Cover Imre Kertész - bribes et "ordre" sur le monde désespéré d'un "étranger partout"

Imre Kertész - bribes et "ordre" sur le monde désespéré d'un "étranger partout"

Petit hommage - je ne sais pas s'il l'accepterait comme tel, disons plutôt encouragement à découvrir un auteur qui me fascine depuis bientôt deux ans maintenant : le hongrois Kertész - qui ne se reconnait pas en Hongrie, ne se reconnait pas à bien des endroits.

Imre écrit des "livres ...

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13 livres

créee il y a environ 6 ans · modifiée il y a plus de 4 ans

Être sans destin
8.2

Être sans destin (1975)

Sorstalanság

Sortie : 1997 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Vertigineux, terrifiant, clefs de lectures trouvées à la fin de tout, l'oeuvre nécessaire pour faire naître l'écrivain, et pour le saisir. Distanciation, vie au jour le jour, avenir toujours proche pour avoir un avenir - la fin d'un camp comme la fin d'un horizon.

"Et malgré la réflexion, la raison, le discernement, le bon sens, je ne pouvais pas méconnaître la voix d'une espèce de désir sourd, qui s'était faufilée en moi, comme honteuse d'être si insensée, et pourtant de plus en plus obstinée : je voudrais vivre encore un peu dans ce beau camp de concentration."

Le Refus
7.8

Le Refus (1988)

A kudarc

Sortie : 1988 (Hongrie). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 9/10.

Annotation :

Autofiction terrible sur le premier refus d'Être Sans Destin. Des parenthèses comme enfermement, une écriture sur l'écriture, contre le totalitarisme.

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Kertész, en maître limpide et complexe encore. Ici, on a face au deuxième livre de la trilogie de "l'absence de destin" (avec Être sans destin, bien sûr, mais le Kaddish aussi) ; genre de chaînon entre l'intensité cinglante du Kaddish et l'autofiction précédente.

On repart sur l'autofiction, Imre s'inspire comme point de départ du refus de la publication d'Être sans destin comme raisonnement - pour une première partie terrible, froide, effrayante de la "vie" déjà fixée d'un écrivain, puis une deuxième ou ce même écrivain écrit un livre sur quelqu'un retournant dans une ville étrange, avec beaucoup d'humour noir, un regard d'une lucidité exemplaire sur le totalitarisme qui peut amener à "tuer 30000 personnes", sur les choix et l'Homme fondu dans la masse...

"Comment avait-il pu s'imaginer pouvoir se cacher, pouvoir échapper au poids de sa vie, comme un animal errant à la chaîne ? Non, non : il devrait vivre ainsi, le regard fixé sur cette existence, et la regarder longuement, attentivement, émerveillé et incrédule, simplement la regarder jusqu'à y déceler quelque chose qui n'appartiendrait déjà plus à cette vie ; quelque chose qui serait palpable, limité à l'essentiel, indiscutable et accompli comme une catastrophe, quelque chose qui se détacherait petit à petit de cette vie, comme un cristal de glace que n'importe qui peut prendre pour regarder ses structures définitives et le faire passer dans d'autres mains, en tant que produit étonnant de la nature..."

Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas
8.1

Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas (1990)

Kaddis a meg nem született gyermekért

Sortie : 1990 (Hongrie). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 10/10.

Annotation :

L'écriture la plus dure de Kertész - rigueur absolue, livre complètement fictionnel, écrit dans une "mauvaise période" selon certains dires de l'auteur.

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Écrire sur l'impossibilité de ne pas vivre sa vie, tout en reconnaissant l'absurdité de celle-ci. La rencontre terrible de Kafka, de Bernhard, de Beckett. Le sentiment d'altérité omniprésent ; ne plus pouvoir vivre sa vie, qu'on vit pourtant ; une vie vécue tant que B. (le narrateur fictif, sous lequel on devine Kertész) travaille, et qui ne pourrait peut-être pas l'être autrement. La fuite devant tout, toucher à l'apprentissage de l'horreur comme une conséquence logique, toute une logique de la catastrophe et de l'horreur.
D'où le "Non !" instinctif, violent. Un livre-crachat, un livre écrit comme une chose nécessaire à sa vie à lui - Kertész. Lu comme une poursuite nécessaire de la vie - la mienne. - des destinées volées, et d'autres destinées qui leurs sont nécessairement substituées.

Et là où on ne croirait lire que des ruines éclosent parfois la beauté, des fleurs aux noms que je ne saurai dire, la prière pour toute une humanité pleurée. Le traumatisme est définitif, mais la lutte pour aller contre la logique du traumatisme - contre la vie, puisqu'il en fait parti - est constante, et là on trouvera encore le sourire, la joie, l'amour et l'espoir. Un livre qui me galvanise, qui me perce, me hurle d'être.

Folie de la littérature - et pourtant, il y avait bien de l'humour dans ce livre, que j'avais oublié, de l'humour désespéré certes, mais de l'humour quand même.

“Ce qui est réellement irrationnel et qui n'a vraiment pas d'explication, ce n'est pas le mal, au contraire : c'est le bien.”

"La névrose et la violence comme unique système de communication, l'adaptation comme unique possibilité de survie, l'obéissance comme pratique, la démence comme aboutissement"

"Au cours de ces années, j'ai pris conscience de la nature véritable de mon travail qui n'est fondamentalement rien d'autre que de creuser, continuer et finir de creuser cette tombe que d'autres ont commencé à creuser pour moi dans les nuages, dans les vents, dans le néant."

Journal de galère
8.1

Journal de galère (1993)

Gályanapló

Sortie : 8 octobre 2010 (France). Journal & carnet

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

(Lu et relu aussitôt, comme Liquidation, non pas par pure fascination comme Liquidation mais par manque d'attention, passivité, lecture fatiguée la première fois)

J'avais lu un texte bouleversant sur ce journal avant de le lire - d'ailleurs utilisé en critique ici- aussi j'attendais le dernier "nouveau" Kertész que je lirai comme une apothéose (eh oui, on est fou passionné d'un auteur puis soudain on se rend compte qu'on a lu toutes ses oeuvres - du moins ses oeuvres traduites en français).

Toujours - encore l'existence comme sa vérité, ou son mensonge. De notes en notes du journal : les lectures et citations qui accompagnent Imre (sans cesse : Thomas Mann, Beckett, Kafka, Nieztche. Parfois Marai, Schopenhaueur, Krudy et autres). Forcément, format oblige, paragraphes restreints, sur eux-mêmes- mais plein des projets, d'un spectre de ce qu'a tenté de façonner l'écrivain, lieu de doutes, de réjouissances parfois, de déprimes. Acerbe totalement sur la société, ce qu'est devenu le monde. L'errance en Hongrie, Szigliget. Petites choses brillantes de lucidité, d'autres touchantes, parfois juste là. Revenir à la source, Le refus, Kaddish en maturations - saisir un peu mieux les visées, la portée. Lecture-clef de voûte à l'oeuvre d'Imre Kertész, mais enfin, tous ses livres ne sont-ils pas ça ?

"Qu'est-ce que la vérité ? C'est si facile ! La vérité est ce qui nous consume."

"Écrire la Vérité, ou ma vérité ? Ma vérité. Et si ce n’est pas la Vérité ? Alors écrire l’erreur, mais la mienne."

"Cette existence où les gens ne prennent part ni à leur vie ni aux événements, il faut bien qu’ils la considèrent pour ce qu’elle est : leur vie. – Finalement, j’ai réussi à échapper à ce destin impersonnel ; ma plus grande aventure, c’est quand même moi. Je me suis pensé et construit. Envers et contre tout. En travaillant tout au fond de la mine ; en silence, les dents serrées. À présent – bien que je sois encore “en devenir” – je suis fondamentalement prêt ; cela m’a pris cinquante-trois ans et la mort peut m’arracher à moi-même à tout instant."

"En fin de compte, qu'est-ce que la liberté ? Diriger nos pas chancelants dans la nuit polaire vers une étoile que nous avons choisie tout en sachant pertinemment que nous ne l'atteindrons jamais. Mais pourquoi avons-nous choisi une étoile ? Parce qu'il fait sombre, à l'évidence."

Un autre
7.1

Un autre (1997)

Chronique d'une métamorphose

Valaki más: a változás krónikája

Sortie : janvier 2008 (France). Essai

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Autobiographie liant l'auteur à la fin d'une dictature remplacée par une autre. Peu de souvenirs maintenant, mais à l'époque quelque chose de très marquant.

"Aridité infinie quand un sentiment nous abandonne. Quand on vient de lire un gros livre et qu'on s'était fondu dans son monde ; quand on met fin à une relation amoureuse ; quand les coups d'aiguillon de l'inspiration cessent - et soudain, tu perçois, tu aperçois un monde sans but, sans désir, sans volonté, sans aucune de tes manipulations : simplement tel qu'il est. Tu sens ton manque d'affection et tu comprends que cette aridité du monde est, en quelque sorte, ton œuvre."

L'Holocauste comme culture
7.9

L'Holocauste comme culture (1993)

Discours et essais

A holocaust mint kultúra

Sortie : 2009 (France). Essai, Histoire

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Mélange de différentes conférences, discours (et choses nouvellement écrites ?) de Kertész, le tout lié pour en faire un long trait cohérent sur la possibilité de créer après l'Holocauste, l'impossibilité de créer sans l'Holocauste désormais, etc etc.

"Autrefois, l'homme était une créature de Dieu, une créature au destin tragique qui avait besoin d'être sauvée. Le totalitarisme idéologique a commencé par transformer cet être solitaire en masse, puis il l'a confiné entre les murs d'un système étatique fermé avant de le ravaler au rang de pièce de rechange sans vie d'un mécanisme. [...] Le devoir de l'art est d'opposer le langage humain à l'idéologie, de rétablir l'imagination et de rappeler à l'homme ses origines, sa situation réelle et son destin. Ainsi, le choix de l'artiste ne peut être que radical."

Dossier K.
8

Dossier K. (2006)

A K. dosszié

Sortie : janvier 2008 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 8/10.

Annotation :

Entretiens avec Imre, qui éclairent beaucoup son oeuvre (remise en doute, illumination, intimité, humilité). Imre plein d'humour, qui parvient même à (me) faire rire par instants (un comble vu les sujets abordés).

"Il y a un mot exceptionnellement précis pour cela : Weltvertrauen, que je traduirais par : la confiance accordée au monde. Il décrit à quel point il est difficile de vivre sans cette confiance. Une fois qu'on l'a perdue, on est condamné à vivre éternellement seul parmi les hommes. On ne voit plus jamais en autrui son prochain, mais son ennemi."

Liquidation
8.1

Liquidation (2003)

Felszàmolàs

Sortie : 2004 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 10/10.

Annotation :

"Celui qui reste en vie est toujours coupable.
Mais je porterai la blessure."

Réquisitoire polyphonique bouleversant pour la vie, la vie envers et contre tout, pour tenir face à la honte, à la violence, l'absurdité totale. Le vide béant, l'insensé de tenir. Mais le véritable courage, la force véritable c'est peut-être celà, la vie, la seule façon non honteuse de se suicider serai vivre (dans un passage inspiré de Thomas Bernhard). La force vitale comme unique et seul moyen véritable d'expression d'un homme.
Et puis et puis le chaos de toutes ces voix qui s'élèvent, on a à la fois du théâtre, du passage romancé, de la mémoire, des poèmes même, et des points de vue qui changent sans prévenir, un nouveau genre de stream of consciousness bouleversant entre 10 années et leurs traces. Kertész et ses personnages en chercheurs de traces, de lettres d'adieu ou de roman disparu, recherche sans autre but que la recherche, comme le trainement sans fin des détectives sauvages. Il y a toute l'oeuvre de Kertész qui tonne et echote de nouveau ici, puisqu'il vit dans ses lignes, puisqu'il est une toile, et il réussit l'exploit de l'oeuvre totale. Là des restes du refus, du kaddish, de l'absence de destin, convoqués, réutilisés, remaniés : faire parler les choses. Écrire comme façon de ne plus se taire, même dans l'absurdité de ne plus se taire. Et ça s'ouvre sur Molloy... Il pleuvait, il ne pleuvait pas.
Rien n'a d'importance. Et la grande vengeance sur ça, c'est bien porter cette blessure, "you must carry that weight".

" Je crois en l’écriture. En rien d’autre, seulement en l’écriture. L’homme vit comme un ver mais écrit comme un dieu. Autrefois, on connaissait ce mystère oublié de nos jours : le monde se compose de tessons qui s’éparpillent, c’est un obscur chaos incohérent que seule l’écriture peut maintenir. Si tu as une idée du monde, si tu n’as pas oublié tout ce qui s’est passé, alors sache que c’est l’écriture qui a créé pour toi le simple fait que tu as un monde et qu’elle continue à le faire, elle est la toile d’araignée invisible qui relie nos vies, le logos. "

L'Ultime Auberge
7.3

L'Ultime Auberge (2014)

A végső kocsma

Sortie : 7 janvier 2015 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Bouleversant, la dernière oeuvre d'Imre avant sa mort, une écriture qui tend vers le rien, l'auteur qui se voit mourir à petit feu et le texte qui suit.

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"J’ai réussi tout ce à quoi j’ai aspiré dans la vie, et ces succès montrent que j’aspirais à mon propre anéantissement.
J’ai toujours eu une vie secrète, et c’était toujours la vraie."

Le Drapeau anglais
7.1

Le Drapeau anglais (1991)

Az angol lobogó

Sortie : 17 mars 2012 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

3 nouvelles autour de la recherche, de l'enquête (de souvenirs, de demandes d'histoires, de traces, de preuves de notre existence même absurde).

"[...] ce qui arrive désormais ne me concerne plus. Un tel sentiment est fait de sérénité, rempli d'abnégation. C'est le dévouement avec lequel on va vers un destin funeste, en accordant une confiance absolue au temps, aux étapes successives, aux petits pas alors qu'au fond de soi on sait - peut-être même sans le déplorer - que la fin est inéluctable. Le reste de lucidité qui nous tient alors lieu de présence d'esprit ne nous empêche pas de voir très nettement que nous sommes devenus le rouage d'une espèce de bêtise mécanique qui, croyons-nous, est totalement indépendante de nous, de notre être le plus intime, et cela nous dérange un peu ; mais de même qu'on ne peut contrôler les spasmes gênants de notre diaphragme à la vue d'un mauvais vaudeville, on est tout simplement incapable d'arrêter ce mécanisme."

Sauvegarde

Sauvegarde (2011)

Journal 2001-2003

Mentés másként

Sortie : 10 septembre 2012 (France). Journal & carnet

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 7/10.

Annotation :

Dispensable depuis L'Ultime Auberge, qui reprend largement le livre. Sans aller aussi loin forcément, car publié plus tôt.

"La belle vie est un cadeau rare, et il faut le prendre comme tel : sans orgueil ni remords."

Le Chercheur de traces
6.1

Le Chercheur de traces (1977)

A nyomkeresö

Sortie : 1998 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Fiction touffue, mystique, opaque, presque impossible à suivre. Reprise dans Le Drapeau Anglais, et plus intéressante avec.

Roman policier
6.9

Roman policier (1977)

Detektívtörténet

Sortie : 2006 (France). Roman

livre de Imre Kertész

Rainure a mis 6/10.

Annotation :

Une fiction, et un Kertész mineur. Désastre à petit échelle, déconstruction de l'Homme.

"Vivre est aussi une façon de se suicider : l'inconvénient, c'est que cela prend énormément de temps."

Rainure

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