Tearaway fait partie de ces projets complètement fous, dotés d’une âme et d’une identité immédiatement décelables, mais qui sont condamnés à rater leur public.


La première version du jeu, sortie il y a quelques années, a été saluée par la critique. Mais elle était parue sur une plateforme trop peu vendue pour lui garantir une exposition à la hauteur de ses ambitions : la PS Vita. Le développeur anglais, Media Molecule, a logiquement voulu donner une seconde chance à son petit bijou en le sortant sur la PS4 qui caracole en tête des charts depuis sa sortie.


Mais comment garantir un carton à un jeu tel que Tearaway en le lançant entre Metal Gear Solid V et le combo PES/Fifa ? Le désert du planning des sorties exclusives sur PS4 pour cette fin d’année aurait pu pousser Sony à le proposer en décembre pour en faire un joli cadeau de Noël pour les petits et les plus grands à l’âme d’enfant. Quitte à le sortir entre deux mastodontes, autant le faire durant une période où le jeu a une véritable chance de sortir son aiguille du jeu.


D’autant que le jeu, aussi mignon soit-il, n’aurait pas souffert de quelques semaines supplémentaires de développement... La sensation d’une sortie précipitée est prégnante quand, dès les premières secondes, le joueur assiste ébahi aux premiers tressautements du jeu. Le jeu tourne à 1080p 60fps, paraît-il. S’agissant de la fluidité, c’est tout sauf évident. Bien sûr, le jeu est globalement fluide mais les chutes de fps sont régulières et interviennent à des moments peu compréhensibles. Le jeu sort les rames et cahote alors qu’il n’y a parfois rien de particulier à afficher. Un peu d’optimisation aurait vite effacé ce problème. Le jeu n’en devient jamais injouable mais, vu le niveau peu exigeant des textures à afficher, ce souci technique fait pester. Et comme souvent dans un cas pareil, la publicité pour le support d’accueil du jeu n’est pas bonne.


Beaucoup plus gênante, la caméra fait parfois n’importe quoi. Elle est LE gros défaut du jeu. De manière générale, faire avancer le personnage vers la caméra lui fait souvent péter un câble et celle-ci se met à tourner n’importe comment. Ce ne serait pas trop pénalisant si la direction à donner avec le stick pour diriger le personnage n’en était pas affectée. Or, le joueur va régulièrement éructer en voyant son personnage tomber dans le vide juste parce que la caméra aura décidé de brutalement changer d’orientation à 90° voire à 270°. Le temps de réagir et le personnage joue déjà à Icare sans ailes.
Le jeu vous prive d’ailleurs assez souvent du contrôle de la caméra pour vous imposer des plans. Seulement, ceux-ci ne sont pas toujours judicieux tant par leur intérêt que par la visibilité qu’ils offrent. Et ça se termine toujours par un plongeon dans le vide.


Il faut dire que la précision n’aide pas et sauter sur une banale plateforme ne semble jamais évident ou facile. Là où la grande majorité des jeux de plateforme 3D ont compris comment donner un maximum d’informations au joueur, tant sur sa position dans l’espace que dans la direction à prendre et la force à solliciter pour atteindre l’objectif, Tearaway unfolded se gaufre violemment en nous proposant le top du manque de précision. Il concentre un peu tous ces défauts que l’on a connu lors du passage à l’ère 3D. Et même si les morts ne sont pas punitives, ça énerve de mourir quand on a la sensation d’avoir réalisé correctement la manipulation attendue...


Les passages délicats se comptant sur les doigts des deux mains et compte tenu de l’extrême facilité du jeu, le joueur ne se sentira pas trop pénalisé. Mais un manque de finition est clairement décelable. Quelques semaines de développement supplémentaires et de tests auraient permis de déceler et de supprimer beaucoup de ces défauts. Un patch viendra peut-être les régler prochainement. À ce propos d’ailleurs, Tearaway unfolded est le premier jeu de cette génération auquel je joue qui ne se voit pas greffer un correctif juste après sa sortie, voire le jour même de sa commercialisation. C’est devenu tellement rare qu’il faut malheureusement le signaler. Dommage que le jeu soit imparfait et qu’il mérite un patch...


Par ailleurs, le jeu propose une aventure suffisamment longue pour ne pas se sentir arnaqué. Celle-ci prendra fin au bout de 7 ou 8 heures, selon votre rythme. Ce temps pourra s’allonger si vous souhaitez trouver l’ensemble des collectibles. Paradoxalement, l’aventure pourra même sembler trop longue avec certains derniers chapitres qui font clairement office de remplissage. Cela nuit au jeu, d’autant que les développeurs s’amusent à repousser la fin, à plusieurs reprises, en le signifiant directement au joueur. Si l’artifice utilisé amuse la première fois, il fait rager la seconde avec des derniers chapitres vraiment poussifs.


Dressé ainsi, le tableau ne fait pas spécialement envie. Pourtant, Tearaway unfolded offre une aventure singulière qu’il convient de s’offrir si l’on a raté le coche avec l’épisode PS Vita. Rares sont les jeux qui concentrent autant de bonnes idées que Tearaway unfolded. Il serait malavisé de toutes les lister, pour ceux qui souhaitent ou envisagent de se lancer dans cet univers de papier. Le plaisir de la découverte doit être préservé au maximum car c’est ce qui va rendre l’aventure intéressante et captivante.
Prenant un malin plaisir à briser le quatrième mur, en proposant au joueur de sortir des sentiers battus en ce qui concerne la maniabilité de leur opus, les développeurs proposent une véritable réflexion sur la condition de joueur et sur le rapport au jeu de celui-ci et l’importance qu’il doit prêter à tous ces « petits moments ».
En jouant remarquablement les cartes de la finesse et de l’humour, en optant pour une esthétique léchée, mignonne et immédiatement reconnaissable, Media Molecule touche en plein cœur. Le pari artistique est clairement tenu et il est bon de voir un développeur prendre de tels risques.


Si l’on peut regretter un scénario prétexte, une narration un peu diffuse et confuse, des quêtes secondaires peu approfondies qui consistent essentiellement à dessiner des conneries, ou encore des décors très vides (parfois), il ne fait aucun doute que tout joueur à l’âme d’enfant va rapidement se faire prendre au piège de cette aventure craquante dans un univers adorable. Même les ennemis ont de bonnes petites têtes. Et pour le coup, la manette PS4 est remarquablement bien exploitée.


Au final, avec son côté mignon et adorable, en proposant une aventure et une réflexion peu communes dans le monde du jeu vidéo, Tearaway unfolded a le potentiel pour se faire une place entre les mastodontes de cette fin d’année. Dommage que Sony n’ait pas décidé de lui offrir une exposition plus avantageuse et une promotion plus appuyée. Dommage également que les soucis techniques recensés n’émaillent le joli tableau que les développeurs nous ont dressé. Car Tearaway unfolded vous fera assurément fondre... Tout au moins lorsqu’il ne vous fera pas pester.

Créée

le 2 oct. 2015

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