Cover Sous les pavés, et cetera : Livres lus en 2020

Sous les pavés, et cetera : Livres lus en 2020

Films vus en 2020 : https://www.senscritique.com/liste/Inversement_Films_vus_en_2020/2555658
Séries vues en 2020 :
https://www.senscritique.com/liste/Repli_Series_vues_en_2020/2703536

Je tente cette déclinaison de liste, heureux d'avoir retrouvé goût à la lecture après une ...

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44 livres

créee il y a plus de 3 ans · modifiée il y a plus de 3 ans

Ulysse
7.7

Ulysse (1922)

(traduction Auguste Morel)

Ulysses

Sortie : 1929 (France). Roman

livre de James Joyce

Hunchat-Hunchat a mis 6/10.

Annotation :

Sans conteste une des pires expériences de lecture de ma vie - j'ai envie de dire la pire, même. Je n'aime pas lire 2 livres en parallèle, et quand je commence un livre, je ne peux pas ne pas aller au bout, au cas où je rate quelque chose, aussi j'ai eu le sentiment de me traîner la lecture de ce pavé indigent pendant des lustres (j'y ai passé au moins un an), n'y prenant aucun grand plaisir et me bloquant toute autre lecture. En plus, je l'ai lu en anglais. Un calvaire.

Le concept narratif me semble intéressant, je trouve les 1ères pages amusantes mais, rapidement, la recherche stylistique de Joyce me paraît outrancièrement bouffonne, j'ai eu l'image d'un type agitant les bras avec une frénésie désespérée pour se faire remarquer. En outre, il multiplie les tentatives formelles, tellement différentes que j'y vois aucune cohérence. De l'épate d'une lourdeur qui m'est bien restée en travers de la gorge. Au point que, je trouve, on n'en comprend plus de quoi ça parle. Si la 4ème de couv ne m'avait pas expliqué qu'il y avait un adultère, je ne crois vraiment pas que j'aurais compris. Je ne saisis pas dans quelle direction vont les persos et leurs rapports, tant, tout ce que je vois, c'est l'ego de l'auteur, qui péréclite le reste. Quant à ce tribunal délirant, à la fin, ça m'a rappelé le final de 'Le Loup des steppes', sauf que, pour le coup, je préfère de très loin le style de Hesse.

Le Mystère des pingouins
7

Le Mystère des pingouins (2010)

Penguin Highway

Sortie : 24 juin 2020 (France). Roman

livre de Tomihiko Morimi

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

Étant fan de la série 'Tatami Galaxy' et du film 'Night Is Short Walk On Girl', ça commençait à faire un moment que je voulais lire du Tomihiko. J'aime plutôt bien le film animé adapté du 'Mystère des pingouins', mais la version manga ne m'attire pas. Aussi je suis reconnaissant à l'éditeur français d'en avoir publié une traduction.

J'apprécie grandement ce genre de bulle pop, avec cette légéreté de ton et de rythme. Je le trouve toutefois autant intéressant dans ce qu'il dépeint de la jeunesse, dans les relations entre les persos, et je trouve qu'il parvient à être touchant, même émouvant, avec une efficacité directe.

Laisse-moi entrer
7.9

Laisse-moi entrer (2004)

Låt den rätte komma in

Sortie : 2010 (France). Roman, Fantastique

livre de John Ajvide Lindqvist

Hunchat-Hunchat a mis 7/10.

Annotation :

Ça fait un bail qu'il traînait sur mon étagère. J'ai revu l'adaptation de Matt Reeves avant de le lire, avec en tête un reste de souvenir de la 1ère adaptation suédoise : j'ai été tout d'abord très agréablement surpris de l'aspect social réaliste, à 2 doigts de la satire, des portraits des persos et des descriptions des décors. Aussi, étonné et enthousiasmé de constater que les films n'adaptent en réalité que le premier tiers (grosso modo) du roman.

Mais les deux derniers tiers, du coup, ont un peu de mal à passer : j'ai trouvé des raisons à ce qu'ils aient écarté les scènes avec le père, la pseudo-enquête du poivrot, le beau-fils du flic, et, surtout, le sadisme plutôt malsain de la transformation du vieil homme en monstre + grotesque qu'effrayant, pour moi. D'ailleurs, je trouve ce sentiment d'échec d'autant plus difficile que, dans l'absolu, je trouve qu'il tient là une appropriation très intelligente du concept des vampires. Mais je me sens déçu que, dans ce développement que je trouve assez aguicheur, il ne reste plus rien de la critique socio-politique, et même que ces directions ne reposent même sur rien d'autre qui m'intéresse fondamentalement, n'y voyant, finalement, qu'une espèce de complaisance dans un gore voyeuriste. Et je trouve que toute cette partie uniquement "spectaculaire" révèle la relative faiblesse du style - je l'ai lu dans une traduction française, certes, mais la tournure des phrases, et leurs idées, me semblent ne pas chercher trop loin, je doute que le choix des mots ait fondamentalement appauvri le matériau de base. Reste un récit franchement bien mené, il sait ménager son suspens et ses effets, j'ai donc quand même pris plaisir à suivre l'intrigue jusqu'à son dénouement.

La Ballade de l'impossible
7.7

La Ballade de l'impossible (1987)

Noruwei no mori

Sortie : 1994 (France). Roman

livre de Haruki Murakami

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Ma 1ère rencontre avec Murakami. Je n'ai aucun souvenir du film, que j'étais allé voir en salle à sa sortie, mais je réécoute très souvent la BO de Jonny Greenwood, qui est une de mes préférées dans sa discographie, c'est pourquoi j'avais très envie de lire ce roman.

Je me sens tout d'abord frappé par la légéreté du ton et du style, qui me fait traverser cette histoire si sombre avec une forme de résilience discrète. L'auteur fait certes des choix narratifs, accorde la priorité aux tourments des persos, plutôt qu'à certains développements d'actions, à certains moments ça m'a plus ou moins frustré, mais j'en ai mieux ressenti, au final, le cheminement psychologique du perso principal. Je me sens aussi assez touché par ce discours en simili-filigrane sur ces générations gâtées, donc paumées. Je trouve ce roman d'une sensibilité généreuse, il m'émeut beaucoup, et me donne de forts espoirs dans mes prochaines lectures de l'auteur.

Vice caché
7.3

Vice caché (2009)

Inherent Vice

Sortie : 2 octobre 2010 (France). Roman

livre de Thomas Pynchon

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

J'aime énormément le film qu'en a tiré Paul Thomas Anderson, je crois que j'ai extrêmement bien fait de ne pas le revoir avant de lire le roman, et d'avoir laissé passer du temps avant de l'ouvrir - je l'avais acheté lorsque le film venait seulement de débuter son tournage... ça fait partie de ces livres que j'ai à ce point en attente (comme 'White Bird In A Blizzard' de Kasischke ou 'Le Double' de Dostoïevski, mais là n'est pas tout à fait le sujet).

Parce que, malgré le temps écoulé, j'ai tellement le film en moi que j'ai eu du mal sur les premiers chapitres : je me suis laissé habituer au style de Pynchon (c'est le 1er roman que je lis de lui), que je trouve étrangement à la fois cohérent et un peu m'as-tu-vu dans sa brutalité un peu légère. Du film, j'ai énormément apprécié le sentiment de "le dernier des hippies", ou "l'ultra-moderne solitude", ce refus de suivre l'évolution forcée d'un monde gâté et un peu fanatique, en quelque sorte. Je ne retrouve pas ça dans le roman, ça me manque un peu, mais je trouve tout de même le récit prenant, la narration fluide et extrêmement agréable. Je trouve qu'il tient ses persos avec une constance édifiante, équilibrant délicatement expressions d'émotions et actions.

Amok
7.5

Amok

Der Amokläufer

Sortie : 1922 (France). Nouvelle

livre de Stefan Zweig

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

La 1ère fois que je lis du Zweig. Autant je trouve son style redoutablement efficace dans les effets de narration, le concept de mise en abyme extrêmement bien mené et stimulant, autant j'ai franchement du mal avec l'esprit colonialiste qui traverse le récit, notamment ce racisme anti "jaunes". Malgré cela, le perso finit par m'émouvoir dans sa détresse, et je trouve la fin stupéfiante, par sa narration "indirecte".

Demian
7.8

Demian (1919)

Demian. Die Geschichte einer Jugend

Sortie : 1919. Roman

livre de Hermann Hesse

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

J'avais une grande hâte de retrouver Hesse après 'Siddhartha' et 'Le Loup des steppes', que j'aime d'amour fou. J'aime tant son style accessible, et ses idées de récit et ses effets de narration, qui portent une spiritualité qui me stimulent + que toute autre œuvre. Et, ici encore, je me laisse d'emblée émouvoir profondément par le perso principal et son parcours à travers une enfance difficile, puis par sa rencontre avec Demian. Le tournant proprement spirituel, quasi magique, me chamboule tout autant, tout comme cette "révélation" lugubre de la guerre, à la fin, qui me donne des frissons. J'admire profondément la sensibilité de Hesse, je ressens un respect immense pour ses textes.

Les Souffrances du jeune Werther
7.2

Les Souffrances du jeune Werther (1776)

Die Leiden des jungen Werthers

Sortie : 29 septembre 1774 (Allemagne). Roman

livre de Johann Wolfgang von Goethe

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Sur les premiers chapitres, j'ai du mal à ne pas comparer avec Hesse, et je le déplore. Le style de Goethe cherche davantage le raffinement intellectuel, jusque dans cette grandiloquence dramatique, ce qui tend, de mon point de vue, à dissimuler quelque peu la dimension philosophique du développement des persos. Toutefois, je me laisse rapidement émouvoir par le perso principal, son parcours, ses tourments, et ses préoccupations métaphysiques. Et je trouve la narration menée d'une main de maître.

Narcisse et Goldmund
8

Narcisse et Goldmund (1930)

Narziß und Goldmund

Sortie : 1948 (France). Roman

livre de Hermann Hesse

Hunchat-Hunchat a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

'Siddhartha' m'avait ébloui par son traitement éprouvant d'un pan de la philosophie bouddhiste, c'est une de mes principales références. Ce roman-ci m'éblouit tout également, d'une autre manière : le perso en prend plein la tête tout au long d'un parcours si tendu (les chapitres avec la peste me donnent des frissons), j'apprécie infiniment le développement personnel de Goldmund, sa philosophie à travers toutes ces épreuves. Ses questionnements spirituels me touchent beaucoup. Comme dans les autres romans que j'ai lus de Hesse, j'adore son style simple, épuré, accessible, et je trouve que, ici, il développe ses persos sans faveurs, mais avec une douceur époustouflante.

Les Affinités électives
7.3

Les Affinités électives (1809)

Die Wahlverwandschaften

Sortie : 1809 (Allemagne). Roman

livre de Johann Wolfgang von Goethe

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

Au-delà du style raffiné de Goethe, j'ai frissonné du parallèle sensoriel entre le "théorème" chimique et les sentiments des persos. J'aime beaucoup les évolutions des persos, et du récit, qui passe délicatement, même subtilement, du drame bourgeois à une horreur sourde, dont la soudaineté me saisit au sang. J'aime aussi grandement la finesse avec laquelle il me semble développer ses persos féminins. Je déplore uniquement que la fin me semble si précipitée - le sort du perso principal est évacué en quelques lignes à peine, alors que ce sont ses tourments qui sont au cœur du roman.

Les Cahiers de Malte Laurids Brigge
7.5

Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)

Sortie : 1926 (France). Roman

livre de Rainer Maria Rilke

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Rilke progresse par association d'idées et d'émotions, explosant l'idée de linéarité narrative continue. Il travaille la question du souvenir, je trouve ça d'une poésie profonde. Il traite de thèmes variés et universels, tout en gardant une cohérence par son style. Y a des passages qui révèlent, pour moi, une philosophie très émouvante.

La Route
7.5

La Route (2006)

The Road

Sortie : 3 janvier 2008 (France). Roman, Science-fiction

livre de Cormac McCarthy

Hunchat-Hunchat a mis 6/10.

Annotation :

Il s'agit d'un Pulitzer, alors je vais pas parler trop fort.

Ce roman me laisse avec plus d'interrogations sur son propre style, sur la conception de ses effets narratifs, que sur un intérêt pour son récit. Pendant les 3 premiers quarts, il écrit dans un niveau de langage simpliste : un vocable basique, énormément de répétitions. Puis, au dernier quart, il nous balance des mots techniques, notamment sur un bateau. Bon, soit. Je remarque aussi rapidement qu'il ne balise pas ses dialogues, ni guillemets ni tirets : je trouve que ça se remarque, et ça n'est pas sans effet sur ma lecture (je trouve ça assez chiant, pour être franc, mais bon, je respecte la volonté de l'artiste). Puis je remarque que le fort des persos, c'est pas d'exprimer leurs émotions. En fait, c'est pas écrit à la 1ère personne, c'est un narrateur tiers, "extérieur". Du coup, je me pose des questions : c'est McCarthy qui est simple d'esprit et écrit comme un gamin de 10 ans ? Je trouve ça plutôt dommage : ça aurait été le point de vue du père, voire de l'enfant qui aurait raconté son passé, j'aurais accepté volontiers, ça m'aurait semblé cohérent. Mais bon, comme je disais, il ne veut ou ne sait pas exprimer les émotions : quand ils voient un bébé décapité, éviscéré et rôti à la broche, rien, ils repartent en s'excusant. De même que, pour faire exister son monde post-apocalyptique, McCarthy répète invariablement les mêmes mots : la cendre, la grisaille, la cendre, la grisaille, et aussi la cendre - sans oublier la grisaille, oui, oui. Dans le dernier tiers, comme pour accélérer son récit, il ajoute des sensations, ça me plait : la puanteur d'un perso, l'absence d'animaux et ce "silence assourdissant", comme on pourrait dire. Mais je trouve que l'action, en elle-même, est bien trop répétitive, et, comme il n'y a pas de développement émotionnel, je trouve que ça fait juste accumulation de faits, ça m'emballe pas des masses. Pourtant, j'ai lu ce bouquin assez vite, je me suis senti hapé par l'histoire. Du coup, à nouveau, je reste dans l'interrogation. Qu'est-ce qui m'a autant fasciné (jusqu'aux 50 pénibles derniers pages, faut pas déconner) ? Malheureusement, je crois que je me suis juste laissé lâchement aller à cette fascination morbide de savoir s'ils allaient survivre. Et comme y a un enfant, ça active quelque chose qui me captive. Suggérer, c'est très bien, laisser le lecteur s'imaginer le monde, mais de là à en faire moins que le strict nécessaire, je suis pas sûr d'accrocher.

La Machine à explorer l'espace
6.6

La Machine à explorer l'espace (1976)

The Space Machine

Sortie : 1976 (France). Roman, Science-fiction

livre de Christopher Priest

Hunchat-Hunchat a mis 7/10.

Annotation :

La traduction dans laquelle j'ai lu ce bouquin aurait mérité, je pense, une autre relecture.

Les 1ers chapitres décrivent le moralisme pudibond de la société anglaise dans laquelle l'histoire s'inscrit. Si Priest a voulu par là dénoncer les carcans sociétaux, je suis mal à l'aise, car je trouve que son écriture reste intrinsèquement engoncée. Dans la caractérisation des persos comme dans l'enclenchement des actions, je trouve sa mise en place d'un didactisme assez pauvre. Je trouve qu'il coche sagement, comme par dogmatisme, toutes les cases du manuel du romancier, respecte bien scrupuleusement le cahier des charges conventionnel. Ça ne m'est pas foncièrement désagréable, mais je trouve ce choix scolaire et un peu paresseux, surtout dans le rapport à sa thématique. Et, lorsqu'ils sont sur Mars, qu'ils choisissent d'abandonner les conventions d'un monde auquel ils n'appartiennent plus, l'écriture ne devient pas + folle, à mon sens.
Un exemple de séquence : la vision prophétique de la mort d'Amelia, qui, arrivée au moment de le vivre "en temps réel", se désamorce, pour moi, comme un pétard mouillé. Je ne pense pas que j'aurais voulu qu'elle meurt juste par plaisir sadique, mais pour apporter un relief émotionnel au perso d'Edward. Toutefois, la naïveté romantique de leur destinée me touche tout de même.

J'apprécie le dilemme des 2 persos : pour se sauver eux-mêmes, ils mettent en péril l'humanité - enfin, l'Angleterre, les extraterrestres n'ayant visiblement pas + d'ambition, ou une conception très limitée de la géopolitique. Après, je trouve les thématiques qu'il aborde, celle-ci comme la révolte des esclaves, par exemple, assez survolée. Sur Mars, il "justifie" ça implicitement par l'incommunicabilité, mais ça me laisse tout de même plus envie d'approfondir.

J'apprécie aussi bien l'appel final à la nature, toujours dans une naïveté qui me touche.

Priest est, pour moi, un auteur du twist renversant, qui joue incroyablement sur les sensations, les perceptions, l'imagination, avec des romans comme 'Le Prestige', 'Le Monde inverti', 'Futur intérieur', avec des chutes qui font repenser entièrement le récit qu'on vient d'assimiler. Il se fait ici + classique, en quelque sorte, j'en garde une expérience de lecture agréable, bien que les idées proprement littéraires ne sautent pas aux yeux.

Frankenstein ou le Prométhée moderne
7.6

Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818)

Frankenstein; or, The Modern Prometheus

Sortie : 1821 (France). Roman, Science-fiction, Fantasy

livre de Mary Shelley

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

Comme quelques autres, de ce que j'ai lu, je ne m'attendais pas, pollué que je suis par la "pop culture", à ce traitement des persos, Frankenstein comme sa créature. Cette dernière se retrouvant notamment à lire du Goethe et à méditer sur sa condition. Et la chasse à l'homme ne reposant quasi que sur du "hors-champ". À y réfléchir, je repense à cette citation de Nietzsche, qui m'a toujours profondément dérangé : monstrum in fronte, monstrum in anima (déso pas déso si je me trompe dans l'ortho, mon souvenir commence à dater). Les 2 premiers narrateurs insistent sur la laideur physique de la créature, alors qu'elle veut faire valoir sa profondeur philosophique. Je trouve ça bien trouvé et bien émouvant, même si ça étouffe en effet le potentiel spectaculaire. En outre, ce "monstre" n'ayant pas de nom et s'en prenant qu'aux proches de son créateur (le rapport au divin ou au père me semble absent, j'ai du mal à me décider si ça manque ou non), je me demande si on peut interpréter cette histoire comme une métaphore de la dépression, ou d'une autre forme de lutte contre soi-même. Certains éléments m'amènent à aller dans ce sens (l'océan de glace polaire, aussi), en même temps que d'autres le relativisent - le fait que d'autres se trouvent nez à nez avec le "monstre", notamment. Il y a en tout cas un romantisme éminent, dans cette histoire, qui fait que je suis immédiatement tombé sous le charme.

J'aime bien la double mise en abyme avec la mécanique à 3 narrateurs, portés par 3 styles assez différents, je le trouve très maîtrisé.
Du reste, j'ai pas grand chose à en dire, je trouve le style plutôt classique, le niveau de langage vaguement bourgeois, érudit et pertinent, mais sans fulgurances.

Dagon
7.2

Dagon (1919)

Sortie : novembre 1919. Nouvelle

livre de H. P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 7/10.

Annotation :

J'ai pas vérifié si toutes les nouvelles sont dispo sur le site (je lis l'édition J'ai lu de 2011), j'ai juste checké la 2e, 'Herbert West', qui est bien là, du coup j'ai envie d'essayer de critiquer les textes un par un. S'il en manque, je trouverai un truc.
J'ai un peu de mal avec Lovecraft : j'ai un très bon souvenir de 3 nouvelles, si j'en oublie pas, dont 'Polaris' que je vais retrouver dans cette édition, mais y a aussi des œuvres de lui qui m'ont bien refroidi, notamment 'Les Montagnes hallucinées', qui m'avait sérieusement rappelé que, de son vivant, Lovecraft n'a connu aucun succès, ni critique ni public, et je pense que y a des raisons à ça.
Avec la nouvelle 'Dagon', j'ai du mal à voir autre chose que les limites de son style, en ce que le texte est très court. Pour moi, le style de Lovecraft répète inlassablement la même formule, je trouve qu'il a une écriture trop mécanique : un narrateur raconte son traumatisme a posteriori, incapable d'entrer dans les détails à cause de l'horreur. Ce que j'aime bien, par contre, c'est, à chaque fois, la brièveté percutante de la description des monstres, je le trouve alors aussi précis qu'efficace. Par contre, là où il me perd ou me file la migraine si je le relis, c'est la mise en espace. Ici, j'ai relu 2 fois au cas où mon cerveau fatigué aurait loupé quelque chose, mais je capte que dalle au mouvement du perso dans l'espace. Est-ce volontaire pour retranscrire la folie dans laquelle il a sombré ? Mais alors pourquoi Lovecraft insère après une phrase pour résumer le trajet, du navire allemand à la plage ? En quelques pages il arrive à me paumer entre son océan et sa terre morte, ça a beau ne durer que quelques pages, je la trouve désagréable. J'en retiens toutefois l'intro, très efficace pour poser le perso morphinomane. Et la fin, percutante, sans mauvais jeu de mot.

Herbert West, réanimateur
7.6

Herbert West, réanimateur (1922)

Herbert West Reanimator

Sortie : septembre 2016 (France). Nouvelle

livre de H. P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

J'imagine que cette nouvelle est un regroupement de 6 mini-nouvelles : à chaque "chapitre", un résumé des épisodes précédents. Dans l'absolu théorique, je trouve ça intéressant ; sur un format aussi court, je trouve ça assez rébarbatif. La cohérence entre les 6 textes n'est pas folle, notamment dans le développement des persos - mais comme il y a ellipse, ça passe sans trop de casse. Ça ne gâche pas totalement le plaisir de lire les mini-récits, notamment, à mon sens, parce que Lovecraft y déploie une narration brutale, avec un gore grotesque et jusqu'au-boutiste de série B, si je puis dire (le militaire décapité), et des conclusions tranchantes qui laissent l'imaginaire du lecteur faire une bonne majorité du travail.
Dans le 3ème texte, le racisme de Lovecraft contre ce perso noir me fascine par sa férocité aberrante. Mis en perspective avec le fait que Herbert West, le Frankenstein de Lovecraft, est blond aux yeux bleus. Il en fait un perso d'une folie complètement ravagée, et il le qualifie, via son narrateur raciste (et globalement un peu con, je me permets le jugement), d'adjectifs peu flatteurs.
En bref, je trouve que cette "nouvelle de nouvelles" est un objet aussi curieux qu'intéressant, pas déplaisant à lire, et même plutôt plaisant à interpréter.

La Quête d'Iranon
7.2

La Quête d'Iranon (1935)

The Quest of Iranon

Sortie : 1935 (États-Unis). Nouvelle

livre de H. P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Dès que y a récit initiatique à travers le désert, je pense au 'Siddhartha' de Hesse et à 'L'Alchimiste' de Coelho, donc il retient toute mon attention.
Je crois que j'aurais beaucoup aimé rester plus de pages dans ce récit, avec ce perso moralement déchiré et désenchanté. J'aurais aimé le lire développer plus en profondeur ses thématiques.
En l'état, j'aime énormément ses persos, son écriture douce-amer, jusqu'à cette fin qui me fait un pincement au cœur. Le fantastique se met totalement au service de cette désillusion psychologique, au sujet d'une nostalgie vaine, à double tranchant : ça le garde jeune, visiblement, mais en même temps que son monde idéal n'existe pas (ou plus ?). Je le trouve efficace et émouvant.

Celephaïs
7

Celephaïs (1922)

Sortie : mai 1922. Nouvelle

livre de Howard Phillips Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

J'apprécie grandement l'onirisme que se permet Lovecraft, dont le style toujours à cheval entre description démonstrative et retenue suggestive me permet aussi différents niveaux de lecture : réflexion fantasmagorique sur la réincarnation, délire de drogué, expérience de mort imminente, vie après la mort... C'est bien la 1ère fois que Lovecraft m'émeut. Après 'La Quête d'Iranon', il me fait sensiblement revenir sur ce que j'ai écrit au début de mon annotation sur 'Dagon', à propos de son style. Lovecraft est aussi capable de poésie, de lyrisme, par-dessus ses gros sabots.

La Malédiction de Sarnath
7.2

La Malédiction de Sarnath (1920)

The Doom that Came to Sarnath

Sortie : juin 1920. Nouvelle

livre de H.P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

À nouveau, Lovecraft m'entraîne sur le terrain de l'onirisme, donc de l'émotion, par ses descriptions matérielles, suggérant la psychologie pour se projeter au maximum dans cet univers surnaturel. L'exotisme de son décor donne un parfum de récit d'aventure, et la fin, qui me rappelle de ce que sera la fin de 'Fog' de Carpenter, me conquiert totalement. Un beau message, je trouve, sur le pillage des civilisations "exotiques" par l'Orient.

Le bateau blanc
7.1

Le bateau blanc (1919)

The white ship

Sortie : 1919 (France). Recueil de nouvelles

livre de Howard Phillips Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Je suis touché par cette allégorie de l'homme éternel insatisfait, qui va chercher son plaisir jusqu'à se ruiner. J'aime aussi beaucoup comme Lovecraft renverse le code de l'horreur : on croit à un vaisseau et à une ville fantômes, finalement c'est le seul perso présenté comme incarnant la réalité qui entraîne la chute et annule la possibilité du rêve. Je trouve ce texte très beau, aussi avec ces descriptions toujours empruntes d'onirisme.

Les Chats d'Ulthar
6.8

Les Chats d'Ulthar (1920)

Cats of Ulthar

Sortie : 1920. Nouvelle

livre de Howard Phillips Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Lovecraft renverse encore une fois les attentes qu'il fixe lui-même : les étrangers à la peau basanée, a priori des gens du voyage, sont vus comme la menace prête à s'abattre, mais par une communauté impotente, à la normalité toxique. Les persos "locaux" du village ont un problème communautaire, mais ne font rien, restent passifs, et ce sont les étrangers diabolisés, par cette religion païenne, qui vont les sauver. J'aime encore comment Lovecraft explore une sobriété stylistique, avec un onirisme qui me paraît bien efficace.

De l'au-delà
7.1

De l'au-delà (1920)

From Beyond

Sortie : 1920. Nouvelle

livre de Howard Phillips Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

Au départ, elle m'emballe pas, retombant dans les travers du style narratif de Lovecraft dont j'ai déjà parlé. Pourtant, ici, il dote ses descriptions de sensations très efficaces, qui sortent, transpirent du texte seul : un effet quasi psychédélique lorsqu'il convoque des images, des sons, des couleurs... Du coup, à partir d'un récit que je trouve pas ouf, j'en tire une super expérience de lecture.

Le Temple
7.4

Le Temple (1925)

The Temple

Sortie : 20 novembre 2015 (France). Nouvelle

livre de H. P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Je trouve cette nouvelle très forte pour 2 éléments : concernant le surnaturel, les potentiels "monstres", il n'est que dans la suggestion, une description étroitement liée à la psyché du héros, et la personnalité de ce héros, qui est dans une auto-célébration complètement délirante. Les réflexions du perso sur sa force ultime liée à son nationalisme, régionalisme, etc., m'amuse beaucoup, je pense que Lovecraft le tourne largement en dérision. La fin me fait bien sourire, rend la certitude élitiste du perso d'un absurde émouvant.
Et une sensation que je m'explique mal : bien ce texte développe ce qu'il peut pour être anxiogène au possible (la pression de l'abysse océanique + le huis-clos dans le sous-marin + la possibilité horrifique), son rythme ou son style, je ne suis pas sûr, me donnent plutôt un sentiment de sérénité, je me sens très détendu après avoir lu cette nouvelle.

L'Arbre
6

L'Arbre (1921)

The Tree

Sortie : 1921. Recueil de nouvelles

livre de Howard Phillips Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Cette nouvelle remarquablement courte me laisse une impression assez forte, dans les possibilités d'interprétation que je crois y trouver. Est-ce que les 2 sculpteurs sont un couple homo ? C'est quoi, cette maladie qui emporte le 1er ? La fin me laisse dans une mélancolie douce-amère que j'aime bien, la puissance de la nature et de l'amour, avec cette belle métaphore qui pose, à mon sens, une question existentielle, aussi par le perso discret de l'apiculteur, méta-narrateur.

Les Autres Dieux
6.5

Les Autres Dieux (1921)

The Other Gods

Sortie : 1921. Recueil de nouvelles

livre de H. P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 9/10.

Annotation :

Je vois cette nouvelle comme une relecture de la légende d'Icare. Il reste dans un cadre religieux / mythologique, transpose à l'idée d'escalader l'Olympe pour entrer chez les dieux, ce qui lui offre la possibilité de développer les descriptions qu'il semble affectionner tant. J'aime énormément ce qu'il fait de cet épisode : celui qui a vu mais en est mort, le deuil impossible, et, surtout, la naissance d'une superstition apeurée.

L'Alchimiste
6.8

L'Alchimiste (1908)

The Alchemist

Sortie : 1908. Nouvelle

livre de H.P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

Lovecraft manie dès les 1ères lignes tous les marqueurs de temps auxquels il peut penser pour ses descriptions, ça a beau faire gros sabots, j'aime beaucoup comme il se joue des attentes liées au surnaturel : la malédiction n'arrive pas exactement là où on s'y attendait, il opère un léger décalage que je trouve plaisant, même intéressant.

La poésie et les dieux
5.6

La poésie et les dieux (1920)

Poetry and Gods

Sortie : 1920. Recueil de nouvelles

livre de H.P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 8/10.

Annotation :

Une ode à la poésie libre, rien de révolutionnaire mais très plaisante.

La rue
6

La rue (1920)

The Street

Sortie : 1920. Recueil de nouvelles

livre de H.P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 7/10.

Annotation :

Ça y est, Lovecraft craque. La thèse paranoïde du grand remplacement, les "basanés" païens et terroristes, la gloire de la culture coloniale passée menacée par la laideur exotique "bon marché" (il parle des HLM ?)... Étrangement, je trouve ce dégueulis bien écrit, intéressant à lire et à mettre en perspective, je pense parce que Lovecraft déploie une pensée systémique (il décrit une politique municipale de ghettoïsation et une démission de la police), dans un rapport onirique au temps.

Horreur à Red Hook
6.6

Horreur à Red Hook (1925)

The Horror at Red Hook

Sortie : 1925. Recueil de nouvelles

livre de H.P. Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 6/10.

Annotation :

Lovecraft part loin dans son délire xénophobe. Je pense que cette nouvelle fait suite à 'La Rue', par certains éléments descriptifs. Une scène me frappe : son perso de détective, Malone, vient enquêter sur un des taudis des étrangers, ne trouve absolument rien, mais projette ses peurs racistes et ses délires "aryens". Jusqu'à la séquence d'horreur, délirante et fiévreuse (mais la seule que je trouve bien écrite et efficace). Il diabolise, littéralement, les "yeux bridés" et les "bouches négroïdes", ça me répugne de lire ce genre d'abomination mentale. Malgré quelques éléments narratifs plutôt intéressants, notamment le perso du vieillard qui aide les étrangers. Et que Lovecraft développe ses opinions racistes dans une pensée systémique est intéressant à étudier : il dénonce la politique qui gère les actions de la police, ça n'est pas foncièrement inintéressant. Il pose un diagnostic socio-politique, pour moi c'est sa "réponse" xénophobe qui déconne grandement. En tout cas, je peux pas être d'accord. Pour moi, ce qui transpire de son intolérance, c'est sa peur de la différence, du lâcher prise, il souhaite clairement une évangélisation uniforme de toutes les populations, il est dans une volonté de contrôle toxique. Un malade.

La Transition de Juan Romero
6.1

La Transition de Juan Romero (1944)

The Transition of Juan Romero

Sortie : 1944. Recueil de nouvelles

livre de Howard Phillips Lovecraft

Hunchat-Hunchat a mis 7/10.

Annotation :

Lovecraft centre sa nouvelle sur 2 persos :
- le narrateur à la 1ère personne (choix non anodin, Lovecraft n'écrit pas toujours au "je"), qui est le bon émigré, celui qui s'intégre en oubliant sa culture d'origine, en reniant même son nom, qui s'assimile en se dissolvant ;
- le perso qui donne son titre à la nouvelle, qui périt parce qu'il succombe à ses bas instincts de "basané", ici la démoniaque musique tribale.

Je commence à saturer des vapeurs racistes de Lovecraft, ça commence à me sortir systématiquement de ses débuts d'histoire. Ici, je ne comprends déjà pas le choix du mot "transition", ça me met mal à l'aise, je vois pas à quelle aberration mentale il veut en venir. Je préfère me concentrer sur ce dont il ne parle pas frontalement, l'événement de l'explosion engendrée par une gestion déconnante de la "domination de la nature", des conditions de travail des persos. Mon côté gauchiste - on ne se refait pas.

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