La voix de l'aigle & la guitare de Shiva [Portrait d'une discographie #5 - Robbie Basho]

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Brace Yourselves, car nous entrons ici en territoire Bashovien. Voici le premier essai discographique de l'autre monstre sacré de l'American Primitivism : Robbie Basho. Si Fahey représente une locomotive massive fermement ancrée sur le plancher des vaches, alors Basho serait ce sage à la volonté de fer qui ne rêve que de s'envoler vers les étoiles.

Ce premier album montre déjà la pleine expression de l'obsession qui sera la plus forte chez Basho dans les années à venir : la musique indienne. Avec son mariage de genres, le guitariste construit un pont symbolique entre l'Amérique et l'Inde (ou la Perse) et recherche activement la transe via une technique musicale virtuose et des compositions toutes plus luxuriantes et échevelées les unes que les autres. Le seul problème de ce premier essai, c'est que Basho manque encore précisément de technique pour parvenir à rendre le résultat tout à fait à la hauteur de ses ambitions. Les passages où il tente de se la jouer Shiva de la gratte acoustique sont ponctués d'imprécisions qui rendent le jeu trop brouillon pour vraiment décoller autant que prévu. Autre défaut qui joue contre lui, mais qui n'est pas de son fait ; la qualité d'enregistrement ne rend pas justice à la précision de ses compositions et en amoindrissent la puissance (là où précisément cette basse fidélité conférait aux compositions bien plus simples et épurées de Fahey une aura folle).

Enfin voilà, pour achever ce long commentaire, rendons tout de même hommage à ce premier abum bien plus ambitieux que tout ce qu'on pouvait voir sur le label à l'époque, Fahey y compris. Heureusement l'épiphanie ne tardera pas à se manifester à mesure que Basho gommera les imprécisions de son jeu.

Dravidian Sunday :
https://www.youtube.com/watch?v=OopF2D4fbxo
The Seal of the Blue Lotus :
https://www.youtube.com/watch?v=PY6VxlPERDM

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À peine un an après The Seal of the Blue Lotus, Robbie Basho a fait des progrès remarquables (et a amélioré son matos d'enregistrement de toute évidence). Dès le titre éponyme qui introduit l'album, on décolle bien plus qu'on ne l'avait fait en 65. Basho commence enfin à me toucher au cœur. Et bien qu'on sente toujours que son jeu reste perfectible lorsqu'il accélère le tempo, l'écart de qualité est évident.

Demeurent encore quelques longueurs par moments, lorsque Basho se veut méditatif il frôle parfois l'ennui léger, mais majoritairement ce sont d'authentiques fresques envoûtantes qu'il nous donne à entendre. Et puis zut, on l'entend quand même pousser pour la première fois (et à deux reprises) ce sifflement puissant, terrassant même, qui se veut un hommage aux envolées improbables d'une de ses influences avouées, Yma Sumac, et qu'il réutilisera régulièrement par la
suite.

Plus qu'un an à attendre avant que ça ne devienne renversant !

The Grail & the Lotus :
https://www.youtube.com/watch?v=Lqdg99o-_4I
Oriental Love Song :
https://www.youtube.com/watch?v=kaQqJFzBbIY

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En ce début d'année 1967 le temps est venu pour Takoma, avec 4 ans d'existence officielle, de faire le point. Et pour cela ils font paraître une compilation d'inédits (composés pour l'occasion) de certains de leurs plus fiers représentants. Ici donc on retrouvera le bluesman ressuscité Bukka White, le gentil Harry Taussig, l'énigmatique Max Ochs joueur de raga (et cousin de Phil Ochs), et bien sûr Robbie Basho et John Fahey himself. Sans trop de surprises, les deux derniers sont les véritables challengers et ce sont d'eux que viendront les plus beaux frissons de cette précieuse compilation.

En revanche ce qui étonne d'avantage, c'est que des deux c'est bien Robbie Basho qui compose LE sommet de la collection. En un an il semble s'être métamorphosé en Shiva et nous amène au bord des larmes avec son « The Thousand Incarnations of the Rose » dantesque... La puissance endormie de Basho semble être enfin arrivée à maturité, et lorsqu'il gonfle le torse il en éclipserait même le maître des lieux, John Fahey.

The Thousand Incarnations of the Rose :
https://www.youtube.com/watch?v=WFshZQYmLBY
The John Fahey Sampler (allez, en bonus, ça vous fera les pieds) :
https://www.youtube.com/watch?v=jQc-S5k3q3A

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On en parlait juste avant, et bien voilà ! C'est désormais chose faite, le premier chef-d'oeuvre de Robbie Basho devant nos tympans ébahis. Ce qui frappe au premier abord, c'est cette intrigante distance qui nous sépare de Basho sur cet enregistrement. Comme s'il avait enregistré dans une cathédrale, avec un micro discrètement posé dans un coin, le son nous parvient comme en écho, parcouru de l'acoustique des lieux, ce qui le rend instantanément mystique. Quant au style en lui-même il est largement à la hauteur de ce que nous avait laissé voir son inédit de la compilation Contemporary Guitar '67 : une espèce de syncrétisme sauvage, vorace, absorbant tout ce qui passe à sa portée – country, raga, folk, blues... – pour l'unifier dans une matrice qu'il crée à l'instinct, passant de l'un à l'autre d'un simple mouvement de poignet.
C'est d'une beauté folle. Il faut aussi savoir que cet album sera le dernier album purement instrumental de sa carrière (excepté à la toute fin). Voilà une bien belle page qui se tourne.

The Falconer's Arm :
https://www.youtube.com/watch?v=XpBbyOh4lM8
Pavan Hindustan :
https://www.youtube.com/watch?v=8pWgUF9bEFE

Annotation :

Aïe... Premier (et unique) faux pas de Basho. Si le bonhomme est finalement devenu aussi réputé pour son jeu de guitare superlatif que pour son puissant organe vocal, il n'empêche que niveau chant ce n'est pas trop ça ici... Certaines pistes ne s'en sortent pas mal dans le genre folk-songs, mais la plupart du temps le pauvre Basho sonne comme un sous-Tim Buckley qui ne saurait pas trop quoi faire de sa force vocale débordante... Globalement un album très inégal, avec un chant pas assez canalisés et des parties de guitare forcément moins belles que sur un disque 'lambda' de Basho.

Katari Takawaitha :
https://www.youtube.com/watch?v=gJgQ5mc_sO4
Basho's Blues :
https://www.youtube.com/watch?v=XG7nmUOGQk4

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Voilà qui achève en beauté cette incroyable année 67 pour Robbie Basho. Fort heureusement, les excentricités vocales irritantes de Basho Sings sont oubliées et comme pour le volume 1 la priorité est revenue au tissage acoustique majestueux. Je ne rajouterai pas grand chose à ce que j'ai déjà dit sur le premier volume paru plus tôt dans l'année, le principe est à peu ou prou le même, si ce n'est que je le trouve légèrement moins brillant et que la seconde piste voit Basho pousser un peu la voix, de façon tout de même plus convaincante que sur son disque de chanson.

Song of the Snowy Ranges :
https://www.youtube.com/watch?v=IaWgs7aZsPE
Wounded Knee Soliloquy :
https://www.youtube.com/watch?v=WT3iqK7A6sM

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Robbie Basho nous offre ici son voyage le plus philosophique jusqu'à présent. Le plus méditatif aussi sans doute. Ce qui lui fait composer ici des morceaux lents et majestueux, avec un sens de l'espace qui nous donne l'impression d'être debout au milieu d'une vaste plaine alors que la brise souffle continuellement. C'est le premier album où sa voix devient ce qu'elle sera sur ses chefs-d'oeuvre à venir : un instrument vibrant capable de dompter un fauve enragé d'une simple intonation.

Cette atmosphère méditative est aussi ce qui m'empêche de me plonger dans ce disque jusqu'au point où je me sens véritablement ému et bousculé. À garder pour les humeurs pensives...

Cathedral et Fleur de Lis :
https://www.youtube.com/watch?v=1QFXLLneOUA
Kowaka D'amour :
https://www.youtube.com/watch?v=YltJZgtApHw

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Un disque solide de Basho pour entamer sereinement les seventies, aka sa meilleure période selon mon humble opinion. Il fera cependant bien mieux par la suite. Song of the Stallion est envoûtant par son doux spoken-word mais n'a pas encore la force d'un Voice of the Eagle ni la profondeur d'un Zarthus. Une étape essentielle du parcours de Robbie Basho, quoiqu'il en soit, à écouter comme le reste mais peut-être pas en priorité.

Song of the Stallion :
https://www.youtube.com/watch?v=lVfz-tSzu3Q
California Raga :
https://www.youtube.com/watch?v=K-kA9UZPHzc

Annotation :

Pour peu qu'on aime sa voix puissante et opératique, ce disque de Robbie est l'un des plus accessibles. Son plus vocal en tout cas, et en ce sens celui qui est le plus tourné sur un format « chansons » et moins sur des odyssées acoustiques à rallonge. Ici plus qu'ailleurs, Basho a le verbe haut et l'acrobatie vocale facile (et maîtrisée). Plus que jamais il rend hommage à le chanteuse Yma Sumac, reine du mambo au nombre d'octaves improbable.
Un disque gracieux, simple, aérien, spirituel, fougueux et puissant, comme les meilleurs crus du Basho.

Wounded Knee Soliloquy :
https://www.youtube.com/watch?v=WT3iqK7A6sM
Voice of the Eagle :
https://www.youtube.com/watch?v=Ah1V_mItuSA

Annotation :

Quel type ce Basho... Chaque disque est unique, chacun présente une nouvelle face d'un homme à mille visages qui pourtant présente une unité brillante dans son jeu, à savoir l'instinct. Robbie Basho qui joue, c'est un chaos mis en mouvement, des ralentissements à foison, des accélérations tout le temps, des temps qui sautent, des partitions mentales tellement ambitieuses que les cordes ne parviennent pas toutes à être pincées distinctement... mais ce chaos n'est en fait qu'un humain qui transposerait en guitare sa propre version de l'association libre, qui n'a que faire d'une discipline normalisée, sa seule discipline c'est d'être fidèle à ses propres principes.

Bref, pour parler concret ; ici Basho nous montre plus que jamais sa face spirituelle, bien présentée par cette pochette plus hippie à elle seule que l'intégrale de Donovan. On y entend une voix féminine nous murmurer à l'oreille, des ragas plus envoûtants que nulle part ailleurs (Khoda é Gul é Abe, 9 minutes de frisson), des errances vocales propres au moustachu et surtout une monumentale pièce piano-voix, les 20 minutes de Rhapsody In Druz qui paraissent presque improvisées, où Basho ne relâche jamais le pied de sa pédale et médite en nous offrant sa propre vision du "free form". "Bonjour mon Dieu, je t'offre mon coeur", je ne l'invente pas.

Zarthus : https://www.youtube.com/watch?v=IB4f7XijUp4
Khoda E Gul E Abe :
https://www.youtube.com/watch?v=_SnAnenDtWY
Rhapsody in Druz :
https://www.youtube.com/watch?v=t-ArU6ZLHGw

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Voilà sans trop de doute le meilleur album studio de Basho avec l'étrange Zarthus. Ici Robbie se la joue très éclectique, proposant aussi bien des ragas que des petites bluettes country/blues, des fresques acoustiques comme des récitals aériens. Après un Zarthus très tourné vers l'Inde et la Perse, Visions of the Country comme l'indique son titre est comme une déclaration d'amour à son propre pays et à son patrimoine musical.

Et il y a cette perle absolue, peut-être la plus belle chanson de son répertoire : Blue Crystal Fire.

Blue Crystal Fire : https://www.youtube.com/watch?v=YYaGChm8RWw
Rocky Mountain Raga : https://www.youtube.com/watch?v=IA2uHQ9XBI8
Orphan's Lament : https://www.youtube.com/watch?v=mFjkdjb7WNs

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Diantre! Un album live de Robbie Basho, il était temps. L'enregistrement arrive alors que le guitariste a déjà une bonne carrière derrière lui, ainsi la tracklist est de choix, piochant dans son large répertoire. Le son est très lo-fi, mais plutôt que de porter préjudice à la musique de Basho (comme ça peut être le cas sur le très grésillant Twilight Peaks, son dernier album studio) ça lui confère au contraire une mystique accrue.

Non seulement c'est du haut niveau en termes de performance, Basho est habité (chronologiquement enregistré en 1980, en plein dans l'entre-deux entre le chef d’œuvre Visions of the Country et le carré inégal des eighties), la tracklist est éclectique et l'entendre raconter ses histoires entre chaque morceau est un précédent très très appréciable. Sa voix timide ressemble à une version apaisée et pleine de sagesse de celle de Fahey (ou bien c'est moi qui m'imagine des trucs, mais vraiment je les trouve assez semblables).

Variations on Easter :
https://www.youtube.com/watch?v=Ts-Fa7NeU7I
California Raga :
https://www.youtube.com/watch?v=AcsxqO0UC74

Annotation :

En légère perte d'inspiration, Basho publie avec ce Rainbow Thunder une collection de réinterprétation de ses propres titres (majoritairement issus de Voice of the Eagle) en y ajoutant quelques inédits. D'un côté, le répertoire présenté ici est forcément d'une valeur sure, mais de l'autre on ne peut pas dire que les nouvelles versions transcendent les originales. Tout cela est un peu trop sage, trop "normal" même pour celui qui nous a habitué à aller toujours plus loin dans l'ambition. Aurait-on déjà atteint le sommet du talent de Robbie ?

Movin Up a-Ways :
https://www.youtube.com/watch?v=xCnPiMM0tIU
The Legend of Mount Tamalpias :
https://www.youtube.com/watch?v=VnEIUPG-WCE

Annotation :

Voilà qui s'avèrera être le dernier "coup d'éclat" studio du moustachu grandiose au milieu d'une série de disques inégaux, montrant un Robbie Basho qui peine à se transcender et qui trouve de plus en plus difficilement du matos de qualité pour enregistrer ses morceaux. Cela ne s'entend pas encore sur celui-ci, une collection de morceaux majoritairement instrumentaux (ça chante sur la fin), entre pièces déjà existantes et autres inédits. Le son est bon et le guitariste est en forme. Pas le plus émotionnellement renversant mais une solide addition à sa discographie, mixant raga et approche plus classique avec beaucoup d'éclectisme et de souplesse.

Pavan India : https://www.youtube.com/watch?v=whlY9906KMM
Variations on Grieg :
https://www.youtube.com/watch?v=MIJmCPs09f8

Annotation :

À l'époque de Bouquet, Robbie Basho - qui n'a jamais vraiment eu ni succès ni renommée - sombre petit à petit dans l'anonymat le plus total. Bouquet a été vendu sous le format K7 dans des boutiques New Age, comme musique de relaxation. On en est là... drôle de parcours.

Quant au contenu en lui-même, il s'agit de morceaux assez "rudimentaires", pour du Basho, guitare-voix avec un jeu plus en grattage d'accords qu'en picking. Je ne peux que penser à la période Basho Sings!, mais en tout de même plus réussi bien qu'il n'y ait rien d'affolant à déclarer ici.

Khalil Gibran (à l'origine un morceau présent sur Zarthus) :
https://www.youtube.com/watch?v=BZpuxPE2mUI
The Golden Medallion :
https://www.youtube.com/watch?v=AfggAXb1drw

Annotation :

Après avoir un peu décrié cet album comme étant une assez triste fin pour Robbie (en effet il s'agit du plus mal enregistré de ses efforts de très loin, les grésillements et diverses saturations font mal au coeur), j'ai appris à l'apprivoiser en me détachant un peu des points qui me chagrinaient. Ce n'est pas comme sur Bonn ist Supreme où le son crade ajoute quelque chose, mais derrière ces problèmes on a quand même un Basho qui fait une très belle prestation, avec une tracklist contenant uniquement des inédits, et des morceaux exclusivement instrumentaux (on avait plus eu droit à ça depuis Falconer's Arm I...)

Bref un album qui fait plaisir mais qui rend triste aussi. Parce qu'il aurait pu être mieux enregistré, mais surtout parce que c'est le dernier. Après avoir dit à l'un de ses potes, avec un sourire serein, qu'il allait mourir dans les prochains jours (wtf Robbie), il succombe d'un accident chez son chiropracteur. Une rupture de je sais pas quoi... Une légende jusqu'au bout ce mec. La mort par massage, doit y avoir plus désagréable. Vous avez dit zen ?

Full album : https://www.youtube.com/watch?v=UVLElTzEgOQ