Super Hydlide
4.8
Super Hydlide

Jeu de T&E Soft et Asmik Ace Entertainment (1989Mega Drive)

Un jeu d'avant garde injustement méprisé

J’ai eu ma première console de jeu à l’âge de sept ans, à noël 1993, la Mega Drive. Un rêve pour moi. Évidemment, la console était accompagnée du jeu incontournable Sonic the hedgehog. Comme je n’avais que cette cartouche, quelques semaines plus tard, mon père décida de m’acheter un autre jeu qu’il choisit sans doute au hasard : Super Hydlide. Il me le présenta comme un « jeu de rôle ».


« C’est quoi un jeu de rôle ? » J’entendais ce terme pour la première fois, sans me douter que ce genre deviendra mon genre de prédilection quelques années plus tard. A l’époque, l’univers vidéoludique était plus ou moins dominé en France par les jeux de plate-forme, qui était alors mon genre favori.


Malheureusement pour moi, je fut vite déçu par Super Hydlide. Il faut dire ce qui est : ce jeu est très rebutant au premier abord. Les graphismes étaient certes rudimentaires, mais c’est surtout le système de jeu que je ne comprenais pas, je ne savais pas ce que j’étais censé faire (sinon « Sauver Fairyland ») et tout cela semblait extrêmement difficile et compliqué. Il fallait manger, d’accord, dormir, okay, tenir compte du poids, certes, mais après… ? L’interface était entièrement textuelle, et tout en anglais bien sûr. Je n’avais même pas compris comment équiper une arme.


Bref, j’ai rapidement laissé tomber ce jeu que je ne qualifiais même pas de mauvais, car je ne le comprenais pas, tout simplement.


Six ans plus tard c’est en prêtant mes jeux à un ami, qui lui-même prêta Super Hydlide (qu’il ne comprenait pas plus que moi) à un de ses potes, que ma vision de ce jeu bascula. Le pote en question avait réussi à avancer dans le jeu. Que dis-je ? En quelques temps, il était arrivé au boss final, et me montra des aspects du jeu que je n’avais jamais vu et que je ne soupçonnais pas du tout. Évidemment, maintenant, je le suspecte très fortement d’avoir eu une soluce trouvée sur internet, traduite par son père qui apparemment l’aidait beaucoup pour l’anglais, et nous ne pouvions pas en dire autant. Par la suite ce type deviendra un fan de jeu de rôle sur console. (Final Fantasy et compagnie…)


Super Hydlide prit alors une grande valeur à mes yeux, ce jeu cachait bien son jeu, derrière son austérité apparente se dissimulait une vraie profondeur et une richesse incroyable.


Sur Internet, j’ai compris que Super Hydlide était mal connu, et le peu de joueurs qui le connaissent sont globalement divisés en deux camps : ceux qui détestent et ceux qui adorent. Sauf que dans la plupart des cas, ceux qui détestent n’ont pas cherchés bien loin.


Le jeu est décrié en premier lieu pour ses graphismes (qui contrastent un peu avec l’illustration de la jaquette du jeu) Il est vrai que même pour une console 16 bits, ils sont rudimentaires et assez « gros pixels ». Moi non plus ça ne me séduisait pas plus que ça au départ, mais j’étais prêt à passer outre.


Toutefois on oublie souvent de préciser que Super Hydlide était en réalité un portage amélioré du jeu Hydlide III, conçu pour des machines de très faible puissance tels que la MSX. Ce qui donne à la richesse du jeu d’autant plus de valeur, mais pour ce qui est des graphismes, en effet il n’ont pas été foncièrement améliorés, seulement adaptés pour la Mega Drive.


Ensuite, ce qui rebute les joueurs dans Super Hydlide est évidemment le système, le fait qu’il faille manger, dormir, tenir compte de son poids, tout cela est vite perçu comme des handicaps dans le jeu, qui n’apportent rien. (Pourtant quelques uns de ces mêmes aspects réalistes étaient loués dix ans plus tard dans Shenmue sur Dreamcast, soi-disant révolutionnaire en la matière.) Ces aspects là, réellement novateurs voire inédits à l’époque et encore rares aujourd'hui, sont en fait de la gestion intégré dans un jeu de rôle, et sont partie intégrante, sont dans la nature même de Super Hydlide. Beaucoup de joueurs attendent d’un jeu d’aventure qu’ils ne soient qu’une aventure pure et dure, sans se soucier de la crédibilité ou du reste. Là, on a cherché un réalisme qui va évidemment de pair avec une liberté d’action et de mouvement tout aussi rare à l’époque. Si on le replace dans le contexte de la fin des années 80, on peut dire qu’on a affaire à un jeu qui n’est pas trop linéaire.


Tout ce système rend le jeu un peu hermétique au départ, parce qu’il nécessite d’être compris, et l’interface intégralement textuelle (en anglais) ne facilite pas cette compréhension. Tout cela rend le lancement un peu laborieux, d’autant qu’il n’est pas si évident de débuter dans Super Hydlide. Mais en fait, on intègre ce système très rapidement, et une fois que c’est fait on se rend compte qu’il n’est pas si complexe, plutôt simple au contraire, et qu’il est plaisant de savoir le gérer, on va donc pouvoir s’amuser avec notre héros.


Un autre aspect, austère pour les uns, plaisant pour les autres est le fait que Super Hydlide soit une quête solitaire. Le jeu ne comporte presque aucune interaction avec d’autres personnages qui prendrait part à l’histoire. Pour moi cette singularité participe de l’immersion dans l’univers étrange de Super Hydlide. Je ne sais pas si la participation d’autres personnages eut été mieux ou moins bien, mais en tout cas, c'eut été différent.


Pour ce qui est de la durée de vie du jeu, l’aventure est relativement courte, mais d’une durée plus qu’honorable pour l’époque. Cependant je ne pense pas que la durée de vie de Super Hydlide ne se juge qu’à la longueur de l’aventure, car il y a tout de même plusieurs classes de personnages, de nombreux items et une liberté d’action qui participent de la longévité. On peut refaire le jeu plusieurs fois de manière totalement différente et avoir un tout autre personnage, ce qui n’est pas le cas de la plupart des soi-disant « jeu de rôle » sur console.


Il est néanmoins vrai que lorsqu'on arrive au bout, on peut rester sur sa faim en se disant : « Pourquoi ça s’arrête quand ça commence à devenir vraiment intéressant ? » J’ai effectivement regretté que le jeu s’arrête un peu « en cours de route ».


Là où je suis d’accord avec les détracteurs de Super Hydlide, c’est que la difficulté des énigmes tordus (monnaie courante dans les jeux vidéos des années 80/90) qui fait que parfois on est bloqué sans savoir pourquoi, et sans savoir ce qu’on est censé faire, peuvent être très frustrantes, surtout que les indices sont maigres. Mais avec un guide, vous ne pouvez plus avoir cet alibi.


En revanche, la qualité évidente de Super Hydlide, qui fait consensus même auprès des détracteurs du jeu est évidemment la bande sonore. Curieusement, une des choses qui avait fait la détestation du premier épisode de Hydlide devient dans Super Hydlide le meilleur atout. Les musiques sont excellentes, et pas seulement en terme de qualité de son : les mélodies dans un style différent et unique sont vraiment plaisantes et contrairement à bien des musiques de jeux de cette époque, les morceaux sont assez longs et ne sont pas répétitifs.


Bref, Super Hydlide comporte en effet des éléments qui ne sont pas pour séduire les joueurs au premier abord, et bousculent un peu leurs habitudes. Dans ces conditions, difficile pour lui de devenir le succès incontournable qu’il aurait pu être.


Mais une fois maîtrisé ou passé outre, le plaisir de jeu est réel, la découverte de l’univers, la maîtrise du système, la construction et la progression du personnage, etc… et d’un titre qui, je me répète, pour l’époque était d’une richesse incroyable, et précurseur sur bien des points (Je pense à Diablo par exemple, sept ans plus tard !). J’aurais presque envie de parler de jeu d’avant-garde ! En tout cas, le jeu était original.


En outre, l’image de Super Hydlide traîne un boulet. La malédiction de la série des Hydlide. Le premier épisode des Hydlide est considéré par beaucoup comme un des plus mauvais jeu de la nes. Il faut dire qu’il souffrait beaucoup de la comparaison avec The legend of Zelda, sortie peu de temps après. Et en effet, à côté de Zelda, Hydlide était une merde. Sa suite, Hydlide II n’est sorti qu’au Japon, seul pays où la série des Hydlide connût un succès relatif. En 1995, bien après Super Hydlide, l’éditeur sortit un remake 3D sur Saturn du premier épisode Hydlide sous le titre Virtual Hydlide, qui encore une fois était un jeu plus que médiocre.


Hydlide et Virtual Hydlide ont définitivement convaincu l’opinion publique que la série des Hydlide était une série de bouses. Mais Super Hydlide, malgré son imperfection, fait exception.


Quoi qu’il en soit, maintenant je considère ses graphismes simples et pixélisé, comme pas si mal que ça. Il y a un je-ne-sais-quoi de littéraire là dedans. Je m’explique : quand je vois les adaptations de vieux jeux vidéos 2D en trois dimensions, ou les adaptations de jeux vidéos en films d’animation, ou les livres en films, ou les bandes dessinés en animation etc…je suis la plupart du temps déçu, parce qu’elles ne correspondent pas du tout à l’imagerie que j’avais projeté dans toutes ces œuvres. Voilà la clef : le non-dit, permet de projeter notre imaginaire et laisser cours à la libre interprétation. Dans chaque pixel, chacun projettera quelque chose de différent, et quelque part, cela participe de l’excitation de découvrir à chaque fois de nouveaux lieux dans le jeu, de nouveaux monstres, de nouveaux sprites etc. Cette excitation n’est plus exactement la même dans les jeux d’aujourd'hui en trois dimensions fournis en détails de toute part. J’ajoute qu’on ne peut se permettre cette simplicité qu’en deux dimensions : les mauvais graphismes 3D ne pardonnent pas, ils sont très vite grossiers et ridicules. La 2D vieillit beaucoup mieux.


En tout cas, Super Hydlide n’est pas un jeu sans défauts, mais très largement sous-estimé. Pour moi, c’est un titre phare de la megadrive.


Prêt pour sauver Fairyland ?


NB : J'ai réalisé une traduction française de la ROM ce jeu.

Créée

le 15 mai 2013

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gio

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