Cover 2023 : un homme, des livres et une vie

2023 : un homme, des livres et une vie

Une année de plus sur cette terre. Que m'apportera-t-elle ? Je ne le sais pas. Je vais tâcher de lire, du mieux que je le peux, et découvrir toujours plus de choses.

Liste de

34 livres

créee il y a plus d’un an · modifiée il y a environ 2 mois

Les Entretiens de Confucius
7.6

Les Entretiens de Confucius

Sortie : 1 janvier 1989 (France). Entretien, Philosophie

livre de Confucius

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

Les Analectes (ou Entretiens) doivent être pris au pied de la lettre : ceux qui s'aventurent entre ces pages à la recherche d'une approche cohérente et dissertée d'une pensée devront passer leurs chemins. Ici, c'est un bombardement de phrases bien senties ainsi que des avis divers et variés sur des choses, des gens et des royaumes qui n'existent plus. A travers ce maillage de petits paragraphes se dessinent les réponses d'une "interview" du Maitre à ses disciples. C'est un véritable portrait en absence qui se trace vu que Confucius se met à exister au travers de ses réponses sans jamais apparaitre physiquement a travers les lignes. Une morale redondante apparait alors, emplie de piété filiale et de bon sens matinée de bonhommie. A mi-chemin entre un livre religieux et un essai rigoriste.

Le Pavillon d'or
7.8

Le Pavillon d'or (1956)

Kinkaku-ji

Sortie : 1961 (France). Roman

livre de Yukio Mishima

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

Aucun incel de vingt ans, ou adolescent, ne s'exprime ou philosophe comme ça. C'est pompeux, et pourtant...Eh bien ça marche plutot bien. Certes, on s'impatiente face à tant et tant de tant de descriptions et de discours introspectifs, mais cela demeure cohérent. Le personnage principal est après tout un jeune homme humilié par le begaiement, adorant et haissant l'harmonie - cette harmonie, ou beauté, qui s'est toujours refusé à lui - et Dieu sait combien la solitude contrainte peut entrainer ce genre de contemplations enfiellées à l'égard de l'univers. Le Pavillon d'or est en cela à rapprocher des "Carnets du Sous-sol" de Dostoeievski car ici Mishima réussit surtout l'exploit de nous mettre dans la peau d'un homme emplis d'amertume et de nous faire adhérer - un tant soit peu - à sa croisade contre l'esthétique.

Voyage dans l'empire mongol
7.2

Voyage dans l'empire mongol

(1253-1255)

Sortie : 1 mars 1993 (France). Récit

livre de Guillaume de Rubrouck

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

Il faut rendre à de Rubrouck ce qui est à de Rubrouck, et reconnaitre définitivement son extraordinaire modernité. Dans un microcosme de récit de voyage medievaux, celui ci tire son épingle du jeu de part le caractere de ce Guillaume, "bigger than life" et téméraire. Son irritation à l'égard de son traducteur, dessiné comme un être fainéant et peureux, est par exemple plus que manifeste, et que cette sorte de licence d'auteur puisse exister dans une oeuvre du treizieme siecle est assez magnifique. A cela s'ajoute une acuité dans les descriptions et dans les mises en situations. Mais il faut maitriser bien trop de notions, et revenir trop régulierement à l'appendice en quete de définitions pour que la lecture soit véritablement agréable. Dommage...

The White Darkness
7.3

The White Darkness

Sortie : 4 février 2021 (France). Récit

livre de David Grann

Le débardeur ivre a mis 7/10.

Annotation :

"La Note Américaine" m'avait subjugué, et je pense qu'au delà des sujets choisis il y a avant tout une faculté quasi magique chez David Grann : celle de l'économie narrative. Ici, avec l'histoire de ce militaire Britannique obsédé par l'Antarticque et l'expédition Shackleton de 1915 à laquelle participa un de ses parents, on retrouve une thématique analogue à celle décrite dans "The Lost City of Z", en l'occurence celle du père absent magnétisé par un idéal qui le dévore et le conduit lentement vers sa perte. Il y a peut-être moins l'effet "oh bordel..." que dans le récit des meurtres Osage, mais les dernieres pages restent prodigieusement bien écrites, et on en ressortirait presque aveuglé par la reverberation du soleil sur la glace.

Le Quart
7.1

Le Quart (1954)

Βάρδια (Vardia)

Sortie : 2006 (France). Roman

livre de Nikos Kavvadias

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

Des réminiscences, aussi décousues et poétiques que les vagues de l'océan sur lequel vogue le cargo du livre. Kavvadias signe avec ce roman - son seul vrai roman - une plongée absolue dans la psychée du marin : une vie de désespoir, faite de tôle, de panneaux de cales et de femmes. Tant de femmes... Du Liban à la Tasmanie, de Marseille à Colombo, au grès d'une narration à dents de scie où les longs échanges empilés entre les hommes de quarts sont suivis par des souvenirs personnels de l'auteur écrits dans un ton aérien, on goute un peu à l'inéffable de cette existence d'ennui, d'amertume et de mélancolie.

Révélation - Mass Effect, tome 1
7

Révélation - Mass Effect, tome 1

Revelation

Sortie : 1 mai 2007 (France). Roman

livre de Drew Karpyshyn

Le débardeur ivre a mis 4/10.

Annotation :

Ma foi, je ne sais que penser du "voyage". Je n'avais d'autre attente que quelque chose de divertissant, et je craignais la fan fic. La bonne réputation de Drew Karpyshn, et ma mélancolie de mes heures de jeux m'avaient poussés à acheter ce livre et sa suite, et je dois avouer sortir de sa lecture en étant tout bonement incapable de lui trouver un quelconque vrai bon côté si ce n'est celui d'avoir été efficacement écrit. Quand l'auteur ne rabache pas les règles de l'univers de manière très "on the nose", il nous sert des divagations sur des détails de ce même univers afin de - j'imagine - les légitimer. Mais bon, franchement, tout le monde se fout de savoir comment fonctionnne internet dans un monde de science-fiction aussi "space fantasy" que Mass Effect...Alors, à force de voir l'auteur tenir un colloque, on oublie qu'il y a une histoire derriere tout ça.

A pied sur le Tôkaidô
7.2

A pied sur le Tôkaidô

Sortie : 1802 (France). Roman

livre de Jippensha Ikku

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

Picaresque, oui. C'est le terme. Deux lurons d'Edo sur la plus célèbre route d'un Japon encore féodal, entre farces, tentatives d'escroqueries et chansonettes. On va de station en station, de maison de thé en bordel, de palefreniers en porteurs à gué, et on découvre bien vite que tout cela ne sera jusqu'à la fin du livre qu'une compilation de tribulations n'ayant que pour but de guider le lecteur d'une époque oublié d'un village à un autre, de Tokyo à Kyoto. A noter un beau travail de traduction et d'annotation mais on sent bien que la complexité de l'époque et du pays ne nous permet pas de saisir pleinement toute la truculence d'une telle oeuvre.

Bénis soient les enfants et les bêtes
7.4

Bénis soient les enfants et les bêtes (1970)

Bless the Beasts and Children

Sortie : janvier 1971 (France). Roman

livre de Glendon Swarthout

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

Je craignais que ce livre ne soit qu'un énieme rituel de passage à l'age adulte très viriliste, très amerloque où cinq ratés aprennent a devenir des cowboys, des vrais. Eh bien, que nenni ! Swarthout, avec sa trombine d'auteur tradi, a au contraire très bien saisi son époque quand il écrit ce roman d'aprentissage où six gosses de riches hypersensibles découvrent dans la chaleur et l'audace qu'emmerder les valeurs de votre pays à la con ça vous en apprends bien plus sur la vie. Une plaisante petite croisade écolo, admirablement ponctuée de flashbacks bien intégrés à l'action qui nous permettent de saisir le parcours de ces enfants en quête de courage et d'eux même.

Azincourt par temps de pluie
6.8

Azincourt par temps de pluie (2022)

Sortie : 2 février 2022. Roman

livre de Jean Teulé

Le débardeur ivre a mis 10/10.

Annotation :

Se dire que ce sera le dernier Teulé qu'on lira jamais....Comme c'est rageant, car celui-ci était tout a fait délicieux. Une bataille débile, des chevaliers français abrutis de gloriole, des archers anglais chiassieux et au milieu de tout ça une pute que l'on ferait mieux d'écouter et qui, comble de l'ironie, finira par pisser sur ce champ de déshonneur. C'est ça la derniere image que laissera derriere lui le fantastique Jean Teulé : celle d'une catin urinant au visage des cadavres d'une noblesse conne comme une brique, une synthèse parfaite pour l'oeuvre d'un auteur qui n'aura eu de cesse de dégommer les récits ampoulés d'un pays à la noix. Oui, moi ça va me manquer toute cette impertinence.

La Marchande d'enfants
8.2

La Marchande d'enfants (2003)

Sortie : 22 juillet 2003. Roman

livre de Gabrielle Wittkop

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

Certes, c'est abject, et certes le tout peut paraitre bien moins impressionant que "Le Nécrophile", mais tout de même ça reste ouf. Wittkop, c'est l'auteure maudite, celle qui puise chez Sade, et qui le synthétise à merveille afin que nous autres innocents lecteurs nous n'ayons pas à nous farcir le tombereau de cruauté débridé qu'est l'oeuvre du divin Marquis (qui n'est, je le rapelle, en aucun cas un auteur "érotique" comme on peut le lire de ci de là). La marchande d'enfants réussit à réutiliser les codes du roman épistolaire du XVIIIeme siecle - genre "Les Liaisons dangereuses" - et à les hybrider avec la violence pédocriminelle des "120 Journées de Sodome" afin d'établir une forme de roman bilan du siecle des lumieres au moment où la révolution bat son plein et que l'ancien ordre est en train de disparaitre, ou plutot de métastaser (n'oublions pas que comme fin ouverte, la derniere lettre est adressée à un certain "citoyen R.", l'invitant à visiter un bordel à enfant Bordelais, comme pour dire que le mal ne meurt jamais) . Alors, certes on pourrait ressentir chez Wittkop un discours indistinct, voire une certaine forme de nostalgie du sensualisme si chère à son coeur, et la description qui est faite des sans-culottes en analphabètes intolerants est assez particuliere, seulement n'oublions pas que la croisade de cette auteure aura toujours été de choquer et qu'elle faisait bien peu cas de la condition enfantine. "La grossesse est une maladie d'araignée" disait elle...Avec une conception du monde aussi unique, un style indéniablement unique en découle.

Les Rues de Laredo
8.1

Les Rues de Laredo (1993)

Streets of Laredo

Sortie : 5 novembre 2020 (France). Roman

livre de Larry McMurtry

Le débardeur ivre a mis 7/10.

Annotation :

La conclusion d'une saga monumentale. Alors, monumentale surtout par l'espace qu'elle occupe à l'heure actuelle dans ma bibliothèque, mais monumentale aussi par les ambitions que McMurtry aura su convoquer au fil des tomes. Celui-ci, plus crépusculaire bien que moins violent que les précedents, voit s'opposer les génerations dans un enfer enneigé et au lieu de conclure le tout dans un déluge de drames, l'auteur réussit au contraire à nous offrir cette conclusion innatendue où ce sont les femmes et les éternels poltrons qui viennent sauver la mise au travers de baroud d'honneurs vraiment palpitant. Je n'ai jamais su si McMurtry était un auteur machiste, et raciste (meme si venant du scénariste de "Brokeback Mountain" j'en doute fortement) ou si au contraire c'est l'époque qu'il dépeint qui était ainsi mais les Rues de Laredo semble rendre hommage aux oubliés des histoires de western, et nous expliquerait presque que le futur leur revient. Je suis très heureux d'avoir conclu tout cela ; un jour peut-être, je me les relirais tous.

Tristesse de la terre
7.3

Tristesse de la terre (2014)

une histoire de Buffalo Bill Cody

Sortie : août 2014 (France). Roman

livre de Éric Vuillard

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

Ma premiere fois avec Eric Vuillard. Je ne sais pas si son stye est toujours ainsi mais je dois admettre qu'il m'aura plutot intrigué et que je ne vais sans doute pas en rester là. Avec Tristesse de la terre, Vuillard s'adonne à l'exercice de la biographie d'un homme, l'innénarable William "Buffalo Bill" Cody, qui aura tout au long de sa vie et de ses paris d'entrepreneur crée le monde du spectacle comme on le connait. Innénarable, à la sortie de cette lecture, Cody ne l'est plus tellement tant on se rend compte grace à l'épur narratif de l'oeuvre qu'il n'est rien d'autre qu'un buisness man, compressé par des démons intérieurs qui le rendent très humain certes, mais dont l'opportunisme parfois bien crade aura des répercussions titanesques sur la vision que l'on peut se faire d'une ethnie, à savoir celle des natifs americains dépossédés jusqu'au récit même de leur propre extinction, mais aussi et surtout de l'histoire d'un pays, l'Amérique, berceau du "western", un genre dont l'adn puise ses fondements dans cette théatralisation mensongere de la colonisation de l'Ouest. Et moi, le westerns, ca me fascine et j'aime bien piger comment tout prend naissance. Voilà pourquoi c'est bien.

Le docker noir
7.8

Le docker noir

Sortie : 15 mai 2002 (France). Roman

livre de Ousmane Sembene

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

Efficace et radical dans sa premiere partie, le livre - il faut se l'avouer - perd quelque peu de son intelligence dans sa seconde. Ce qui est assez beau c'est que finalement, Sembene est fidele à sa thématique : lorsque vient le moment de nous décrire le crime, il l'expédie, car toute cette histoire ne tourne pas vraiment autour de ça. Si il est au centre même du drame des premieres pages, il n'est qu'une conclusion dans sa seconde, le fond de l'abysse dans laquelle Diaw dégringole depuis son retour à Marseille, et plus que tout sur ces quais du début des années 50 où l'embauche des débardeurs (aujourd'hui dockers) est une obsession de tous les jours. Faire de l'attente d'une réponse d'édition le moteur de cette chute, ou plutot de ce retour vers l'enfer est assez brillant. Bien evidemment, c'est un livre à charge contre la société française raciste de l'après-guerre, et contre l'épuisement physique et moral de l'ouvrier, le tout enrobé dans un pseudo livre noir - sans mauvais jeu de mot.

Une femme chez les chasseurs de têtes
7.1

Une femme chez les chasseurs de têtes

Sortie : 1985 (France). Récit, Voyage

livre de Titaÿna

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

"Aventure...incertitude...travail" C'est sur ce crédo que Titayna conclue ses mémoires de reporter en 1937/1938 ; les années de guerre la verront se métamorphoser en collaboratrice antisémite, et on pourrait presque trouver dans cette devise l'écho de la tristement celebre philosophie Pétainiste. Bien evidemment, les textes regroupés ici sont antérieures aux futurs fourvoiements de nazillones de l'auteure, et puis de toute façon quel aventurier.e peut se targuer d'avoir le cul propre ? Bref, cela n'empêche pas cette compilation d'être trop en dents de scie pour être appréciable à cent pour cent. Pour résumer, je dirais que le premier reportage sur les Toradjas est soporifique, là où celui sur les fameux chasseurs de tête est en revanche tout à fait palpitant avec toutes ces poisseuses mésaventures tropicales. Titayna nous décrit Bornéo comme un vaste marais en décomposition ultra-hostile, avec son lot de sangsues et de chauves-souris et de singe voleurs et de tribus reculées, baignants dans une sorcellerie ambiante. La Caravane des Morts, se déroulant en Perse, ne m'a tout simplement pas interessé là où ses récits de contrebandes dans l'Amérique de la Prohibition sont quant à eux bien trop courts. Quant à ses mémoires de reporters qui viennent boucler cette compilation, c'est sans doute le récit le plus exaltant du livre où l'on voit vraiment la définition même du travail d'une reporter sans le sou dans les années 20. Oui, cette Elizabeth Sauvy n'est peut-être pas restée dans les annales de l'histoire Française pour les meilleures raisons, mais l'aventure que fut sa vie ne peut que laisser rêveur et je m'essaierai sans doute encore à ses écrits à l'avenir.

Oro
7.6

Oro (1985)

Sortie : 1985 (France). Roman

livre de Cizia Zykë

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

J'aurais aisément mis dix étoiles à ce livre si seulement Cizia (ou Juan-Carlos) n'avait pas des gouts si prononcés pour les adolescentes, seule chose qui m'aura véritablement choqué dans ce livre...Mais bon, quand on voit la couverture avec son AK et sa clope, quand on le contemple dans toute sa taciturnité virile lors de son célèbre passage dans Apostrophes écoutant la lettre de contestation du gouverneur du Costa Rica avec son petit sourire en coin sous cette stachemou au poil, on sait à quoi s'attendre quand on le lit enfin. Et que dire si ce n'est qu'Oro est une pépite: un narrateur baroudeur qui jette en permanence le chaud et le froid et le rend fondamentalement instable et donc fascinant, un contexte (l'orpaillage plus ou moins légal dans la péninsule costaricienne d'Osa) burné et exotique, un style proche du réalisme sale et plus que tout un humour décapant qui rendent fendards des instants de purs violences à l'encontre d'autochtones ou d'adversaires. Parce que ça doit être ça un récit d'aventure : un magma immoral, car l'aventurier est immoral par nature et ce même si notre Zyke national n'est pas dénué de loyauté et d'un certain sens de l'honneur. C'est evidemment un récit à la premiere personne, peut-etre affubalateur sur certains aspects (meme si ce n'est pas le cas d'après les gens qui l'ont connus), mais c'est surtout un récit qui recele en son coeur un sens caché. Oui car qui est Juan-Carlos au début de cette histoire si ce n'est un père endeuillé, tachant de redonner du sens à sa vie et à son couple à travers l'aventure ? Il fait genre, notre Cizia tout viril là, mais il y a parfois d'autres motivations que l'or dans la vie.

Les amis de Pancho Villa
8.3

Les amis de Pancho Villa

The Friends of Pancho Villa

Sortie : 17 juin 2005 (France). Roman

livre de James Carlos Blake

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

On a de la révolution mexicaine des images d'épinals tirés de western zapata bon marché, faites de désordre politique perpetuel et de fusillades au soleil entre militaires et péons à sombreros, et si en un sens cette esthétique n'est pas totalement éloignée d'une certaine réalité, la grande force du récit de Carlos Blake est de réinserer un minimum de déroulé historique aux évenements afin que le tout ne paraisse pas chaotique car la fiction a, depuis des décennies, effacé la portée de cet évenement pourtant fondateur du mexique moderne. C'est souvent cette révolution qui est choisie dans les livres ou les films pour sonner le glas de l'ouest sauvage (c'est dans son brasier que les gringos désabusés de "La Horde Sauvage" viennent se consumer par exemple) et l'auteur du brutal "Crépuscule Sanglant", où le destin du mexique était déjà central, en est rudement conscient : on retrouve dans ce roman historique des chevauchées, des shootouts et des instants de tensions rondement menés qui évoquent, une fois encore, toute l'esthétique du western et cela sans doute parce que la vie de Pancho Villa, vu ici à travers les yeux de son plus fidele bras droit Rodolfo "El Carcinero" Fierro, est peut-être celle de la toute derniere légende de la Frontiere. Bandido quelque peu cruel mais bon vivant, converti à un idéal qui le dépasse (il ne se bat pas pour les pauvres mais pour tuer des riches, avant de devenir sur la fin une sorte de hacendado phalanstérien), Villa et toutes ces figures qui auront ensanglantées les années 1910 au mexique (Carranza, Obregon, Huerta sans oublier Zapata et même ce fureteur de John Pershing) incarnent l'ambivalence, le travestissement dans des valeurs qui sonnent creuses et ils ne surnagent alors que des égos, des reglements de compte dans un vaste jeu de mort. Et au milieu de tout cela se tissent des liens sincères entre des hommes qui massacrent, de l'admiration et de la fraternité comme de la haine, et on ressort de tout cela presque attendrie par ce pugnace Centauro del Norte, qui aimait tant les femmes et rechignait à boire des coups. Si on excepte une "narrativement logique" entorse à la réalité historique (et oui...il semblerait que Fierro soit mort en 1915 et non pas après 1968 comme le laisse sous entendre la fin du livre), le tout parait fidele et lire un tel livre en 2023, année Pancho Villa au Mexique, fut pour moi une belle experience.

Exterminez toutes ces brutes !
8.8

Exterminez toutes ces brutes ! (1992)

Un voyage à la source des génocides

Utrota varenda jävel

Sortie : 1999 (France). Essai

livre de Sven Lindqvist

Le débardeur ivre a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Nous savons déjà tout. Voilà ce qu'écrit Lindqvist en introduction et en cloture de cette oeuvre inclassable. Pas vraiment un essai, pas vraiment un roman d'aventure (ou tout du moins un livre de voyage), et pas vraiment une biographie dissimulée. C'est un génialissime mélange de tout cela. J'étais entré en contact avec ce travail grace à la super mini-série de Raoul Peck, adapté du roman de Lindqvist et des travaux de Roxanne Unbar-Ortiz et Michel-Rolph Trouillot, et je retrouve dans le livre originel cette étonnante capacité qu'a l'auteur à s'intégrer au récit et à superposer son histoire à la litanie épuisante de l'impérialisme. Comprendre la mécanique suprémaciste et génocidaire en explorant sa source quite à être sonné par la décharge de sordide qui nous tombe sur le coin de la gueule ; étaler et relier tout à la fois les oeuvres intellectuels qui ont bâtis la pensée raciste autant qu'expliquer la naissance de son opposition (le retour constant à la maxime éternelle de Kurtz dans le "Au coeur des ténèbres" de Conrad : exterminez toutes ces brutes), le tout enchassé dans un récit de voyage au coeur du vide Saharien (lieu de projection adéquat), et qui devient progressivement une exploration interieure pour l'auteur qui semble progressivement tomber dans la folie - ce qui est cela va sans dire un sacrilege pour la prétendue "distance" que se doivent d'observer les scientifiques et les intellectuels avec leurs champs de recherche - c'est d'une force unique en son genre. Mais je savais déjà tout...Vous aussi. Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut. Ce qui nous manque, c'est le courage de comprendre ce que nous savons et d'en tirer les conséquences.

Le Jardin des supplices
7.9

Le Jardin des supplices (1899)

Sortie : 13 juin 1899 (France). Roman

livre de Octave Mirbeau

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

Dans le sillage du "Au coeur des tenebres" de Conrad - dont il était d'ailleurs déjà question dans la précedente annotation concernant "Exterminez toutes ces brutes"-, Mirbeau fournit ici à la France son pinacle de l'oeuvre anticoloniale. Mais il n'est pas question que de cela dans le Jardin des supplices, et c'est dans sa surprenante ambivalence que nait son vénéneux parfum. Après un frontispice aussi posé et glacial, autant que peut l'être un salon bourgeois au crépuscule du XIXeme siecle, le roman va venir se diviser en deux parties narrées à la premiere personne par un obscur personnage, naufragé d'une troisieme république hypocrite et magouilleuse. La premiere partie est une sorte d'arlequinade cynique sur la vie politique Francaise et la mentalité obscène du colonisateur blanc (mise en lumiere de la farce électorale, théories de la réification et de la hiérarchisation des races par le gout que peut avoir la chair de tel ou de tel individus, et réferences marquées à un monde scientifique décadent abandonné à la figure vidée de sens et dégénérée de Darwin), là où la seconde partie se lit plus comme le récit d'un homme prenant conscience de la toxicité de sa relation amoureuse à travers la description très détaillée du jardin d'un bagne sordide quelque part en Chine. Si cette seconde partie portée par la figure aussi legere que sadique de Clara, incarnation de la fascination mortifere du monde occidental pour la mort et le meurtre, est trop dans la surenchere descriptive - certes brillament articulé entre un effet constant de splendeur digne d'une chinoiserie laquée et un tout aussi constant rappel au macabre et à la putréfaction du monde chinois - la premiere a le mérite de mettre très franchement les pieds dans le plat de la folie "civilisationelle", et pour cela Mirbeau mérite sa réputation d'écrivain dynamiteur.

Imperium
6.9

Imperium (2012)

Sortie : 2017 (France). Roman

livre de Christian Kracht

Le débardeur ivre a mis 6/10.

Annotation :

"Voici l'histoire vraie d'August Englehardt [...]"...Vraiment ? Deux ou trois recherches sur internet nous montre que - meh ! - tout cela est a prendre avec de grosses pincettes. Kracht, écrivain suisse de langue allemande, nous raconte ici la putréfaction immuable des utopies, et plus que tout de la charge de solitude intolérable qui vont de paire avec leurs établissement. Cet Englehardt est une anomalie dans cette allemagne impériale colonialiste, avec son allure filiforme et ses penchants nudistes et vegetalistes extremes ; dévoré par un idéal, celui-ci va venir se perdre dans les franges pacifiques de l'empire, et du monde - l'Ile de Kabakon, au large de la Papouasie - afin d'établir les bases d'une société cocoivore et naturiste...Mais cette thébaide sera la perte de sa santé mentale. Le style de Kracht est étrange, disloqué dans la temporalité de sa narration à la façon d'un Vonnegut, et si ses references poussées au futur de l'Allemagne (trouvant entre son protagoniste et Hitler quelques paralleles) peuvent paraitre capilotractés, c'est surtout pour le style qu'on reste. La description de ce monde du bout du monde, où les colons et les aventuriers sont avant tout des gens qui ont besoins de contacts humains, est empreint d'une mélancolie que seul un crépuscule sur une plage de sable blanc sait si bien transmettre. La silhouette de plus en plus émaciée, et de plus en plus léprosée d'Englehardt, errant nu entre les palmiers de son ile invoque pêle mêle "Robin Crusoé", et Conrad encore lui ("Au coeur des tenebres" donc, mais aussi "La Solitude Almayer" et "Un avant poste du progrès"), sans oublier "La Ballade de la mer salée", premier tome de la saga Corto Maltese se déroulant dans le même environnement et auquel Kracht vient carrément subtiliser les figures de Christian Slütter et de la jeune Pandora.

Pirate en mer de Chine

Pirate en mer de Chine (1931)

I Sailed With Chinese Pirates

Sortie : 1 janvier 1993 (France). Récit, Voyage

livre de Aleko Lilius

Le débardeur ivre a mis 4/10.

Annotation :

Macao, Hong-Kong, Canton, la riviere des Perles, Bias Bay...Ce fut un voyage intéressant, je ne peux le nier. On en apprend beaucoup sur la piraterie traditionnelle Chinoise des années 20, sur les techniques d'abordage, et sur la figure de Lai Choi San la fameuse "reine des pirates", photos à l'appui. Mais le chassé croisée incessant du narrateur et des forbans fini par lasser.

Les Naufragés du Batavia
7.3

Les Naufragés du Batavia (2003)

Sortie : 2003 (France). Récit

livre de Simon Leys

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

Ce livre est un apéritif, et l'auteur ne se cache pas de l'annoncer d'emblée, nous renvoyant carrément vers la concurrence - "L'Archipel des Hérétiques" de Mike Dash que j'aurais sans doute du lire à la place de cette mise en bouche ci. Je tiens à dire par là que Les Naufragés du Batavia se contente, comme son titre l'indique si platement, de nous résumer cette sidérante histoire vraie et...et c'est tout. Pas de licence narrative, pas de tentative de fiction de quel que forme que ce soit. Bon, évidemment, une histoire pareil vaut le détour et c'est ce qui fait que la soixantaine de pages se dévorent en une grosse heure. Cette histoire, c'est celle d'un naufrage dans l'inhospitaliere archipel des Houtman Albrohos au large des cotes occidentales de l'Australie à la fin du XVIIeme siecle par un navire de la Compagnie des Indes Néerlandaises ; c'est l'histoire d'une homme terrifiant, l'apothicaire hérétique Jeronimus Cornelisz, qui fera subir aux survivants un calvaire atroce. Et voilà. Une sacrée histoire. Ah ! et pour ce qui est de Prosper...Bah je m'en fous. Voilà voilà.

Le Bateau-usine
7.9

Le Bateau-usine (1929)

Kanikōsen

Sortie : 9 octobre 2009 (France). Roman

livre de Takiji Kobayashi

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

Si ça c'est pas de la littérature Marxiste, je ne sais pas ce qu'il vous faut...La fin a ce petit côté "La Grève" d'Epstein/"Le Train Mongol" de Trauberg (sorti la même année que ce livre ci), et de maniere génerale toute l'histoire du bateau-usine tend vers cet éclatement qui lorsqu'il arrive, malgré son côté précipité, crée une fin ambivalente où Takiji nous montre que la masse se doit d'échouer et de perdre ses idoles (le nationalisme impérial, en l'occurence, qui naive et endort la colère des opprimés) pour véritablement réussir. Mais ce qui fait à mon sens la vraie force de ce livre c'est sa crudité organique. Pas de constructivisme esthétique ici, ce n'est pas une oeuvre de propagande. On rentre dans la chair, dans la puanteur, dans le dégueuli et on aborde même la terrible question de la violence sexuelle entre ouvriers. Une description de cadavre atteint du béribéri présente au milieu de l'histoire est sans doute l'une des plus saisisante que j'ai pu lire de ma vie. Ce livre a une odeur d'eau salé et de chair de crabe en putréfaction, et il tangue dans le rouli déchainé des vagues.

Mémoires d'un eunuque dans la cité interdite
7.1

Mémoires d'un eunuque dans la cité interdite

Roman

livre de Dan Shi

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

Ce qui est immédiatement frappant dans ces mémoires, et qui est assez "drole" en un sens, c'est le choix radical (et peut-être ethiquement critiquable, mais franchement je trouve que ce fut au final tout a fait bénéfique) de Nadine Perront la traductrice d'opérer des coupes et des raccourcissements dans le livre de Dan Shi. En cause, des instants empreints de mièvreries et de "sentimentalité excessive" que la traductrice déplore et met sur le compte de l'auteur désireux de vendre un livre à l'eau de rose, et non de Yu Chunhe, le dicteur. Connaissant la capacité des auteurs asiatiques, même contemporains, à écrire des livres à rallonges pour pas grand chose, je peux comprendre ce qui a motivé la décision de la traductrice. Après, ce choix a été pris parce que Nadine Perront impose une vision occidentale du livre comme étant un document historique avant d'être un roman et je ne suis pas tout a fait d'accord avec cette perception. C'est justement parce que Yu Chunhe (ou Dan Shi, on peut s'y perdre dans cette hierarchisation de l'auteur réel) est un formidable conteur, soucieux à la fois de décrire le destin des eunuques et à la fois de raconter sa tragédie personelle, qui fait de ce livre au final quelque chose de plus profond qu'une simple chronique. Il incarne le caractere désespéré de cet empire Qing sur le déclin dont les eunuques sont les avatars maudits, il interroge la notion de masculinité en plus de détacher l'amour du rapport sexuel et puis évidemment il parle du décorum de cette Cité Interdite si fantasmée à travers laquelle la cruauté et la bêtise nobilaire s'exerce. Mais je trouve que les Mémoires sont aussi un discours sur la méritocratie et le plafond de verre. La Cité Interdite dévorait par ans des centaines et des centaines de ces serviteurs châtrés, tous issus des franges les plus misérables et les plus affamés de l'Empire, vendus par leurs parents ou adolescents émasculés volontaires dans une grande industrie de l'ablation, de l'humiliation et du trafic généralisé des corps, tout ça pour atteindre le niveau de cet eunuque sur un millier qui pouvait jouir d'un train de vie fastueux...Les destin des ces pauvres âmes est donc à mon sens une parabole parfaite du sacrifice et du désespoir qui accompagne le discours consumériste (car qu'est-ce que cette Cité Interdite si ce n'est une usine dorée ?), et donc capitaliste.

Rock Bannon

Rock Bannon (1957)

The Tall Stranger

Sortie : 1980 (France). Roman

livre de Louis L'Amour

Le débardeur ivre a mis 3/10.

Annotation :

Une absence d'enjeux clairs, et peut-être un défaut de concentration de ma part, m'a fait arrêter la lecture à mi-chemin. Pourtant, je trouvais les personnages plutot bien emmenés, surtout pour un auteur d'une part, difficilement trouvable en France car terriblement mal édité (et donc on peut penser que ce défaut d'édition s'explique avant tout par une réticence vis à vis de la qualité de l'oeuvre proposé), et d'autre part pour un auteur de western "à la papa". Je ne sais pas, c'est un tout...A retenter à l'occasion.

Histoire du Japon médiéval
8.1

Histoire du Japon médiéval (2013)

Le monde à l'envers

Sortie : 22 août 2013. Essai, Histoire, Culture & société

livre de Pierre-François Souyri

Le débardeur ivre a mis 9/10.

Annotation :

Un excellent livre d'histoire, fluide et passionnant. On pige comment s'est formé la féodalité au Japon, et on arrive grace à cela à clairement délimiter des instants forts dans cette histoire Japonaise parfois trop lointaine ou trop résumé à sa période Edo qui n'est de fait pas l'alpha et l'omega de l'histoire Japonaise bien qu'elle fut la plus documentée. C'est peut-être con de le soulever mais l'imagination occidentale tend parfois à compacter cet imaginaire nippon en un tout en mode "brrr brrr tradition brrr bushido brr brr temple shinto", comme si ce Japon là avait toujours existé jusqu'au bakumatsu. Non, evidemment, ce n'est pas le cas et Souyri vient nous décrire ce "moyen-âge" Japonais afin de combler les lacunes de notre imaginaire.

Vents et vagues

Vents et vagues (1963)

le roman de Kubilai-Khan

Fūtō

Sortie : 7 janvier 2014 (France). Roman, Histoire

livre de Yasushi Inoué

Le débardeur ivre a mis 8/10.

Annotation :

Ce qui fait la spécificité de "Vents et vagues" c'est à la fois le style impersonnel de son écriture qui relève par instant de la chronique (Inoue a puisé ses connaissances dans les chroniques du royaume de Goryo) et à la fois dans ces petites touches poétiques que l'auteur glisse par-ci par là pour créer au final un écrit tout a fait unique.

Ce livre est tout d'abord un portrait par l'absence de Kubilai Khan, l'un des hommes les plus puissants de tous les temps, et de ses ambitions vue par le prisme de la Corée, un état périphérique et miséreux sur lequel pèse l'ombre de l'empereur. Car cet homme, que l'on voie tour à tour à travers les yeux des officiels de Goryo et au fil des missives exigeantes que l'empire échange avec le royaume assujeti, se révele inconstant, voire instable, capable de bonhommie comme d'une séverité qui frôle par instant l'absurde. Le livre se déploie sur le flot des échanges de lettres sans pour autant être épistolaire, et au rythme des interminables chevauchées de ces rois et de leurs vassaux qui feront tout ce qui est dans leurs capacités pour à la fois contenter les appetits de Kubilai, et à la fois tirer leur royaume de ce typhon de déchéance dans lequel il semble être aspiré depuis leur capitulation "à l'amiable" avec le conquérant Mongol.

Comme fil rouge de ce récit, se trouve la soumission tant désiré par le fils du ciel du mystérieux royaume du Japon qui se trouve au delà des vents et des vagues ; on ne pourra qu'être agréablement etonné de constater qu'Inoue au lieu de raconter cette histoire depuis les côtes de son archipel natal, narrant la bravoure et la pugnacité de ses insoumis ancêtres, lui a préféré le destin de la Corée, ce troisieme protagoniste oublié des conquêtes malheureuses de Kubilai, pris en étau entre deux mondes qui ne veulent faire aucune des concessions que lui dû malheureusement faire.

Les Orageuses
7.7

Les Orageuses (2020)

Sortie : septembre 2020. Roman

livre de Marcia Burnier

Le débardeur ivre a mis 7/10.

Annotation :

Les Orageuses de Marcia Burnier est un pageturner (ou un accrolivre, pour ceux que les anglicismes révulsent). C'est en tout cas ainsi que je l'ai ressenti, et cela ne veut pas forcément dire qu'il est exempt de défaut narratif. Il a les deux qualités primordiales du livre qui se lit vite : un style direct sans achoppement stylistique, et une taille de cent quarante cinq pages qui crée un horizon discernable, une envie réelle d'atteindre le fin mot de cette histoire.

Parce que l'histoire que Burnier raconte ici, c'est celle que vivent toutes les femmes. Alors dis comme ça, certes, ça pue la belle phrase de mec "touché" mais c'est un fait. Afin de nous faire saisir ce côté universel, elle écrit un livre chorale sur une communauté de jeunes femmes, que l'on comprend militantes d'extrême gauche ou en tout cas sympathisantes (capables de ce fait de mettre des mots sur le désordre matériel de leurs existences). Chacune d'entre elle doit faire face aux ravages psychologiques laissées derriere elles par des agressions sexuelles et des viols, tous commis dans un entourage plus ou moins proche, du coloc à l'ami, en passant par le plan cul ou le collegue de travail ; en clair, Burnier évite l'éceuil de ce qu'elle nomme elle même "le parking désert et la ruelle" pour démystifier le fantasme de l'agression qui vient de l'extérieur, qui apparait donc comme bien plus innomable, qui est reconnu par la société patriarcale comme un viol, et qui peut-être presque imputé à la faute à pas de chance. Non, ici tout se joue dans l'intimité et c'est dans cette intimité que ces jeunes femmes se voient contraintes par une sorte de chape sociétale à gérer leurs traumatismes. Les pages sont chargées d'une anxiété palpable : les descriptions des quotidiens qui tournent au ralenti, les rapports humains détraqués et le sentiment de rage interiorisé. Rien ne nous est épargné. Je pense que justement ce livre est surtout destinée, aussi étonnant cela puisse paraitre, à un public masculin afin de lui faire vivre par la procuration et avec toutes les limites que la littérature possède, ce que vivent les femmes après une agression.

Ce que je retiendrais surtout du livre c'est avant tout la réponse par l'action que trouvent ces jeunes femmes qui en, en bande, vont se mettre à se venger et je pense que les défauts du livre, comme cette impression de tourner en rond et les répétitions, tendent avant tout à ces instants de défoulements. Le livre est un défouloir, une propagande par le fait.

Butcher's Crossing
7.3

Butcher's Crossing (1960)

Sortie : 1960 (États-Unis). Roman

livre de John Williams

Le débardeur ivre a mis 3/10.

Annotation :

Toute cette mésaventure ne m'aura rien évoqué, et Dieu sait que j'ai voulu donner à cette oeuvre toutes ses chances. C'est un probleme de ton peut-être, ou un aspect trop classique, je n'en sais rien...Toujours est il que je n'ai pas réussi à adhérer au récit.

Moravagine
7.8

Moravagine (1926)

Sortie : 1926 (France). Roman

livre de Blaise Cendrars

Le débardeur ivre a mis 5/10.

Annotation :

La figure de l'alter ego est quelque chose de très récurrent dans la littérature ; Moravagine en est le penchant extrême. L'histoire est très connue : Cendrars, le bourlingueur, crée Moravagine, sorte de Jack l'Eventreur issu d'une famille noble d'Europe de l'est, élevé dans un cocon luxueux jusqu'à l'âge d'homme, époque à laquelle il est transféré dans une clinique psychiatrique Bernoise. C'est là que la narrateur ( un ami de Cendrars) le trouve et le libère, l'accompagnant à travers le monde, dans une Russie Tsariste dégénérée et crépusculaire dans un premier temps, et puis en Amérique à la rencontre des Indiens bleus. Si la seconde partie du roman m'aura fait tomber le livre des mains, la premiere m'aura troublé. Le style de Cendrars, qui n'hésite à aucun moment à utiliser toute la richesse de la langue française quitte à trouer ses phrases de termes alambiqués est unique en son genre. Sans être verbeux pour autant, cette intrigue d'un scientifique tombé raide "dingue" d'un fou dangereux frôle régulierement le surréalisme et le macabre, en plus d'être constamment chargé d'une mysoginie ultra-violente. C'est que Moravagine (Mort-aux-vagins !) incarne la bestialité psycho-sexuelle de son auteur, ou tout du moins de son narrateur, et là où ce dernier conceptualise son dégout des femmes, Moravagine, le personnage, la chose, tranche net dans la logghorée. Certainement pas aussi percutant que je l'aurais imaginé, mais il y a dans ce livre une longue et violente description de la révolution russe de 1905 qui, je dois l'admettre, est une des choses les plus incroyables que j'ai pu lire de toute ma vie.

La Fille que j'ai abandonnée
7.5

La Fille que j'ai abandonnée

わたしが棄てた女

Sortie : 1964 (France). Roman

livre de Shūsaku Endō

Le débardeur ivre a mis 10/10.

Annotation :

Oui, je n'hésite pas à lâcher mon dix et pourtant je suis tout a fait conscient que ce roman ne sera pas apprécié par tous. Shusaku Endo, c'est l'écrivain japonais de confession catholique derriere ce gros pavé qu'est "Silence", roman qui sera adapté à deux reprises au cinéma, une premiere fois en 1971 par Masahiro Shinoda et la seconde fois par Martin Scorcese en 2017 (derniere version que j'apprécie tout particulierement, par ailleurs). Tout comme dans Silence, la morale et la symbolique chrétienne traverse tout ce roman que l'on pourrait, hativement, considérer comme un drame amoureux ; la figure de Mitsu est une figure christique, voire même "Jobique" tant les maux qui affligent la jeune femme (pauvreté, violence sexuelle et sentimentale, et même la...lèpre putain !) semblent tout droit sortis de l'ancien testament. Additionés à la nature gentille et soumise de Mitsu, et son physique disgracieux, on constate combien Endo veut accorder à la jeune femme une odeur de sainteté. Evidemment, si le livre n'était qu'un portrait martyrologique, il ne possederait pas grand interêt si ce n'est flatter les poussées extatiques de l'auteur et de la minorité japonaise chrétienne. La où le livre est à mon sens brillant, c'est que comme le sous-entend son titre, nous ne sommes pas complétement témoin des malheurs de cette Mitsu. En effet, plus de la moitié du livre est raconté à la premiere personne par Yoshioka, un jeune étudiant japonais fauché comme les blés, un combinard opportuniste qui profitera de la douceur et de la génerosité de Mitsu pour obtenir un rapport sexuel. On le verra ensuite entrer dans la vie active et même trouver une femme et le fantome de sa relation avec la jeune Mitchan reviendra régulierement le hanter. Pourtant, le portrait psychologique de ce "petit con" de Yoshioka est très particuliere : a-t-il véritablement des remords ? Là est toute la question...Car si Mitchan aime d'une façon irréelle, voire absurde, lui semble tout faire par interêt. Bref, une écriture limpide et ambivalente au service d'une histoire honnête de liens humains. Un vrai chef d'oeuvre de la littérature.

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