On continue de parcourir les classiques, et c'est au tour de The House in Fata Morgana de passer à la moulinette de mes doigts et de mes yeux. Visual Novel extrêment réputé, ça tombe bien j'ai eu par le passé des expériences marquantes à vie avec le genre. Et s'en est en effet un très solide représentant, même si je ne le mettrais pas dans mes favoris personnels.
Je m'explique : Fata Morgana est un magnifique roman visuel. Somptueux à pratiquement tous les niveaux : tout d'abord dans la forme, avec des artworks extrêmement bien travaillés, que ce soit dans les décors qui paraissent presque être des photos redessinées ou dans le chara-design marqué, très gothique et inhabituel pour son médium, qui rappelle beaucoup celui de Castlevania Symphony of the Night ou encore le manga Innocent. On en prend plein les yeux niveau illustration mais nos oreilles ne sont pas en reste puisque la bande-son vaut vraiment son pesant d'or. Un nombre de piste assez gargantuesque, quasiment toutes orchestrales et chantées : on est véritablement transporté dans l'ambiance du récit et on ressent parfaitement la valeur ajoutée. Si cette histoire avait été uniquement publiée en livre, elle aurait eu beaucoup moins d'impact qu'ici car certaines scènes sont vraiment sublimées par la musique. Vous aurez donc compris que c'est très généreux en forme... mais aussi en contenu, puisque ce récit est LOOOOOOOONG ! C'est souvent le cas dans les VN mais ici c'est particulièrement palpable, je ne sais pas si c'est à cause des choix peu nombreux et inutiles ou à cause du rythme de l'histoire, mais on a vraiment l'impression de vivre une longue épopée, ça m'a pris plus de 3 semaines pour lire l'histoire principale et encore la version PS4 propose une quantité d'histoires annexes (certaines aussi longues que la principale !) assez hallucinante. Je ne m'attèlerais pas tout de suite à ces dernières pour digérer un minimum la trame centrale, mais on voit que certaines ont l'air particulièrement prometteuses, notamment Reincarnation avec son changement total de design et son doublage ! Car oui le jeu n'est pas doublé, c'est vraiment que du texte et ça participe aussi sûrement à cette impression de longueur. Personnellement ça ne m'a dérangé du tout, au contraire car des doublages auraient pu masquer un peu les magnifiques musiques chantées.
Venons-en maintenant au cœur du projet : ce qui est raconté ! Fata Morgana est divisé en plus ou moins 2 parties : au début le jeu nous propose d'assister à plusieurs nouvelles, (quasi) complètement indépendantes aux enjeux et ambiances marquées et variées. Elles sont plutôt dramatiques-horrifiques, en tout cas assez lugubres avec une volonté de mettre mal le lecteur, et fonctionnent toutes bien. C'est très bien écrit pour un VN (même si je voyais parfois les retournements venir à l'avance), les intrigues se dévoilent comme il faut pour amener à un final saisissant à chaque fois, c'est ma partie préférée du titre et ça m'a immédiatement rappelé les nouvelles de Edgar Allan Poe. Dans sa deuxième partie, le jeu reprend tous les éléments qu'il a introduit dans et autour de ces histoires pour travailler une sorte de fil rouge reliant tout, et bascule dans une dimension toujours aussi sombre-horrifique (voir plus) mais également dans le fantastique. C'est toujours agréable à suivre jusqu'au bout, bien que je ne suis pas très fan du dénouement qui se résume finalement à "sauver tout le monde" yes la vie est belle ! (les récits paraissaient plus subtils dans leurs déroulements) En bref le drame historique qui nous est conté est vraiment beau, les personnages qui en sont les acteurs prennent vraiment aux tripes et c'est presque dommage que le jeu ne se prive pas de ses quelques scènes de légèreté (du style petite tranche de vie bêta typique des anime/manga ou l'inévitable passage où tu dois choisir ta fille préférée...) pour garder un ton grave et sérieux pendant absolument toute l'expérience. C'est quasiment le cas, et quoi qu'il arrive ça ne sort pas du tout du jeu car c'est bien écrit mais disons que ça fait bizarre de lire des scènes de tortures pendant plusieurs dizaines de minutes et d'enchaîner la dessus...
Malgré tout j'insiste sur le fait que l'histoire est superbe, les personnages et leurs actes sont fabuleux et j'aime le fait que ce soit inclus dans notre passé, une époque impitoyablement rude (non c'était pas mieux avant) que ce soit au niveau des dogmes religieux et de pouvoir, des dilemmes type transsexualité (j'ai bien apprécié ce twist) et des conditions de vie en général. Mention spéciale pour les premiers crédits où on nomme les personnages et l'âge auquel ils sont morts, et où on voit que tout le monde est mort à 20-30 ans... c'est donc ça le monde qui rend nostalgique les conservateurs ?
C'est donc du très solide à tous les niveaux (petite réserve sur le dénouement et deuxième partie que j'aime moins mais c'est mes goûts persos), ce qui fait que Fata Morgana ne restera pas dans mes annales, qui a rebuté pas mal de personnes et qui est d'ailleurs la raison pour laquelle l'une des critiques de SensCritique donne un 3 du sale, c'est que c'est finalement un pur roman (visuel) et rien de plus. Je le disais tout à l'heure mais les choix sont peu nombreux et ne paraissent pas naturels, ils n'amènent qu'à des fins précoces inutiles alors que le récit conté est complètement linéaire. Ils alourdissent même pas mal la progression quand on est forcé de choisir des trucs bidons du genre "Let's go !" ou "No I can't..." trois fois d'affilé pour donner une pseudo intensité qui ne fonctionne pas... Ne me dites pas que vous avez ressenti une émotion supplémentaire en appuyant sur ces boutons sérieux, tout est dans le texte dans cette expérience. Mes VNs du cœur (Danganronpa, Zero Escape, même Steins;Gate) sont tous parvenus à tirer particulièrement parti de leur média pour donner une valeur ajoutée à leur histoire ! C'est donc difficile de revenir à quelque chose de plus linéaire, et qui n'est au final qu'un récit. Un beau récit, bien écrit, bien présenté, bien prenant, mais finalement juste un récit.
Malgré tout, tous les amateurs de VNs et de belles histoires peuvent bien sûr foncer sur ce The House in Fata Morgana dont les qualités ne sont plus à vanter ! Il n'y a que moi, le racleur d'interactivité qui n'est jamais content... Fata Morgana propose une bande-son somptueuse : du pur caviar varié et renouvelé qui vous hantera plus longtemps que des âmes damnées, un style graphique peu commun et généreux dans ce qu'il propose. Son récit n'est pas en reste avec une histoire sombre et mystérieuse qui dévoile ses atouts avec un rythme pertinent et des révélations d'orfèvre. C'est du bon, vous pouvez goûter, miam miam.