En 1996, quand le premier volet de la saga Star Ocean est sorti sur Super Famicom, nombreux sont ceux qui sont sont restés, une larme à l'oeil, à regretter de ne pas parler japonais, et, par conséquent, de ne pas pouvoir se lancer dans les aventures promises par ce jeu. Alors maintenant que Tri-Ace et Square-Enix proposent une relecture de leur jeu de rôle, n'est-ce pas un peu tard pour découvrir les avancées réalisées plus de dix ans avant ?


La question peut légitimement se poser, tant le jeu vidéo a cette particularité de toujours se relire pour apporter des nouveautés, si minimes soient-elles, qui savent relancer l'intérêt d'un jeu, ou d'un type de jeu. C'est d'autant plus vrai dans le genre ultra-codifié du jeu de rôle à la japonaise.

Commençons par s'intéresser à ces codes, donc.
Le jeu de rôle japonais repose la plupart du temps sur un système de combat, sur la gestion de l'équipement et sur l'amélioration des capacités des personnages via des menus et des points. Les affrontements se déroulent bien souvent au tour par tour, et on doit alors décider à l'avance des actions de son héros et de ses équipiers, avant de voir le résultat de ces décisions prendre forme en animations finalement peu interactives. Mais à la sortie de Star Ocean, premier du nom, Tri-Ace avait tenté quelque chose de différent. Point de tour par tour ici, mais plutôt un combat dynamique, un peut à la manière d'un beat them all dans une arène, mais à quelques différences près.

En effet, ici, plusieurs opportunités nous sont laissées pour rendre le combat un peu plus subtil : on peut décider de se positionner de manière stratégique à l'entrée sur le champ de bataille, on peut à tout instant changer de personnage à contrôler, et surtout, on peut donner des indications sur le comportement des combattants lorsqu'on ne les contrôle pas. Du coup, les affrontements ne sont pas une succession interminable de décisions/attente, mais bien un moment dynamique au cours duquel on doit agir à tout instant. Malheureusement, la faiblesse de l'opposition généralement rencontrée fait que l'on se retrouve très vite à ne contrôler que le leader du groupe, et qu'on ne lui demande que de frapper les ennemis à l'épée. Du coup, on s'ennuie un peu, d'autant que les combats sont aléatoires, inévitables et très fréquents dans certaines zones.

En ce qui concerne les autres clichés du RPG japonais (l'équipement et les points d'expérience, donc), Star Ocean fait preuve, là encore, d'une certaine richesse. Car après chaque victoire, on récolte des Skill Points, permettant d'augmenter des capacités extrêmement variées : écriture, musique, aptitudes au combat, capacités physiques, tout y passe. Cela permet en fait de développer des spécialités vraiment diverses pour customiser son équipement (en mélangeant une arme à un minerai, par exemple), pour cuisiner (!) des plats qui serviront de rations redonnants points de vie ou de magie, de jouer de la musique qui augmentera les chances de réussite de telle ou telle action, bref, c'est vaste. C'est tellement vaste qu'on se dit qu'on a sous les yeux une diversité d'approches de ce jeu potentiellement incroyable. Mais c'est aussi tellement vaste qu'on se rend compte très vite qu'on a pu faire de mauvais choix dans l'exploitation de ces capacités, qu'on a mal réparti les points.

C'est d'ailleurs à la fois un avantage et un inconvénient : pour qui aime le jeu, cela donnera une indéniable envie de reprendre tout de suite l'aventure pour mettre en lumière ce qui aura été délaissé lors de la première partie ; en revanche, pour qui à dû se forcer pour aller au bout de l'aventure, c'est bien la frustration qui prendra le dessus.

Passons à un autre aspect classique des jeux du genre : les rencontres que l'on fait et qui permettent d'étoffer l'équipe au fur et à mesure de l'aventure. Ici, elles sont à nouveau mises en oeuvre de manières variées. On peut faire des rencontres classiques, au cours de l'aventure principale, mais on peut aussi prendre certaines décisions (lors de discussions, par exemple), accomplir certaines tâches qui influeront sur l'histoire et sur les personnages qui se rallieront à notre cause. On peut par exemple dans chaque ville se séparer de ses compagnons pour explorer les lieux seul, et ainsi discuter avec des gens qui n'auraient rien eu à dire face à toute la troupe. Encore un aspect intéressant, un autre degré de liberté pour appréhender le jeu.

Sur tous ces aspects de mécanique de jeu, donc, Star Ocean se révèle riche et vraiment prometteur. Malheureusement, on rencontre presque toujours la possibilité de traverser le jeu tout droit, sans que l'on soit véritablement pénalisé par la difficulté ou une mécanique de jeu qui nous obligerait à approfondir l'ensemble des aspects de ce jeu. Mais au final, encore une fois, ce détail pourrait très bien peser dans les qualités du jeu, s'il n'y avait pas un grand défaut.


Ce défaut, c'est l'histoire qui nous est contée. On commence, une fois de plus, dans le registre on ne peut plus classique de l'héroic fantasy : un groupe de jeunes gens qui vont devoir affronter un destin supérieur en allant sauver le monde des forces maléfiques. Du moins, c'est ce que le premier quart d'heure laisse entrevoir.

Et c'est là que Star Ocean déçoit : il fait ensuite une promesse qu'il ne tiendra pas vraiment. Très rapidement, on se retrouve confronté à une lutte planétaire, à des questions d'invasion, de traités galactiques qui nous font prendre conscience d'une toute autre direction que le récit va prendre. On s'identifie alors à ces adolescents habitués à se battre à l'épée embarqués dans des histoires qui les dépassent, dans un monde scientifique qu'ils découvrent et ne comprennent pas forcément. Surtout que la façon dont les choses se déroulent est vraiment intéressante : plutôt que de faire la part belle à une 3D qui n'aurait pas été complètement maîtrisée (on le voit bien chaque fois que l'on se promène sur la carte du monde), les développeurs ont choisi de conserver la majeure partie du jeu dans une 2D bien souvent impeccable. On voit alors les personnages qui parlent en plan rapproché, dans un character design vraiment bon (et surtout éloigné des clichés des derniers Final Fantasy), le tout sur des musiques très bonnes et on se dit du coup que le jeu prend définitivement du coffre.

Sauf que tout cela vole en éclat à la première occasion. La qualité des musiques de la scène d'introduction ne sera par exemple jamais retrouvée par la suite, les dialogues importants, qui font presque tous appel à de vrais enregistrement plombent complètement l'attachement qu'on pourrait ressentir pour les personnages, tant le doublage est horrible (entièrement en anglais, comme les sous-titres, d'ailleurs). Je m'excuse de le dire, mais j'ai l'impression d'entendre parler des winners américains qui récitent un texte de manière mécanique, pas naturelle et tout simplement insupportables à la longue. Tant qu'à proposer de la richesse à tout instant, pourquoi ne pas avoir proposé de désactiver les voix en début et en fin de combat, par exemple.

Par ailleurs, toute cette question des enjeux interplanétaires est totalement laissée de côté pendant les trois quarts du jeu. On croit bien que tout va repartir lorsqu'on devine un vaisseau spatial s'abîmer sur le premier continent visité. On se hâte pour voir le site du crash, pour s'apercevoir qu'en fait, il n'y a rien de neuf, il faut juste repartir dans sa quête comme si de rien était. Rude.

Alors, comme d'habitude dans un jeu du genre, on va faire des allers-retours, on va nous demander d'aller chercher tel objet, de donner tel autre au roi de telle ou telle contrée. Je ne peste pas contre cela, il y a suffisamment d'avancées proposées par ailleurs pour être contenté, mais j'aurais quand même souhaité que cette partie soit moins mise en avant que le dernier quart de l'aventure, qui reprend contact avec la science fiction. D'autant que ces personnages militaires rencontrés peu avant la fin, les questions de soulèvement populaire face à un oppresseur auraient pu être bien plus développés, celles de recherches génétiques, de colonisation, d'affrontement entre planètes également.

Sans compter, bien sûr qu'on a le droit aux habituelles remarques niaises (l'oppression, c'est pas bien, on va tuer le dictateur), aux surhommes qui une fois battus se transforment en monstres et aux prophéties qui disaient donc vrai...



C'est donc cela, Star Ocean, ou du moins l'expérience que j'en ai eu, quinze ans après la sortie de l'original. Ce remake est un jeu frustrant tant il est rempli de promesses, à tous les étages. La réalisation est franchement bonne, le gameplay dynamique, l'histoire promet des embranchements en fonction des décisions du joueur, le système de progression incroyablement riche, mais au final, rien ne semble vraiment récompenser le joueur qui veut croire en ces promesses.

Il reste donc le sentiment ambigu soit que le jeu est passé tout près de quelque chose, soit que c'est le joueur qui a manqué ce quelque chose de peu. Ce sentiment appelle sans conteste une nouvelle partie, mais les qualités du jeu donneront elles suffisamment de courage pour oublier les points noirs du jeu ? Je m'interroge encore.

Toujours est-il que pour les fans du genre, vu le prix auquel il est vendu aujourd'hui, il serait dommage de ne pas tenter l'expérience au moins une fois.
G_Savoureux
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes japonais rôle jouant jeu et autres et La PSP, c'est bien

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le 10 mai 2011

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G_Savoureux

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