Cover Akira Kurosawa - Commentaires

Akira Kurosawa - Commentaires

Immense artiste, évidemment, que ce monument du cinéma japonais – et mondial, tout simplement. Imagier unique, dont les œuvres sont autant de splendeurs picturales, Kurosawa a surtout développé une conception éthique à la résonnance universelle, dont les préoccupations humanistes n’ont jamais ...

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23 films

créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a environ 1 an

La Légende du grand judo
6.7

La Légende du grand judo (1943)

Sugata Sanshirô

1 h 19 min. Sortie : 25 mars 1943 (Japon). Aventure, Action, Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Le premier long-métrage réalisé par Kurosawa porte en germe, à l’intérieur d’un genre populaire, tout ce qu’il développera dans les films suivants. Placé sous le signe de la recherche de l’être personnel, il s’apparente aux romans du XVIIème siècle en traitant les différents affrontements du jeune Sugata comme autant de crises et d’étapes dans son apprentissage de l’existence. Ainsi s’exprime l’humanisme cher à l’auteur, teinté d’une éthique à la fois religieuse et aristocratique : chacun porte en soi son propre salut, la possibilité de s’accomplir et de connaître la vérité et le bonheur. Quant à la confiance dans les éléments naturels, l’art du montage court, la gestion du raccourci et de l’ellipse, le rapport entre dilatation de l’attente et fulgurance de la chute, ils témoignent d’emblée d’une esthétique achevée.
Top 10 Année 1943 :
https://urlz.fr/kefR

Un merveilleux dimanche
6.9

Un merveilleux dimanche (1947)

Subarashiki nichiyôbi

1 h 48 min. Sortie : 25 juin 1947 (Japon). Drame, Romance

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Le conflit vient de s’achever, et aux deux extrémités du monde les cinématographies nationales se rejoignent. Tourné comme un documentaire, en caméra cachée, dans les rues de Tokyo miné par la défaite japonaise, cette chronique d’un quotidien misérable procède d’une démarche similaire au néoréalisme italien de l’immédiat après-guerre. La pudeur de Kurosawa infléchit le récit vers une émotion allusive et fait participer aux joies, aux peines et au désarroi d’un jeune couple d’amoureux désargentés, qui affrontent les vicissitudes de l’existence en se réfugiant dans le rêve, seul vecteur possible de miracle. Dans une disposition d’esprit propice, ils percevront ainsi les accents d’une musique irréelle au sein d’une salle de concert vide : point d’orgue de ce fort joli film, plein de charme et de tendresse.

L'Ange ivre
7.7

L'Ange ivre (1948)

Yoidore tenshi

1 h 38 min. Sortie : 6 février 1991 (France). Policier, Drame, Romance

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Le terme de réalisme poétique, avec ses variantes sémantiques telles que "fantastique social" ou "populisme tragique", s’applique ici parfaitement à la notion de destin, qui fait basculer l’histoire dans le domaine de la fable, voire de la parabole christique, et à la figure de truand interprété par Mifune : moins un gangster à la Scarface qu’un mauvais garçon poursuivi par la fatalité de son milieu, façon Pépé le Moko. Fondée sur la métaphore du cloaque, en écho à la maladie incurable du héros, l’œuvre dépeint avec pessimisme le Japon d’après-guerre, gangrené par le marché illégal et la misère, en transfigurant tout un réseau thématique (la recherche du double, la rédemption, la nostalgie de la jeunesse…) par l’apport du film noir et le croisement des éléments expressionnistes.

Chien enragé
7.6

Chien enragé (1949)

Nora inu

2 h 02 min. Sortie : 12 janvier 1961 (France). Policier, Drame, Thriller

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

C’est un peu "Le Voleur de Bicyclette" reconfiguré dans le cadre du film criminel, et exporté au Japon. Autour de la recherche de l’arme d’un flic, Kurosawa continue, dans la droite lignée de l’opus précédent, son état des lieux inquiétant de la société nippone et suit, avec un vrai sens du décor et des accessoires (tentures, voilages, cigarettes, téléphones), et dans un climat asphyxiant et caniculaire (voir les corps des danseuses entassées, en sueur), la dérive de son héros au cœur des quartiers déshérités et des bas-fonds sordides de Tokyo. Porté par une urgence fiévreuse, dont la lucidité désespérée sur la finitude tragique des hommes est exempte de tout misérabilisme, ce parcours initiatique au croisement du tableau social, de la fable morale et du polar existentiel conserve une vraie force.

Scandale
6.8

Scandale (1950)

Shûbun

1 h 44 min. Sortie : 30 avril 1950 (Japon). Comédie dramatique

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

L’auteur dit avoir voulu faire un film de protestation, directement lié à la montée de la presse au Japon et à son habituelle confusion entre liberté et abus. Son intérêt réside principalement dans le glissement qui s’opère du réquisitoire contre les dérives de la permissivité démocratique vers la fable morale sur le rejet et la honte de soi, avec comme enjeu central la reconquête difficile de la dignité par un personnage comprenant que chacun de ses actes l’engage et qu’il a des comptes à rendre à l’existence. Ici la métamorphose rédemptrice est affaire de combat intérieur mais aussi d’appartenance à un groupe (d’où ces belles scènes de chant collectif par lesquelles s’affirment la volonté d’une conscience) : le chemin est long pour assumer le regard de l’autre afin de se réconcilier avec soi-même.

Rashōmon
7.9

Rashōmon (1950)

1 h 28 min. Sortie : 18 avril 1952 (France). Policier, Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

L’intérêt historique du film demeure, mais s’il reste aussi fondamental, c’est bien davantage par l’extraordinaire puissance expressive qui s’y développe. Au sommet de ses moyens de cinéaste, Kurosawa médite sur la fragilité du témoignage humain en l’inscrivant dans une construction pirandellienne et une forme de mysticisme panthéiste qui imprégnera toute son œuvre – la forêt vibre et palpite, les esprits cohabitent avec les hommes, les frontières n’existent plus entre les limbes et la réalité terrestre, le monde est sublimé en une symphonie d’ombres et de lumières. Et en dernier ressort, face au désarroi et à la douleur des êtres, un moine retrouve la foi en recueillant, sous l’ombre protectrice d’un temple bouddhiste, un bébé abandonné : la seule chose que nous impose cette œuvre capitale, c’est son humanisme absolu.
Top 10 Année 1950 :
http://lc.cx/ZU7r

L'Idiot
7

L'Idiot (1951)

Hakuchi

2 h 46 min. Sortie : 23 mai 1951 (Japon). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Malgré la triple transposition spatiale (de la Russie au Japon), temporelle (du XIXème siècle au début des années 50) et sociale (de l’aristocratie à une bourgeoisie aisée), cette adaptation demeure très fidèle à l’univers dostoïevskien, créant un vertige d’amour et de mort dont la lenteur hiératique souligne l’aliénation mais pas le renoncement. Kurosawa y déroule sur fond de neige à la fois purificatrice et hallucinatoire le drame de l’individu happé entre ses aspirations profondes et les contraintes sociales. Son pessimisme est contrebalancé par sa foi omniprésente en l’individualité, la vérité de l’"idiot" : à défaut de parvenir à concilier le besoin de répondre à l’appel de ses pulsions et le désir de s’intégrer, s’opère ici un apaisement à la lumière déclinante des bougies qui finissent par s’éteindre.

Vivre
8.1

Vivre (1952)

Ikiru

2 h 23 min. Sortie : 31 août 1966 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Cette conception humaniste, Kurosawa la reconduit avec ferveur dans ce superbe drame intimiste, qui suit les derniers mois d’un mort en sursis consacrant tous ses efforts à la construction d’un parc pour enfants et donner ainsi un sens à sa vie. L’"illumination" du héros (Shimura dans son plus beau rôle) est exprimée sans aucun didactisme, le cinéaste restant attaché au prosaïsme des choses et des actes dans leur dimension la plus quotidienne, comme s’il était convaincu que chaque homme, à son niveau, avait le pouvoir de transfigurer le monde par la grâce de son altruisme et de ses actions salutaires. C’est ainsi que la maladie qu’il porte en lui s’extériorise dans ce parc où il finit par s’éteindre, avec sourire sur la balançoire et manteau de neige qui le recouvre. C’est très beau.

Les Sept Samouraïs
8.5

Les Sept Samouraïs (1954)

Shichinin no samurai

3 h 27 min. Sortie : 30 novembre 1955 (France). Arts martiaux, Aventure, Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Trois heures et demie d’affrontements prodigieux et de péripéties mouvementées, s’articulant autour d’un contexte social décrit en détail, d’une dizaine de personnages formidablement campés, et grimpant crescendo jusqu’à un morceau de bravoure final d’une demi-heure, furieuse bataille épique de pluie et de boue. La fresque est ample et inflige un sérieux camouflet au formalisme sévère du cinéma japonais. Le propos est universel : qu’ils soient pauvres ou riches, la morale commande aux hommes d’honneur (les samouraïs) de venir en aide à leurs frères humains, ces humbles qui apprennent les vertus du courage et de la solidarité, et qui en sont les vrais héros. Ainsi le film célèbre la victoire de la charrue sur l’épée, et de la paysannerie sur la chevalerie. Un grand classique à la hauteur de sa réputation.
Top 10 Année 1954 :
http://lc.cx/Zwkz

Le Château de l'araignée
7.9

Le Château de l'araignée (1957)

Kumonosu-jô

1 h 50 min. Sortie : 27 avril 1966 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Cette transposition nippone de "Macbeth" (Kurosawa est un grand admirateur de Shakespeare) est une avalanche de tableau plus expressionnistes et plastiques les uns que les autres, dont l’inexorable mouvement de violence, de folie et de mort montre l’engloutissement d’un monde et métaphorise l’isolement d’un Japon conquérant qui se croit à tort invincible. Toshiro Mifune y livre une interprétation déchaînée, tandis que le cinéaste tire tout le parti d’une intrigue pleine de manipulations, de conspirations et de trahisons, avec final furieux à la clé et un chapelet d’images saisissantes – cavalcade dans le labyrinthe sylvestre, cheval fou, assaut final sous les flèches, visions fantastiques d’oiseaux chassés de la forêt animée, qui font basculer le film dans un onirisme surréel.

Les Bas-fonds
6.7

Les Bas-fonds (1957)

Donzoko

2 h 01 min. Sortie : 28 janvier 1981 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Dans cette adaptation de Gorki, les deux solutions au dilemme existentiel, la spiritualiste (échappée vers le haut) et la matérialiste (enracinement insistant par le bas) ne font que s’équilibrer avant de se détruire mutuellement. Optant par une sorte de théâtre-filmé en décor unique, qu’il revendique et exploite pleinement, le cinéaste y observe le grouillement d’une fange sordide où la hiérarchie sociale reconduit les inégalités, où la misère proroge les rapports de pouvoir, où les personnages se jouent la comédie les uns aux autres et se mentent à eux-mêmes afin de supporter l’atrocité du quotidien. À peine éclairée par quelques touches d’ironie ou d’humour désespéré, l’œuvre est une descente aux enfers fataliste pour laquelle il n’existe pas de retour, et qui dispense un noirceur absolue.

La Forteresse cachée
7.9

La Forteresse cachée (1958)

Kakushi-toride no san-akunin

2 h 19 min. Sortie : 17 juin 1964 (France). Aventure, Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Tel un contrechamp ludique au précédent, ce magnifique film d’aventures témoigne d’une aisance narrative hors du commun, entremêle l’humour, le suspense et l’action une fresque mouvementée, pleine de fleuves et de chemins, d’espaces ouverts et de frontières, et où chaque scène déploie de façon jubilatoire les potentialités de la précédente. Il propose aussi une morale de l’initiation, de la générosité et du sacrifice, dont la mystique élaborée se nourrit tout autant d’un arrière-plan alchimique que de préoccupations humanistes, et même féministes à travers sa princesse à la délicatesse sauvage, femme de tête, libre, fougueuse et contestataire. Savoir que ce film est la principale influence de Lucas pour "Star Wars" achève d’en faire l’un de mes préférés de la carrière du cinéaste.
Top 10 Année 1958 :
http://lc.cx/Zw9w

Les salauds dorment en paix
8

Les salauds dorment en paix (1960)

Warui yatsu hodo yoku nemuru

2 h 31 min. Sortie : 4 septembre 1960 (Japon). Film noir

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Entre deux fresques médiévales, Kurosawa revient à un cadre contemporain en dénonçant le pourrissement qui règne dans la grande industrie nippone. L’introduction de ce film noir sur la ruine morale du Japon moderne donne le ton : un mariage est commenté par des reporters sarcastiques, conscients qu’il n’est que la vitrine respectable de l’illégalité régnant à tous les échelons du pouvoir. La vengeance est un plat qui se mange froid mais le facteur humain grippe souvent la mécanique de son exécution, et nuance la couleur de ce que l’on a trop vite fait de catégoriser en bien ou en mal. C’est tout l’enjeu de la réflexion, qui puise dans la perversion des valeurs du bushido, transposées entre cadres et patrons, le constat pessimiste d’une chaîne sans fin, garantissant l’impunité des puissants corrompus.

Le Garde du corps
8

Le Garde du corps (1961)

Yojimbo

1 h 50 min. Sortie : 25 avril 1961 (Japon). Arts martiaux, Aventure, Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Les "jidai-geki" de Kurosawa imposent de plus en plus l’image du héros solitaire et supérieur, qui se joue de ses ennemis en adoptant une attitude volontiers cynique et opportuniste. Une ironie cocasse baigne cette série d’affrontements dont la brutalité est tempérée par un humour à la limite du burlesque : ici un chien trimballe une main coupée, là un géant patibulaire joue de la massue. Multipliant tactiques et manipulations individualistes, parlementant pour mieux agir à sa guise, le protagoniste tire son parti de la lutte des clans et ne dévoile qu’in extremis un altruisme modéré. De l’autre côté des Alpes, un auteur trouvera dans cette vision sèche, narquoise et distanciée, usant d’une remarquable confrontation du mouvement et de l’immobilité dans l’image, l’une de ses principales sources d’inspiration.

Sanjuro
7.9

Sanjuro (1962)

Tsubaki Sanjûrô

1 h 36 min. Sortie : 1 janvier 1962 (Japon). Arts martiaux

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Suite des aventures du samouraï errant, encore meilleure que l’original. Engagé malgré lui dans un combat déséquilibré contre la corruption des puissants, notre héros évolue, brise les schémas de déférence à son égard tout en ayant le souci d’enseigner, fait alliance avec de jeunes et naïfs idéalistes car il partage leur colère. Mené tambour battant, le film avance par bifurcations et renversements, remodèle en permanence les analyses de ses enjeux, comme un jeu de stratégie en direct où il s’agit de faire marcher sa tête plutôt que ses bras. Derrière la légèreté du style et l’humour mordant des situations, c’est un éloge de la non-violence qui se profile (voir le massacre perpétré avec dégoût ou le combat final expédié par une lame vive dans un geyser de sang). Un excellent divertissement.

Entre le ciel et l'enfer
8.4

Entre le ciel et l'enfer (1963)

Tengoku to jigoku

2 h 23 min. Sortie : 9 juin 1976 (France). Drame, Thriller

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Mis en scène avec une minutie quasi documentaire et un art consommé de l’intensité dramatique, ce formidable polar organise l’affrontement d’un homme et de son double et développe une intrigue diabolique, un cas de conscience dignes de Fritz Lang. Son construction en deux parties, que coupe un magistral exercice de suspense (la scène du train) illustre la dichotomie entre l’opulence du monde des nantis et la détresse des bas-fonds ravagés par la drogue : la belle idée du cinéaste est de faire de l’obscure motivation du ravisseur, qui considère tout signe extérieur de richesse comme une provocation, une affaire de ressentiment, de haine sociale rageuse et arbitraire. Entre le ciel et l’enfer de sa propre essence, le cinéma de Kurosawa se refuse ici à choisir, et assume sa grandeur comme sa perversion.

Barberousse
8.5

Barberousse (1965)

Akahige

3 h 05 min. Sortie : 4 janvier 1978 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Trois heures pour raconter le passage de l’égoïsme et de l’ambition individuelle à l’altruisme le plus désintéressé. Pour éclairer le malheur des miséreux dans le Japon provincial du début du XIXè siècle, en suivant le quotidien d’un vieux docteur bourru, pétri d’humanité, qui soigne les corps autant que les âmes. Pour vibrer à la confession déchirante d’une mère tremblante de désespoir, au témoignage en flash-back d’un agonisant qui se remémore son amour perdu, ou à la douceur d’une jeune patiente veillant sur son médecin, malade à son tour – tout témoigne d’une pudeur d’évocation sans faille. Trois heures pour, au final, pleurer devant le miracle invoqué par les supplications de quelques vieilles femmes autour d’un puits : ce que nous enseigne ce film bouleversant, digne de Dostoïveski, c’est la valeur noble et universelle de la compassion.
Top 10 Année 1965 :
http://lc.cx/B2n

Dodes'kaden
7.7

Dodes'kaden (1970)

Dodesukaden

2 h 20 min. Sortie : 6 novembre 1974 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

Kurosawa n’allait pas bien (il a fait une tentative de suicide à cette époque). Avec ses éclopés de la vie, ses laissés-pour-compte d’une société impitoyable, son architecture composée d’unités éclatées, de cercles, de places vides, de lignes droites, ses personnages bigarrés qui forment autant d’insularités détachées les uns des autres, son univers visuel très particulier (petit théâtre hétéroclite baigné dans une enclave de cloaques-bidonvilles, couleurs crues, violentes, blafardes, sulfureuses, conduisant parfois le récit à l’orée du fantastique et du fantomatique), ce film sans doute très personnel jouxte le mélo néoréaliste à des références culturelles diverses (Dostoïevski, Beckett), et déploie une sensibilité franchement dépressive. Car ici chacun vit dans son monde et nulle rencontre n’est possible.

Dersou Ouzala
8.3

Dersou Ouzala (1975)

Dersu Uzala

2 h 22 min. Sortie : 22 décembre 1976 (France). Aventure, Biopic, Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 5/10.

Annotation :

On peut le lire comme un contre-pied au précédent. Cette fois Kurosawa s’enivre de grands espaces, s’abandonne à la majesté d’un cadre grandiose, et suit un destin, un choix de vie qui s’ouvrent à l’état sauvage et à l’ordre de l’univers. C’est l’histoire d’une amitié, scellée par la marche, entre un explorateur ethnographe et écrivain et un chasseur de la taïga décrypteur des scénarios du cosmos, qui invite à la redécouverte d’une communion panthéiste, d’un sentiment sacré qui doit lier l’homme à sa mère nature. Leur interaction, fondée sur l’opposition entre raison et croyance mais n’aboutissant à aucune complétude, est racontée le long d’un récit aux accents de poème-essai écologique qui accuse une filiation nette avec l’œuvre de Flaherty. Extrêmement lent et contemplatif, le film est aussi un peu ennuyeux.

Kagemusha - L'Ombre du guerrier
8

Kagemusha - L'Ombre du guerrier (1980)

Kagemusha

3 h. Sortie : 1 octobre 1980 (France). Drame, Historique, Guerre

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Retour aux sources, affichant une ambition et une idée de grandeur qui imposent méchamment l’admiration. C’est le démiurge Kurosawa qui revient ici, avec la ferme intention de ne pas faire les choses à moitié. Pendant cent cinquante minutes d’une splendeur absolue, le film aligne les images stupéfiantes, dans une prise de vue à la plastique somptueuse – messagers dévalant des escaliers en pierre, armures d’or et d’argent, rigueur géométrique des batailles peintes de la Renaissance, claquement des oriflammes, rêveries expressionnistes, donjons enflammés… Le propos est à l’avenant, profonde méditation sur les ambivalences du pouvoir, la fragilité des apparences et la dualité des êtres, qui atteste de la croyance de son auteur en la transmission par amitié, élection ou convergence éthique. Une réussite grandiose.
Top 10 Année 1980 :
http://lc.cx/Uyg

Ran
8

Ran (1985)

2 h 42 min. Sortie : 20 septembre 1985 (France). Drame, Historique

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Pourtant, à en croire l’artiste lui-même, ce n’était qu’une répétition, le banc d’essai pour son grand-œuvre. Retrouvant Shakespeare (cette fois, il adapte "Le Roi Lear"), Kurosawa bat d’autres records de majesté esthétique et orchestre une nouvelle symphonie de peintures au graphisme pur, suite de tableaux dantesques qui mise sur une harmonieuse alternance entre vitesse frénétique et immobilité, et où la stylisation extrême (c’est une chorégraphie de mouvements et de couleurs – rouge, noir et jaune feu) formalise un discours profondément douloureux. Le cinéaste y dépeint rien moins que le chaos s’abattant sur terre, la vanité, la folie et la solitude des hommes, l’implosion du pouvoir et de son système autarcique, la marche tragique du destin, en un "Apocalypse Now" nippon d’une suprême puissance dramatique.
Top 10 Année 1985 :
http://lc.cx/UVt

Rêves
7.5

Rêves (1990)

Yume

1 h 57 min. Sortie : 11 mai 1990 (France). Drame, Fantastique, Sketches

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Huit contes juxtaposés dans une cohérence presque unanimiste, et conçus comme un seul hymne aux vertus universelles. Écartelé entre le souvenir du paradis perdu et l’horreur du cauchemar contemporain (spectre de la catastrophe nucléaire, rupture avec la nature), Kurosawa invoque la culture shintoïste et animiste (la parade nuptiale des renards), fait revenir les fantômes de la guerre, plonge dans les entrailles chtoniennes d’un monde devenu lunaire, et finit sur l’image heureuse d’un vieillard devant le mouvement des moulins à eaux, dont les roues font tourner les cycles de la vie. Sa quête du beau est ainsi liée à une réflexion sur le monde et l’existence. L’ensemble est inégal, un peu statique, prêchant sans doute un peu trop son discours, mais recèle sa part de magie.

Rhapsodie en août
6.9

Rhapsodie en août (1991)

Hachi-gatsu no kyôshikyoku

1 h 38 min. Sortie : 15 mai 1991 (France). Drame

Film de Akira Kurosawa

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Un film apaisé et serein, basé sur une intrigue très simple et fonctionnant sans doute comme un exorcisme pour le cinéaste – tout y tourne autour du souvenir jamais oublié d’Hiroshima. Autour d’un réseau d’alliances et de mésalliances entre la génération traumatisée des grands-parents, qui sait, celle innocente des petits-enfants, qui découvre, et celle, dénigrée, qui fait l’intermédiaire et qui oublie, le film s’attache à perpétuer une mémoire, la transmission opaque d’un savoir et d’une volonté de réconciliation avec l’histoire. Et si le vieux maître élude la responsabilité japonaise dans la guerre, il sait en revanche fustiger avec malice l’évolution de ses compatriotes agenouillés devant le dieu dollar. La chronique est belle, douce, lumineuse, mais aussi assez mineure.

Thaddeus

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