Après le monumental fiasco du premier Watch Dogs, le jeu Ubisoft Montréal vous proposant d’incarner un Hacker/tireur d’élite/expert en art martiaux et en parkour tout-puissant dans un monde où la technologie s’est frayé une place décidément trop importante dans nos vies, voici Watch Dogs 2, le jeu Ubisoft Montréal vous proposant d’incarner un Hacker/tireur d’élite/expert en art martiaux et en parkour tout-puissant dans un monde où la technologie s’est frayé une place décidément trop importante dans nos vies, mais en mieux.


Mieux au point où, malgré la filiation évidente et marquée (systèmes de jeu, thématiques, maladresse scénaristique), mes expériences sur les deux titres ont été radicalement opposées. Qu’on se souvienne de Watch Dogs et de son protagoniste détestable, prêt à mettre une métropole entière à feu et à sang, obnubilé qu’il est par sa rage. De ces opportunités manquées d’explorer cette société de surveillance généralisée : le réseau ctOS qui collecte les données de tous les habitants de Chicago pour les transmettre en temps réel à la police n’est là que pour servir de jouet entre les mains d’Aiden Pearce (et du joueur), pour en faire une sorte d’être ultime, brisant des vies depuis les ténèbres. Une power fantasy malsaine alimentée par des mécaniques d’infiltration impraticables qui font vite réaliser que la meilleure façon de tracer sa voie à travers le jeu est de coller une balle dans la boîte crânienne de tous les gardes. Malgré toute la bonne volonté des développeurs, malgré ces quelques cinématiques qui tentent de le rendre attachant, Aiden est un antihéros, un connard égoïste tuant des centaines d’innocents dans un effort pour tuer d’autres connards égoïstes.


Avec Watch Dogs 2 c’est une toute autre histoire: il est une réponse quasi parfaite aux problèmes qui m’avaient gâché le premier opus. C’est donc avec plaisir que j’écris à propos de cette suite réussie. Pas qu’elle soit brillante mais parce qu’elle a su tenir les promesses prononcées à la légère à l’occasion du premier et aussi parce qu’elle donne un nouvel élan à une licence quasi mort-née ; et cela grâce à des modifications fort astucieuses qui sont tout au crédit des développeurs. Rentrons dans le vif du sujet.


Marcus Holloway est un jeune hacker qui décide de s’engager dans un groupe d’hacktivistes après qu’il est été fiché comme individu potentiellement dangereux par les algorithmes de prédiction du ctOS 2.0, alors qu’il n’avait jamais commis le moindre manquement à la loi. Vous l’avez compris, cette fois nous sommes vraiment jetés au cœur d’un système qui menace les libertés de tous : nudle (google), inVite (facebook), Haum (société de maisons connectées), toutes d’immenses entreprises qui collaborent avec Blume, société propriétaire du ctOS, lui fournissant les informations personnelles de tous les citoyens. Informations qui alimentent les algorithmes de prédiction en question. Cette fois Watch Dogs 2 fait bien plus qu’effleurer la surface. Marcus et ses amis révèleront des biais racistes dans le code du ctOS, les personnes noires et les quartiers populaires étant systématiquement considérés comme plus dangereux et permettant aux policier de tirer sans sommation. Un autre exemple, les membres de certaines sections de la police ont été rendues non identifiables sur les caméras de vidéosurveillance, leur permettant d’abuser impunément de la loi. Bien avant le scandale Cambridge Analytica, le jeu évoquera la capacité d’une entreprise comme inVite (Facebook) à peser sur les résultats d’une élection par le paramétrage de son site internet.


Cette fois-ci, le hacker n’est plus, du moins pas principalement (car Marcus est aussi incidemment versé dans les arcanes du karate et du parkour), un super héros. Il est un citoyen inquiet du monopole de grandes sociétés sur des informations privées et d’intérêt public. Il n’est plus isolé, seul contre le monde, il travaille avec d’autres pour démasquer les injustices dissimulés aux yeux du grand public dans les lignes de code de logiciels qu’ils utilisent quotidiennement sans essayer de comprendre leur fonctionnement réel. Les hackers sont des activistes, un contre-pouvoir qui œuvre pour l’intérêt général en produisant de l’information sur ce qui devrait rester caché. Voyez la devise qui conclut les vidéos de Deadsec, le groupe d’hacktivistes de Marcus : « Deadsec has given you the truth. Do what you will ». La transparence sur les agissements de ceux qui nous gouvernent (politiques et sociétés) est un ingrédient indispensable pour une démocratie saine, voilà ce que semble dire le jeu, rarement de manière subtile cela dit. Mais ce n’est pas rien d’avoir une œuvre qui essaie de dire quelque chose à propos de nos sociétés modernes après la bouillie informe qu’a été Watch Dogs. Les interrogations soulevées quant au pouvoir de plus en plus important des géants d’internet sont légitimes et on peut (et je le fais) vraiment regretter que Watch Dogs 2 n'y aille pas carrément à fond. Si ces thématiques ne sont plus un arrière-plan, elles restent sous-exploitées et trop rapidement expédiées à mon goût. Il faut tout de même décerner des bons points pour l'effort. Effort suffisant néanmoins pour faire briller Watch Dogs 2 au milieu de tous les triple A Ubisoft qui n'osent jamais prendre position sur quoi que ce soit et qui se drapent d'une soi-disant neutralité vis-à-vis du politique.


Watch dogs 2 se dote également d’un nouveau terrain de jeu : San Francisco et la Silicon Valley, repère des grandes sociétés. Exit donc la grise et pluvieuse Chicago pour faire place nette aux palmiers et aux iconiques ruelles penchées flanquées de maisonnettes colorées. Exit également le triste Aiden Pearce et ses quelques compagnons bien trop sérieux pour laisser Marcus et les geeks de Deasec prendre les devants. Des personnages plus hauts en couleur, plus jeunes et insouciants, qui entre deux missions top secrètes pour emmerder les grandes sociétés savent aussi s’amuser, plaisanter et boire des bières. Le côté geek est un peu forcé et souvent ridicule mais l’équipe est bien vivante. Vous l’aurez compris, Watch dogs a arrêté de trop se prendre au sérieux avec son second opus et les résultats sont stupéfiants. Si la monotonie du gameplay et la répétitivité des missions sont toujours de la partie, l’environnement et le casting bien plus accueillant et chaleureux sont là pour compenser.


Autre ajout de taille, au milieu de mécaniques de gameplay globalement inchangée, celui d’une voiture et d’un drone télécommandé déployables en toutes circonstances. Ceux-ci sont capables d’accomplir quelques tâches à distance, et pas des moindres. Si le drône sert surtout à analyser les environnements et à repérer les ennemis, la voiture peut pirater certains terminaux et ramasser des objets de petite taille. Ainsi, Marcus peut remplir ses missions tout en restant bien à l’ombre d’un couvert, ce qui révolutionne l’approche des niveaux dans Watch Dogs 2. L’infiltration est toujours aussi médiocre (trop peu efficace par manque de fonctionnalités essentielles : déplacer un ennemi inconscient, sauvegardes manuelles…) que dans l’original, mais grâce à ces gadgets, il est enfin possible de vraiment incarner un hacker et non un tueur de masse. Ce qui permet de ne plus être assailli par la dissonance ludo-narrative induite par un héros présenté comme un justicier mais qui élimine tout le monde sur son passage sans le moindre scrupule. Le résultat est que les missions sont immédiatement plus amusantes.


Voici comment à l’aide de quelques modifications bien senties on peut transformer un jeu terriblement ennuyeux en quelque chose d’assez satisfaisant pour qu’on puisse le jouer de bout en bout sans trop se forcer. Non que l’histoire principale ou les personnages soient d’un grand intérêt, on est loin de la virtuosité d’un The Last of Us ou d’un Prey dans la matière, mais ça marche vaguement mais relativement bien par rapport aux productions Ubisoft habituelles. La disparition des zones à conquérir mission inintéressante par mission inintéressante y est pour beaucoup. A signaler aussi l’absence de micro-transactions envahissantes et la durée parfaitement honnête de la campagne principale et des quêtes secondaires qui demanderont deux bonnes douzaines d’heures. Non pas que la durée soit un critère de qualité, mais pour signaler que l’équipe de développement a su s’arrêter et ne pas diluer une histoire d’une qualité présente mais fragile pour gonfler artificiellement la durée de vie (comme un certain Assassin’s Creed Odyssey qui exploite une vitesse d’obtention d’expérience délibérément trop faible afin de faire acheter des boosts d’XP avec des euros sonnants et trébuchants à des personnes ayant déjà déboursé 60 euros).


Watch Dogs 2 est pour moi le meilleur triple A Ubisoft des dernières années. Pas le meilleur dans tous les aspects (les open worlds d'assassin creed sont renversants), mais le plus équilibré et plaisant. Ce qui reste tout de même insuffisant pour une produciton de cette ampleur. Peut être que Watch Dogs 3, s'il construit lui aussi sur les défauts du deuxième, pourra être le premier vrai bon jeu Ubisoft depuis longtemps. Mais on connait Ubisoft et sa frilosité vis-à-vis de tout ce qui peu s'apparenter à une innovation radicale qui viendrait perturber une recette qui marche et l'incapacité chronique manifestée par les scénaristes de ces productions à créer des histoires prenantes et intéressantes.

HolyDonut
6
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le 26 déc. 2019

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