J'aime les jeux Bethesda. J'ai une tolérance quasi infinie pour leurs errances, leurs bugs et incohérences de tout genre. Depuis Daggerfall, je perçois chez ce studio une forme d'inatteignables ambitions. Une volonté de puissance se heurtant aux limites technologiques; mais toujours une incontestable envie de générosité. J'ai aimé Morrowind, refait 3X OBLIVION et ai moddé un Skyrim, jamais terminé, pendant des centaines d'heures. Récemment, n'en pouvant plus d'attendre le messie Starfield, j'ai voulu relancer un certain Fallout 4. Je lui avais presque tout pardonné... J'ai vu le soleil se coucher sur les brahmines et mes 'colons' fixes et stupides sur le toit de mes abris mal branlés; j'ai toléré des quêtes impossibles à accomplir après 7 ans, des personnages enfoncés dans les sols, plafonds et parties assez intimes de leurs confrères PNJ que la bienséance m'empêche de vous décrire. J'ai fermé les yeux sur une histoire digne des soaps mexicains, j'ai embrassé un loot frénétique et dégueulasse de partie d'équipements hautes et basses, d'armures et de matériaux en tout genre, j'ai accepté mille et un allers retours pour vider des poches trop pleines dans des établis trop moches pour construire des bases trop inutiles... MAIS, j'ai aussi arpenté des villes et des déserts suffisamment bien construits pour permettre à une forme d'imagination de combler les lacunes béantes d'un projet aussi prompt à vous décevoir que Todd Howarrd lui-même.

Je n'ai pas aimé Starfield.

Il me faut vous l'écrire en un unique paragraphe afin de vous laisser digérer la nouvelle ou peut-être préparer votre meilleure insulte soulignant mon incompréhension, probablement due au fait unique d'être un vieux con blasé, dans l'espace commentaire.

Starfield est, à mes yeux, une tromperie sans nom et la démonstration finale d'un média corrompu prêt à tout pour vendre et faire vendre.

J'ai pour habitude de prendre un temps infini pour terminer un jeu attendu, voire, dans le cas d'un coup de cœur, à relancer une partie après la première terminée. Il s'agissait bien de mon intention première une fois ce Starfield (pré)installé fier comme le conquérant pigeon ayant dépensé 35 balles de plus pour profiter d'un accès anticipé et paré de manette au couleur du chef d'œuvre garanti. A bout de 5 heures, j'ai pris la décision de faire la quête principale (une vingtaine d'heure), quelques missions annexes, une quinzaine d'explorations de planètes et, à moins d'un peu probable revirement de situation, je n'y toucherai plus (je nuance ce propos vu que je viens de rajouter une 20 d'heure en NG+) . Starfield est tout au plus une forme de mod évolué de Fallout 4, le propos peut paraître sévère mais résume pour le mieux mon ressenti. Ici, tout n'est qu'illusion, poudre aux yeux, et vide que même l'espace ne pourra combler. Je n'ai aucun problème avec le principe de laisser l'imagination construire une partie de l'histoire, de me créer un RP personnel d'explorateur de planètes, de combler certains manques par le plaisir de la découverte et du 'un peu plus loin'. Ce fut impossible dans le pseudo bac à sable de Bethesda. Décrire l'imposture est une tâche complexe, je tenterai de vous la montrer à partir de quelques exemples:

Vous êtes l'élu, en touchant un artefact dans une mine/grotte vous aurez une vision (musicale) et un certain Barret vous confiera par ce biais son vaisseau et son robot, vous invitant à rejoindre au plus vite l'une des rares villes où les dirigeants de constellations vous avertiront d'une quête qui vous dépasse. Ce qu'elle ne dépassera pas, c'est la page A4 sur laquelle l'ensemble de ses enjeux doivent tenir. Ne vous laissez surtout pas abuser par nos amis influenceurs/vendeurs vous faisant miroiter une fin incroyable; croyez le ou pas, s'il vous a été donné de voir certains films de SF ces dernières années, vous êtes en terrain connus. Vous avez cru voir une montagne, ici, il ne s'agira que d'une vaguelette.

Je vous sens prêts à me hurler que tout commence après le new game +, attendez de voir le légendaire twist promis et ce qu'il suppose avant de défendre cette thèse. Je me permettrai d'ailleurs de vous conseiller deux approches de Starfield:

1. Traverser la quête principale pour débuter une nouvelle partie avec quelques petits 'avantages' et, cette fois, 'profiter de l'ensemble'

2. Etre complétiste, papillonner, explorer, résoudre les nombreuses quêtes proposées, construire vos bases et récolter sans jamais lancer de nouvelle partie.

Pour le choix 2, il vous faudra vous armer du plus respectable des courages pour traverser en boucle des tuiles se répétant à l'infini faisant office de planètes où vous chasserez les pirates (dérivez le nom à l'envie, ça reste le même) et scannerez de manière monomaniaque chaque caillou, plante, fleur à pattes, crapaud-araignée, buisson, arbre, gros caillou, petit rocher, gisement, flaque, caillou médiocre, piaf mutant dégénéré, escargot, pseudo bouc, caillou respectable, microbe et autres réjouissances faisant monter une barre d'analyse et permettant de cocher pour chaque planète les avilissants traits d'exploration.

A toutes fins utiles, je précise que le New Game + vous apportera la possibilité d'améliorer quelques pouvoirs sympas, mais inutiles vu que vous roulerez sur le jeu, un équipement et un vaisseau 'uniques' à chaque NG et surtout vous ouvrira un farming de temples ridicule pour acquérir tous les pouvoirs en questions et les faire progresser. Non, ce n'est pas incroyable, même si certaines variantes et univers alternatifs sont plaisants à découvrir (la modification de l'âge du personnel de Constellation est une petite surprise en soi). Tout le reste n'est que galéjade.

Soyez rassurés, cela vous permettra d'obtenir au plus vite le sacrosaint et indispensable XP permettant d'enchaîner les niveaux et de compléter une des plus mauvaises idées d'arbres de talents jamais vues. Ici, il ne suffit pas de dépenser vos précieux points dans un arbre rivalisant de laideur avec les infâmes vignettes sur fond de 'ma gueule dans une combinaison spatiale' de nos méprisables créateurs de contenu. Non content de remplir des bonus et avantages intéressants autant le joueur que l'avis d'une grognasse d'influenceuse et de son vendu de mari sur meta-machin, vous devrez aussi vous adonner au remplissage d'objectifs infâmes vous permettant de courir 1000m surchargé, de tuer 100 ennemis avec votre fusil laser, de crocheter 50 serrures ou d'effectuer 20 recherches avant de pouvoir prétendre placer le point dont vous disposez pourtant dans le prochain niveau de votre compétence, du génie. Cela vous bloquant aussi l'accès aux éventuelles compétences de construction et de recherches que vous pourriez être tentés d'essayer.

Mais cela n'est que détail et frivolité en comparaison de l'exploration, du sentiment de découvrir l'inconnu, de pénétrer l'insondable mystère de l'univers. Hélas, la seule chose qui sera vertement pénétrée et piétinée ici sera votre amour propre. Oubliez de suite votre vaisseau il ne sert (presque) à rien, ne perdez pas d'heures à modifier votre fidèle carlingue, ici on saute et on se téléporte. L'espace se résumant à de médiocres affrontements (toujours les mêmes) face à des... pirates, à quelques abordages et... appuyer sur E pour se téléporter à un point d'atterrissage du .jpeg que constituent les planètes. A sa sortie, pourtant chahutée, No Man Sky proposait déjà mieux. Remarquez d'ailleurs que vous conjuguerez ici le futur au passé, l'humanité ayant découvert les sauts spatiaux, mais totalement oublié comment utiliser un véhicule terrestre (qu'on ne manquera pas de nous vendre en DLC prochainement). Quand vous aurez traverser pour la 15ème fois le même avant-poste aux galeries gelées, avec les MEMES ennemis aux MEMES endroits, vous ne manquerez pas de vous demander Pourquoi continuer à m'infliger cela. La bande son parfois inspirée d'Inon Zur permettra peut-être à l'espace de ne pas vous entendre crier.

Je n'ai certainement rien compris, je le répète, l'important étant les quêtes, le lore venant donner du lien à tout cela... FI. Starfield ne vous crachera pas qu'une seule fois au visage, non content de réduire l'exploration à peau de chagrin, il vous permettra d'arpenter les bornes de missions de livraison, de chasseur de primes, d'analyser de planètes pour des groupuscules insipides et sans âme vous permettant de: prendre la quête, se téléporter sur la planète concernée, accomplir la quête, vous téléporter recommencer. Tout cela, chers explorateurs déc(h)us dans des villes peuplées des mêmes zombies morts à force de mimer la vie, propres sur eux, imbéciles et inclusifs à souhait (rassurez vous, je ne critique pas ce point) et... par pitié épargnez leur la VF que leur 'bouche' ne saurait suivre. Tout cela régit par un système de crime toujours aussi pourri où le moindre scan et/ou garde vous dépouillera de vos larcins fort de ses dons de perception extrasensoriels avant de vous balancer dans la sempiternelle prison dont vous sortirez en 5 secondes. Dans une idée assez similaire, on peut lire ou entendre parfois que nous sommes face à un Skyrim dans l'espace. C'est pour moi assez faux. Les mécaniques propres aux jeux Bethesda sont bien les mêmes, mais Skyrim est un bien meilleur open world en terme de narration environnementale, de lore, d'exploration et de quêtes que l'univers déconstruit et inconsistant que représente ce Starfield. Heureusement, nous serons quelque peu rassurés sur le fait que les IA ne sont pas encore prêtes à dominer le monde tant leur stupidité est parfois fascinante dans Starfield. Dire que certains vantent le jeu le 'mieux fini de Bethesda'... Quelle honte.

Et le loot, oui, question intéressante que le loot dans les jeux Bethesda. Nous héritons à nouveau de l'habituel système éculé... Augmenter la difficulté augmentera également les points de vie et les dégâts reçus, tout en proposant la rencontre plus fréquente de pirates légendaires permettant de récupérer un arsenal au code couleur habituel (blanc, bleu, violet, orange) qui tourne en boucle. Cela se fera également en naviguant dans des menus, véritable jeu dans le jeu, où retrouver le moindre objet, vendre, envoyer dans la soute, s'équiper ou construire quoi que ce soit mériterait une statue face au chiottes en or de Todd. Certes, la construction d'avant postes et de vaisseaux peut trouver grâce aux yeux des plus bricoleurs d'entre nous, il faut admettre que les possibilités sont nombreuses et permettront, au prix de dizaines d'heures d'investissement, de profiter de colonies et vaisseaux permettant de looter plus après avoir travailler plus. Le principe du bac à sable en somme, sur ce point je ne pourrais critiquer cela étant indéniablement lié à ce que l'on attend du jeu ou pas. A condition de prendre bien évidemment le temps de reconfigurer vos nombreuses touches sur PC, Bethesda n'ayant jamais compris la disposition d'un clavier en dehors de l'Amérique du nord.

Attention à ne pas trop vite décerner le monolithe noir du pire jeu spatial à ce Starfield. Il peut briller parfois et nous faire oublier l'espace de quelques moments de grâce ses errances. Certaines quêtes annexes sont franchement bien écrites et nous donnent l'impression d'avoir un impact sur cet univers 'fond d'écran'. Par moment, nous atterrirons aussi sur quelque planète baignée d'une ténébreuse lumière propice à une forme d'explorations et de découvertes. Force est d’admettre que le jeu a tout de même cette petite saveur de « reviens-y ». Il est une envie, assez inexplicable, propre aux productions Bethesda qui nous poussent à reprendre la partie parce que « c’est pas si mal »… Une station spatiale à la dérive ou une épave à découvrir redonnent espoir en la promesse initiale, pour hélas trop souvent se voir balayer par un retour à la réalité bien cruel à travers des phases d'action dignes d'Operation Wolf (cette référence là aussi est archaïque, je l'admets) et un festival de frustrations (bugs, décors répétés, boucle de gameplay décourageante, inventaire insupportable à gérer nous condamnant à transporter notre fourbi à travers l'univers; etc.)

Bethesda produit le même jeu dérivé ad nauseam en boucle depuis des années. Soyons honnêtes, on savait à quoi s'attendre concernant ce Starfield. Le jeu est généreux, mais terriblement creux, riche mais d'une pauvreté navrante dans ses mécaniques éculées, remplit de tout, mais vide de sens. Starfield veut faire tout, mais le fait moyennement ou mal, à tout vouloir nous donner, il nous prive de l'essentiel, à savoir le plaisir et l'illusion d'être l'explorateur spatial que nous voulions simplement être. Ses quelques fulgurances narratives sont balayées par une absence globale d'intérêt. Sa beauté et sa relative variété, par moment, trop rarement mises à l'honneur par un gameplay à la hauteur. Le fait d'être un jeu moyen n'est pas condamnable, le mensonge qui gravite autour lui pourrait par contre l'être. Des critiques hurlant au chef d'œuvre, au vidéastes/vendeurs nous fourguant leur avis médiocre et biaisé par les inévitables 'opé', à la communication purement commerciale de Microsoft/Bethesda, au tweet mal rédigé pour nous expliquer ce que le jeu est et n'est pas, aux live calibrer pour répondre aux '2 heures pour toucher la paie' encensant le vide et voulant nous faire prendre les lanternes pour des étoiles, Starfield s'illustre comme l'ultime preuve d'un média qui ne respecte souvent en rien les joueurs devant débourser toujours plus. Nous ne sommes plus que le dévidoir de publicistes médiocres manipulés et manipulables oubliant trop souvent que nos nouveaux arnaqueurs n'existent que parce qu'on les regarde.

On entent de plus en plus parler de 2023 comme la meilleure année de tout temps pour le jeu vidéo. Si les sorties de titres historiques se sont multipliées, il s'agit, pour moi, d'une année de déceptions tout aussi multiples signant parfois l'échec de sagas cultes (Diablo IV et Final fantasy XVI) ou de désillusions liée à des espoirs trop grands (ToTK et Starfield). Zelda ToTK était un chef d'œuvre auquel on avait déjà joué, Final Fantasy XVI un épisode moyen de Game of Thrones n'étant pas intervenu à interrompre à temps son coït avec un mauvais Shonen et Starfield, une certaine imposture maintes fois rejouée pour laquelle on me dira sans nul doute qu'elle sera magnifiée par les mods, incroyable après quelques maj et certainement au top dans une édition aussi légendaire que la déception actuelle dans 10 ans.

Pas un mauvais jeu, en aucun cas le jeu attendu.

jeds
5
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le 20 sept. 2023

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jeds

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