Ah le survival horror... qu'elle est loin l'époque des Alone In The Dark et autres Shadow Of The Comet où, déjà, nous flippions nos races, les yeux rivés sur nos écrans VGA 640x480, le son à fond, les volets fermés tandis que Maman nous lançait un puissant "A TABLE !" annonçant une fin de partie aussi imminente que frustrante.
Elle est loin cette époque parce qu'entre temps, deux titres ont fait basculer le monde du survival horror dans la bipolarité et créé un clivage insurmontable entre joueurs des deux camps. Il y a eu, d'un côté, Resident Evil en 1996, très orienté action, avec un scénario qui, si il n'était pas très original, avait le mérite de tenir la route. Puis en 1999, la sortie de Silent Hill, où l'accent était mis sur une ambiance horrifique incomparable, une histoire captivante, et une tripotée d'énigmes dont la difficulté a marqué tous ceux qui y ont joué.


Quand The Evil Within a commencé à montrer le bout de son nez, on nous a (comme d'habitude) promis monts et merveilles. C'était "Le Renouveau du Survival Horror", une "expérience inédite !", bref LE jeu qui allait réconcilier Residentevilistes et Silenthilliens.


Au final, TEW c'est quoi ? Imaginez Matrix, implanté dans l'univers de Silent Hill, avec la jouabilité de Resident Evil, vous aurez une idée assez juste du concept. Et c'est bien tout ce que je reproche à ce jeu : il n'a aucun caractère propre, tout est emprunté à d'autres univers. Ça bastonne, beaucoup, trop à mon goût, prolongeant ainsi de façon artificielle la durée de jeu (c'est d'ailleurs ce que je reprochais déjà à Resident Evil). Le bestiaire (y compris les bosses) et l'ambiance générale sont scandaleusement pompés sur Silent Hill. Et comme dans Matrix, le scénario, même si on comprend assez facilement l'idée générale, laisse au final une impression de travail pas fignolé, de raccords douteux et de raccourcis un peu faciles.


Bon, on ne va pas se mentir, tout n'est pas mauvais dans ce jeu. La réalisation est suffisamment correcte pour qu'on ait envie de le terminer, visuellement il est parfois assez joli mais sans jamais exploiter les capacités des plateformes actuelles, et pour quelques effets de lumière plutôt réussis, vous aurez également droit à de nombreuses textures bien dégueulasses et pixelisées. La scène d'ouverture à elle seule résume ces écueils : on a parfois l'impression qu'il y a, en termes techniques, 10 ans d'écart entre le visage de Sebastian, le héros, et celui des PNJ. L'ambiance sonore est plutôt bonne même si les dialogues sont d'une platitude hallucinante. Entendre Sebastian répéter sans arrêt "Non mais je rêve !" face à un monstre lambda et alors que ça fait 10 heures qu'il est plongé dans un monde horrifique des plus tordus, donne juste envie de lui filer des gifles. Et je ne parle pas des personnages secondaires, Oda et Kidman, tellement creux et inutiles qu'on en vient à souhaiter leur mort. Leur seule utilité sera, de toute façon, de faire vendre des DLC.


Autre point faible de TEW, la compréhension du scénario est mal pensée. En fait, si vous ne poussez pas toutes les portes, que vous n'explorez pas le moindre recoin de chaque niveau, vous aurez difficilement le fin mot de l'histoire. Or, beaucoup de joueurs se contentent de suivre la trame principale d'un jeu et n'ont pas forcément envie de se rajouter 3 ou 4 heures simplement pour comprendre de quoi il retourne, d'autant que le pitch est par ailleurs plutôt basique et convenu.


Mais ce que je reproche principalement à ce titre c'est son manque d'âme. Le survival horror est un genre à part, où la liberté est absolue puisque de par sa nature horrifique, il est interdit au "jeune" public. Les créateurs peuvent donc tout se permettre pour créer des ambiances malsaines et dérangeantes. Toutes les perversions, toutes les cruautés, tous les délires sont imaginables. Silent Hill ou Dark Corner of the Earth en sont deux bons exemples. Or TEW est, à quelques exceptions près, et souvent tout juste effleurées (comme la présumée relation incestueuse entre Ruvik et sa soeur), très lisse et politiquement correct. Les rares moments de peur se comptent d'ailleurs sur les doigts d'une main.


Derrière un vernis (un peu) crade The Evil Within est en réalité un jeu manichéen et presque "grand public". Il ne provoque jamais ce sentiment de malaise grisant, qui donne à la fois envie d'arrêter et de continuer l'aventure. Ma note peut sembler sévère. Au final, The Evil Within est le reflet d'une époque où la bien-pensance et la consensualité ont gagné tous les domaines de la culture, au cinéma comme dans le jeu vidéo, mais il ne fallait pas essayer de me vendre ce titre comme étant "Le Renouveau du Survival Horror" (rien que ça) alors qu'il ne fait que repiquer les idées de ses prédécesseurs. A force d'afficher et de se vautrer dans des ambitions pour lesquelles il n'était pas taillé, The Evil Within m'a juste donné envie de rejouer à Silent Hill.

ultrabald
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le 23 juil. 2015

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