VILLEMIN Pierre - Critiques & Annotations

Annotation :

"Prospecto" est une plongée sensorielle dans la déambulation panthéiste d’un homme, apparaissant et disparaissant selon la volonté d’un fondu enchaîné, telle une image d’une trace laissée par l’humain dans les nombreuses perspectives de la forêt mais aussi celles des ruines enrobées par la nature. L’idée de s’enfoncer dans l’image stimule le travail de Pierre Villemin, renvoyant par-là à une tradition picturale de la perspective. Ce geste d’arpentage est un envoûtement, un geste pour retrouver l’origine de la nature et de ses heureux hasards comme le montre cette belle rencontre avec deux biches. Dans un dispositif minimaliste, le cinéaste propose simplement une expérience de promenade rousseauiste pour finalement trouver l’osmose avec le tableau vu au début (une œuvre impressionniste d’Albert Marks) par une incrustation entre l’homme et la peinture (un bel écho au "Dreams" d'Akira Kurosawa), mettant en mouvement les éléments peints et l’envie de s’abandonner à la poésie de cet instant.

Annotation :

"Carnet perçu" se construit comme un journal intime aux nombreuses citations philosophiques et littéraires, à l’image de ces nombreuses images comme collectées au hasard et montées intrinsèquement entre elles. C'est un travail de jardinier qui capte des images de rouille, de nature absorbant des matériaux indistincts, des fruits pourris ou encore des ruines où règne la matérialité de l’eau et de la terre. Les formes se glissent dans une dimension d’insécurité, voire tragique car elles sont appuyées par des notes musicales aux vibrations désagréables et par une atmosphère hivernale inquiétante. Le film se veut aussi comme un recueil de mémoire d’où ce traitement des souvenirs et du déjà-vu mêlant expérience mentale et rébus visuel. En ce cas, Pierre Villemin questionne comment cette expérience peut être vécue et en tire un objet mystérieux sur l’usure du temps et les traces du passé.

Annotation :

L'auteur réalise une uchronie expérimentale traitant de voyageurs-scientifiques temporels du futur qui retournent dans le passé pour trouver des experts capables d’éviter l’effondrement écologique à venir. Le cinéaste ne filme aucun personnage, seulement il utilise des images cueillies dans Berlin et plusieurs voix-off narratives très douces. Les plans servent de suggestion ou de métaphore pour ce projet de science-fiction minimaliste qui est aussi une sorte de documentaire d’anticipation sur notre avenir à propos de l’écologie et du développement durable. L’ambiance rejoint beaucoup celle de "La Jetée" de Chris Marker avec une esthétique différente, mais on retrouve ce goût pour l’étrange gravité sensorielle, un travail sonore aérien, une surexposition des temporalités et ce travail à propos de la mémoire. Villemin se demande avec son film : où sont donc les réponses à nos problèmes ? Peut-être dans les voix des grands penseurs et artistes du XIXe siècle comme Albert Marks ou Paul Verlaine, qui ressuscitent pendant un instant. Ainsi, avec l'aide du fameux nécrophone imaginatif, le réalisateur prolonge cette expérience dialectique du souvenir dans laquelle le spectateur est immergé sensitivement. Un très beau court-métrage.