ce même message pour le moins sidérant : surtout ne cherchez pas à jouer ! Foncez ! Déroulez l’intrigue ! Ne fouillez rien ! Ne cherchez rien ! N’expérimentez rien !


Et voilà comment SCHiM nous invite systématiquement à le traverser plutôt qu’à réellement le pratiquer.

De toute façon, il n’y a jamais vraiment de réelle opposition sur le chemin. On sent que l’idée même de puzzle game revendiquée par le jeu lui-même n’est qu’une identité de façade.

Il n’y a RIEN de mobilisant intellectuellement dans SCHiM. Au plus difficile, il faut juste découvrir un élément avec lequel interagir pour avancer, ce qu’on a généralement tendance à trouver en tâtonnant, voire en forçant vu comment les mécaniques des tableaux peinent à se faire deviner par elles-mêmes.

D’ailleurs, sur les trois heures qu’il m’a fallu pour finir le jeu, le seul endroit où je me suis vraiment retrouvé bloqué fut une porte vitrée automatique située au début du sixième tableau. Car oui, dans SCHiM, on peut se retrouver bêtement bloqué devant une porte vitrée AUTOMATIQUE.

Et vous voulez savoir la blague que contient cette anecdote ?

Il a fallu que je consulte une soluce pour que je me débloque.

Et vous voulez même que je vous révèle la blague qui était dans cette blague ?

C’est qu’en fait j'avais oublié de garer mon vélo avant d'entrer.

Alors OK, après coup, rentrer dans un immeuble un vélo à la main, c'est normal que le jeu cherche à m'en empêcher. Mais ça s'est traduit comment dans SCHiM ? J'ai la place de passer, la porte s'ouvre, et pourtant je ne passe pas. Jamais le jeu ne m'a fait expérimenter le principe d'avoir à ranger ou parquer quoi que ce soit. Il y a certes un garage à vélo sur le chemin, mais rien n'est fait pour me le mettre en évidence et pour me le faire considérer autrement que comme un énième et banal élément de décor. Du coup, bah moi, comme je veux aller au plus direct, j'avance. Et découvrir a posteriori qu'on a été bloqué parce que le jeu n'a pas anticipé de situation pour s'assurer qu'on range son vélo avant d'entre, je trouve franchement que ça la fout mal. Considérer même après coup qu'il aurait suffi de nous laisser les commandes cinq secondes plus tard, une fois le vélo garé, pour régler le problème, ça la fout encore plus mal. Pire encore ! Vu que tout le chapitre ne consiste qu'à avancer juste pour faire se dérouler l'histoire et qu'il n'y a ABSOLUMENT aucun enjeu ludique dans cette phase, à quoi sert ce chapitre ? Je veux dire : ludiquement parlant, qu'est-ce qui justifie jusqu'à l'existence-même de ce chapitre ?

Franchement. Est-ce qu’en disant ça, on n’a pas un peu tout dit du peu de considération porté par le développeur sur les mécaniques ludiques de ce jeu ? Moi je trouve que si…

Putain, 25 euros quoi…


Alors après, moi ça ne me dérange pas qu’un jeu veuille avant tout se focaliser sur ce qu’il a à raconter hein… Mais à condition qu’on sache adapter la forme au fond ; le jeu au récit !

Là, le problème, c’est qu’on a des mécaniques de jeu et un récit qui ne savent jamais vraiment interagir ensemble et qui, en plus, pris séparément, se révèlent d’une pauvreté assez consternante.

Parce que bon, d’un côté, ce n’est pas comme si SCHiM avait quelque chose de si profond et de si neuf que ça à nous raconter. Au contraire, on nous ressort encore ici le même cliché usant du regard porté sur l’existence slash des tournants qu’on n’a pas su prendre au bon moment slash de ce mal-être qui s’est développé en nous parce qu’on ne s’est pas trouvé soi-même… Or, ça, désolé, mais pour moi c’est bon ; j’ai ma dose. J’ai déjà donné. Pour le pire comme pour le meilleur, je me suis personnellement déjà enquillé des jeux comme Journey, Edith Finch, Celeste, Mutazione, Spiritfarer, Old’s Man Journey, Arise : A Simple Story… Ces thématiques-là, déclinées selon ces modes narratifs-là, je les connais par cœur. Alors ce n’est pas en débarquant en 2024 avec cette banale histoire de déprime déclenchée par le fait de ne pas avoir su trouver sa voie professionnelle qui va me permettre d’oublier les terribles lacunes ludiques et narratives de ce jeu.


C’est terrible, mais gameplay et intrigue semblent tous ici deux pensés pour être chacun le cache-misère de l’autre. Et comme un terrible révélateur du véritable impensé de ce jeu, c’est que toutes les opportunités offertes par l’intrigue d’enrichir gameplay sont systématiquement loupées.

Par exemple, j’évoquais quelques paragraphes plus haut ce moment où la vie du héros se déroulait au cours d’une longue marche à ellipses. Une séquence que j’avais qualifiée d’efficace mais qui avait ceci de frustrant qu’elle nous imposait de ne surtout pas mobiliser les mécaniques du jeu… Or pour le coup ça a été une sacrée occasion de perdue ! Parce qu’à en croire la description du jeu faite sur le Nintendo eshop, la petite bestiole qu’on contrôle dans l’ombre du personnage principal est un petit esprit censé animer l’existence de ce dernier et le guider sur la voie qui est la sienne. D’ailleurs c’était ce qu’on faisait depuis le départ : on se déplaçait d’ombre en ombre pour guider le personnage principal vers ses futurs amis, sa future vocation, etc. Mais, du coup, quelle opportunité de loupée ! Mais pourquoi ne pas avoir laissé au joueur la possibilité de choisir entre poursuivre le chemin ou s’arrêter à une des étapes proposées ?! Dans un tel cas de figure, on aurait ainsi rompu avec une narration tristement linéaire et on aurait ouvert une voie à une narration à embranchement dans laquelle le joueur aurait pu s’investir !

(Par exemple ça aurait été sympa si, en début de jeu, on avait guidé notre personnage vers les sorties entre potes, ce dernier se serait par la suite mis à déprimer du fait qu’il n’ait pas su se donner les moyens d’avoir un travail gratifiant. A l’inverse, si on lui avait fait faire le choix d’intégrer le corps des pompiers, il aurait pu déprimer du fait que ça lui ferme la possibilité d’une relation avec cette fille qui lui plaisait bien mais qui aspirait à davantage de sécurité. Ou alors – troisième possibilité – il fait le choix de la fille, mais ça implique alors d’intégrer ce boulot d’employé de bureau lui aussi bien déprimant. Ainsi pensé, SCHiM, au lieu de nous proposer une longue partie bien redondante de trois heures, aurait pu nous proposer trois parties d’une heure chacune ; lesquelles se complétant aussi bien en termes de gameplay qu’en termes de propos. Parce qu’en ce qui concerne le propos, pour ma part, je trouve que ça aurait été bien plus intéressant et original d’avoir un jeu qui nous dise : « arrêtons de nous plaindre de ce qu’on n’a pas eu et assumons nos choix » plutôt que le traditionnel leitmotiv libéral : « j’arrête de déprimer sitôt j’ai trouvé ma voie ».)

Et puis, même sans aller aussi loin, il y avait tout au long de cette aventure des pistes bien plus simples et évidentes à exploiter et à côté desquelles ce SCHiM passe étonnamment.

Je trouve par exemple sidérant qu’un jeu basé sur les ombres projetées n’ait pas pensé un seul instant à tirer profit d’un épisode d’incendie pourtant imposé par l’intrigue !

Enfin merde quoi ! Un INCENDIE ! Et à aucun moment le développeur s’est dit : « tiens, et si j’en profitais pour intégrer toute une série de mécaniques nouvelles liées aux jeux d’ombres et de lumières générés par les flammes ? » Mais non ! Rien de ça ! Tu as des flammes et les ombres restent désespérément statiques ! Comme lors des trois heures précédentes ! Aucun enrichissement ! Mais quelle fainéantise !

Putain ! 25 balles quoi !


Franchement, j’en ai ras le cul de ce genre de foutage de gueule.

J’en ai ras le cul de ces prises en otage régulières du principe du « jeu concept ».

Parce qu’en vrai, il aurait pu être chouette ce jeu si son concept avait été un minimum creusé.

Et pourquoi on n’aurait pas pu contrôler d’autres personnages en rentrant dans leur ombre, par exemple ? Pourquoi ne pas avoir défini des niveaux de plateformes plus ou moins faciles pour accomplir certains objectifs de vie ? Et puis, tout simplement, pourquoi ne pas penser une histoire à fins multiples selon nos différents choix ?… Là, au moins, on aurait eu une vraie osmose entre intrigue et gameplay ! Et là, d’ailleurs, le titre du jeu aurait pris tout son sens !

Parce que, dans ces conditions, franchement, si je n’avais pas lu après coup la description faite par l’auteur de son jeu sur le Nintendo eshop, je ne suis pas sûr que j’aurais pleinement saisi son intention en me contentant de simplement y jouer.


Qu’on se le dise – et surtout que les développeurs se le disent : il y a autre chose à faire avec le « jeu concept ». Mais pour ça il faut y mettre un minimum de rigueur et d’ambition. Parce que ce n’est pas comme si le « jeu concept » était une arnaque par principe. Non. C’est juste qu’un « jeu concept », ça ne marche que si on explore le concept, et j’entends par-là qu’on l’explore d’abord ludiquement.

Parce que bon, si on y réfléchit bien, à la base, Mario, c’est un jeu concept aussi hein. C’est qu’à cette époque, construire un jeu sur l’idée qu’on allait devoir sauter de plateforme en plateforme, c’était original et minimaliste comme principe. Et pourquoi ça a marché au point que des milliers de titres lui aient emboité le pas pendant des décennies ? Ce n’est pas parce que Mario était une saga qui savait nous raconter de manière vachement épurée et esthétiquement séduisante la quête d’un jeune charpentier / plombier devant surmonter les adversités de la vie pour sauver sa bien-aimée. Non, si ça a marché, c’est parce que d’un concept simple, le jeu en a développé toute une série de mécaniques de plus en plus complexes. Et si l’univers narratif a pu éventuellement séduire par la suite, c’est parce que celui-ci s’explorait et se comprenait au travers de son univers ludique.

Ça, c’est le genre de jeu concept qui met des étoiles dans les yeux. Et c’est ce qu’ont d’ailleurs aussi su faire des jeux comme Portal, Braid, FEZ, Celeste, Return of the Obra Dinn ou bien plus récemment Cocoon.


Là, dans SCHiM tous les choix opérés puent le basique cochage de cases.

Pire, en plus d’être du banal cochage de cases, c’est du mauvais cochage de cases, parce que toutes les cases du jeu trendy que le jeu essaye de cocher participent parfois à produire des non-sens.

Tiens, un truc tout con : on reparle de cette idée de l’épure pour l’épure ? Pour les visuels, le choix a donc été fait de ne se réduire qu’en des lignes claires très dépouillées et des aplats uniformes souvent réduits à seulement quelques couleurs. Conséquence toute bête d'un tel choix : tous les personnages n’ont pas de gueule. Rien ne les distingue des autres, si bien que, pour raconter une histoire, ça devient compliqué, surtout quand ta narration est lardée de temps de chargements et de choix de mise en scène pas toujours heureux.

Parce que bon, comment je fais pour déduire que les deux gamins du tableau 2 sont les mêmes que ceux du tableau 1 ? La direction artistique m’a invité à ne pas les considérer et à ne les percevoir que comme des outils. A cela s’ajoute le fait que le choix des couleurs entre les deux premiers tableaux n’est pas le même, suggérant dès lors une déconnexion entre les deux lieux ; suggestion renforcée par le fait que les gamins quittent le tableau 1 par le haut à droite alors qu’ils intègrent le tableau 2 par le haut à gauche. Précisons enfin que les deux tableaux se retrouvent séparés par un temps de chargement qui suggère une ellipse et la confusion est dès lors totale. Rien n’a été fait pour attirer notre attention, pour lier les informations. Et ce n’est que bien plus tard qu’on comprend que le but de toute cette scène était de faire comprendre d’où était venue la future vocation de pompier de notre personnage.

C’est juste mal branlé.


Alors d’accord ; je m’acharne peut-être durement sur un jeu qui ne le mérite pas tant que ça. Au moins celui-ci offre de beaux tableaux, une esthétique délicate, des moments se voulant touchants. Pourquoi vouloir se fermer à ça ? Pourquoi ne pas accepter ce petit moment de poésie qui peut toucher pour peu qu’on accepte un petit peu de se laisser séduire ?…

Eh bah parce que 25 balles. Voilà pourquoi.

25 euros. 25 putain de boules. Et non, ce n’est pas anodin dans une industrie où chaque jeu doit réussir à se faire sa place pour espérer enrichir le média en son entier.

Pour information – et histoire que vous compreniez où je veux au final en venir avec tout ça – il faut que vous sachiez que, le même jour, je me suis payé Balatro et que c’était littéralement deux fois moins cher. Pourtant Balatro c’est aussi un jeu de 2024. Alors OK, en termes de modélisation, LocalThunk n’a pas dû abattre autant de travail qu’Ewoud van der Werf pour son SCHiM, mais Balatro, c’est un jeu pensé – profondément pensé – et qui offre une vraie perspective ludique susceptible de m’émoustiller des soirs entiers.

Quand j’ai perdu ma première partie de Balatro, je n’avais qu’une seule envie, c’était d’en relancer une, puis encore une autre. Dans SCHiM, au bout d’un quart d’heure, j’en étais déjà à marteler la touche ZR en espérant qu’on m’indique le plus rapidement la sortie.

Pour moi, tout est dit.


Je n’ai pas fini Balatro, mais alors que mon temps libre se fait particulièrement rare ces derniers temps, il me donne envie de ressortir ma carte bleue parce que, pour le prix d’un menu de fast food, oui, je suis prêt à donner sa chance à d’autres jeux de me surprendre et de me convaincre.

S’il n’y avait eu que SCHiM, mon sentiment serait sûrement diamétralement opposé aujourd’hui. Je me dirais : « fini les prises de risque », surtout à 25 euros l’enfilade.

Donc ras le cul des jeux concepts qui se prennent pour des divas sous prétexte qu’ils sont des jeux originaux (alors qu'en plus ils n'en sont même pas). Ras le cul des développeurs qui pensent pouvoir se faire du beurre sur de simples « airs de ».

Certes le plaisir n’a pas de prix.

Mais le fait est que le jeu a un coût.

Donc dans ce cas que les viles forfanteries,

Soient rappelés à la valeur de nos sous.


Créée

le 1 oct. 2024

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