J'ai toujours été extrêmement curieux de découvrir ce Nomad Soul, non pas seulement pour la proposition atypique du jeu en son temps, mais pour la singularité qu'il représente à l'égard de son studio créateur, devenu depuis bien plus renommé (ou conspué) pour une démarche radicalement distincte en matière d'expériences interactives. En effet, le premier jeu de Quantic Dream, aujourd'hui connu pour ses expériences cinématographiques segmentées en chapitres, était un jeu d'enquête en monde ouvert où l'exploration prenait clairement le pas sur la narration; une aventure exigeante aux énigmes retorses, pimentée de séquences d'action et d'une gestion constante de l'inventaire... Pardon? Avec des sauvegardes limitées, en plus? Difficile de trouver un contraste plus éloquent dans le reste de l'industrie entre la première œuvre d'un studio et le reste de sa logique créative qui tendra constamment vers une accessibilité à tous et un rythme savamment orchestré : ici, le jeu revêt non seulement une forme plus traditionnelle dans le médium du jeu vidéo mais se veut également une expérimentation déroutante, se plaçant quelque peu dans la continuité d'un certain Shenmue mais en développant une tonalité bien distincte pour autant.


Et le pire c'est que le bougre ne s'en tire pas trop mal dans la première moitié de son aventure, malgré la générosité de son contenu qui menace déjà de l'étouffer. Le titre souffre parfois d'une certaine rigidité structurelle dans le déroulement de son enquête (comme l'impossibilité de réinterroger un suspect, même après avoir obtenu des informations compromettantes à son sujet) mais il y a malgré tout un effort appréciable de liberté dans la collecte d'indices et les différentes pistes à suivre en parallèle pour le joueur, amenant vraiment à raisonner comme un détective du futur dans le monde inquiétant d'Omnikron, une cité qu'il est également plaisant de découvrir par ses propres moyens et à un rythme davantage guidé par la réflexion du joueur qu'un fil conducteur plus tangible. Nous connaissons tous la réputation de David Cage en ce qui concerne la qualité concrète de ses dialogues, le classicisme éhonté de ces récits ou la soit-disant maturité de son œuvre et ce n'est pas cette création de jeunesse qui fera démentir ces sentiments en la matière; néanmoins, l'écriture s'avère bien moins chargée de prétention que dans ses créations ultérieures, s'apparentant davantage à un délire adolescent décomplexé avec ce que cela implique d'érotisme débridé, de conspirations machiavéliques et d'organisations secrètes œuvrant dans l'ombre; le récit étant au demeurant bien moins exposé frontalement à la figure du joueur que dans les autres productions du studio. A ce titre, il convient même de saluer un certain savoir-faire en matière de World Building, à tel point qu'il en devient presque regrettable que Quantic Dream se soit totalement détourné de cette approche dans les décennies suivantes, privilégiant la diversité de ses chapitres plutôt qu'un monde dans lequel il serait possible de s'égarer face à sa grandeur suffocante. De la formule habituelle du studio, il ne subsistera que cette emphase sur le quotidien du héros avec de nombreuses actions ordinaires dans l'environnement (déjà initiée par Shenmue mais rarement réitérée de la sorte en Occident) et surtout une approche plus originale de la mort, le Game Over étant déjà proscrit dans cette première itération du studio : votre personnage sera ainsi remplacé par un autre au fil du récit, offrant un rapport assez étrange avec notre protagoniste interchangeable, même si en retour, ce procédé véhicule une certaine mise à distance émotionnelle pas vraiment propice aux enjeux que le titre s'efforce de développer dans sa deuxième moitié.


Une deuxième moitié malheureusement cahoteuse, par ailleurs...


Triste spécialité des premières productions Quantic Dream, The Nomad Soul change radicalement son fusil d'épaule en cours de route pour se muer en un RPG assez quelconque et redondant à jouer où notre enquêteur improvisé se métamorphose en un énième élu qui devra lutter contre le pouvoir en place à coups de flingue, tout en faisant du karaté contre des Démons...Les séquences de FPS sont à peine supportables (à condition de prendre le temps de changer la configuration des touches ) et les scènes de combat sont juste abominables (il est même davantage recommandé de spammer les coups de pied au lieu de se hasarder à faire quelques combos); à cette action indigeste se rajoute de surcroît une linéarité fort regrettable à ce stade de l'aventure; paradoxalement, c'est à cet instant que la progression du joueur devient pourtant bien plus pénible, avec une navigation laborieuse dans des niveaux labyrinthiques et des puzzles ésotériques abscons, tranchant radicalement avec l'ambiance de science-fiction savamment développée au début de l'aventure. Bref, c'est la même dégringolade catastrophique qui entachait l'aventure déjà désuète de Fahrenheit ; néanmoins The Nomad Soul peut toujours revendiquer une ambiance bien plus atypique que son aîné et une proposition interactive vraiment intrigante dans sa première partie : si la perspective d'une enquête Cyberpunk en monde ouvert vous semble alléchante, n'hésitez pas à consacrer quelques instants à ce titre singulier; le reste de l'aventure, lui, est totalement dispensable et quelque peu condamné à tomber dans l'oubli en comparaison des fulgurances d'investigation de ses premières heures.


Et puis, une chanson de David Bowie en intro, ça le fait quand même.

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le 15 août 2023

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Leon9000

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