Silent Hill: Homecoming
5.4
Silent Hill: Homecoming

Jeu de Double Helix Games et Konami (2008Xbox 360)

Silent Hill est pour moi bien plus qu'un jeu, et plus qu'une expérience vidéo ludique. C'est véritablement, à l'image de la ville, un endroit coupé de tout, fictif, et perdu mais aux ressentis bien réels. Mais c'est aussi une vision très personnelle des sentiments humains. Un lieu où l'esprit est plus torturé que la chair. Une ville où des âmes tourmentées errent à la recherche de vérité, de bien être, de repos et de paix intérieure... Surprenant pour une ville si peu accueillante, pourtant c'est bel et bien le cas, même pour le joueur. Se perdre dans le brouillard, plaisirs délectables propres à la série. Du moins c'était le cas pour la série jusqu'à maintenant.
Parce que cet épisode n'a finalement de Silent Hill que le nom. Explications.

On pourrait résumer Homecoming en disant qu'il s'agit là de l'adaptation d'une adaptation. Du fan-service contre-productif de fan-service peu pertinent. En reprenant certaines mises en scène du film, certains ennemis et certains effets, les développeurs ont, par moment, presque brisé l'immersion dans le jeu tant ca manquait de personnalité. J'ai eu cette impression dès le premier trailer sur le site du développeur. Mes craintes ont réellement commencé en voyant Pyramid Head, personnage devenu emblématique dans la série, et il y a de quoi quand on connait son origine. Il aurait fallu que cet épisode suive simplement la série sans reprendre la flamme du film avec tous les relans marketing qu'il y a derrière, parce que le film (tout de même de qualité pour moi) a également son petit lot d'incohérences et de perversions par rapport à l'histoire originale. Et la théorie de Gans sur Pyramid Head ne tient pas debout non plus. Pour moi, il l'a juste mis pour flatter les joueurs et titiller la rétine des spectateurs.

Si on ne peut comparer un Resident Evil et un Silent Hill, on est en droit de comparer deux Silent Hill entre eux. Et c'est extrêmement délicat de parler du scénario sans spoiler. Mais, même s'il a déchainé les interprétations des joueurs sur l'origine et l'apparition de certains monstres dans cet épisode, ils restent pour moi des repompes racoleuses pour renforcer la mise en scène, attirer le chaland, et perdre en crédibilité, fatal. Grossière erreur.

Moins impressionner pour continuer humblement le mythe de la série aurait été cent fois plus judicieux. La révélation des liens entre Pyramid Head, Lying Figure (etc) et James de Silent Hill 2 étaient incroyables au niveau de l'histoire. Ici, on aura beau débattre des heures durant, ils n'ont décidément rien à faire. Ayant, de toute façon le culte du respect des œuvres originales. Il est, pour moi, presque inconcevable de recycler des éléments clés à droite à gauche pour composer sa fausse "propre création". Exemple, quand Harry en son temps cherchait Cherryl. Aujourd'hui Alex cherche Josh. L'apparition de Robbie, etc. Et ne faites pas passer ça pour du clin d'oeil. Il y aurait eu d'autres meilleures façons de le faire.

Deuxième chose sur l'histoire. Rassurez-vous, quelques rebondissements fort bienvenus viendront ponctuer la narration et tenir en haleine le joueur mais elle est bien moins psychologique et triste que les autres épisodes. Et à titre personnelle je rentre moins dans le délire "secte/culte". Mais si l'histoire gagne en intensité, elle coupera les vivres de manière assez violente et sèche sans le moindre ménagement. Un finish frustrant qui laisse l'imagination des joueurs finir l'histoire, une feinte bien connue des scénaristes en manque d'inspiration. Mais que serait un Silent Hill sans sa surenchère d'informations et de rencontres inutiles sur ce qu'il se passe sur la ville et filtrer celles qui sont capitales pour que les éléments clés du scénario rentre dans ses cases.

Quant au reste du jeu, il y a tout de même du positif, bien qu'entaché. Pour chaque haut, un bas. C'est coutume de nos jours on va dire.
Graphiquement particulièrement inégal, il oscille entre un bestiaire de boss absolument extraordinaire, tous marquants, écoeurants et dérangeants. Et des modélisations faciales qui tiendraient sur une PS2 bancale, oui, oui. Silent Hill 3 est bien plus abouti. Comparez Douglas, Heather, Vincent de SH3 et Alex (correct), le Juge Holloway (immonde), Wheeler (moyen), la mère d'Alex (dégueulasse), le père (mal texturé). Assez déroutant. Surtout que, comme je le dis souvent, l'émotion passe par les visages, et ce n'est pas le cas ici, rien ne transparait. Mais les décors et certains effets spéciaux (je pense aux transitions des deux mondes) sont délicieux. Bien que parfois beaucoup trop sombres, l'aspect métallique rouillé est vraiment bien rendu. Les halos de lumières sont vifs et lumineux. Et fort heureusement, l'orientation "action" du jeu donne naissance à quelques passages marquants. Autre apport également : les choix dans les dialogues, dont certains auront une influence primordiale.

J'attendais également beaucoup des musiques de Yamaoka, étant un très grand fan depuis une douzaine d'année, et les meubles sont sauvés. Sans être du niveau de l'OST de SH2, les compositions collent parfaitement. Akira continue dans son orientation pop-rock chanté par Mary Elizabeth Mc Glynn et c'est pas mal du tout. Le thème "One more soul to the call" est somptueux. Les compositions instrumentales sont assez épurées. Mais comme elle est loin la richesse des thèmes de Theme of Laura, Promise, Love Psalm... Au moins, l'esprit sonore est toujours là. Sans lui, la série sera orpheline et perdra pour le coup le peu d'authenticité qui lui reste. Et dire que l'avenir sonore de la série est incertain...

Le gameplay est en cohérence avec le scénario on va dire. On joue un soldat, et il est donc logique d'avoir un jeu plus rythmé et plus violent. Les bruitages des impacts de coups sont excellents, bien percutants. Cohérent donc, mais malvenu. La série avait déjà opté le virage pour l'action dans SH3, bien gérée certes mais Silent Hill n'est pas un shooter. Homecoming l'est encore plus. Alex est un soldat, et même si l'histoire le justifie par moment, il n'a pas l'air si étonné que ça de croiser tout ce bestiaire. L'histoire de SH2 justifiait aussi les monstres mais la peur de James était palpable, il était en panique permanente. Ce qui donnait lieu à d'autres théories comme quoi le rôle des hommes et des femmes dans la série était inversé, que les personnages forts et résistants n'étaient pas des hommes. Introduisant le concept du "antihéros" et donc de proximité avec le personnage principal, faible et fragile. Là, non. Notre héros encaisse et fonce dans le tas, quitte à être vraiment bourrin.
Et qui dit action dit énigmes simplistes. Pas simples, simplistes. A l'exception d'une absurdement difficile, qui tient plus de la patience que de la logique. Remarquez, je n'ai jamais été un grand adepte de certaines énigmes de certains Silent Hill. Comme celle dans le 2 où il fallait fouiller l'hôpital entier pour retrouver un cheveu qui permettait d'avoir une clé qui permettait d'ouvrir un coffre qui permettait d'avoir une autre clé, évidemment tous disposés aux quatre coins du niveau...Enfin, à peu près, mais l'idée est là et c'était quand même bien lourd.
Et l'aspect "simulateur d'ouverture de portes" est toujours d'actualité. Quatre portes sur cinq sont fermées donc on passe un temps fou à consulter la carte pour voir les portes qu'on a pas ouvertes. Il serait grand temps de réflechir là-dessus. Le jeu dispose de plusieurs fins, mais il n'est pas dit que le joueur ait l'envie de se replonger dans le plus mauvais Silent Hill de la série. Loin s'en faut, car seuls les acharnés y viendront à bout.

Quelle cruelle déception. C'est d'autant plus rageant car la magie opère par moment, mais l'histoire monte en puissance jusqu'à mourir quand elle atteint son paroxysme, déchainant les interrogations du joueur, emportant avec elle l'esprit de la série. Mais on se fait balader en permanence, on passe d'un monde à l'autre sans réelle logique, on se réveille subitement, on croise des PNJ qui n'apportent rien... Pourquoi ? Pour immerger le joueur ? Pour donner un aspect artistique-conceptuel ? Pour prouver que les développeurs ont joué aux anciens ?
Mais ce n'est pas un mauvais jeu, les néophytes n'ayant que faire de la série et de ses origines et qui veulent juste se mettre dans l'ambiance peuvent se lancer sans acquis préalables et accroitre en même temps leur culture du Survival. Mais les fans de la première heure tenant le titre en joue depuis le début (comme j'ai pu le faire) ne laisseront passer ni le fameux Pyramid Head, ni le nom de famille d'Alex, et encore moins le fait que Silent Hill Homecoming ne fait tout simplement pas peur.

Aujourd'hui c'est le douzième anniversaire de la série. Alors certes, ce n'est que maintenant que je le fête n'ayant pas eu le courage de me lancer jusqu'à maintenant puisque tout de même rebuté. Mais j'aurais tant aimé le fêter dans de meilleures conditions tant à l'époque on ressortait changé de chaque épisode, et aujourd'hui, plutôt débarrassé. Si on a bien compris que la Silent Team a définitivement abandonné son bébé, confiez-la au moins des studios plus compétents, comme Climax.

Finalement, le problème de Silent Hill Homecoming n'est pas tant technique et pas vraiment artistique puisque globalement réussi (surtout les boss). Son problème, c'est que ce n'est pas un Silent Hill, c'est une anomalie. Il aurait même du en arborer le sous-titre.


Pour résumer :

+ Bestiaire extraordinaire, surtout les boss
+ Des passages réussis et bien mis en scène
+ De vrais rebondissements
+ Musicalement toujours dans le ton
+ Sound design de qualité
+ Certains décors et effets fantastiques
+ Une histoire de qualité, tout de même
+ Personnages marquants
+ Deuxième partie bien plus intéressante

- L'esprit Silent Hill dissipé, avec la peur
- Un coté impersonnel
- Du fan-service de fan-service
- Parfois illogique et incohérent par rapport à la série, c'est osé
- Enigmes simplistes, qui font plus perdre du temps qu'autre chose
- Ouvrir des portes...en vain
- Finish frustrant, go interprétations sur les forums
- Action de bourrin, sans finesse
- Authenticité en perte
- Aucune replay-value
- Le mélange d'un peu tout et n'importe quoi
- Aucune émotion ressentie
- Plus aussi symbolique qu'auparavant...
- ...et plus aussi poignant
Otakiron
5
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le 2 févr. 2011

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Otakiron

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