Frederick Wiseman: corps et institutions

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L'aide sociale, lieu unique, champ de bataille où des êtres, démunis comme employés, se débattent dans un système aux allures kafkaïennes, ou beckettiennes pour reprendre la référence d'un homme qui nous livrera un monologue halluciné, un monologue qui ne pouvait mieux conclure les presque 3 heures de film. Des gens torturés dans un système tortueux pour un portrait d’une Amérique écorchée, un violent coup dans le ventre de l'Amérique. La grandeur du pays est mise à mal. Il n'y a qu'à voir cet échange entre un blanc cinquantenaire et un policier noir, où le racisme suggéré tout au long du film devient ici plus explicite que jamais. Une séquence surréaliste et pourtant, on ne peut plus réaliste.

Les démunis racontent leur vie, répètent leurs problèmes, et bloqués comme un disque rayé n’écoutent pas toujours l’employé qui tente de comprendre, parfois patiemment et bienveillant, parfois sans rien de tout ça (une employée allant jusqu’à balancer un "get a job!"), des employés qui représentent le système, ou peut-être les sauveurs, les donneurs de chèque pour pouvoir manger le jour même, "food money", "rent money"… chèque contre tel lettre, tel papier, telle preuve… Les employés les envoient à tel étage, tel bureau, à tel autre service de la ville… demandent de revenir le lendemain, etc. Aliénant. Et on imagine les heures d’attentes pour ça.

Wiseman n’hésite pas à étirer certaines scènes pour en capturer la puissance humaine. Wiseman confirme un grand monteur, et un cinéaste de la patience et du temps. Et cette question : comment sa caméra impacte-t-elle le comportement de ces démunis? Cet objectif vissé sur eux est-il perçu comme une opportunité d’être entendu? Peu importe. Le résultat est impressionnant.

Peut-être le plus grand Wiseman. (C'est qu'il m'en reste encore pas mal à voir)

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Le baptême du feu de Wiseman. Là où tout a commencé.

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On n'oublie jamais son premier Wiseman.

Ici, le quotidien d'une institution, qui ouvre une trilogie sur le corps.

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Inutile de nier, M. Van Sant, on se doute que ça vous a inspiré pour Elephant. Unique fois où Fred utilisera une chanson pour son générique.

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Justice et jeunesse.

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L'humanité, celle qui ferait cliché ou forcée si elle était fictionnelle. Mais elle ne l'est pas. Elle est insupportable.

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Avec Law and Order, on réalise que les sujets filmés ont cette capacité d'oublier la caméra.

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Parler de l'homme en filmant les animaux. Incluant une des scènes les plus mémorables du cinéma de Wiseman. Le genre de scène qui se grave dans la mémoire.

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Le passé qu'on conserve dans le présent, qu'on fait vivre, qu'on raconte.

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Kubrick, j'suis sûr qu'il connaissait avant de faire Full Metal Jacket.

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Pas de matchs. Pas de compétition. Juste des gens ordinaires face à eux-mêmes. Un Wiseman bien plus profond et subtil qu'il n'y parait.

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Les réunions, c'est long et chiant. Les étudiants de Berkeley sont risibles, voire pathétiques. Au milieu, Wiseman est un œil malin et affuté qui observe. Comme toujours.

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Wiseman clôt sa trilogie du corps après La Danse et Boxing Gym. Et comme dans Star Wars, ce 3e volet est bien fade. Mais quand t'es vieux, tu ne rates pas une occasion de voir de belles femmes dénudées.