Rainer Werner Fassbinder

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[ Vu le 03/01/18. ]

On sent qu'il y a quelque chose, la photographie est belle, de même pour les cadrages, les plans séquences (notamment ceux de l'interrogatoire et du passage au supermarché) sont très impressionnants, mais la sauce ne prend pas, le film me paraît trop ampoulé et étouffé par ses références évidentes (Godard notamment) pour avoir son identité propre et me toucher. Mais je ne perds pas espoir, ce n'est que la toute première réalisation de Fassbinder, et nul doute qu'il saura par la suite travailler son style et s'émanciper de ses références pour proposer un cinéma bien plus personnel, donc vrai, et qui par conséquent me touchera bien plus. Mais ici tout n'est pas à jeter loin de là..

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[ Vu le 04/01/18. ]

Il est passionnant en général dans les films avec un "parafilmilque" de ce genre (ici le titre qui en dit long) de voir ce qui conduit à l'acte libérateur, ce qui a nourri le malaise intérieur et catalysé les pulsions meurtrières du protagoniste, lesquels conduisent à ce geste instinctif mu par une accumulation négative de petits riens, sonnant comme un hurlement de souffrance et de désespoir tant pour le personnage que pour l'Allemagne tout entière dont il est la personnification, nation brisée par l’échec qui en 45 a perdu à la fois son économie et sa fierté, et est condamnée à l'excès sous toutes ses formes pour se reconstruire. Cette souffrance allemande s'incarne en Monsieur Raab, ingénieur civil rongé par une carrière sans avenir et un patron méprisant, une femme avide et exigeante trop bien pour lui, un enfant en difficulté scolaire, une mère possessive, des voisins envahissants.. Tout ceci va engendrer chez lui un malaise latent qu'il parvient à cacher et qu'on pense finalement anecdotique, jusqu'au passage à l'acte brutal, et finalement prévisible.

Un beau film de Fassbinder, encore balbutiant techniquement parlant, mais porté par des thématiques fortes, comme un cri lancé par le réalisateur à sa nation qu'il jugeait probablement malade (Une démarche proche de celle de Pasolini par exemple).

Annotation :

[ Vu le 12/01/18. ]

Fassbinder emprunte énormément à Godard (jusqu'à l'un de ses acteurs, Eddie Constantine qui s'interprète lui-même venant tourner une scène dans le rôle de Lemmy Caution, personnage d'Alphaville') pour cette farce satyrique autour du cinéma en tant qu'objet (la fameuse "putain" du titre) source de toutes les folies et zizanies, partant de ce postulat Fassbinder s'amuse à filmer les conséquences de ce tournage catastrophique sur l'équipe technique, du réalisateur à la maquilleuse en passant par les producteurs, et c'est assez brillant à vrai dire, ça fourmille d'idées de cinéma très godardiennes, les nombreux travellings circulaires viennent appuyer la vacuité et l'état de stagnation dans lequel sont plongés les personnages qui tournent en rond dans cette auberge espagnole (aux décors colorés et baroques de toute beauté), entre marivaudages bisexuels, jalousie, colère, ennui de petit bourgeois, et réflexions sur le cinéma à la volée.

Une belle œuvre cathartique de Fassbinder qui, à l'image d'un Welles, met en scène sa silhouette (déjà imposante) dans ses propres films avec charisme, chose assez jouissive pour le spectateur.

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[ Vu le 23/12/17. ]

Dubitatif devant ma première approche du cinéma de Fassbinder ayant découvert après coup qu'il s'agissait ici d'un téléfilm, ce que j'ai compris à la seconde ou le premier plan du film est apparu. En effet la réalisation est très mollassonne et avare en mouvements de caméra, ça m'a rappelé Scène de la vie conjugale de Bergman (également une sorte de téléfilm), mais en beaucoup moins virtuose, ici le montage hormis en de rares occasions n'apporte rien de particulier au récit, tout comme les contre-champs, loin de ceux dévastateur de Bergman. Reste tout de même une certaine adresse dans la mise en place de la tension qui entoure cette jeune femme, un peu à la manière d'un film noir, et cet esthétisme froid tout à fait allemand assez captivant. Je conserve une curiosité intacte pour le cinéma de Fassbinder, cinéaste à la réputation de génie et étoile filante du cinéma allemand, car tout dans 'Peur de la peur' n'est pas à jeter loin de là, c'est juste une œuvre plutôt mineure d'un cinéaste plein de promesses.

Annotation :

[ Vu le 06/02/18. ]

Un immense Dirk Bogarde pour porter cette adaptation de Nabokov déconcertante, à la croisée des genres, une œuvre singulière qui porte les fabuleux stigmates esthétiques du baroque fassbinderien. Dense, d'une exigence intellectuelle rare, plastiquement impeccable, un grand film du pro(lifique)digieux cinéaste allemand.