Sweet Pool
8.1
Sweet Pool

Jeu de Nitro+Chiral (2008PC)

Troisième visual novel du studio Nitro+Chiral à laquelle je m'essaie après Togainu no chi et Dramatical Murder : encore une fois, je ne critiquerai pas ici le concept même de visual novel – qui est davantage un livre interactif qu'un vrai jeu vidéo – mais le soft pour sa qualité en tant que telle. Et j'ai cette fois des éléments de comparaison, j'ai joué à Sweet Pool peu près son aîné et son petit frère : Togainu no Chi et Dramatical Murder qui, tout en étant deux bons softs, avaient malgré tout leur lot de défauts.

Vous avez sans doute déjà vu la note, que je n'ai pas hésité longtemps à mettre au maximum : Sweet Pool, tout en conservant la qualité propre aux productions Nitro+Chiral parvient à éviter les écueils de TNC et DMMD.

Tout d'abord, si j'avais abordé le côté trash de Togainu no chi en précisant que son interdiction aux moins de dix-huit ans n'était pas décorative, dans le cas de Sweet Pool elle est absolument et totalement justifiée : le jeu n'est pas seulement sexuellement explicite – on pourrait même dire que le sexe est finalement assez "soft"- il va assez loin dans le gore et le malsain, surtout pour un produit boy's love, plutôt orientés romance ou porno. Or, Sweet Pool n'appartient à aucune des deux catégories.

L'histoire relate la lente descente aux enfers de Yôji, étudiant japonais sortant d'une longue hospitalisation suite à de sérieuses complications de santé. Fragile mentalement et physiquement, vivant seul, il assiste, impuissant, à la mutation et la perte de contrôle de son propre corps. L'ambiance du jeu, poisseuse et anxiogène amène l'horreur par à-coups : les hallucinations, puis les cauchemars avant d'en venir aux véritables sévices physiques, notamment infligés par les trois personnages qui gravitent autour de Yôji et ne sont pas étrangers à sa déchéance et ses nouvelles "aptitudes" (je n'en dis rien ici mais elles ne font pas rêver). La folie s'installe de manière progressive et surtout létale, puisqu'elle ne touche pas seulement Yôji mais aussi ses camarades, dont on ne sait plus trop s'ils sont des soutiens ou des agresseurs potentiels. En terme de scénario, l'immersion se fait donc très bien, malgré l'usage de différents points de vue plutôt que de la première personne, on éprouve une certaine empathie pour Yôji. Pas d'humour, pas de légèreté ici, même l'inénarrable élément "comique" laisse très vite une impression de malaise. Le jeu repose assez peu sur un système de twist, on sent venir les événements mais l'histoire est remarquablement pensée, de construction simple mais maîtrisée.

Comme je le disais, Sweet Pool n'est pas destiné à un public sensible : si je reprochais à Togainu No Chi un trash un peu complaisant et gratuit, je n'ai pas eu cette sensation avec Sweet Pool, pourtant largement un cran au-dessus en la matière. Tout d'abord, aucune scène ne s'étire en longueur et le personnage principal, malgré sa fragilité évidente m'a paru moins apathique que ne l'était Akira. La folie et le déclin mental sont plus progressifs, plus subtils (plus justifiés, surtout, vu les événements).

J'ai également apprécié que les scènes de sexe soient malgré tout assez discrètes : violentes mais courtes et clairement pas destinées à contenter le voyeur. Elles ne sont ni émoustillantes, ni mignonnes, le terme "accouplement" serait par ailleurs plus approprié, les personnes connaissant l'histoire comprendront pourquoi. Là encore, public averti indispensable, même si on voit assez peu de choses (comparé à d'autres jeux boy's love, j'entends). En revanche, ces scènes ont une raison d'être, je dirais même qu'elles sont au centre de l'intrigue. Malgré tout, le jeu met en place une histoire d'amour très intense, douce-amère et tragique.

Côté chara-design, on est loin de l'originalité de Togainu no Chi ou Dramatical Murder mais le parti-pris de faire des personnages un peu plus virils – même si on reste pas mal dans le bishônen – est appréciable. Le tout est sobre, afin de ne pas jouer la surenchère et favoriser l'immersion dans une situation banale avant d'amorcer la descente : à l'instar de Yôji, on voit ses camarades de classe et son environnement devenir partie intégrante de son cauchemar. Peu de personnages, peu de décors, sobre mais d'une redoutable efficacité, sweet pool sait poser l'ambiance et va crescendo jusqu'aux finals (au nombre de six, assez peu comparé aux autres VN) que l'on devine à l'avenant du reste.

Autre trouvaille – un détail certes mais que j'ai grandement apprécié – le système de choix. Le seul élément réellement interactif des visual novel est similaire aux livres dont on est le héros et consiste à suspendre le jeu pour proposer un choix, généralement binaire, qui influera sur le déroulement de l'histoire et surtout son dénouement. Au lieu de se contenter d'un simple menu décrivant l'action ou la réplique pour laquelle on souhaite opter, Sweet Pool propose au choix d'agir de manière instinctive ou de manière raisonnée, en recouvrant l'écran d'une sorte de design veineux, rouge pour l'instinct, bleu pour la raison. Excellente idée qui favorise davantage l'immersion.

Petite note sur la musique : certaines compositions ont des relents de nine inch nails, parfaitement en adéquation avec l'ambiance, pratiquement aucun morceau n'est réellement reposant, maintenant sans cesse la légère sensation de malaise, même dans les moments d'accalmie. Discret mais efficace. Je ne m'attarderai pas sur les doubleurs, les seiyuu japonais étant comme toujours de qualité : peut-être est-ce davantage une impression mais comme pour le chara design, il semble que Nitro+Chiral ait opté pour des voix moins "sexy" qu'à l'accoutumé.

Pour ce qui est des options, elles sont similaires à celles que l'on retrouve dans Dramatical Murder : possibilité de passer les dialogues déjà lus en accéléré, retour aux derniers écrans de choix, sauvegardes libres, possibilité de relire les anciens dialogues…tout a été pensé pour une navigation aisée dans le jeu. Les écrans titres et options sont magnifiques, par ailleurs.

Une ombre au tableau ? Une seule, qui n'est pas vraiment un défaut du jeu mais peut freiner les personnes qui souhaitent découvrir Sweet Pool : au moment où j'écris ces lignes, la traduction est encore incomplète (quelques lignes de japonais non traduites, de possibles fautes, un anglais non "littéraire"…). Le jeu n'étant pas disponible hors Japon et les traducteurs travaillant sur la version anglaise étant totalement bénévoles, le maximum de travail a été fait mais on ne joue pas de manière optimale (Inutile de me jeter des bûches, je ne critique absolument pas le travail de la team Sweet Pool, je regrette surtout que Nitro+Chiral n'exporte pas ses soft). Et inutile de dire que si vous ne maîtrisez pas un minimum l'anglais, vous n'en sortirez pas.

Pour conclure, j'ai constaté que Sweet Pool est le jeu le moins connu du studio Nitro+Chiral, derrière Lamento, derrière Dramatical Murder et Togainu no chi, malgré qu'il reste à mes yeux supérieur aux autres softs (j'ai eu un premier aperçu de Lamento qui pour le moment, ne le détrône pas).

Togainu no chi a bénéficié d'une époque de "vache maigre" yaoi en occident, avant l'explosion du genre, Dramatical Murder d'une campagne marketing maîtrisée et d'un côté "tout public" le rendant plus accessible (aucun jugement sur leur qualité ici, j'ai très bien noté ces deux jeux, ils me semblent juste un cran en dessous). Sweet Pool n'est clairement pas à mettre entre toutes les mains : malsain, gore et dérangeant, il reste pourtant la plus grande réussite de Nitro+Chiral selon moi. Comme quoi, c'est dans le pire qu'ils sont les meilleurs.

Edit : j'ai terminé le jeu à 100%, obtenu toutes les fins et nuance un peu ma critique positive. Le jeu est clairement trop court, l'histoire aurait mérité un traitement plus long, certains aspects sont éludés ou réduits au strict nécessaire pour le bon déroulement des événements, un peu frustrant. Les fins, ensuite : le jeu compte deux fins "game over" survenant assez tôt dans le jeu, trois fins "intermédiaires" et une "vraie" fin. Cette "vraie" fin, supposée donner les derniers éclaircissements sur les événements et le sort de Yôji est trop courte, extrêmement nébuleuse et ne nous apprend finalement rien de plus, voire soulève d'autres questions sans leur apporter de réponses. Après plus de dix heures de jeu, dommage de finir sur cette fausse note. Je n'ai rien contre les fins ouvertes ou volontairement élusives au contraire mais développer un peu plus celle de Sweet Pool paraissait souhaitable. Tant pis.
SubaruKondo
10
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le 29 déc. 2013

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