That Dragon, Cancer
6.2
That Dragon, Cancer

Jeu de Ryan Green et Josh Larson (2016PC)

That Dragon, Cancer - Sans Spoilers - enfin, je crois.

That Dragon Cancer est une histoire que vous connaissez forcément, car ce n'est probablement pas une campagne de notoriété assommante qui a éveillé votre curiosité.
Il est cependant important de rappeler le contexte de création et l'histoire du jeu.


"Une famille américaine tradi-chrétienne apprend que le dernier fils de la fratrie, encore en bas age, est atteint d'un cancer incurable. Dès lors, le père développeur, avec l'aide de sa famille, décide de raconter cette histoire, leur histoire. Cette dernière sera exprimée au travers d'un jeu vidéo, apportant au média une de ses oeuvres les plus personnels et originales."


Le pitch complètement casse gueule - et particulièrement pour du jeu vidéo - était a lui seul une proposition nouvelle et assez intrigante pour me pousser à mettre les mains dessus.


Ce témoignage se rapproche dans sa forme plus d'une expérience narrative que d'un jeu vidéo comme nous pouvons habituellement le concevoir. En terme de gameplay c'est le néant, on déplace une caméra qui nous glisse régulièrement dans la peau du père mais se contente dans la majorité des cas de n’être que spectateur - étrange sensation que de ne rien incarner.
L'influence des récentes tendances "walking simulator" ou point & click dépoussiérés est pour le moins palpable. Aux vues de grandes réussites qui ont émergées de ces courants, le choix semble totalement approprié à la démarche.
Pourtant, il difficile de retrouver une fluidité dans les déplacements et l'avancement du jeu.
Les indications peu claires sur les possibilités d’interaction y contribuent grandement :
Puis-je aller dans cette direction ? Ai-je mal sélectionné l'objet ou est-il simplement in-interactif ?
Que dois-je faire ? Faut-il simplement attendre ? Qu'attends le jeu de moi à ce moment là ?


Au fils de l'aventure, le rythme n'accélère jamais, plongeant le joueur dans une lenteur subie qui tantôt sert le propos tantôt rend sa lecture confuse dès que le joueur cherche à s'en extirper. Cette lourdeur des mouvements couplée aux approximations des indications amène petit à petit à une frustration qui dessert complètement le jeu.
J'ai eu honte de cliquer partout en espérant faire avancer l'aventure - tel l'enfant que j'étais devant les point & click bien trop balèze des années 90. Régulièrement je me sentais perdu face au mécanique pourtant ultra basique, ne sachant que faire, mon impatience m’éloignant de l'état d'esprit calme et empathie nécessaire à l'aventure.


Bien que lent et sans gameplay à proprement parler, le jeu n'est pas creux pour autant et l'on retrouve quelques belles idées tout au long de l'histoire. Une partie de ces belles idées proviendra directement de l'univers vidéoludique, les codes du jeu vidéo se verront singer, l'interface principalement, mais exploité sous un nouvel angle et délivrant un sens fort à ces séquences.


Il serait malhonnête de consacrer la critique au gameplay bancal, car ce jeu possède ses grandes réussites, et la première reste sa narration.
Les réflexions personnelles des protagonistes, les mises en scène intelligentes des dialogues, et la sincérité de l'ensemble nous plonge rapidement dans le quotidien de la famille Green.
Le jeu évite avec brio l'écueil du misérabilisme larmoyant et vulgaire. Très appréciable.
Les émotions sont justes, leurs expressions pudiques.
Après quelques minutes de jeu, le constat est là, "ça fonctionne".


Sans être bouleversante la direction artistique crée une atmosphère douce et confère suffisamment d'identité au jeu pour porter le joueur tout au long de l'aventure.
Les couleurs pastelles et lumineuses contrastent avec la réalité du monde hospitalier.
Le couché de soleil perpétuelle atténue la violence des néons et la froideur des murs, évoquant davantage la mélancolie que mort. La représentation géométrique et abstraite des personnages m'a paru très pertinente, l'identification et l'empathie n'en ont été que renforcées.


Hélas, le défaut majeur de jeu ne se cache pas dans les errances du gameplay ou du rythme,
mais bien dans la dernière partie de son histoire. Venues de nulle part, des réflexions d'un christianisme écœurant - car aussi peu subtile que subjectif - ternissent clairement la seconde parti de l'aventure. Ce choix personnel et clivant a créé un grand fossé entre cette famille et le joueur/spectateur que j'étais, impactant forcément mon empathie - c'est tellement plus compliquer de ressentir ce que l'on conçoit pas.
Et c'est peut être ça le plus dommage, car une présence ou un questionnement mystique reste compréhensible lorsqu'une injuste tragédie nous confronte à la mort, l'éternité - Citer les passages de la bible en espérant que Jésus pleurera notre enfant... c'est moins évident.
Tantôt grotesque, tantôt terrible (en substance "ma vie et ses bonheurs n'ont aucun sens pour Dieu, je suis misérable") mais jamais intelligentes, ces visions de la vie n'étaient ni des ouvertures métaphysiques, ni des chants d'espoirs.


Et pourtant, et pourtant ...
Le jeu m'a transpercé comme rarement, m’accueillant au seing d'une famille traversant une injustice d'une violence froide et indicible.
Ici, ni conte, ni fable, une réalité, un quotidien partagé dans toute son humanité.
Et c'est peut-être la plus grande réussite de ce jeu, avoir rattrapé ma fuite annuel des Téléthons et arrachés mes œillères sur les souffrances qui laissent impuissant.
C'est par un media que j'affectionne que j'ai finalement accepté de donner mon attention à ces sujets.
Je ne peux que vous inciter à tenter cette courte et poignante aventure,
qui, à son échelle, aura fait évoluer le média.

TuguDum
6
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le 18 janv. 2017

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