The Legend of Zelda: Majora's Mask
8.3
The Legend of Zelda: Majora's Mask

Jeu de Nintendo EAD, SRD et Nintendo (2000Nintendo 64)

Je ne présenterai pas les bases du jeu, de son gameplay ou de son histoire, ça a déjà été bien fait.
J'ai plutot envie de partager l'unique et curieuse expérience que ce jeu a été, et qu'il reste encore aujourd'hui (il y a donc risque de spoil).

Majora's Mask. Ce nom résonne dans mes oreilles. Un jeu hors du temps et de l'espace. Un ovni rencontré là où je m'y attendais le moins.
Il est difficile de passer après un monument tel qu'Ocarina of Time.
Et pourtant Majora's Mask réussit le pari d'être bien plus marquant, bien plus dérangeant, comme s'il faisait écho à qqchose qu'on reconnait sans vraiment savoir ce que c'est.
Trouble, malsain, et plus que tout étranger. On ne termine jamais vraiment Majora's Mask, d'une certaine façon on est toujours coincé dans ces trois jours.
Revenant toujours au point de départ.
Que connait-on du Termina d'avant ? Que sait-on de ce que ce monde devient après ?
Rien, on n'a jamais vu et on ne verra jamais Termina sans cette Lune grimaçante qui menace nos têtes.
Sans cette ambiance d'apocalypse.

Malgré toutes les fois où je l'ai terminé, Termina a conservé d'inexplicables mystères tant par sa curieuse existence (qui reste un mystère de la cosmologie Zelda), que pour toutes ces petites questions qui n'auront jamais de réponses (Qui est réellement le vendeur de Masque ? D'où vient Majora ? Quel est lien entre la tour du clocher et les bois perdus d'Hyrule ? Qui a battit cette tour gigantesque jusqu'aux cieux d'Ikana ? Et pourquoi ? Il y a d'ailleurs une théorie extrêmement intéressante au sujet de ces deux dernières questions : http://www.zeldauniverse.net/articles/the-message-of-majoras-mask/ ).
Termina conservera à jamais son aura de contrée lointaine, comme un souvenir flou... Ce qui lui donne un cachet impérissable.

"Your friends... What kind of... people are they? I wonder... Do these people... think of you... as a friend?"

Il y a un mur entre nous et Termina, entre Link et les autres personnages. Aucun ne se souvient de lui, aucun ne se souviendra jamais de lui. Cette disonnance est d'autant plus que forte que Link n'a plus une quête aussi simple et un statut aussi simple que dans Ocarina of Time : un adulte emprisonné dans le corps d'un enfant... qui après avoir été envoyé de force dans un futur qui n'est pas le sien, s'est retrouvé dans un passé qui n'est plus vraiment le sien non plus.
Et maintenant, plus personne ne le connait, plus personne ne le prend au sérieux... et surtout plus personne ne se souvient de lui. Etant prisonnier d'une boucle temporelle, ses tentatives pour s'intégrer à Termina sont éternellement condamnées à l'échec.
Il est à la recherche d'un ami, un ami qui l'a quitté. Mais pourquoi ? Et que pourra-t-il lui dire quand il aura retrouvé cet ami ?
Lui-même ne semble pas vraiment le savoir.

Ocarina of Time était accueillant, hospitalier. La forêt Kokori était sa demeure, de nombreux habitants sont ses amis, ses camarades.
Termina est d'une certaine façon familier, mais hostile, instable, oppressant. Comme un reflet déformé d'Hyrule, les personnages ressemblent à ceux d'Hyrule, mais ne sont plus vraiment les mêmes (Aonuma a bien intégré la réutilisation des modèles à l'ambiance de son jeu). La déformation se retrouve jusque dans les dongeons, qui deviennent labyrinthiques, mais surtout le dernier, où le ciel et la terre s'inversent, renforçant cette confusion.

Mais plus que tout, on retrouve cet aspect dérangeant et vague à travers les thèmes du jeu : l'identité, la solitude, le (des)espoir. Zelda a-t-il jamais été aussi vagues dans ses sujets ?
Ici, les masques sont prépondérants, chacun porte un masque, au sens propre parfois, mais souvent au sens figuré. Anju qui nous accueille joyeusement à l'auberge alors qu'elle est morte d'inquiétude, Kafei l'adulte dans un corps d'enfant (une situation qui fait écho à Link), le charpentier qui joue les durs alors qu'il est mort de trouille, les frères Gorman qui cachent leur tristesse derrière un aspect bourru, jusqu'aux fantômes d'Ikana qui torturent les voyageurs pour oublier leurs propres mort et regrets... tous ces personnages qui dévoilent un autre visage selon le moment et la quête durant laquelle on leur parle (je ne détaillerai pas plus, j'en aurai pour trois jours). Rarement les PNJ ont tous été aussi approfondis dans un jeu, et jamais dans un autre Zelda. Tous sont reliés entre eux, tous sont connectés d'une certaine façon. Termina a une vraie dynamique d'ensemble. Mais au final, on ne sait plus vraiment quelle la vraie facette de ces personnages, car ils en ont plusieurs. Une situation qui contraste beaucoup avec les traits simplistes des PNJs des autres Zeldas.

Tout ça renvoie Link a son propre questionnement personnel : Qui est-il maintenant ? Il n'est pas le héros de ce monde (un des rares jeux ou Link n'est jamais appelé le Héros ou l'Elu). Juste un voyageur hors de ce monde (et c'est justement pour ça qu'il peut le sauver). Mais pour l'approcher, il doit revêtir l'apparence d'autres personnes, des masques qui ne sont pas le sien. Et chaque fois qu'il met un masque, le hurlement de douleur rappelle le déchirement de son esprit. Comme si ne pas savoir qui il est ne suffisait pas, voila qu'il doit devenir quelq'un qu'il n'est pas. Mais malgré tout, il doit sauver Termina, il a fait une promesse... Et même confu et perdu, il reste un héros.

"The right thing...what is it? I wonder...if you do the right thing...does it make...everybody...happy?"

"What makes you happy? I wonder...what makes you happy...does it make...others happy, too?"

Car tout n'est pas si sombre. Même pris dans le désespoir de ce monde condamné, même rejeté par un univers qui n'est pas le sien. L'espoir existe. L'espoir de sauver le monde, mais surtout de se retrouver. Ocarina of Time était une quête pour le monde, Majora's Mask est une quête pour soi. Parce que malgré les périls, malgré le fait qu'il ne deviendra jamais un habitant de Termina, que tous l'oublieront. Link se sera fait un ami à la fin de son aventure, et pour reprendre ce bon vieux Gordon : Pas celui qu'il cherchait, mais celui dont il avait besoin.
Dracs
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le 20 oct. 2012

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