Cover BD lues + Jugement impartial d'un auteur lucide

BD lues + Jugement impartial d'un auteur lucide

Étant moi-même un auteur de BD assez génial, je juge ces œuvres avec la lucidité et l'impartialité qui me caractérise.

Liste de

27 BD

créee il y a presque 4 ans · modifiée il y a plus de 2 ans

Aria
7.9

Aria (2002)

Sortie : novembre 2002.

Manga de Kozue Amano

Vladimir Thoret a mis 7/10.

Annotation :

Il m'aura fallu plusieurs mois pour terminer ce manga très reposant et contemplatif. On suit le quotidien de jeunes gondolières dans une Venise stylisée et transposée sur Mars terraformée quelques siècles dans le futur. L'auteur a su trouvé une ambiance assez unique qui mêle SF rétro, fantastique léger, et contemplation nostalgique. Le dessin est très élégant et nous transporte facilement dans un univers immaculé à la beauté diaphane.
Les péripéties des héroïnes se font au rythme de l'eau, élément omniprésent, et du temps qui passe. Aria fait partie des ces mangas comme Escale à Yokohama dont le propos de fond traite du mono no aware, ce sentiment si particulier mêlant nostalgie et réjouissement face au temps qui passe.
Globalement j'ai trouvé que le manga manquait de certains approfondissements, que ce soit au niveau de l'univers (le métier d'ondine et l'entraînement des aspirantes) ou au niveau des personnages (les trois fées de l'eau assez peu exploitées), ce qui m'a laissé un sentiment d'inachevé, malgré l'agréable balade que propose Kozue Amano.

Les Aventures d'Hatchi : Allergies

Les Aventures d'Hatchi : Allergies (2019)

Sortie : 2019 (France).

BD (divers) de Jean-Pierre Duffour

Vladimir Thoret a mis 6/10.

Annotation :

J'ai rencontré l'auteur au SoBD 2021 et celui-ci a gentiment accepté de me faire une dédicace. J'aime beaucoup son style à la fois naïf et anxieux, en tout cas on ressent dans cette petite bd une poésie de l'anxiété. On suit les aventures rocambolesques de Hatchi, traqué par des figures d'autorité oppressantes qui se succèdent avec des touches de dystopie intéressantes. Hatchi est projeté de dimension en dimension sans que le récit n'ait le temps de s'installer, le parti pris d'un retournement de situation par page ne m'a pas totalement convaincu dans une bd frénétique qui passe du coq à l'âne sans arrêt. Les touches d'humour sont sympa mais pas toujours en accord avec le ton général de l'ouvrage.

Cool Parano
7.8

Cool Parano (2021)

Sortie : mars 2021.

BD (divers) de Benoît Carbonnel

Vladimir Thoret a mis 6/10.

Annotation :

J'ai eu la chance de me faire dédicacer cette bd par son auteur, Benoit Carbonnel, ancien tagueur reconverti en bédéiste acharné. Fort de son expérience, l'auteur nous livre une BD dense où l'on en apprends beaucoup sur le cette pratique marginale et décriée qu'est le graffiti/le tag. Similaire à une BD documentaire, Carbonnel nous fait découvrir tous le matériel nécessaire au tag et comment on se le procure, les déboires nocturnes pour arriver à plaquer son blaze sur une rame de métro, les anecdotes et rencontres qui en résulte, le vocabulaire technique, les relations et la hiérarchie entre les tristes individus qui ne vivent que pour ça.
À la fois documentaire et essai, Cool Parano a le mérite d'emprunter un point de vue neutre. L'auteur a pris du recul sur le graffiti et il essaye de nous plonger dans la tête d'un tagueur afin qu'on puisse comprendre ses motivations, ses angoisses, ses aspirations.
Ma principale réserve sur la BD est que Carbonnel ne s'éloigne jamais de son parti-pris documentaire. Il raconte ses anecdotes en intervenant sans cesse dans le récit via des cartouches, et empêche l'histoire de se dérouler sans lui.
On en vient même à se demander parfois si Cool Parano est vraiment une BD et pas plutôt un essai graphique : quasiment pas de personnages ni d'interactions. La narration se fait exclusivement par le prisme de l'auteur qui nous prend par la main et nous explique tout au lieu de nous montrer ce qu'il se passe. L'histoire ne se déroule pas sous nos yeux, c'est l'auteur qui nous la raconte. "Don't tell the story, show the story" comme dit l'autre...Cela créé une distance qui empêche de pleinement entrer dans l'univers de la BD.
Je trouve ça dommage dans la mesure où son dessin (superbe) se prêterait très bien à raconter une "vraie" histoire. Un noir et blanc crade, crumbien, habité par des personnages anthropomorphisés mais qui, ici, en restent au stade de figurants.

Amerika
7.3

Amerika (2004)

Sortie : 16 février 2004 (France).

BD (divers) de Robert Crumb

Vladimir Thoret a mis 4/10.

Annotation :

Dans ce recueil de diverses BDs et dessins, Crumb déverse son fiel sur une Amérique capitaliste des années 80-90 qu'il abhorre. Trop bavard et incompréhensible pour un français inculte comme moi, arrivé à la moitié de l'album décousu j'ai fini par ne regarder que les dessins, qui restent trop peu soignés et variés pour stimuler graphiquement ma rétine.

Moby Dick
6.7

Moby Dick (2020)

Sortie : 18 novembre 2020 (France).

BD (divers) de Bill Sienkiewicz

Vladimir Thoret a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Moby Dick est mon roman préféré, ma mère s'est dit qu'elle allait m'offrir ça. Bon déjà quand je vois cet album fluet pendre dans ma main et qui a la prétention de résumer 1000 pages extraordinaires en 60 planches, je suis sceptiques. Mais j'aime les adaptations donc je laisse sa chance à ce dessinateur. J'ouvre : les illustrations ne sont pas immondes mais très mal scannées. La qualité de l'image fait penser aux vieilles illustrations des livres pour enfant du siècle dernier, dommage et inexplicable pour une bd publiée en 2020 chez Delcourt ! BD c'est beaucoup dire car en réalité c'est juste un ensemble d'illustrations, agencées n'importe comment sur la page en plaquant par dessus des cartouches de texte assez laides. Le dessin fait la part belle à la matière, vertiges chaotiques et cauchemardesques, choix judicieux pour Moby Dick, mais tout est gâché par la piètre qualité de l'édition.
Le raté que constitue cet album est un vrai mystère, j'aimerais qu'on m'explique.

Miami - Tyler Cross, tome 3
7.6

Miami - Tyler Cross, tome 3 (2018)

Sortie : 23 mars 2018.

BD franco-belge de Fabien Nury et Bruno Thielleux (Brüno)

Vladimir Thoret a mis 6/10.

Annotation :

Lu dans sa version noir et blanc. Ce qui est quelque peu biaisant je pense car Brüno a toujours bénéficié du travail formidable de Laurence Croix aux couleurs. Ici le noir et blanc est toujours maîtrisé mais je l'ai trouvé plus lisse, trop propre, comme si le rythme effréné de production de Brüno rendait son trait toujours plus impécable, trop impécable. Le dessin de Brüno ne me fait plus autant vibrer qu'avant, au temps de Biotope 2 ou Commando Colonial.
Ce tome de Tyler Cross ne m'a pas non plus passionné. Après sa lecture j'ai picoré dans le tome 2 pour comparer : l'histoire me happe dès que je lis deux cases. Ici les malversations financières que nous concocte Nury sont un peu confuse et peu passionnantes. Les personnages secondaires n'ont rien de mémorable. Et pour finir c'est un tome trop référencé, qui transpire trop de d'une iconographie nouvelle hollywoodienne trop peu digérée pour mon goût. Malgré tout il ne faut pas exagérer, on passe un bon moment.

1984
7.2

1984 (2020)

Sortie : 4 novembre 2020 (France).

BD franco-belge de Fido Nesti

Vladimir Thoret a mis 3/10.

Annotation :

Je dois admettre qu'après une cinquantaine de pages peu passionnante, j'ai rapidement feuilleté le reste de cette adaptation sans beaucoup m'attacher aux textes. Une adaptation trop bavarde et trop littérale, on sent que Fido Nesti fait de son mieux pour capter notre attention, mais l’absence de prise de risque et le dessin convenu, tout en rondeur et couleurs passées rend le tout fade. Les personnages sont impersonnels et la mise en scène rébarbative, manquant de violence (cf la scène de torture finale peu marquante). L’univers orwellien est à peine revisité pour une BD trop peu auteurisante, où l’on ne ressent ni oppression ni cruauté. On pourrait même dire que cet ouvrage tient davantage de la transposition que de l’adaptation, autant lire le livre pour aussi peu de valeur ajoutée.

Comédie française
6.4

Comédie française (2020)

Sortie : 9 octobre 2020.

BD franco-belge de Mathieu Sapin

Vladimir Thoret a mis 6/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Une BD assez déroutante où Mathieu Sapin raconte tour à tour ses tribulations d’observateur de la vie politique Macronienne et la biographie de Jean Racine. Si les deux sujets semblent peu liés, Sapin essaye de nous convaincre qu’on peut y voir de nombreux ponts. L’auteur tente de mettre en abîme la cour de Louis XIV et la suite de Macron, d’évoquer la question du pouvoir et de la fascination qu’il exerce.
Pour ma part je n’ai pas trouvé l’argument très convaincant. Les parties Racine et Macron sont trop hermétiques, elles se succèdent de manière maladroite en interrompant la progression de l’autre, ce qui rend la lecture quelque fois frustrante sans parler du sentiment de dissonance qu’on a entre ces deux époques. En vérité on a deux bd en une que Sapin n’a pas réussi à vraiment connecter.

La partie contemporaine est assez amusante dans la mesure où l’auteur se met en scène en train de tenter de faire une bd, qui aurait pu être celle-là mais qui n’est pas celle qu’on tient entre les mains. En essayant d’approcher Macron, en multipliant les rendez-vous infructueux, chose entrecoupée de ses occupations personnelles tel que la réalisation d’un film ou une visite à Hollande, l’auteur n’arrive jamais à obtenir la validation de son travail qui devient comme une arlésienne qui ne se réalise jamais. Certains ont pu trouver ça pénible, pour ma part j’ai trouvé ça amusant de lire une histoire qui n’aboutit jamais, qui tourne sans cesse autour du pot.

Que ce soit cette partie ou l’histoire de Racine qui remplit bien son rôle de vulgarisation, le tout reste intéressant. Il faut un certain temps d’adaptation au style narratif de Sapin qui surcharge son dessin de mille indications, chose qui contribue a dresser un portrait foisonnant et détaillé des lieux et situations auxquels il assiste. Le dessin fouilli et instantané de l’auteur n’est d’ailleurs pas folichon, entièrement réalisé à la tablette et peu soigné, je regrette par exemple le peu de ressemblance des personnalités que croque l’auteur, trop peu caractérisées. Cela dit il ne manque pas grand chose pour qu’il m’intéresse davantage.
En somme « Comédie Française » repose sur un concept bancal mais propose un divertissement instructif et sympathique.

Les Melons de la colère
6.1

Les Melons de la colère (2011)

Sortie : 16 novembre 2011 (France).

BD franco-belge de Bastien Vivès

Vladimir Thoret a mis 7/10.

Annotation :

Petite BD cul sympathique de Vivès qui nous fait passer nonchalamment de l'humour potache au drame. Une BD qui est plus sophistiquée qu'il n'y paraît en dénonçant certains travers du monde moderne (ou bien est-ce moi qui surestime l'auteur ?). Je trouve d'ailleurs que le récit est un peu trop grave pour la collection BD Cul, la couverture et les fausses pubs en fin d'ouvrage donnent un ton décalé alors que Vivès a tout de même un trait poético-réaliste qui ne colle pas à ce qu'on attendrait de cette collection. À part cette incohérence de ton entre le contenant et le contenu c'est un petit ouvrage amusant et sans grande prétention.

Nausicaä de la vallée du vent
8.6

Nausicaä de la vallée du vent (1982)

Kaze no Tani no Naushika

Sortie : février 1982.

Manga de Hayao Miyazaki

Vladimir Thoret a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

J’ai été franchement chamboulé à la lecture de manga. Au delà du film éponyme qui n’adapte que le début des aventures de Nausicaä, le manga est d’une complexité prodigieuse, vaste fresque géo-politique qui met en scène une guerre totale entre deux empires et diverses factions, immense fable écologique où tous les thèmes miyazakiens s’entrecroisent. La virtuosité du dessin est hallucinante de bout en bout, bref encore un chef d’œuvre du maître, mais cette fois sur papier.
Outre la profondeur de l’univers décrit, c’est l’évolution des personnages qui rend l’œuvre attachante. Le personnage de Nausicaä est en effet sublime, mue uniquement par sa bonté et sa détestation de la guerre, elle affronte les épreuves dans la douleur et le doute. Son humanité noyée dans le feu et le sang émeut beaucoup au fil des pages.
Ce fut une véritable expérience en ce qui me concerne, l’ambition démesurée et la fougue de Miyazaki m’ont totalement immergé dans le récit, élaboré sur 13 ans en parallèle de ses films (oui le mec est une brute). Alors bien sûr, 3 ans séparant chaque tome, on peut pointer quelques points noirs comme la construction trop complexe du récit qui part dans tous les sens et les nombreux personnages et détails sur le lore qui entretiennent une certaine confusion lors de la lecture. Mais le message profond de l’œuvre m’a touché directement et je pense que Nausicaä fait partie de ces œuvres qu’on peut admirer et mettre sur un piédestal tout en sachant qu’elle n’est pas exempt de défauts. C’est pourquoi j’attribue la note sacrée, maximale, qui traduit mon engouement pour ce manga époustouflant, encore trop méconnus par chez nous, et dont les autres tomes mériteraient bien une adaptation en film d’animation pour faire suite au premier film.

Le Joueur d'échecs
7.7

Le Joueur d'échecs (2017)

Sortie : 4 octobre 2017 (France).

BD franco-belge de David Sala

Vladimir Thoret a mis 7/10.

Annotation :

La couverture sublime de cette BD m'a donné envie de la relire, c'est toujours un bel objet avec un dessin assez marquant. Les teintes délavées et verdâtres s'agencent très bien pour rendre une atmosphère particulière. La composition est pleine d'une sorte d'ampleur avec ses grandes cases, le grand format de la BD aidant pas mal. l'expérience esthétique est renforcée grâce à une histoire courte et sans fioritures.

Anne Frank au pays du manga
6.1

Anne Frank au pays du manga (2013)

Sortie : 8 novembre 2013 (France).

BD franco-belge de Vincent Bourgeau, Samuel Pott, Marc Sainsauve et Alain Lewkowicz

Vladimir Thoret a mis 4/10.

Annotation :

Une BD reportage qui aborde un sujet très intéressant mais plombé par des auteurs gauchistes ethno-centrés et n'ayant visiblement aucune connaissance sur le Japon et sa culture...
Tout n'est pas rose au Japon certes, mais il y avait de quoi aborder le sujet de manière plus adulte que balancer des punchlines insupportables à chaque case. De toute évidence les auteurs ont sapés eux-même leur investigation par leur comportement antipathique : On sent bien que les interviewés (japonais ou non) abandonnent bien vite toute forme de discussion avec des occidentaux méprisants.
Le dessin n'est pas terrible mais bien composé, ce qui permet une lecture fluide.

Devilman
8.2

Devilman (1972)

Debiruman

Sortie : août 1999 (France).

Manga de Gô Nagai

Vladimir Thoret a mis 7/10.

Annotation :

Culte au Japon, assez court, je me suis lancé. Le début fut assez pénible à lire, outre le dessin laid et stéréotypé (certains y trouveront du charme, je le conçois), le manga souffre d’une certaine propension à allonger ses séquences plus que de raison. Tantôt on a des explications en champ/contre-champ interminables, tantôt des combats prolongés et parfois peu lisibles. Le temps est étiré à outrance comme par exemple dans la séquence du bain de Miki (tome 2). Cela créé un effet d’élongation mal maîtrisé.
Durant ces longueurs Go Nagai se fait plaisir à dessiner des démons qui s’écharpent, qui se tordent et évoluent dans l’espace de façon tout à fait démoniaque. Le travail sur le mouvement est intéressant dans ce sens.

Les premiers tomes m’ont peu convaincu en somme. J’avais parfois l’impression de lire une œuvre adolescente pour des adolescents, où la violence crue n’est là que pour choquer la société japonaises bien-pensante de l’époque. L’insistance sur les combats au détriment des autres personnages et d’une intrigue mieux construite renforce cette thèse selon moi. C’est pour moi la manifestation d’une certaine immaturité, une immaturité séduisante par sa fougue, mais qui laisse la porte ouverte à quelques écueils cités plus haut.

D’ailleurs Devilman est bien un manga shonen et non pas seinen. Il est calibré pour faire briller les yeux des ados qui se régalent de cette violence sanglante et de tout un spectre de traits typiques du shonen d’époque (le garçon badass et viril qui se bat avec son bro pour protéger sa petite amie et le monde des forces du mal, le tout alternant entre comique et ton sérieux). Une œuvre qui décontenance aussi avec des idées un poil grotesques (voyages temporels) et un récit décousu fait d’histoires insignifiantes qui n’aboutissent à rien…

Le volte-face radical du tome 4 fut en effet impressionnant : d’une part le dessin de Nagai se bonifie avec davantage de fulgurances graphiques, et d’autre part un changement de registre abrupte, beaucoup plus sombre et violent. Comme si Go Nagai avait subitement décidé d’emprunter une nouvelle direction. Un coup de génie de fait, car petit à petit la montée en puissance débouche sur un tome 5 ahurissant, faisant montre d’un pessimisme et d’un jusqu’au-boutisme qui explique bien pourquoi Devilman a acquis le statut de manga culte.
Malgré une première moitié passable, Devilman s’auto-transcende dans ses dernières pages, fulgurantes, terribles.

Des souris et des hommes
9

Des souris et des hommes (2020)

Sortie : 14 octobre 2020.

BD (divers) de John Steinbeck et Rebecca Dautremer

Vladimir Thoret a mis 10/10.

Annotation :

Sublime, je n’ai pas vraiment d’autres mots pour qualifier cet ouvrage hors-norme, fruit d’un an de travail acharné de Rébecca Dautremer dont je découvre le travail. Ici le texte intégral de Steinbeck est mêlé à des images époustouflantes, virtuoses.
J’en suis encore tout ébouriffé, le texte est enrichi d’une esthétiques extrêmement variée dans sa forme : l’insertion de phrases du texte original en anglais américain disséminées à la va vite partout dans le livre, le détournement d’objets, de pubs ou de bds des années 30’, des grandes fresques colorées imitant le dessin d’enfant, une attention particulières aux objets et aux paysages dont se dégage une grande poésie.
Cette profusion empêche toute lassitude, l’œuvre se renouvelle sans cesse mais conserve une unité et une structure, un vrai tour de force servi aussi par des idées narratives superbes.
Un roman graphique assez incroyable, dont je recommande fortement la lecture, surtout si on a pas lu le roman original.

Le mystère de la maison brume
6.9

Le mystère de la maison brume (2020)

Sortie : 7 février 2020 (France).

BD (divers) de Lisa Mouchet

Vladimir Thoret a mis 8/10.

Annotation :

Roman graphique expérimental très intriguant et réussi, Le mystère de la maison brume nous fait explorer à la manière d’un jeu les recoins d’une maison immense à travers les yeux de trois personnages qu’on ne voit jamais.
La lente progression dans les différentes pièces de la villa de M.Zéro se fait en vue subjective, par fragments juxtaposés, exactement comme lorsqu’on explore un lieu : une succession de détails, une commode, un objet, un rideau, qui forment un grand puzzle spatial. Le tout donne une œuvre emprunte de mystère, stimulante à la lecture, et qui digère intelligemment de nombreuses influences (notamment video-ludique, je pense par exemple à Myst).
Cette narration subjective aurait pu se révéler monotone si Lisa Mouchet n’avait pas eu la brillante idée de changer de style graphique pour chaque personnage. Le roman graphique n’en devient que plus vivant et hétéroclite, quoique demandant un léger effort de concentration. Très sympa.

Les Petits
7.1

Les Petits (2020)

Sortie : 28 octobre 2020 (France).

BD franco-belge de Marion Fayolle

Vladimir Thoret a mis 7/10.

Annotation :

Recueils de dessin de Marion Fayolle inspirés de sa vie de mère durant les premières années de son enfant, c'est la première fois que je lis cette auteur, et j'ai été surpris par la qualité de ces dessins. Modeste sur la forme, le livre n'en est que plus puissant dans son évocation de la parentalité. L'ensemble oscille entre légèreté, ironie, mélancolie, et fait montre d'une rare intelligence esthétique. Il ne m'a pas fallut trois minutes pour compulser cet ouvrage mais j'ai tout de même été accroché par ces dessins qui transcrivent avec grande justesse la relation parent/enfant, jolie découverte.

Fleur de l'ombre, tome 2
7

Fleur de l'ombre, tome 2 (2019)

Sumire Hakusho

Sortie : 20 septembre 2019 (France).

Manga de Kazuo Kamimura

Vladimir Thoret a mis 9/10.

Annotation :

Un superbe second tome qui se recentre sur son héroïne, plus mutique et en introspection. Le parcours de Sumire est toujours fascinant, je me suis senti embarqué dans son errance sans but précis, bourrée de symboliques sibyllines.
Les thèmes abordés, notamment le deuil, le sont avec beaucoup de subtilité. En se recentrant sur son héroïne, l’histoire de Kamimura est beaucoup moins embarrassée de personnages secondaires moches et bruyants, à la place on retrouve des personnages qu’ont croyait balayés dans le tome 1 et qu’on voit évoluer sous un nouveau jour.
La fin abrupte et magistrale, l’impression de chute dans le vide provoquée par les dernières cases, est malheureusement diminuée par un choix de l’éditeur : celui d’inclure à la suite une histoire courte hors-sujet.
Dommage, Fleur de l’Ombre n’a pas mérité d’être parasité de la sorte.

Fleur de l'ombre, tome 1
7.7

Fleur de l'ombre, tome 1 (2019)

Sumire Hakusho

Sortie : 4 janvier 2019 (France).

Manga de Kazuo Kamimura

Vladimir Thoret a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

J’affectionne particulièrement Kazuo Kamimura, et en commençant la lecture de Fleur de l’Ombre j’avais peur de faire une overdose de cet auteur, qui doit se déguster touche par touche selon moi.

Comme je le craignais son style n’a rigoureusement pas changé et oscille toujours autant entre amateurisme effarant et sublime confondant. Ses personnages secondaires sont toujours aussi informes et la plupart de ses corps humains imbitables dans les scènes d’action. De ce côté là il ne s’améliore pas, malgré 10 ans passés dans le manga.
Parallèlement à cet aspect étonnamment amateur de son esthétique, Kamimura produit un dessin d’un sublime estomaquant. Malgré cette ambivalence, unique, et qui me gêne souvent en lisant son œuvre, j’ai réussi à être embarqué dans Fleur de l’Ombre.

Que ce soit les sujets extrêmement modernes qu’il aborde pour son époque, ou la puissance graphique et narrative de certains chapitres, Fleur de l’Ombre m’a vraiment séduit, plus que je ne le pensais. Après un premier ensemble de chapitre que j’ai trouvé quelque peu faiblards, où l’auteur amorce le portrait de son héroïne mélancolique sans vraiment savoir où aller, un basculement s’opére vers la moitié de ce tome 1. Kamimura semble assumer l’instabilité de son intrigue, et en tire un ensemble de séquences magistrales, tant graphiquement que dans la mise en scène.
Régulièrement j’ai chuchoté des petits « incroyable ! » en découvrant la double page suivante où se déploie le noir et blanc suave de Kamimura. Même réaction en lisant certains passages de l’errance de Sumire, jeune femme japonaise des années 70’, personnage de plus en plus fascinant au fil des pages.
Je me jette sur le Tome 2.

L'Homme qui marche
7.2

L'Homme qui marche (1992)

Aruku Hito

Sortie : 1 septembre 1995 (France).

Manga de Jirō Taniguchi

Vladimir Thoret a mis 5/10.

Annotation :

Tout du long de ce manga je suis resté assez hermétique à la poésie de Taniguchi (dont j’adore d’autres de ses mangas par ailleurs), et pourtant je suis un adepte de la promenade contemplative.
Le problème vient du fait que l’environnement dessiné dans lequel on suit le protagoniste au gré de ses promenades n’est pas particulièrement charmant ou inspirant, on ne se perd pas avec le marcheur dans ces décors lisses et désincarnés : on n’en est réduit qu’à la contemplation froide, page après page.
Le dessin n’a pas vraiment de personnalité, comme le protagoniste, avec son visage bedonnant et ses expressions d’étonnement dignes du premier trisomique venu.
Les planches sont graphiquement assez pauvre, par l’absence de noirs surtout. Certaines arrivent à se hisser au dessus du lot (les scènes nocturnes ou dans les ruelles sombres), et encore mieux les planches couleurs qui ont tout ce qui manque à ce manga : de la matière, de la substance, quelque chose qui enchante davantage que les décors éthérés tracés à la règle. Avec l’homme qui marche on arpente des pages assez vides, dépourvues d’émotions, et qui tiennent plus de l’esbroufe technique selon moi.
Malgré tout il m’est arrivé par instant de ressentir de manière fugace les sentiments de liberté et de fraîcheur auxquels aspire le manga, c’est pourquoi je ne met pas une note honteuse.

Uno - Bella ciao, tome 1
6.3

Uno - Bella ciao, tome 1 (2020)

Sortie : 16 septembre 2020.

BD franco-belge de Hervé Barulea (Baru)

Vladimir Thoret a mis 2/10.

Annotation :

J’ai été séduit par l’aspect composite de cette bd, qui mêle des documents administratifs, des affiches, des textes de chansons, des passages noir et blanc et couleur qui se succèdent, rendant une hétérogénéité stimulante, mais stimulante visuellement seulement vu que je n’ai absolument rien compris à ce que racontais la bd.

On nous parle de paysans français mécontents que des italiens viennent leurs piquer leur travail dans les années 1890, 30 pages de bagarre pour nous l’expliquer. Puis on saute dans le futur avec un passage à la couleur, des mecs dans un bar parle de la chanson Bella Ciao qui est chant partisan sauf qu’en fait non c’est pas un chant partisan. Ensuite, autre lieu autre temps, Hitler débarque, on ne sait pas pourquoi, et ce qu’il dit n’a aucun sens. À ce stade là on est aux deux tiers de la bd et je commence à me demander si ce n’est pas une bd de l’absurde, il n’y a ni personnages ni enjeux, tout est sans queue ni tête. En plus Baru entrecoupe son récit (inexistant) de pages entières de texte visant à expliquer le contexte historique, mais ça m’a perdu encore plus.

Je pense que Baru a voulut évoquer une histoire de l'immigration italienne et des ses conséquences au travers des générations, une histoire qui le passionne et qui le touche personnellement de ce que j'ai compris. Sauf que la bd est très mal conçue et Baru n'arrive pas à communiquer quoi que ce soit au lecteur.

Pour parler du dessin j’ai vite déchanté en feuilletant les premières pages car je me suis rendu compte qu’il était assez moche, voire incompréhensible. L’auteur se tire une balle dans le pied par son choix du noir et blanc qui rend par exemple les scènes de bagarres extrêmement difficiles à déchiffrer au début de l’album. On ne comprends pas qui est italien de qui ne l’est pas, le tout est noyé dans un lavis qui est plutôt sympa mais qui n’aide pas à la compréhension.
Le passage à la couleur est très médiocre, on devine les repentirs de l’auteur qui ne gomme pas correctement ses planches. la narration faite de bric et de broc nous perd totalement. Non seulement le récit est confus au delà de l’entendement mais le dessin aussi.
Je me suis forcé jusqu’au dernier tiers, puis j’ai abandonné. À revendre.

Souvenirs de la mer assoupie
7.5

Souvenirs de la mer assoupie (2013)

8 Gatsu no Soda Sui

Sortie : 15 mai 2017 (France).

Manga de Shin'ya Komatsu

Vladimir Thoret a mis 8/10.

Annotation :

Une très belle découverte, je ne m’attendais à rien en particulier, voire à quelque chose d’un peu amateur… Que nenni. Le dessin de Shinya Komatsu est splendide, plusieurs fois j’ai ressenti un sentiment de pur émerveillement en tournant les pages de ce manga rêveur.
La pose de la couleur est particulièrement remarquable, elle contribue à la poésie surréaliste des décors que dessine l’auteur, mélange subtil de villages balnéaires grecs dans une atmosphère japonisante…
Un émerveillement qui s’étend aussi aux trouvailles narratives de l’auteur qui met en scène des éléments surréalistes sans qu’on s’en rende vraiment compte, emporté par la légèreté du récit.
En fin de volume on a un recueil d’historiettes verticales qui finissent de convaincre de l’intelligence de Shinya Komatsu en matière de d’inventions et de trouvailles poétiques.
Un auteur à suivre, quasi-inconnu en France, quel dommage…!

Mes voisins les Yamada
7.4

Mes voisins les Yamada (1991)

Hōhokekyo Tonari no Yamada-kun

Sortie : 15 avril 2009 (France).

Manga de Ishii Hisaichi

Vladimir Thoret a mis 8/10.

Annotation :

Je n'ai pas lu l'intégralité, juste le tome 2 de l'édition Delcourt. Mes voisins les Yamada c'est une petite perle. J'admire le talent de Hisaichi qui réussit à créer chaque jour un gag bien foutu, amusant et léger, tout en conservant un univers assez restreint (peu de personnages et de situations). On sent que l'auteur n'a pas envie de céder à la facilité et prend son rôle au sérieux : faire oublier aux japonais les tracas du quotidien l'espace de 4 cases... Inspirant. Il n'y a jamais vraiment de lassitude si on les lis sporadiquement, et l'esthétique tout en retenue et très codifiée marche à merveille. On apprécie aussi son regard sur l'actualité, notamment sur les gags dessinés après les attentas au gaz sarrin, Hisachi réussit à blaguer finement là-dessus. Cela dit il faut être doté d'un minimum de sensibilité (et de connaissances sur la société japonaise) pour apprécier les aventures des Yamada.

Escale à Yokohama
8.2

Escale à Yokohama (1994)

Yokohama Kaidashi Kikō

Sortie : 24 mars 2021 (France).

Manga de Hitoshi Ashinano

Vladimir Thoret a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu les 14 tomes
Yokohama Kaidashi Kikou raconte sous forme de tranche de vie l’histoire d’Alpha, une jeune femme tantôt enjouée tantôt rêveuse, tenant un modeste café dans la campagne profonde japonaise dans un futur lointain où l’humanité a été fortement réduite suite à une catastrophe inconnue. Les eaux ont monté, la Nature a engloutis des villes entières. Il ne reste plus que les ruines d’un monde et d’une humanité résignée à vivre avec insouciance ses derniers instants. Un monde crépusculaire donc, dépeuplé, où seule une poignée de personnages viendront prendre un café et faire la conversation à Alpha, qui, pendant qu’elle ne tient pas son établissement, se balade dans les environs en scooter au milieu de paysages enchanteurs.

Le dessin de Hitoshi Ashinano est charismatique, s’épanouit dans les décors somptueux pour s’épurer de plus en plus au fil des tomes, conférant à la série une aura de contemplation, de pureté mystique et étrange. L’auteur ajoute à son univers quelques éléments laissés inexpliqués. Une ambiance de mystère plane de page en page, contribuant à rendre ce manga particulièrement bien équilibré, mélange très réussi des genres SF et tranche de vie.

YKK raconte les liens qui se nouent, les générations qui s’entrecroisent, les gens qui viennent et repartent, et la puissante impermanence des choses. Car oui YKK est un manga profondément mélancolique. C’est par son utilisation bouleversante du « mono no aware » (concept/esthétique japonais, mélange de mélancolie et de résignation face au temps qui passe) que YKK creuse l’évolution de ses personnages, et creuse la psyché de son héroïne, Alpha, en vérité une androïde immortelle. Condition tragique d’une protagoniste en contemplation face au temps qui fuit, face au vieillissement inéluctable de son entourage. Une trame scénaristique que je trouve brillante dans son traitement, dans un manga doux-amer, tout en retenue, qui évoque avec émotion l’évolution des relations humaines. Bien sûr, Yokohama Kaidashi Kikou fais partie de ces oeuvres marquantes, qui laissent un vide après leurs lectures terminées, et qui contaminent le lecteur par les sentiments qu’elles évoquent.
Me voilà tout mélancolique.

Jheronimus & Bosch
6.4

Jheronimus & Bosch (2018)

Sortie : 9 novembre 2018 (France).

Comics de Paul Kirchner

Vladimir Thoret a mis 3/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Un compilation de gags assez cringe, je n'ai lu que la moitié tellement j'ai trouvé ça vide...

Cette bd muette raconte comment Jheronimus Bosch (le fameux peintre) se retrouve en enfer à devoir subir divers suplices (Un enfer moderne tres inspiré de Dante). L'auteur essaye de trouver un supplice original et cruel à chaque planche.

Ce scénario est alléchant mais ici profondément banalisé. Le dessin paraît attrayant de loin, mais de près il se révèle tres fade. Le chara-design surtout rend les personnages insipides, Jheronimus n'a aucune presence et a été anonymisé au maximum, les démons ont tous la meme gueule de chewing-gum. la representation de l'enfer n'a rien de mémorable, les clins d'oeil à Dante sont convenus, et bizarrement on ne retrouve jamais d'allusion à l'oeuvre de Bosch, ce qui est assez incoherent. Pourquoi avoir choisi ce peintre si c'est pour ne rien utiliser de ses tableaux ?

Les gags ne sont pas drôles, bas du front, et parfois peinent à être compris, les supplices peu inventifs. On est bien loin de l'esprit malicieux et potache de Krazy Kat utilisant la même formule par exemple.

Bref un ouvrage insipide qui deborde d'ennui et que je vais me dépêcher d'oublier.

Snoopy et les Peanuts
8.3

Snoopy et les Peanuts (1950)

Peanuts

Sortie : 2 octobre 1950.

Comics de Charles M. Schulz

Vladimir Thoret a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

L'une des plus grande BDs du XXe siècle, épopée enfantine, nostalgique et désabusée. Un chef d'œuvre qui acquiert une profondeur folle au fil des strips, chaque personnage étant en pleine crise existentielle, enfin bref il y aurait beaucoup de choses à dire. Je renvoie vers la préface écrite par Umberto Eco dans "la vie est un rêve, Charlie Brown", et qui évoque avec génie la somptuosité des Peanuts.

Grand Océan
6.9

Grand Océan (2019)

Sortie : 2019.

BD (divers) de Fabien Grolleau et Thomas Brochard-Castex

Vladimir Thoret a mis 3/10.

Annotation :

Je ne vais pas m'appesantir sur l'histoire, qui, bien que je la trouve assez indécise entre l'anticipation et la fable poétique, reste assez honorable. Les inspirations Melviliennes ou Verniennes sont cependant assez mal digérées et ne proposent rien de particulier, et pourtant il y aurait eu de quoi faire une bd bien plus incroyable, notamment en choisissant un bon dessinateur...
En effet Grand Océan ne brille vraiment par son dessin. En voulant rapprocher son esthétique des anciennes gravures datant des grandes conquêtes maritimes, l'auteur ne fait que s'embourber dans un dessin incompréhensible, confus, et à la technique mal maîtrisée. Un gloubi-boulga accentué par le manque flagrant de noirs et de vides pour équilibrer les planches. Le tout est fortement imprégné d'amateurisme, entre autre les personnages informes dans tous leurs aspects, ou le lettrage immonde. On trouvera un point positif tout de même : le souffle des images, l'ambition des auteurs, qui malheureusement se ressent à peine à cause des écueils pré-cités. Bref le travail d'un élève d'école d'art (troisième année je dirais). Un énorme ratage assez honteux de la part d'une maison d'édition installée comme Cambourakis, sans parler de la fabrication luxueuse de la BD en total décalage avec le contenu.

Prosélytisme & morts-vivants - Les Nouvelles Aventures de Lapinot, tome 3
7.1

Prosélytisme & morts-vivants - Les Nouvelles Aventures de Lapinot, tome 3 (2020)

Sortie : 17 janvier 2020 (France).

BD franco-belge de Lewis Trondheim

Vladimir Thoret a mis 4/10.

Annotation :

Il faut bien que Trondheim paye ses impôts.

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