Tous les plus gros fans de JRPG ont eu la joie de découvrir la magnifique fan trad' disponible sur le net, avec le mode à plusieurs joueurs... Et mon dieu qu'elle aventure, on aurait eu très mal fait de rater un tel titre.
Une suite directe de Secret of Mana, sortie uniquement au Japon, que l’on fantasmait à coups de captures pixelisées et de traductions amateurs bancales… jusqu’à ce qu’enfin, bien des années plus tard, on puisse y jouer officiellement sous le nom de Trials of Mana.
Et on aurait eu tort de passer à côté.
Parce que Seiken Densetsu 3, malgré ses défauts, est une merveille de construction, d'ambiance, et de possibilités. Un jeu qui a su affiner la formule de son prédécesseur tout en proposant un niveau de personnalisation et de liberté qu’on n’aurait jamais osé espérer à l’époque.
La première claque, c’est ce système de choix de personnages. Six héros, trois que l’on sélectionne pour composer son groupe, avec une histoire qui s’adapte en fonction du trio choisi. C’était déjà un pari ambitieux à la sortie, mais ça reste aujourd’hui un modèle de rejouabilité intelligente. Ce n’est pas qu’un simple changement cosmétique, les antagonistes changent, les lieux évoluent, et surtout, la dynamique entre les personnages crée des variations subtiles mais marquantes dans le ressenti de l’aventure. Le fait que chaque personnage ait son propre passé, ses motivations, ses liens avec certains boss, donne au monde de Mana une épaisseur qu’on ne soupçonnait pas.
Le gameplay, quant à lui, reste fidèle à l’ADN de la série, des combats en temps réel avec une part de stratégie, mais ici grandement fluidifiés par rapport à Secret of Mana. L’abandon de la jauge de 100% pour les attaques, l’introduction d’un système de classes évolutives (jusqu’à quatre par personnage !) et la diversité des sorts permettent une montée en puissance à la fois grisante et gratifiante. On passe progressivement d’un trio maladroit à une escouade redoutable, avec des builds très différenciés selon qu’on opte pour une classe de lumière ou de ténèbres.
Il y a quelque chose de presque tactique dans la gestion de l’équipe, et c’est là une des grandes réussites du jeu.
Visuellement, Seiken Densetsu 3 pousse la Super Nintendo dans ses derniers retranchements. Les effets de lumière, les palettes de couleurs, les sprites détaillés, les animations de sortilèges… tout transpire le soin et l’élégance. C’est un jeu qui a de la grâce dans son pixel art, avec des environnements somptueux, les forêts enchantées, les volcans rugissants, les cieux suspendus… Chaque région a une ambiance propre, une musique mémorable, et une architecture visuelle marquante. Kikuta, encore lui, livre ici une OST d’une richesse rare, moins mélancolique que celle de Secret of Mana, mais plus diversifiée et parfois même plus marquante sur certains thèmes de boss ou de zone.
Et malgré tout ça, il y a une simplicité dans la narration. On n’est pas dans un grand récit shakespearien. C’est un conte, à nouveau. Mais un conte qui gagne en noirceur, en mystère, en souffle épique aussi. On est loin des longs dialogues alourdissants, des twists à répétition, ici, tout est clairement posé, efficacement rythmé, avec une montée dramatique bien dosée. Même si les personnages secondaires ne sont pas tous très développés, on retient les silhouettes, les enjeux, les tensions.
Est-ce que tout est parfait ?
Non, bien sûr.
L’IA alliée reste un peu gauche, parfois agaçante dans les boss fights. Certains donjons tournent vite en rond, et la dernière ligne droite multiplie les combats obligatoires sans toujours varier les mécaniques. Mais ce sont des scories, honnêtement. Rien qui ne vienne entacher la puissance de l’expérience.
Et puis surtout, il faut replacer Seiken Densetsu 3 dans son contexte, un jeu de 1995, qui proposait déjà une construction non linéaire, des choix déterminants, une personnalisation de classe, et une réelle ambition narrative modulaire… C’était en avance!
Aujourd’hui, très peu de JRPG osent ce niveau de souplesse. C’est une œuvre majeure, qu’on a eu la chance de voir enfin traduite et reconnue à sa juste valeur, même tardivement.
C’est un jeu qui m’a touché. Qui m’a rappelé pourquoi j’aimais les RPG. Pourquoi la magie d’un monde cohérent, la musique, les rencontres, les décisions, pouvaient suffire à me faire rêver pendant des dizaines d’heures.
Si Secret of Mana avait ouvert la voie avec poésie, Seiken Densetsu 3 l’a poursuivie avec une maturité inattendue. Pas juste une suite. Une renaissance, longtemps restée cachée et une récompense pour tous ceux qui n’avaient jamais cessé d’y croire.
PS: Son remake en 3D est de bonne facture. Il n'a pas la même aura et le charme de l'original reste intact. Mais si le remake permet de faire redécouvrir ce classique, alors je suis totalement pour!