Jean-Pierre Jeunet - Commentaires
À l’instar de Terry Gilliam, auquel de toute évidence il doit beaucoup, Jean-Pierre Jeunet s’est créé, en solo en en tandem avec Marc Caro, un univers autarcique, en vase clos, affranchi de tout lien avec le monde réel : une sorte de bulle imaginaire soumise à la toute puissance d’un style ...
Afficher plusListe de 5 films
créee il y a presque 12 ans · modifiée il y a presque 12 ans
Delicatessen (1991)
1 h 39 min. Sortie : 17 avril 1991. Comédie, Policier
Film de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Pour Caro et Jeunet, parfaits touche-à-tout qui ont tâté de la publicité, du clip ou du court-métrage, la conscience de ce qu’est une image différente est forcément aigüe et le pari d’innovation que représente ce premier long-métrage évident. En jonglant avec les références (de "L’Atalante" à "Brazil") et les influences (la BD, le cinéma de papa, le réalisme poétique français d’avant-guerre, le fantastique graphique américain), ils parviennent à être nouveaux sans être amnésiques, à insuffler à cette fable grinçante et satirique, fonctionnant par rimes visuelles et associations d’idées, la mesure d’un véritable acte de création. Et bien que l’ensemble tienne davantage de la suite de sketchs empilés que du récit cohérent, sa loufoquerie pittoresque, son identité esthétique et sa poésie de l’insolite emportent l’adhésion.
La Cité des enfants perdus (1995)
1 h 52 min. Sortie : 17 mai 1995 (France). Aventure, Fantastique, Science-fiction
Film de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Le deuxième long-métrage du duo se déroule dans une ville étouffante et mortifère évoquant un Nautilus verdâtre, transpirant au rythme des larmes qu’un ogre, incapable de pleurer ni de rêver, vole au creux des songes des mômes dérobés. C’est un mirage cauchemardesque dont chaque plan est mis au service de l’imagination, un labyrinthe fantasmatique où se croisent les héros de "Pinocchio", d’"Oliver Twist" et d’"M le Maudit", truffé d’idées saugrenues, de trouvailles visuelles, de gags macabres accordés en une mécanique parfaite par une réalisation millimétrée. Mais tant de brio, d’inventivité et de maîtrise achoppent sur un écueil majeur : celui du péché d’intimité, du manque d’incarnation, de l’absence de frémissement, qui rend l’objet claquemuré, barricadé, déserté par le sentiment.
Alien - La Résurrection (1997)
Alien: Resurrection
1 h 49 min. Sortie : 12 novembre 1997. Science-fiction, Épouvante-Horreur
Film de Jean-Pierre Jeunet
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Pari hollywoodien bien tenu pour Jeunet, séparé pour la première fois de son comparse Marc Caro. Respectant les conventions de la saga tout en y injectant des touches personnelles, il fait d’un projet hybride (corps américain, esprit français) un film sur l’hybridation de fantasmes très organiques, de phobies intérieures, d’horreurs génétiques à la Cronenberg, et livre les clés du mystère attirant et répulsif de la terreur imprévue comme celles des angoisses équivoques suscitées par un fantastique détergent. Dans les clairs-obscurs et les ors jaunes d’un soleil éteint, il ose jongler avec la poésie et l’humour noir, assume une part audacieuse d’ambigüité et introduit une forme de baroque incongru au sein d’une narration à la fluidité efficace, dont tous les éléments sont assurés avec une belle maîtrise.
Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (2001)
2 h 02 min. Sortie : 25 avril 2001. Comédie romantique
Film de Jean-Pierre Jeunet
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Que reste-t-il du film-phénomène du début du siècle, accueilli comme le plus euphorisant des élixirs ? Un conte léger, rose, sucré, fugace et insaisissable comme une hirondelle faisant le printemps, une œuvre populaire et rassembleuse, inspirée du cinéma de papa, et dont l’imagerie pittoresque serait revue et corrigée par le numérique. Jeunet opère ici sur le mode de la collection, alignant séquences, idées et références comme des vignettes, expurgeant la fiction de la moindre forme de réel, brassant tout un patrimoine iconographique tel un peintre dadaïste à l’égale distance du passéisme et de la modernité. L’ensemble donne trop souvent l’impression de vivre sous un bocal, mais cette ardeur à transfigurer le quotidien pour en extraire les microscopiques pellicules magiques dispense un charme indéniable.
Un long dimanche de fiançailles (2004)
2 h 13 min. Sortie : 27 octobre 2004. Drame, Romance, Guerre
Film de Jean-Pierre Jeunet
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Les manuels d’histoire en libre circulation au paradis l’attestent : Amélie a eu une ancêtre, au début du siècle dernier, qui s’appelait Mathilde. Jeune femme réduite à la forme d’un cœur battant, mue par un farouche déni de veuvage, elle s’est lancée dans une quête éperdue de l’être aimé, à travers un imaginaire de brocante ne lésinant en rien sur la panoplie 14-18 (gueules cassées, caractères bien trempés et moustaches humides). Plein de chromos, de trucages flip-book et d’effets d’écriture, le film puise dans sa matière romanesque assez de souffle pour compenser le paradoxe d’une recréation du vieux monde entièrement voué à l’ivresse du mécanique. Autrement dit, il parvient à séduire et à émouvoir malgré le vernis esthétisant de la mise en scène et les barils de peinture sépia qui étouffent le décorum.