Pour changer je vais plutôt vous raconter ma vie. Ca risque d'être un peu long, j'en suis désolé.


  Street Fighter II est un jeu que je connaissais par coeur avant même d'y avoir joué. Je devais avoir 13 ou 14 ans et je lisais Player One avec avidité, bavant devant tous ces jeux que je n'aurais jamais. La Super Nintendo était sortie et tout le monde ne jurait plus que par elle. Avec ma Megadrive, j'étais quand même très content et j'ai réellement vécu de grandes choses manette en main, du coup je n'étais pas spécialement jaloux de la Snes, elle avait l'air cool d'après ce que me disait un ami qui l'avait chez lui mais c'était un autre univers, là encore inaccessible. Je n'allais quand même pas avoir DEUX consoles ! 
Et puis Street Fighter II est sorti et j'ai été jaloux. Je lisais le test dans Player One, me disant que ça avait vraiment l'air d'être quelque chose. Il y avait même eu un petit fascicule en bonus avec le numéro qui décrivait tous les personnages et leurs techniques. Bientôt je connus tous les coups spéciaux lus dans ce guide, toute l'histoire de chacun des personnages et même leurs fins respectives. J'adorais déjà Blanka, trouvais Dhalsim un peu ridicule et Chun-Li vachement sexy quand même. Je me faisais les combats dans ma tête, essayant de savoir qui était meilleur entre Ryu et Ken en me disant que de toutes façons le blond était plus rock'n'roll, tout ça sans même avoir jamais vu le jeu tourner !
Au collège, avec mon ami à la Snes qui possèdait bien-sûr le jeu, on ne parlait plus que de ça. J'ai l'impression maintenant que ça nous prenait un temps fou, on se faisait engueuler par la prof de sport parce-qu'on décrivait les coups spéciaux au lieu de suivre les explications des enchaînements en gym au sol, je bavais tant et plus !
Il y a eu tout de même un premier contact. Bref, décevant et frustrant. En vacances, je trouve la borne dans une salle d'arcade. Enfin, difficile de passer à côté : c'était l'une de ces bornes énormes où on pouvait s'asseoir face à un écran géant. Je mets 5 francs et je me jette sur Blanka évidemment et je perds immédiatement, quasi perfect pour la machine. Il faut dire que je n'avais jamais fait de quarts de tours avec une manette de toute ma vie (oui je sais avec Blanka ça ne sert à rien) et à part "Yie Are Kung-Fu" sur CPC je n'ai jamais joué à un jeu de baston. Je suis déçu de ma performance, mais pas du jeu.

Du temps passe, un peu, et soudain Player One lâche l'Apocalypse : Street Fighter II sort sur Megadrive ! La note est bonne, moins que sur Snes, mais on peut jouer avec les boss ! Mon anniversaire tombe bientôt... je ne tiens plus en place !

Je situe la rencontre en juin 1993, J'ai mis le jeu dans ma console et je peux enfin avoir chez moi ce que j'ai jalousé, étudié et adulé à distance. Au début, je suis un peu nul. Je galère à sortir un "Hadoken" à la place mon personnage (Ken) avance, se baisse, saute même parfois, avant de donner un coup de poing dans le vide comme une andouille. Curieusement, c'est avec Dhalsim que je joue le plus au début, finalement il n'est pas si ridicule me disais-je alors. Zangief est nul par contre, mais c'est avec lui que je finis le jeu pour la première fois. Le jeu m'obsède, j'essaie d'avoir toutes les fins, je suis déçu par celles des boss qui sont toutes le mêmes. J'écoute toutes les musiques, et même, le soir je branche un casque sur la prise de la Megadrive, et, sans allumer la télé, je navigue à l'aveuglette jusqu'au sound test pour les écouter en m'endormant. Oui, je me suis endormi en écoutant le thème un peu grésillant de Guile ou de Balrog (M.Bison au Japon, le boxeur donc), rêvant aux futurs combats que j'allais livrer.


  Je défiais tout le monde : mon ami à la Snes qui me mettait taule sur taule, mon petit frère (même qu'on disait "arrête de faire tout le temps des glissades c'est de la triche", ou "non attends j'suis assomé c'est pas juste"), ma mère qui gagnait peu (heureusement sinon c'est la honte), et même mon grand-père qui m'a battu une ou deux fois quand même ! Plus qu'un jeu-vidéo, Street Fighter était devenu un loisir à part entière, une raison de me lever tôt même le dimanche matin. 
J'ai par la suite tenté des infidélités, "Mortal Kombat" qui ne m'a pas tenu très longtemps, "Eternal Champions" avec une gallerie de personnages hétéroclites mais plutôt calamiteux... Rien n'y a fait, Street Fighter II' Special Champion Edition restera dans mon coeur encore jusqu'à aujourd'hui. J'entends encore la voix grésillante qui annonce fièrement les pays où se déroulaient les combats, ce vibrant "USSR" ou le traînant "Japaaan", les cris hoquetants de Chun-Li et la mythique suite "You/Win/Perfect !". Ce jeu ne m'a jamais quitté, Zangief est devenu une icone a ajouter à ces personnages qui peuplent mon imaginaire et désormais, sortir un "hadoken" est une chose instinctive manette en main. Mais surtout, à présent, la raison pour laquelle j'ai tellement envie de remercier Street Fighter, c'est que ce jeu est devenu une formidable machine à retrouver mon adolescence.

PS : Je fais un peu mon lèche-converses en remerciant Chtimixeur qui, avec son podcast sur Player One m'a fait me replonger avec délices dans ces souvenirs.

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le 8 juil. 2013

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le 8 juil. 2013

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I Reverend

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