Cover Quentin Dupieux - Commentaires

Quentin Dupieux - Commentaires

Au sein du cinéma français, peu de cinéastes peuvent aujourd’hui faire valoir une personnalité aussi originale que celle de Quentin Dupieux. Film après film, l’artiste creuse une voie surréaliste mais dénuée du tout baroque, qui doit autant au non-sense britannique qu’aux constructions mentales et ...

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8 films

créee il y a environ 6 ans · modifiée il y a plus d’un an

Steak
5.6

Steak (2007)

1 h 22 min. Sortie : 20 juin 2007 (France). Comédie, Science-fiction

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Devant un film aussi inclassable, qui n’entre dans aucune équation économique et esthétique, brouille les genres avec style (anticipation, burlesque, horreur) et s’avance résolument à contre-courant de la comédie française, il est clair que les aventures d’Eric et Ramzy au cinéma passent par le cosmos – et encore, ils ont dû changer souvent de galaxie. Dispensant une forme d’humour sérieux jusqu’au malaise, le cinéaste arpente un no man’s land entre satire schizo et teen movie détraqué, offre un ovni désaxé par des anachronismes délirants (la ringardise fifties passée au crible des années "Grease") et travaillé par une bizarrerie inquiète qu’amortit le matelas d’une mise en scène imperturbable de majesté. Sa radicalité n’est pas sans laisser parfois à la porte, mais un tel geste est impérativement à saluer.

Wrong
6.8

Wrong (2012)

1 h 34 min. Sortie : 5 septembre 2012 (France). Comédie

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Dupieux l’a bien compris, cultiver l’absurde consiste d’abord à capter le normal dans sa dimension la plus prosaïque, à enregistrer la banalité du quotidien avec beaucoup de minutie. Le réveil sonne tous les matins à la même heure (7h60), on file travailler dans un bureau paysager (où il pleut des cordes), on discute plantes vertes avec son jardinier (qui explique mal la substitution d’un palmier par un sapin). Et tout le monde (sauf le voisin, qu’une peur existentielle carabinée pousse à faire l’expérience du vide) s’acharne à maintenir cette routine rassurante, ce semblant de réalité ne cessant de se dérober et rappelant le Buñuel du "Charme Discret" ou du "Fantôme de la Liberté". Par-delà la suave folie de ses situations, le film exprime ainsi une angoisse toute personnelle du néant, de la perte et du désamour.

Wrong Cops
6.7

Wrong Cops (2013)

1 h 23 min. Sortie : 19 mars 2014 (France). Comédie, Policier

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Du propre aveu de son réalisateur, cette suite de sketches sur une poignée de ripoux tarés de Los Angeles est un film sale, bête et simple. Grossir le trait consiste ici à flirter avec l’autoparodie sans y sombrer de manière complaisante, à cultiver une outrance comique dont la caricature est plus fine que le tableau, et dont émerge une approche assez élaborée du montage (boucles, répétitions, arrêts brusques, relance de l’image par la musique). Dupieux donne à voir un monde "flat beat" tout en rythmes répétitifs, et travaille un esperanto de l’imaginaire volontairement plat, pauvre, rabâché, fonctionnant comme un organisme autonome mais contaminé par d’innombrables bugs. Au croisement de l’absurde et de la logique, il continue d’explorer à sa façon, drôle et radicale, la normalité malade du quotidien.

Réalité
7.2

Réalité (2014)

1 h 27 min. Sortie : 18 février 2015. Comédie

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Si les précédents films de Dupieux ne fondaient pas la singularité de leur regard en une structure tout à fait achevée, alors cette farce jubilatoire trouve l’équilibre parfait entre décalage azimuté et rigueur logique, poésie burlesque et sophistication formelle, drôlerie funambule et vertige latent. En pleine possession de ses moyens, le cinéaste bâtit une sorte d’immense rêverie repliée sur elle-même, à la fois très élaborée et simple comme bonjour, multipliant à l’infini ses enchâssements, ses boucles narratives, son réseau connectique, et dont les images éthérées, sans aucune couleur franche, le basculement perpétuel d’un côté du miroir à l’autre, la sensation d’inaltérable calme blanc instaurent un fascinant climat d’étrangeté. On y évolue avec surprise et sérénité, comme le pensionnaire ravi d’un asile de fous.

Au poste !
6.8

Au poste ! (2018)

1 h 13 min. Sortie : 4 juillet 2018. Comédie

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Ils ne s’appellent pas Gallien et Martinaud mais Buron et Fugain. Le procès verbal est tapé sur une vieille machine à écrire, et le mobilier rétro du commissariat fleure bon le décorum mitterrandien. Pourtant un téléphone mobile surgit, incongru, tel un pied-de-nez au programme que le réalisateur prend un malin plaisir à suivre tout en faisant semblant de le saboter. Tout est limpide, évident, rigoureusement à sa place, y compris ce qui relève du plus invraisemblable, et l’on se laisse absorber par ce petit théâtre de la paranoïa ordinaire, dont la sobriété visuelle relaie le tranchant burlesque du dialogue, comme par une farce qui ne cesserait de courir après sa chute – laquelle s’avèrera d’ailleurs parfaitement déceptive. L’exercice pourrait être anodin, il amuse et stimule car il est signé Dupieux. C’est pour ça.

Le Daim
6.7

Le Daim (2019)

1 h 17 min. Sortie : 19 juin 2019. Comédie, Thriller

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 7/10.

Annotation :

Égaré dans un improbable et sinistre Twin Peaks pyrénéen, où il n’en finit pas d’admirer la veste ringarde par laquelle il accomplit sa mue, Georges disjoncte. L’un des talents les plus sûrs du réalisateur réside dans sa faculté à développer sur un long-métrage une idée qui aurait convenu à un court. Sa méthode repose sur une fascinante distorsion des codes du monde réel, appréhendé avec un sens du détail (objets, répliques, accessoires) qui ancre la normalité la plus concrète dans la logique la plus irrationnelle. En s’enfonçant avec ce héros dans la spirale d’une dérive obsessionnelle et meurtrière, il fait le constat d’un état de solitude maladive propre à conduire tranquillement aux pires extrémités. Et il réinvente encore la roue théorique par ses propres moyens, sans avoir l’air de loucher vers qui que ce soit.

Mandibules
6.2

Mandibules (2020)

1 h 17 min. Sortie : 19 mai 2021. Comédie, Fantastique

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 6/10.

Annotation :

Si le trublion a pu verser dans les délices des narrations alambiquées, des structures en spirale et autres mises en abîme plus ou moins vertigineuses, ce penchant s’est bel et bien tari. L’heure est désormais aux pitchs plus simples tu meurs, aptes à être résumés sur un confetti. La preuve avec cette nouvelle louchée d’absurde qui explore les franges de l’humour bien crétin, ode parfaitement décomplexée à l’idiotie heureuse et au règne sans partage de l’irrationnel. Déclinant en quelques situations rudimentaires la logique nonsensique de son pustulat (quelque chose comme un script de Cronenberg revu par les Farrely), le film atteint vite des limites qu’il ne cherche aucunement à dépasser. En découle une impression de dilettantisme petit bras que l’on peut certes regretter, mais sans bouder son plaisir.

Incroyable mais vrai
6.3

Incroyable mais vrai (2022)

1 h 14 min. Sortie : 15 juin 2022. Comédie, Drame, Fantastique

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Thaddeus a mis 8/10.

Annotation :

Après le pneu tueur, la VHS dans le ventre du sanglier, le blouson qui parle et la mouche géante, Dupieux sort de son panier-surprise le conduit rajeunissant localisé dans la cave d’un pavillon plan-plan. Nouvel artefact d’une comédie pataphysique qui consiste à importer la pure loufoquerie sur le terrain de la banalité la plus terne. Cette manière de faire coïncider le relâchement assumé de l’approche avec la précision comique des gags et des situations (auxquels les formidable acteurs apportent un concours décisif), de cultiver la légèreté du ton tout en évacuant les postures et les astuces superflues, ne laisse pas d’étonner. D’autant que, en interrogeant les angoisses liées au vieillissement et les injonctions de la performance, la fable parvient à même réaliser quelque chose d’inédit pour l’auteur : émouvoir.

Thaddeus

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