The Legend of Zelda: Majora's Mask
8.3
The Legend of Zelda: Majora's Mask

Jeu de Nintendo EAD, SRD et Nintendo (2000Nintendo 64)

Encore aujourd’hui – et je pense que ça restera à vie – ce jeu est mon grand frisson en termes de Zelda, voire même en termes de jeu vidéo tout court.
Alors bien évidemment – ne nous mentons pas ! – c’est totalement lié au fait que je sois né au début des années 1980 et que l’essentiel de mon exploration vidéo-ludique se soit faite dans les années 1990.
Je doute que quelqu’un qui décide de se lancer dans cet épisode aujourd’hui ne vive son expérience de jeu comme moi j’ai vécu la mienne à l’époque.
Seulement voilà, maintenant c’est marqué en moi.
Ce jeu est devenu mon maître-étalon.
A chaque fois que je joue à un Zelda ; à chaque fois que je joue à un jeu d’aventure, j’ai « Majora’s Mask » en tête et cette expérience que j’en ai eue…


Pourtant, à la base, moi, quand j'ai acheté ce « Majora’s Mask », je l’ai clairement acheté comme un « add-on » d « Ocarina of Time » que comme un vrai épisode avec sa propre identité.
Le moteur graphique était le même. Les graphismes étaient d’ailleurs rigoureusement identiques. Même les personnages n'avaient pas été modifiés d'un iota !
Je me souviens qu'à l'époque j'avais beau avoir une confiance presque aveugle en Nintendo, je ne pensais pas pour autant que ce jeu allait à ce point redéfinir mon expérience du jeu vidéo.
...Et pourtant, ce fut le cas.


Pour moi, le choc a tenu en trois points.
Le temps.
Les masques.
...Et la tonalité générale du jeu.


Le temps d’abord.
Dans ce jeu, le temps est géré d’une manière plus que singulière pour un Zelda.
Il y a un timer : trois jours et trois nuits.
Une fois le temps écoulé, la partie n’est pas finie mais il y a obligation pour le joueur de remonter dans le temps pour revenir à la même journée.
Alors là vous allez me dire : « Bah en fait il n’y a pas de limite de temps alors ! Si on peut enchainer les journées par tranches de trois jours c’est pareil que pour n’importe quel autre Zelda ! »
Bah non ! Et cela pour deux raisons.


D’abord parce qu’en revenant dans le temps, tout ce que vous aurez cravaché à débloquer, dynamiter et résoudre, se rebloquera, reconstituera et reproblématisera.
En gros, puisqu’on ne garde que les objets acquis lors du voyage, alors il faut s’assurer de finir une quête avant la fin du timer.
Et la deuxième raison, c’est qu’un peu comme « Un jour sans fin », certains événements ne surviennent qu’a des moments particuliers de certaines journées, et qu’en interagissant sur ces événements, d’autres auront lieu ou pas.
Et bien évidemment, de tout cela, on ne vous dit pas grand-chose.
C’est donc à vous d’expérimenter, de vous balader, et de noter ce qui se passe…
Et on ne va pas se mentir : d’un principe tout con, « Majora’s Mask » en à fait une expérience que je trouve encore aujourd’hui assez dingue.


Parce que, comme tout jeu Nintendo, ça reste assez simple pour ceux qui ne veulent pas se prendre le chou avec ça (il y a un agenda qui note automatiquement les événements clefs), mais ça va dans de sacrés niveaux de subtilité pour ceux qui creusent vraiment.
Parler avec les PNJ devient pour le coup une expérience totalement renouvelée.
Autant dans « Ocarina of Time » les PNJ étaient sympas mais figés, là ils sont en mouvements, à la fois dans l’espace mais aussi dans le temps. Il leur arrive des choses au cours de ces trois jours et il ne tient qu’à nous de remonter le cours de chaque histoire et de se rendre compte que chacun y a une vie qui lui est propre.
Mieux encore : on se rend carrément compte qu’on peut interagir sur l’histoire de chacun pour (éventuellement) l’améliorer !
L’idée peut sembler simple mais elle fut dévastatrice pour moi car cette simple notion m’a incité à faire attention à tout ; à tous les gens, tous les événements, tous les détails.
Et ce qui est merveilleux, c’est que chaque attention du joueur est récompensée par le jeu.
Chaque PNJ a son histoire à raconter. Si bien que plus on joue, plus on découvre la complexité de cet univers.
Alors, contrairement à un autre Zelda où notre avancée dans le jeu se sentait dans l’amélioration de nos compétences, là notre avancée dans le jeu se ressent dans notre perception différente des choses et des situations.
Puissant.


Rien pour ça, déjà, ce jeu, je le valide à 100%.
Mais voilà qu’en plus de la gestion du temps, se mêle la gestion des masques.
Elément plus que superficiel dans « Ocarina of Time », ici la gestion des masques devient, avec celle du temps, le cœur du gameplay.
La première grande bonne idée, c’est que certains masques nous transforment totalement et nous procurent des capacités spéciales ce qui, forcément, enrichit notre gamme d’actions et de possibilités.
Mais là où je trouve que le jeu fait fort, c’est que le port de masque influence aussi la manière dont les PNJ interagissent avec nous.
On est plus ou moins méprisés ou respectés selon nos apparences, certains masques disposent de pouvoirs particuliers, comme celui de lire dans les pensées par exemple, ce qui enrichit une fois de plus notre vision de cet endroit et de ce qui s’y passe.
Le champ de possibilité devient tel que moi j’ai eu envie de tout essayer sur tout le monde, et là encore, le jeu me récompense quand je le fais. Ils ont pensé à tout les gars de chez Nintendo.
C’est brillant.


Donc, vous l’aurez compris : rien qu’avec ces deux éléments là, je valide le jeu à 200%...
Mais il a fallu que les créatifs de chez Nintendo ne s’arrêtent pas là…
Il a fallu qu’en plus de ces idées de gameplay absolument géniales, ils y aient ajouté une tonalité générale qui a totalement fait mouche sur moi.
Et si je parle de « tonalité générale » c’est parce que pour moi, ça ne se limite pas qu’à une simple question d’esthétique ou d’atmosphère.
Ça se ressent dans tout.
Y compris dans la conception du monde.
Y compris dans l’histoire.
Y compris dans le game design


Alors bien sûr, c’est par l’atmosphère globale du jeu que tout cela va se ressentir dès le départ. Décors glauques, ennemi au look ambigu, musiques énigmatiques, lune menaçante, et surtout cet histoire de monde qui va mourir dans trois jours…
Ça pose quelque chose, et quelque chose de sacrément culotté je trouve, surtout pour un Zelda.
C’est limite anxiogène parfois, mais moi j’adore.
La direction artistique est juste incroyable et j’adresse pleinement mes hommages à Koji Kondo et Toru Minegishi pour leur incroyable bande-originale.
(Encore aujourd’hui, malgré les compétences techniques moindres de la N64, je me la passe régulièrement.)


Le pire, c’est que c’est totalement cohérent avec la manière dont se structure nos parties.
A devoir revenir à chaque fois dans le passé ; à devoir faire le deuil de certaines de nos actions ; à devoir se manger une certaine fatalité dans la face, il se dégage une incroyable sensation de fragilité des choses.
Le monde meurt.
Les problèmes sont multiples.
On ne pourra pour tout régler.
Et malgré notre agitation, il y a une certaine fatalité là-dedans qui fait que tout le jeu renverse nos sensations habituelles dans les Zelda.
D’habitude on est le héros invincible qui sauve le monde. Là on est un héros presque impuissant face à une fatalité à laquelle on ne peut échapper…
Et c’est là pour moi que ce jeu m’a fait basculer dans une toute autre dimension.


« Ta partie est futile » semblait me dire le jeu.
Tout est futile. Tout va mourir… Pourquoi tu t’acharnes ?
Qu’est-ce que tu retireras de cette expérience ?
Qu’est-ce que tu auras accompli vraiment ?
Du début jusqu’à la fin, le jeu nous fait passer d’un monde mourant à un monde déjà mort.
Je sais qu’un sacré paquet de théories est déjà sorti sur le sujet et j’ignore ce qu’elles valent vraiment. Il semble désormais canon de dire que cet épisode est celui où Link ne triomphe pas de Ganon, et que Termina est en quelque sorte le Styx de Link, ce fleuve qui le fait lentement transiter du monde des vivants au monde des morts.
Moi ça ne me dérange pas d’y adhérer à cette théorie même si, personnellement, je ne m’y attache pas plus que ça tant pour moi, le véritable fond de ce jeu se trouve dans le jeu lui-même.
L’expérience de la perte et l’acceptation de la fatalité.
Cette idée qu’on ne pourra pas tout faire, tout résoudre, tout finir avant la fin, c’est ça « Majora’s Mask ».


Alors oui, moi quand je me suis bouffé ça après « Ocarina of Time », j’ai juste pris ma claque. Ma leçon de jeu vidéo.
Le pire c’est que c’est cet épisode qui m’a rappelé qu’en fait mon expérience d’« Ocarina of Time » n’avait pas été si transcendante que cela.
C’est lui qui m’a fait me souvenir que mon expérience de l’âge adulte de Link n’avait été qu’un tunnel de donjons face auquel j’avais regretté le manque de vécu et de profondeur dans le monde d’Hyrule.
Il m’a fait m’en souvenir parce qu’il corrige justement cela !
Il m’a fait me souvenir que je me plaignais que certains endroits d’ « Ocarina of Time » ne m’avaient pas trop séduits, notamment la zone volcanique ou le lac parce que je les avais trouvé trop pauvres et trop vides.
Là encore, il m’a fait m’en souvenir parce que le domaine Zora et la montagne goron sont beaucoup plus intéressantes en termes d’exploration dans cet épisode.
Les donjons sont plus rares, c’est vrai. Mais je les trouve absolument remarquables, notamment dans leur capacité à totalement réinventer leur concept (ça m’a particulièrement séduit pour le Temple de l’Eau, une fois de plus).
D’ailleurs, j’avoue que je ne me suis toujours pas remis des terres d’Ikana et de la Forteresse de pierre. Ce temple réversible est pour moi un véritable bijou…


En somme, vous l’avez compris : je ne rejette rien dans ce « Majora’s Mask ».
J’adore tout. Et j’adore tout parce que tout va très bien ensemble.
C’est très osé et remarquablement cohérent.
Moi c’est ma baffe.
Alors après, j’entends bien qu’il s’est passé beaucoup de choses depuis dans le monde du jeu vidéo, et que si vous êtes plus jeune que moi, votre baffe vidéoludique se trouvera certainement ailleurs.
C’est quelque chose que je comprendrais et que je ne vous contesterais pas.
J’ai parfaitement conscience que l’impact qu’a eu « Majora’s Mask » sur moi dépend de tout un contexte ; un contexte difficilement accessible pour qui ne jouait pas en 2000.
Je ne chercherais donc pas dans cette conclusion à vous convaincre que « Majora’s Mask » est le meilleur jeu du monde.
Seulement, maintenant, j’espère que vous comprendrez mieux ceux qui vous disent que dans leur cœur, il l’est.

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le 26 août 2018

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