Story of Seasons: Pioneers of Olive Town
6.8
Story of Seasons: Pioneers of Olive Town

Jeu de Marvelous! et XSEED Games (2021Nintendo Switch)

Vouloir copier le succès...

Après avoir posté une réaction assez positive concernant le jeu, je me dois de revenir quelque peu sur mon avis après presque une quarantaine d'heures à Olive Ville.

Le constat le plus évident après ce temps passé à rénover l'habituelle "ferme abandonnée léguée par le grand-père", c'est que Story of Seasons, continuité directe de la série Harvest Moon dont le nom lui a été subtilisé par son ancien localisateur occidental, tente bien trop fort de reproduire la formule à succès de Stardew Valley.

Le jeu de ConcernedApe, contre toute attente en tant que petite création indé forgée par une seule personne, a pris la place de mètre étalon dans le monde de la simulation de vie en milieu rural, et Pioneers of Olive Town essaie désespérément de copier l'élève pour redevenir le maître. Vous l'aurez compris, au ton des lignes précédentes, ce sont des efforts mobilisés en vain.

Non pas que Pioneers of Olive Town soit un mauvais jeu, car on y retrouve la formule habituelle qui borde le joueur dans une routine confortable où se perdent les heures : la culture de fruits, légumes et autres plantes comestibles ou non, l'élevage (avec un design très douteux pour les lapins), la récolte de minerai, les relations sociales, amicales et amoureuses, etc. Dans un souci de tirer la couverture à lui, le jeu tente même de placer la personnalisation de l'exploitation comme un point phare de son expérience. Le jeu se laisse parcourir et remplit tout à fait son office de "jeu de ferme" relaxant, mignon et assez varié.

...Sans s'en donner les moyens.

Mais comme beaucoup trop souvent dans la vie, faire de son mieux ne suffit pas toujours, et Pioneers of Olive Town trébuche souvent avant d'atteindre son objectif, et ce dans la plupart des domaines où il essaie, avec une certaine naïveté mais surtout sans s'en donner les moyens, de dépasser Stardew Valley.

  • Parlons de ce qui fait réagir la plupart des vétérans de la série, à savoir les machines pour transformer les produits : trop nombreuses, trop peu efficaces, elles vont occuper une place monstrueuse sur votre ferme, si bien que les promesses de pouvoir librement décorer les lieux se retrouvent non-tenues à cause de l'obligation de recouvrir des hectares de ces boîtes assez disgracieuses (là où Stardew Valley préférait dissimuler cette mécanique dans des objets de la vie réelle, tel un tonneau, un rouet, etc.).
  • L'agriculture en elle-même est déséquilibrée avec des prix qui découragent les joueurs qui s'intéressent à l'élevage : les bénéfices que vous tirez de nos amis les bêtes sont si bas, qu'ils soient bruts ou transformés en fromage et autres mayonnaises, qu'un joueur ambitieux (ou qui veut simplement avancer dans sa partie) voudra rapidement renoncer à tout ce coût en place et en fourrage pour prioriser les champs en polyculture.
  • Je poursuis avec le travail à la mine qui, sans être une purge, manque de variété pour le rendre intéressant. On tape du caillou, on cherche une échelle ou un trou, on continue. La limite de consommation de plats et boissons est assez aberrante, puisque face à la mine la plus profonde contenant 50 étages, ne pas pouvoir restaurer son endurance rend l'épreuve plus difficile qu'elle ne devrait l'être, et désagréable à exécuter, obligeant souvent à abandonner près du but. A noter aussi la présence de petites taupes faisant office d'ennemis, dont le contact retire de l'endurance (vous saisissez le problème avec le point soulevé au-dessus) et dont le comportement dans les niveaux les plus ardus est révoltant, avec des couloirs étroits et des apparitions spontanées à un rythme effréné. Barbant plus qu'amusant.
  • Un élément qui m'aura aussi particulièrement marqué fut la maladresse de son "scénario", comprenez une petite intrigue sans trop d'enjeux qui sert de fil rouge durant la première année de jeu pour vous motiver à essayer toutes les activités offertes par votre ferme et à vous pencher sur la production du plus d'objets possibles. Alors que les Harvest Moon/Story of Seasons ont toujours eu un discours un peu fantaisiste mais écologique et positif (aider les lutins de la forêt, venir en aide à la Déesse de la Nature, redonner vie à un petit patelin abandonné par ses habitants...), Pioneers of Olive Town décide de prendre une direction tout autre, car la priorité du maire d'Olive Ville pour laquelle vous allez œuvrer pendant des heures, c'est de faire de la bourgade un haut-lieu touristique jusqu'où viendront s'amarrer les plus grands paquebots de villégiature. Sans parler de l'intérêt très limité pour le joueur, qui ne sera probablement guère bien motivé par voir son petit havre de paix envahi par des PNJ sans personnalité, c'est surtout un non-sens avec la direction que tenait jusqu'alors la série quand on sait le désastre écologique que représentent les croisières touristiques. Cela reste un jeu vidéo, mais je n'ai pu m'empêcher de tiquer très fort, bien que l'on ne demandait pas non plus d'avoir un discours anticapitaliste comme dans Stardew Valley (qui est lui-même loin d'être un grand pamphlet anarchiste).
  • Pour finir, je crois que ce qui m'aura le plus marqué dans cette tentative malheureuse du maître pour rattraper son élève, c'est le manque de cohérence du monde. Dans Stardew Valley, les endroits sont crédibles dans leur construction, plusieurs chemins existent pour rejoindre vos destinations, lorsque vous débloquez une carrière pour obtenir plus de minerai c'est une ancienne mine dont l'accès a été restauré, le lieu vous permettant de cultiver vos plants peu importe la saison est une serre, et ainsi de suite. Pioneers of Olive Town nous gratifie d'un village dont la construction ne donne pas envie de s'y promener, limitant de ce fait les interactions sociales, d'une ferme découpée en trois zones très peu pratiques à aménager mais agencée de manière à créer des étapes artificielles dans votre progression, et surtout un monde minuscule où, pour vous déplacer dans les différents lieux, vous devez enfourcher votre vespa ou solliciter...un lutin (au design vraiment peu réussi). Pas d'exploration ou d'évolution organique, un simple "chut c'est magique". Pour pouvoir tout cultiver toute l'année ? Des lieux féériques qui ne changent pas de saison. Dégoter de la caillasse rare ? Une mine avec apparition quotidienne de nouveaux rochers. Obtenir des matériaux quand vous en manquez sur votre ferme ? Un village de lutins que vous allez exploiter sans vergogne. Je grossis le trait avec malice, mais l'impression que je garde du jeu, c'est que tout sonne faux, manque de logique et de cohérence.

Conclusion

J'entends déjà quelques voix maugréer et m'enjoindre de retourner sur un Stardew Valley que je semble tant aduler. Critiquer un jeu en le comparant sans cesse à un autre peut paraître assez vain au premier abord, mais il faut comprendre que Pioneers of Olive Town s'est lui-même embourbé dans ce piège en voulant à tout prix copier la formule qui a tant réussi à son héritier. En n'essayant pas de faire sa propre proposition tout en gardant les bases de la simulation de vie agricole, le jeu s'expose d'emblée à des critiques qu'il aurait pu éviter en prenant d'autres directions, et ayant des finitions un peu plus propres.

La série est capable de prendre des risques et d'offrir d'autres expériences : j'en prends pour témoin le chouette remake de A Wonderful Life, sorti fin juin dernier, dans lequel la série se permet une aventure particulièrement épurée pour se concentrer sur une réflexion sur le temps qui passe et l'importance de profiter de l'instant ; simple mais efficace.

J'ai apprécié les heures passées à Olive Ville, mais vous l'aurez désormais compris, je lui reproche de trop vouloir singer un succès difficile à reproduire tout en ne se donnant pas les moyens de ses ambitions, et malgré les bons moments que j'ai passé en sa compagnie je ne peux m'empêcher d'être déçu.

Pioneers of Olive Town est donc à un titre mignon, plutôt divertissant, mais très convenu et surtout déséquilibré à de nombreux égards. En espérant que la prochaine itération saura se montrer plus soignée et rafraîchissante !

PS : je n'ai pas évoqué les DLC ,n'ayant pas investi dans l'affaire, mais j'ai toutefois cru comprendre que le contenu était assez scandaleusement pauvre et ne justifiait clairement pas le prix imposé.

Rinoken
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le 1 déc. 2023

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Rinoken

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