The Legend of Zelda: Majora's Mask
8.3
The Legend of Zelda: Majora's Mask

Jeu de Nintendo EAD, SRD et Nintendo (2000Nintendo 64)

Sorti initialement sur N64, TLOZ Majora's Mask (MM) reste l'un de mes Zelda favoris et prend une place assez importante dans ma vie de joueur, en plus d'introduire deux éléments qui, à ma connaissance, n'ont quasiment jamais été repris par la suite dans un jeu vidéo : le temps et les masques.


Note : spoilers divers et variés (le bouton "Spoiler" casse ma mise en page...).



La suite directe d'une autre légende



On dit souvent que le meilleur Zelda reste TLOZ Ocarina of Time (OOT), voire aussi TLOZ A Link to the Past. Il est toujours difficile et délicat de comparer deux Zelda, s'agissant généralement d'époques et surtout d'enjeux différents. Chaque Zelda possède son propre style, son propre système de progression, ses propres donjons, etc... Bref, si le fond change rarement (se résume généralement à du "sauver la princesse"), la forme est à chaque fois différente.


Et comme l'exception qui confirme la règle, ce MM semble faire un peu cas à part. Alors certes la forme reprend trait pour trait celle d'OOT (ce qui est expliqué par le scénario), le fond diffère radicalement, introduisant notamment des mécaniques de gameplay uniques et une ambiance atypique pour un Zelda.


Concernant l'histoire, il s'agit effectivement de la suite directe de OOT. Après avoir vaincu Ganon, Link redevenu enfant à la fin de OOT quitte Hyrule à la recherche d'un but, un peu dépité d'avoir été séparé de Navi. Eh oui, pas de Zelda à sauver ni d'énième réincarnation de Ganon à occire ! Mais pendant son voyage, un gamin de la forêt (Skull Kid) portant le Masque de Majora lui vole sa fidèle monture Epona ainsi que son ocarina, et l'entraîne dans une dimension parallèle à Hyrule : Termina. Link est de plus transformé en peste Mojo par Skull Kid et laissé pour compte dans ce nouvel univers, même si il est maintenant accompagné par Taya, une fée un peu désinvolte qui dans l'action a été séparée de son petit frère (oui les fées peuvent avoir des petits frères :p) Tael resté avec Skull Kid.


Fraîchement arrivé à Termina, il rencontre un étrange vendeur de masque (qui semble être le seul personnage venant bien de OOT) s'étant justement fait voler le masque de Majora par Skull Kid, et qui lui demande donc d'aller le lui récupérer. Et si la situation n'était déjà pas assez compliquée comme ça, une étrange Lune au visage assez menaçant (voire carrément flippant) menace de s'écraser dans très exactement 72h, le soir du grand festival ! Conclusion, vous avez trois jours pour : retrouver votre apparence, retrouver votre ocarina, battre Skull Kid et sauver le monde.



D'où l'importance de savoir gérer son temps



Ne vous inquiétez pas, les trois premiers jours sont cadeaux et vous finirez par retrouver votre apparence humaine ainsi que votre ocarina, mais pas seulement... A vos pieds se trouvera aussi un masque bien étrange ; le masque de Mojo vous permettra désormais à tout moment de redevenir un mojo pour profiter de ses aptitudes, mais on en reparlera un peu plus loin. A partir de là, le jeu vous donne toutes les clés pour progresser et vous présente les deux éléments de gameplay cruciaux du jeu : le temps et les masques.


Ainsi, je ne reviendrai pas sur les mécaniques "classiques" d'un Zelda, à savoir que : chaque donjon vous donne un nouvel objet (les donjons fonctionnent d'ailleurs toujours avec des petites clés), on augmente sa vie avec des quarts de cœurs, on apprend différentes magies, Epona est toujours là pour se déplacer plus vite, on apprend tout un tas de chants à l'ocarina ayant chacun un effet spécifique, etc... MM est sur ce point similaire à OOT.


Commençons donc par parler de l'importance du temps. Sachez que si vous laissez le temps s'écouler sans rien faire (soit 72h dans le jeu), la Lune s'écrase et c'est le game over. L'ocarina permet ainsi de réinitialiser le temps, soit de remettre à zéro le compteur des 72h, mais il permet aussi d'accélérer ou de ralentir le défilement du temps (1h dans le jeu correspond à peu de chose près à 1min en vrai et 3min lorsque le temps est ralenti). Le jeu comprend 4 donjons assez longs (notamment le dernier), et surtout de très longues phases d'exploration et de résolution d'énigmes avant de pouvoir accéder à ces donjons ; en plus de la fin du jeu et du boss final. Il est impossible (sauf pour un speed run :p) de faire tous les donjons en 72h, le retour dans le temps est inévitable. Mais que se passe-t-il à chaque fois que l'on remonte le temps ? Vous conservez déjà tous les objets et masques que vous avez acquis (excepté leur quantité, votre nombre de flèches par exemple), ainsi que le fait d'avoir terminer un donjon (chaque boss vous offrant un masque non utilisable et une partie de l'énigme permettant de débloquer la fin du jeu). Par contre, tout le reste est remis à zéro, c'est-à-dire que tous les PNJ à qui vous avez parlé ne se souviendront plus de vous, les donjons seront à nouveau remplis de monstres (vous pouvez d'ailleurs aller ré-affronter le boss), et tous les changements qui s'opèrent lorsque vous terminez un donjon (par exemple la fonte de la neige dans la montagne) seront annulés.


On perçoit déjà ici un peu la philosophie du jeu : la fin du monde est inévitable et particulièrement proche, et tout ce que vous accomplissez semble complètement illusoire, même si vous continuez constamment de vous raccrocher à l'espoir qu'en remontant dans le temps, vous parviendrez enfin à changer votre destin. Pour bien comprendre, je vous conseille l'excellent Groundhog Day, qui reprend à peu de choses près cette notion.


Parmi tous ça, il y a un dernier élément relatif au temps dont il faut parler : l'importance des PNJ et le journal des Bombers. Dans les trois premiers jours (ceux où vous êtes en peste Mojo), vous obtiendrez ce journal auprès d'une bande de gamins qui ont pour objectif de rendre service aux gens et de les rendre plus heureux. Ce leitmotiv constituera l'ensemble des quêtes annexes du jeu, quêtes annexes qui sont loin d'être anodines, puisqu'elles vous permettront de récupérer un bon nombre d'objets et de quarts de cœurs, et surtout des masques. En discutant avec les PNJ du jeu, certains vous demanderont de l'aide, et vous fixeront même des rendez-vous tel jour à telle heure, d'où l'importance du journal, qui répertorie tous ces événements et ce qui se passe en cas d'échec ou de réussite. Or on l'a dit, les PNJ vous oublient lorsque vous remontez le temps, il faudra donc parfois faire attention à votre agenda si vous ne voulez pas passez à côté de certaines quêtes, sachant que quelques unes d'entre elles ont un timing assez serré.



Diagnostic : schizophrénie chronique



L'autre élément crucial est l'utilisation des masques (qu'on trouvait déjà dans OOT, mais juste en quête annexe). C'est certainement l'un des systèmes les plus ingénieux qu'il m'ait été donné d'expérimenter, et je m'étonne encore aujourd'hui de ne pas le voir dans plus de jeux (je pense seulement à Soul Bubbles sur DS). Link pourra donc au cours de son aventure collecter une vingtaine de masques, pas tous indispensables à sa quête, mais indispensables pour profiter au maximum du jeu, certains masques étant assez délirant. En vrac, l'étrange masque du cochon qui permet à Link de sentir les champignons, celui de la pierre qui le rend invisible, le fameux masque du lapin qui fait courir Link plus vite ou bien le masque de Kamaro qui vous permet de... danser. Mais trois masques ressortent du lot, puisqu'il permettent de transformer Link en Mojo, en Goron ou en Zora. Ces trois masques sont essentielles pour la progression dans le jeu car ils procurent des aptitudes importantes : entre autres les mojos peuvent planer avec des fleurs, les gorons rouler en boule, et les zoras nager sous l'eau.


L'autre aspect assez important des masques est qu'ils vous permettent de vous faire passer pour quelqu'un d'autre. En mettant le masque du lapin par exemple, vous n'êtes plus Link, vous êtes un lapin mignon comme tout. Chaque masque change la réaction des PNJ quand vous leur parlez, et cela peut activer différentes quêtes annexes ou vous faire progresser dans le jeu.


Et on tient là la deuxième philosophie du jeu. Link ne semble plus tout seul dans sa tête, mais peut bel et bien endosser 23 personnalités différentes ! Plus que de décontenancer les PNJ, on se pose parfois des questions en tant que joueur sur l'importance de notre avatar et du héros que l'on incarne. Link est-il vraiment un héros, semblant lui-même complètement perdu et à la recherche constante d'un vraie personnalité ? On peut très bien faire le jeu sans se poser autant de questions, mais le fond du sujet donne quand même, je trouve, bien matière à la réflexion. Tout cela me fait aussi penser à pas mal de personnages fictifs, tel Lorenzaccio du livre éponyme de Musset, ou encore le personnage de Shinobu dans Yu Yu Hakusho.



La version dark d'Hyrule



Le dernier point important concerne l'ambiance du jeu, créée à la fois par l'aspect graphique et par les mécaniques de gameplay.


Graphiquement, MM est similaire en tout point à OOT, mais la direction artistique est tout autre. On retrouve en effet exactement les mêmes visages dans MM et OOT (dimension parallèle oblige), mais il faut bien avouer que le monde de Termina est bien plus torturé que celui d'Hyrule. Tout est fait pour déstabiliser le joueur : le level design des donjons est plus tortueux ; le design des masques (en particulier celui de Majora, qui donne à Link un ennemi peut-être aussi charismatique que Ganondorf) est glauque à souhait ; ou bien évidement le design de la lune, dont le visage aura choqué une génération entière de joueurs. Ça ne choque d'ailleurs peut-être pas les joueurs d'aujourd'hui, mais à l'époque, MM propose quelque chose de très dérangeant et de très déstabilisant, surtout lorsque l'on a été habitué aux précédents Zelda. Au passage, MM introduit l'affreux mais charismatique Tingle, qui aura aussi une longue carrière devant lui !


L'aspect graphique aide beaucoup, mais le jeu est aussi beaucoup plus sombre, d'autant plus lorsque l'on pousse un peu plus loin la réflexion sur les éléments évoqués précédemment. Revenons un peu sur les trois masques de Mojo, de Goron et de Zora. Les deux derniers (ainsi que d'autres masques dans le jeu) s'obtiennent en apaisant avec l'ocarina, respectivement l'âme tourmentée d'un chef Goron et un musicien Zora sur le point de mourir de blessures mortelles. On apprend aussi à un moment dans le jeu qu'un jeune Mojo serait décédé justement à l'endroit où l'on a été transformé en Mojo la première fois ! Ces trois masques seraient donc la matérialisation de l'âme de trois individus décédés, que l'on exploite à tour de bras tout au long du jeu... L'animation de Link lorsqu'il revêt ces masques témoigne d'ailleurs d'une souffrance palpable.


Tout cela a grandement participé à la réputation de "Zelda sombre" du jeu, et a aussi créé quelques creepypasta (Google est votre ami) bien bien glauques. Je vous conseille au passage les vidéos sur le sujet réalisées par Twin Picks et Creepy as sh*t (ici et ici).


Et au-delà de toute cette ambiance bien particulière, on a quand même le droit à quelques passages bien décalés, comme la protection d'un troupeau de vaches contre des extraterrestres à 2h du mat ou encore une course aquatique contre des castors shoutés au LCD.



Conclusion



MM est un must qui ne se loupe pas quand on est amateur de la série, et je vous assure qu'il n'a pas pris une ride ! D'ailleurs, l'original sur N64 est bien différent vis-à-vis de l'ambiance de son remake sur 3DS, et je pense que les deux versions sont à faire. De base, MM propose des mécaniques de gameplay uniques et très bien pensées ; et avec un peu de recul, on se rend compte de la profondeur du discours derrière tout ça. TLOZ Majora's Mask est une œuvre sur le temps et l'identité, comme on en voit rarement.

Vash
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le 27 avr. 2015

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Vash

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