Contient des morceaux faisandés de divulgâchage.

Suite directe d’un premier opus qui avait traumatisé bon nombre de joueurs et libéré un flot constant d’endorphine chez les journalistes consoles, The last of us 2 place son action quelques années après la conclusion de son aîné. Dire qu’il était attendu par une horde de fans tient du doux euphémisme et si, de mon côté, j’avais modérément apprécié le premier chapitre, j’ai malgré tout cédé aux sirènes de la curiosité et eu la faiblesse de croire que Naughty dog pouvait apprendre de ses erreurs et gommer les défauts de son œuvre originelle.

L’insolence de la beauté froide.

Dès l’entame de ce chapitre 2, on reste interdit, une fois encore, devant l’aisance technique de l’édifice virtuel. Décors somptueux, animations fluides et détaillées, expressions des visages confondantes, mise en scène soignée et immersive, éclairages dignent d’une production hollywoodienne. Sur le plan de l’immersion visuelle et audio, le studio californien frappe fort et démontre une virtuosité technique que peu d’autres studios possède. Je pourrais durant un temps déraisonnable vanter les mérites de cette réalisation qui rend obsolète la nécessité d’une nouvelle génération de console. M’exprimer sur les qualités techniques du titre se résumerait à dresser une liste de superlatifs. The last of us 2 est un parangon technique indéniable. C’est son plus bel argument de vente. Et si cet épisode m’a impressionnée par sa maîtrise technique, sa proposition artistique a eu bien plus de peine à me convaincre. En effet, passer les premières heures de sidération, j’ai ressenti une certaine monotonie, une sensation d’ennui liée à la répétitivité graphique des environnements et au gameplay. Une fois la première zone « ouverte » explorée avec Elie et Dina, j’ai perçu les coutures de l’ouvrage. L’immersion se brisait et je n’étais plus que dans un simple jeu vidéo aux mécaniques éprouvées certes, mais simplistes. Se succédèrent alors les ruines, les escaliers brisés qu’il fallait contourner, les tiroirs à ouvrir, le loot à ramasser, les portes à forcer et les lettres à collecter. Toute la maîtrise technique du monde n’est rien sans une direction artistique inspirée et un game design réfléchi. Et ces aspects de TLOU2 montrent vite leurs limites dans leurs phases redondantes misent en exergue par une durée de vie beaucoup trop imposante. Il m’a fallut 28h pour achever cette aventure et passé un certain cap, j’avais hâte d’en finir tant la dualshock me tombait des mains.

HBO like.

Si le manque de renouvellement des environnements avait raison de mon envie de progresser, c’est surtout le gameplay qui m’a assommée par sa redondance et son classicisme. Il est évident que les décideurs de Naughty dog voulait raconter une histoire avec des personnages forts et des thématiques puissantes. De ce point de vue, leur œuvre est réussie. Elie, Abby, Joel, Dina, Lev, etc...tous apportent de la matière, aidés en cela par des dialogues sobres mais qui sonnent juste. Ici, pas de tirades moralisatrices, de monologues abscons ou d’échanges trop littéraires. Mention spéciale à la VF, incroyable de justesse, interprétée avec talent par des acteurs que l’on devine investis. Pour la structure, Neil Druckmann et Halley Gross ont opté pour une architecture miroir. Un premier acte qui voit Joël mourir sous les coups d’Abby et les yeux d’Elie, un second qui narre le chemin sanglant de la vengeance suivi par Elie pour tuer Abby, un troisième qui met la joueuse aux commandes d’Abby dans son quotidien et enfin retour à Elie pour l’aboutissement de sa vengeance et son pardon. Une fois encore, l’ensemble est limpide quoique beaucoup trop étalé dans le temps de jeu. Le personnage d’Abby m’a le plus émue par son évolution et son cheminement psychologique, Elie restant enfermée dans sa vengeance jusqu’à l’ultime affrontement. Abby parvient à se projeter vers l’avenir et accorde son pardon car elle devient mère\sœur de substitution pour Lev. Elie en est incapable, même auprès de Dina et de son enfant. Cette famille nouvelle ne lui suffit pas, elle est encore hantée par la mort de Joël, que seule la mort d’Abby pourra apaiser. Pourtant, c’est après un combat final ridicule à base de QTE qu’Elie laissera Abby partir avec Lev. Elle comprend alors la vacuité de la vengeance mais trop tardivement car à son retour Dina aura quitté leur maison. Abby peut accélérer son acceptation du pardon car elle a vengé son père mort. Sa haine pour Elie est motivée par la mort de ses amies. Même si ces thématiques de la vengeance, du pardon, de l’obsession et de la filiation restent classiques, elles sont bien traitées et donnent corps aux personnages. Difficile de ne pas s’identifier à ces deux femmes et partager leurs doutes.

La structure du jeu, nous donnant l’occasion d’incarner Elie et Abby, nous amène à mieux comprendre les motivations de chacune et à nourrir des sentiments contradictoires. Cela permet à chacune de réfléchir à sa place à tant que joueuse, le jeu nous obligeant à faire des choix que nous réprouvons. Tuer Joël pour Abby, symbole de sa haine. Tuer des Wolfs pour Elie, simples inconnus pour elle et amis ou intimes pour Abby. C’est dans ces moments que le jeu brille et accouche de ses plus belles émotions et réflexions. Si les QTE ont le don de me repousser, il faut avouer qu’ils sont le choix le moins pénible pour un type de jeu qui veut mettre en avant une narration, des personnages et des choix déterminés.

Press ∆

Si TLOU2 possède un défaut principal, c’est bien son gameplay qu’il reprend de son prédécesseur en ajoutant quelques nouveautés anecdotiques. Les deux constituantes principales sont l’infiltration et l’action. Évacuons le craft qui n’a d’intérêt que de forcer la joueuse à explorer des ruines redondantes et ouvrir des tiroirs à la chaîne. Si le jeu se permet quelques lieux mémorables, ceux ci sont trop noyés dans l’ensemble grisâtre d’une Seattle en déliquescence. On passe son temps à déambuler, glanant au détour de cuisines, salons et autres garages qui finissent par tous se ressembler, une sinistre lettre témoignant d’une horreur passée. Si la variété des objets et du mobilier peu maintenir l’illusion quelques heures durant sur la diversité des lieux traversés ; la gamme de couleurs, l’architecture générale et la lenteur de ces phases d’exploration ont achevé bien trop rapidement ma patience et ma curiosité. Et qu’on ne brandisse pas l’argument fallacieux de la narration environnementale, c’est un monde en ruine avec pour seules témoins quelques lettres griffonnées à la va vite. Nul place ici pour des intervenants neutres : on ne rencontre que des ennemis ou des alliés.

L’infiltration se base uniquement sur l’utilisation de la capacité que possèdent conjointement Abby et Elie (quelle superbe cohérence !) celle de détecter à distance les êtres vivants à l’instar d’un Daredevil. Qu’importe que l’on se trouve dans une cave silencieuse ou sur une zone de guerre, le pouvoir ne fait jamais défaut. Il devient alors facile d’anticiper et de piéger les nombreux ennemis qui croisent notre chemin. Le comportement prévisible des bots combiné à une IA simplette, les arènes d’infiltration deviennent le lieu d’un vrai jeu de massacre ou le surin règne en despote. Rares ont été les occasions où ma présence fût détectée et il n’y a que les chiens qui ont réussi à tromper mes mouvements d’approche. Les combats, dignes héritiers des gunfights à la sauce Uncharted, ne procurent jamais la moindre sensation. Que se soit en mode libre ou dans une scène scriptées, il s’agit d’enchaîner les adversaires qui viennent s’échouer devant notre canon et de maltraiter la gâchette jusqu’à épuisement du sac à pv. Mais que demander de plus à un jeu narratif ? Je déambule dans cette ville fantôme durant des heures, lootant pour tromper mon ennui, égorgeant Scars, infectés, Wolfs et autres Crotales pour me donner l’impression d’agir et les arènes succèdent aux scriptes et aux longues phases d’exploration. Quelques flashback viennent ponctuer ce lent déroulé et éclairent les personnages sous de nouvelles lumières. Je garderai longtemps encore cette sublime scène de l’anniversaire d’Elie aux commandes de la navette spatiale. Un moment trop rare.

I hope the last.

De mon point de vue, à l’image d’un Uncharted, TLOU2 n’est pas assez radical. Il ne s’assume pas en tant que jeu narratif. Vouloir greffer à cette superbe narration et ses personnages forts des mécaniques désuètes et inadaptées durant un périple bien trop long plongent le jeu et la joueuse dans un état de torpeur que viennent parfois sublimer quelques scènes narratives. La maestria technique n’arrive pas à faire oublier un gameplay répétitif et un rythme laborieux. La prochaine série éponyme produite par HBO, expurgée de ces scories vidéoludiques, pourrait bien être le véritable écrin dans lequel le diamant The last of us révélera sa forme la plus pure.

Alyson_Jensen
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le 22 nov. 2022

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Alyson Jensen

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