Concept intéressant et accrocheur

This war of mine est un excellent jeu qui nous plonge dans la dure réalité de la survie en temps de guerre. On y contrôle un abri, généralement composé de 3 ou 4 personnes, dans la ville fictive de Pogoren, en proie à une guerre civile et à un blocus créant une situation humanitaire désastreuse à laquelle notre abri devra essayer de survivre.

D'emblée, le jeu nous met dans l'ambiance: on commence en contrôlant nos personnages lors de leur arrivée dans un bâtiment qui leur servira de refuge, sans tutoriel (on nous montre juste les touches) ni réel objectif. Le joueur est livré à lui-même tout comme les personnages, et j'ai trouvé ces premières heures particulièrement réussies. La journée, on peut vaquer à nos occupations au sein de notre refuge, et la nuit, on peut utiliser un de nos réfugiés pour aller collecter des objets en dehors de l'abri. Là aussi, le jeu fait mouche, le jour est livré à lui-même et les choix sont très nombreux: on peut choisir de chercher ce qui peut être récupérable dans une maison abandonnée, troquer dans une place de marché avec d'autres réfugiés, piller un couple de vieux qui n'auront pas de quoi se défendre, ou bien s'en prendre à des bandits. La dimension morale de ces choix est très bien exécutée, aussi: nos réfugiés sont, pour la plupart, des personnes lambda, qui rechignent au vol et au meurtre, et qui préfèrent collaborer pour essayer de s'en sortir. De façon très naturelle, le jeu nous amène à des dilemmes moraux de grande envergure : va-t-on accepter de renier nos principes moraux pour s'assurer de trouver des bandages pour notre ami resté au camp, qui se vide de son sang? Jusqu'où sommes-nous prêts à nous salir les mains pour sauver les gens auxquels nous tenons?

A cette dimension s'ajoute un cast de personnage divers et très intéressant, renforçant la rejouabilité en ouvrant de nouvelles possibilités lors d'un nouveau run. Un bon cuisinier permet d'économiser des ressources lors de laconfection de repas ou d'alcool, ouvrant la possibilité d'échanger en position de force. Un bon collecteur peut récupérer plus d'objets chaque soir, ce qui peut être la différence entre la vie et la mort. Une ancienne criminelle a la possibilité de se faufiler silencieusement, et a bien moins de remords face au vol et au meurtre. Toutes ces différentes compétences créent des scénarios différents à chaque partie. L'écriture des personnages n'est pas en reste non plus: chaque personne de notre abri a son passé, ses remords, ses ambitions pour la suite de sa vie, une fois le blocus levé. La confrontation de ce qu'ils sont avec ce que la guerre les fera devenir est passionnante et très bien écrite. On en vient à s'attacher aux personnages, et à vouloir qu'ils s'en sortent le mieux possible. Le jeu fait un très bon travail à nous faire ressentir la dimension humaine de la guerre et de la survie, et parvient réellement à pousser le joueur à faire de son mieux pour survivre dans les meilleures conditions possibles, au lieu de simplement faire passer les personnages joués avant tout le monde.

Au niveau du scénario, le jeu de base n'en propose pas du tout, ce qui paraît être un choix pour se focaliser sur l'impact de la guerre, et pas sur la guerre en elle-même. L'idée est bonne, mais je ne peux pas m'empêcher de la trouver un peu peureuse: une guerre civile apporte son lot d'horreurs et de difficultés que le jeu aurait pu faire entrer dans sa proposition. Les populations civiles sont rarement complètement indépendantes du conflit: une guerre civile peut amener son lot de déchirement familiaux et d'enjeux politiques qui, eux aussi, provoquent des changements durables dans une vie. L'absence de cette dimension peut se ressentir après plusieurs parties, où elle finit par donner l'impression d'un conflit un peu imaginaire: la situation de survie aurait tout aussi bien pu être causée par une épidémie (clin d'oeil au covid), par une catastrophe nucléaire, ou par n'importe quoi d'autre, sans que la proposition du jeu ne change, et c'est un peu dommage.

A cet égard, il me tarde d'essayer les DLC du jeu, qui luttent contre ce problème en proposant des scénarios plus étoffés et, j'imagine, plus connectés avec les événements en eux-mêmes, c'est-à-dire avec la guerre en tant qu'élément scénaristique à part entière, et non uniquement en tant que conséquence qu'on doit essayer de surmonter.

Second bémol, qu'il me semble important de noter: les contrôles, notamment sur Playstation, sont parfois très frustrants et se mettre en travers de la route du gameplay. Il faut un réel temps de compréhension et d'adaptation au système de combat et de furtivité, pour s'assurer de bien faire l'action à laquelle on avait pensé et pas une autre. Lors de mes premières heures de jeu, j'ai voulu sauver quelqu'un d'une attaque, mais au lieu de le sauver, c'est lui que j'ai frappé, par incompréhension des contrôles. C'était plutôt drôle pour moi(par pour lui), mais c'est typiquement un moment qui se met en travers de l'immersion prônée par le studio. Cela dit, une fois le jeu pris en main, ces problèmes s'effacent complètement.