Valkyrie Profile: Lenneth
8.1
Valkyrie Profile: Lenneth

Jeu de Tri-Ace et Square Enix (2006PSP)

Valkyrie Profile. Il y a de ces titres qui font frémir des hordes de gamers par leur simple évocation, tout fébriles en repensant aux délices d’une aventure vécue le temps de quelques heures derrière son écran. Plus que tout autre genre, le RPG jap se prête particulièrement bien à ce phénomène. Et plus que tout autre RPG jap, ce Vallyrie Profile semble outillé pour nous faire vivre une grande histoire. Véritable pilier du j-RPG avec ces copains FF6, Chrono Trigger et quelques autres lascars oubliés de l’histoire, jeu culte parmi les jeux cultes, je vous propose une analyse de ce titre qui reste tout de même assez obscur en dehors des petits cercles d’amateurs de RPG.


En 1986 un petit studio de développement, la Wolfteam se met en place. A sein de cette boîte, trois personnes clés : Yoshiharu Gotanda, Masaki Norimoto, et Joe Asanuma. Peu à peu se met en place un projet spécial, un RPG visant à tenir tête aux blockbusters de Squaresoft et Enix, son nom : Tales Phantasia, édité par Namco. Un développement assez chaotique, avec selon la légende un Namco se montrant excessivement intrusif dans ce projet, au point de contredire voir contrecarrer certaines idées des développeurs. Le titre par exemple, qui passera de Tales Phantasia au fameux Tales of Phantasia. Résultat, pas mal de membres de la Wolfteam dont le fameux trio Gotanda-Norimoto-Asanuma décident de quitter la boîte en plein milieu de développement, et de repartir à zéro, en fondant un nouveau studio qui deviendra mythique au fil des années : Tri-Ace. Tri-Ace, ça fait partie de ces quelques boîtes au parcours symptomatique de l’évolution du RPG jap ces vingt dernières années. Ayant porté le RPG en plein âge d’or dans les années 90 par des Star Ocean, et surtout Valkyrie Profile en 99 ; aujourd’hui un peu dépassé, ne sachant pas vraiment où aller malgré quelques sorties sympas dans les années 2000 (Star Ocean 3 et 4, Radiata Stories, Infinite Undiscovery, resonance of Fate…).


Une des choses les plus marquantes de ce Valkyrie Profile, c’est son background sur fond de mythologie scandinave. Assez inédit à l’époque, toujours aussi original aujourd’hui. Je vous invite à cliquer sur l’image tout-de-suite à droite, c’est un petit résumé fait avec amour des plus grands mythes nordiques. Ce jeu nous plonge en plein cœur de cet univers, légèrement déformé par la culture manga des gens derrière le projet. Quelques petits écarts donc, mais toujours ce côté très théâtral dans la mise en scène, qui colle si bien à la mythologie. Oui, Valkyrie nous plonge dans une pièce, ce sera une tragédie. Odin, prévenu par des oracles que le dénouement final est proche, fait appel à Lenneth, une des trois sœurs Valkyries pour accueillir les âmes de héros humains mourant, afin de constituer son armée céleste en vue du Ragnarok. Le truc le plus essentiel de ce jeu, ce qui fait sa grande force, son originalité et son identité, c’est ce parfum de mort qui hante toute notre progression. En tant que Valkyrie, on va suivre les derniers instants de vie d’une vingtaine de personnages, avant de les recruter dans l’armée de notre roi Odin. Ces passages, sous forme de cut-scenes à l’ancienne (dialogues avec jolis artworks des persos au fond), jonglent la plupart avec des thèmes très forts : amour, haine, amitié, envie de vivre, sacrifice, abandon, nostalgie, mélancolie… Souvent bien écrites, et assez touchantes, renforcées par des musiques magistrales, elles nous permettent d’avoir un réel affect avec chacun de ses personnages, une vingtaine au total, qui viendront combattre dans notre équipe, avant de partir pour la guerre du Ragnarok. Bien sûr c’est pas grand chose, et ça reste assez cliché dans l’ensemble, mais ça va tellement plus loin que la plupart des RPG habituels que si on apprécie le genre, on ne peut rester insensible à tout ça.


L’autre point marquant de ce jeu, indissociable de son côté tragique, ça va être sa structure, absolument unique, vraiment surprenante. S’affranchissant de l’éternel cycle « village-donjon-map » on se retrouve ici en tant que Valkyrie, à voler au dessus de la map à toute allure. Là, deux trucs à faire : chercher l’âme d’un guerrier mourant en suivant des indications, ou bien faire du level-up dans un des donjons de cette world-map. Le jeu se divise en huit chapitres, divisés en une trentaine de périodes chacun, et chaque action (entrer dans un village, entrer dans un donjon, se soigner…) consomme un certain nombre de ces périodes. Par exemple, il me reste douze périodes avant le prochain chapitre, ce qui me suffira tout juste pour faire deux donjons et aller chercher un héros avant que le prochain chapitre ne commence. Aucune obligation de faire quoi que ce soit, la grande majorité des âmes à récolter et des donjons sont facultatifs. Cette structure, affranchie de toute linéarité, cache de nombreuses subtilités. A chaque début de chapitre, Freiya, femme et porte-parole d’Odin nous fait certaines requêtes. Elle cherche par exemple un archer doué pour la nage … A nous donc de livrer (ou pas) les guerriers demandés, en les faisant évoluer de la manière demandée (apprendre telle capacité), donc en faisant de l’XP, donc des donjons, donc des périodes en moins. Ces périodes nous imposent donc une grosse contrainte de temps. C’est clair, on ne pourra pas tout faire, il va falloir prendre des décisions. Esquiver telle requête pour mieux booster son équipe, quitte à ne pas obtenir de récompenses (objets puissants) de la main de Freiya ? Garder tel guerrier dans notre équipe, parce qu’on aime son charisme et qu’on passé deux heures a bichonner ses stats dans un précédent donjon ? Valkyrie Profile est un jeu où l’on devra faire pas mal de choix. Toutes ces contraintes, qu’on les respecte ou non auront une très grande incidence sur la suite du déroulement de l’histoire. En fait, Valkyrie Profile comporte trois fins différentes. La première, sorte de mauvaise fin pour si l’on ne respecte pas les ordres donnés (ne pas envoyer les âmes de guerriers, envoyer des guerriers qui n’ont pas le profil demandé, ne pas faire régulièrement d’offrandes d’objets puissants…). La deuxième, une sorte de fin classique, si tout se passe bien. Une fin assez dérangeante d’ailleurs. Et enfin la dernière, la vraie fin, qui prolonge le jeu à la manière d’un Castlevania Symphony of the Night et nous invite dans ses donjons les plus intéressants, est uniquement accessible dans le rang de difficulté maximal, si l’on suit un parcours assez original, avec des choix très précis. Voyez, Valkyrie Profile est de ces jeux que l’on n’hésite vraiment pas à recommencer. Plus que tous les gadgets livrés habituellement dans les modes « new game + », c’est une redécouverte de tout le jeu qui accompagne ici notre deuxième run, surtout en mode difficile, peut-être le hard mode le plus intéressant du petit monde du RPG. Une redécouverte, ne serait-ce que par l’utilisation d’autres alliés dans notre équipe, constituée de notre Valkyrie et de trois d’entre eux. Sachant que le level-up est très limité (enfin plutôt très encadré), il faudra choisir quels persos (parmi la vingtaine au total) favoriser, quitte à refuser d’en envoyer certains. Et l’approche des combats peut être réellement différente selon notre équipe.


Un combat commence : un écran apparaît, nos ennemis à gauche, notre équipe à droite. Chaque camp attaquera l’un après l’autre, avec quelques subtilités. Chaque bouton du pad, quatre au total, est associé à un de nos persos. Appuyer sur ce bouton le fait attaquer. Selon son arme, notre rythme et le nombre de pressions, ce perso pourra ou non effectuer une combo. L’essence du combat consiste à marier, et pourquoi pas entremêler les attaques de nos alliés selon un ordre bien réfléchi. Avec un petit exemple c’est tout de suite plus simple : l’arc de ma Valkyrie offre la possibilité d’un triple combo. Le premier de ses coups envoie l’adversaire dans les airs, et une fois dans les airs, chaque coup donné à un ennemi nous offre des bonus intéressants. Je vais donc essayer de faire décoller notre ennemi par le premier coup de la Valkyrie, puis je vais tenter un « juggle » avec un perso à frappe rapide, avant que me victime retombe. Et ça se complexifie vite, avec quatre persos à gérer, un mode « rage » extrêmement important nous permettant de lancer des « limites », des ennemis quasi insensibles à certaines attaques, nos magiciens qui nous imposent de faire du combo… Ce système a-priori complexe se révèle hyper dynamique, mixant intuition et rigueur, pour un délicieux feeling, entre défoulement et tactique. C’est aussi ça la marque de Valkyrie Profile : un système de combat moderne, figurant parmi les plus intéressant du genre.


Avec des combats aussi sympas, avancer dans le jeu est un vrai bonheur. Le seul grain de sable dans ce rouage pourtant si bien huilé, sera les donjons. En fait, ils sont très particuliers. La progression se faisant uniquement sur un plan 2D, ces donjons lorgnent pas mal du côté du genre plate-forme. Une bonne idée,en théorie, qui se révèle plutôt chiante manette en main. Le premier truc galère, c’est que l’architecture 2D pousse vers un effet « labyrinthe ». En gros, malgré la présence d’une map, c’est pas toujours évident de s’y retrouver entre toutes ces salles. Le deuxième point noir, c’est que notre Valkyrie, malgré ses capacités (double-sauts, blocs de cristal…) n’a pas vraiment la forme insolente d’un Mario, ce qui rend ces nombreuses phases rigides et pas franchement très bandantes. Et enfin, les trois quarts des donjons ont un level design assez pauvre, il faut attendre la fin du jeu ou les donjons spécifiques du hard mode pour voir des trucs intéressants, exploitant les (tout de même) bonnes idées du gameplay. Au final difficile de juger Valkyrie sur ses donjons, d’un côté la facette plate-forme est agréablement rafraîchissante, de l’autre le gameplay n’est pas vraiment transcendant. Et il faut rajouter à ça ce petit côté rétro, bien présent pour le meilleur comme pour le pire, à savoir peu d’indications sur ce qu’on doit faire, des PNJs à trouver pour pouvoir avance … Le jeu a assez vieilli de ce côté là.


Du haut de son piédestal, Valkyrie Profile et difficilement touchable. Son côté jeu culte est clairement mérité, ne serait-ce que pour son ambiance, son univers, sa direction artistique, sa narration à la teneur si spéciale, ses combats si bien pensés, ou tous ses mécanismes de game design si particuliers mais tellement riches… Rarement on aura été aussi captivé par la gestion d’une équipe, où toutes ces heures de bidouillages dans les menus suivent une direction précise, tâchant de monter une équipe du tonnerre tout en répondant à certaines obligations, à nous de trouver notre propre équilibre. Un jeu qui nous fait faire beaucoup de choix, beaucoup de renoncements, donnant ainsi une ampleur toute spéciale à la moindre de nos décisions, et à la clé un vrai parfum de liberté. Une valeur rare de nos jours, pour une œuvre profondément atypique dans le petit monde formaté du RPG jap. Une étape indispensable dans le parcours de tout amateur du genre, qui saura passer outre quelques défauts agaçants, tel ces donjons originaux mais bien relous, ce bestiaire si réduit, ou l’absence de traduction française. Un grand jeu, à faire et à refaire, qui restera longtemps dans les mémoires pour toutes ses audaces le rendant différents des autres J-RPG. Certes assez exotique, mais tellement intéressant et maîtrisé.

LSRetrogamer
10
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le 9 sept. 2016

Critique lue 440 fois

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