Carnet de glanures : « Fragments »
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639 livres
créée il y a plus de 5 ans · modifiée il y a 9 minutesUn été avec Alexandre Dumas (2025)
Sortie : 7 mai 2025. Biographie, Littérature & linguistique
livre de Jean-Christophe Rufin
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« La genèse du roman est bien connue. Pour satisfaire à la mode lancée par Les Mystères de Paris, un éditeur propose à Dumas de rédiger à son tour des Impressions de voyage à Paris. L’idée est d’entraîner le lecteur vers les bas-fonds, le monde de la délinquance et du crime. Dumas est désormais plus habitué aux palais et salons qu’aux tripots et gargotes. Il va chercher sa documentation à bonne source dans les Mémoires historiques tirés des archives de Paris. Il y découvre un passage intitulé "Le diamant et la vengeance".
Tout au long de sa carrière dramatique, il avait développé un extraordinaire talent de capteur d’intrigue. Comme un chien truffier, il renifle, gratte et n’a pas son pareil pour déterrer, enfoui dans les lieux les plus inattendus, le cristal qu’il va tailler et transformer en une grande histoire.
Dans 'Le diamant et la vengeance', Dumas a senti qu’"au fond de cette huître, il y avait une perle", selon sa célèbre formule. »
*
« Ces lendemains de révolution sont d’une grande tristesse pour Dumas. Les rêves s’écroulent, les amis disparaissent. Les amours aussi. Marie Dorval quitte à jamais son « grand chien ». Alexandre prend conscience de tout ce que cette femme représentait pour lui. Et dire qu’il n’a même plus de quoi payer les six cents francs de son enterrement. Il en trouve deux cents dans un tiroir. Victor Hugo ajoute la même somme. Il devra mendier le reste pour que la grande actrice ait une sépulture. »
Dans le flou - Une autre vision de l'art de 1945 à nos jours (2025)
Exposition au musée de l'Orangerie du 30 avril au 18 août 2025
Sortie : 24 avril 2025 (France). Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de David Anfam, Jean-Pierre Cléro, Jean-Pierre Criqui, Clélia Nau, Peter Geimer, Jean-Rémi Touzet, Griselda Pollock et Michel Gauthier
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
[Définir le flou :] « Définir le sujet, cerner le flou est en soi-même une vraie gageure. Très vite, aux prémices de cette enquête, nous nous sommes ainsi heurtées à la difficulté d'appréhender son objet qui échappe à tout essai de définition. Ou plutôt qui, aussi labile que son référent, ne se laisse approcher que par contiguïté ou opposition : vague, informe, confus, nébuleux, spectral, indistinct, imprécis, inachevé, indéterminé, indiscernable, tremblé, estompé, brouillé... Autant de termes qui s'opposent au principe cartésien du discernement qui prévaut dans notre discipline et transparaît plus explicitement dans les antonymes qui lui sont associés : net, distinct, déterminé, achevé, figé, précis, rigoureux, clair, évident... Cette aporie apparente nous amène à approcher différemment le sujet: procédant à tâtons, avançant progressivement dans le brouillard de cette matière insaisissable. Comment ramener cet indéfini de la forme au fini du langage ? »
*
« L'expérience du flou à l'œuvre dans les Nymphéas, son impensé, est à l'origine de notre enquête. Une approche sensible, en premier lieu, qui s'est très vite enrichie d'une dimension politique. Car, à cette esthétique du transitoire, de la précarité du visible qui s'accorde naturellement avec des sujets eux-mêmes mouvants tels qu'on peut les retrouver, après Monet, chez de nombreux artistes qui explorent les métamorphoses du réel, se superpose une esthétique de l'instable qui porte témoignage des inquiétudes face au monde. »
*
[Les faux réalistes :] « En généralisant, on peut dire que ces artistes, sous les bannières "réalistes" provocatrices sous lesquelles on a pu les ranger, affirment une position apolitique. De façon métaphorique, ils questionnent les images à la manière d'enquêteurs ou les auscultent tels des médecins® pour ressentir, sous leur surface, le trouble de la société dont elles font partie. Il faut cependant se garder de conclure qu'ils sont contre les images ou qu'ils les considèrent comme les illusions fausses de la réalité, dans une veine platonicienne ou analogue à la théorie du spectacle de Debord. Les images sont si fortes et si présentes, leur flux si régulier, qu'elles deviennent incontournables et qu'il s'agit plutôt de trouver un moyen de les contrôler, de prendre le temps de les regarder longuement et autrement, après le premier choc. »
Le Pays où l'on n'arrive jamais (1955)
Sortie : 1955 (France). Roman, Science-fiction
livre de André Dhôtel
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Dans ses rêves, Gaspard voyait une forêt avec des arbres très hauts. Il marchait longtemps dans la forêt, puis il arrivait à une lisière. Il y avait entre les fûts des arbres un vif éclairage. Il s’approchait, franchissait la lisière et soudain dans l’herbe des champs s’étendait une carte de géographie vaste comme un monde, avec des routes et des vraies villes. En s’avançant, il s’apercevait que l’herbe était en crin, la route en carton et l’eau faite de cellophane. Il n’y avait personne nulle part. Il arrivait devant un mur où était collée une affiche et sur l’affiche était peint un portrait, celui de l’enfant d’Anvers dont les yeux de papier brillaient. Une nouvelle lumière en jaillissait comme d’une source et, dans cette lumière, il y avait d’autres villes et des bateaux qui fuyaient sur la mer. Les lèvres de papier remuaient et disaient : "Je cherche mon pays." »
*
« — C’est ma forêt, dit Gaspard. Je suis né près de la forêt. »
Sans même le savoir, il avait la conviction que tout ce qui ferait sa vie lui serait donné par la forêt. Il y a dans les bois une grande paix fraternelle. La nuit, dans les ténèbres, on y perçoit plus de choses que pendant le jour, car les moindres bruits ont une portée considérable. Les garçons s’arrêtèrent pour écouter des froissements légers de feuilles mortes au passage du gibier qui gagnait les lisières. Puis il y eut une bousculade assez brutale dans le lointain. »
*
« En regardant cette belle vallée, on a le loisir de songer que la terre entière c’est le grand pays, mais cela ne nous satisfait pas complètement. On se dit qu’il faut rendre la terre encore plus belle, par le bonheur des hommes et par les histoires que l’on reprend inlassablement. Il semble que la vie restera toujours inachevée. Mais on demande une chance supplémentaire. »
*
« Il se recoucha. Il voyait les yeux bleus qui l’avaient regardé avec un air de subtile intelligence, et il lui semblait que ces yeux ne cesseraient plus de le regarder pendant des jours et même des années. Que lui voulait ce regard qui l’emplissait d’un élan d’amour ? Gaspard se leva de nouveau, après avoir attendu deux longues heures sans parvenir à trouver le sommeil. »
D'une bibliothèque à l'autre (2025)
Sortie : 20 mars 2025. Essai, Culture & société
livre de Maylis de Kérangal, Jérôme Leroy, Marie-Hélène Lafon, Clara Arnaud, Arno Bertina, Tatiana Arfel, Sorj Chalandon et Marie Cosnay
Nushku a mis 4/10.
Annotation :
« En racontant à sa manière une histoire des pratiques culturelles, ce recueil composite est bien à l'image de cette singulière variété. Dans ces pages se côtoient librement des souvenirs et des nouvelles, de la prose et des vers. On y passe d'une bibliothèque à l'autre car il n'y a pas d'essence de la bibliothèque, qui ne fait jamais que s'incarner dans des espaces, des époques et des personnes. On découvre des bibliothèques dont on peut toujours pousser la porte et d'autres disparues, qui trouvent refuge dans ce recueil et seront peut-être accueillies dans d'autres bibliothèques, où on prendra soin d'elles tant que ce monde tiendra debout. »
« À la bibliothèque, j’étais vastement en moi-même. Je m’emplissais des voix que je lisais, les confrontais à la mienne. Je passais des heures, parfois, à regarder les détails d’une grande vignette de BD, à dessiner dans ma tête ce jardin secret auquel une poignée d’enfants souhaite redonner vie, ces cités fantastiques qui peuplent les nuages, ou les rues de cette grande ville pleine de suie. En imaginant ces paysages racontés par des noms que je ne connaissais pas, en découvrant ces personnages que je n’aurais jamais croisés dans la réalité, c’était mon propre esprit que j’explorais. Et je le sais en traversant la passerelle aujourd’hui : je recherche la même chose, quand je sors chaque matin, pour aller lire au café. Je m’explore. Je fais le tour du propriétaire. » (Soufiane Khaloua)
L'Atelier Michon (2019)
Sortie : 7 février 2019. Essai, Littérature & linguistique
livre de Annie Mavrakis
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Jamais un récit n'aura impliqué à ce point pour le lecteur une place à occuper, point - d'ailleurs incertain – à partir duquel se construit la visibilité (ou l'opacité) de l'image anamorphique qu'est le tableau. Les Onze impose des détours, le respect d'un protocole. Il est au Louvre mais ne se laisse pas aborder sans précautions. Voilà pourquoi le narrateur se fait guide ou interprète. Au chapitre III de la première partie, c'est pour cet aveugle qu'est a priori tout lecteur que sont énumérés avec jubilation les noms des personnages. »
« Les Onze, donc, ne se laissait pas mettre de côté ; de fait, le livre "insista" si bien que son auteur se remit au travail. Je l'ignorais quand, séduite par le chapitre trois, je commençai à prendre des notes pour un article, sans trop savoir où me mènerait l'idée bizarre d'écrire sur un texte non seulement inachevé mais renié avec véhémence par son auteur. Michon apprit mon projet par hasard (je lui avais demandé une préface pour mon livre La Figure du monde) et il m'engagea à le poursuivre et même à lui soumettre sans délai ce que j'avais fait : "Expliquez-moi ce texte !"
Étrange requête mais qui, je crois, rend bien compte de ce dont je parlais en commençant. En publiant les premiers chapitres (j'avais entre-temps lu les deux autres malgré son véto), Michon les avait éloignés de lui. Dans quel but ? S'en débarrasser ? Je crois plutôt que c'était une façon de les mettre en jeu, exposés et cachés à la fois, peut-être pour que quelque curieux allât y voir, sans se laisser intimider par le déni officiel. »
« Et là, surprise : l'ersatz des Onze est peut-être ce qui donne le mieux accès aux Onze. "Car cette fable [...] qui vient de sortir de [l']esprit" de Michelet et "l'enivre, l'emporte, et il l'enfourche sans ambages", cette fiction est "juste". Ce n'est qu'une extrapolation ou une falsification, mais elle nous suggère que, pour voir, il faut inventer. Tel est, en effet, le paradoxe auquel nous confronte le livre. Toute vision s'accomplit sur le mode inchoatif : en principe, chacun peut voir, au présent de cette énonciation tantôt fracassante, tantôt mélancolique qui est celle du narrateur légitimé par sa vieille "fréquentation" du tableau ; mais nul ne peut dire ce qu'il a vu. Réunis, "comme des frères", alignés et costumés par Michon/Corentin, les onze se dressent devant nous et nous aveuglent. Le lecteur doit tenter l'épreuve du voir, ici et maintenant, en faire l'expérience forcément intransmissible. »
Décaméron (1350)
(Édtion de Christian Bec)
Sortie : 15 mars 1994 (France). Recueil de contes
livre de Boccace
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Que peut-on dire de plus laissant la campagne pour retourner à la ville, sinon que la cruauté du ciel, et peut-être en partie celle des hommes, fut telle et si grande qu'entre mars et le mois de juillet suivant, tant par la force de la peste que par le nombre des malades mal servis ou abandonnés dans leurs besoins par suite de la crainte qu'ils inspiraient aux gens en bonne santé, plus de cent mille créatures humaines perdirent certainement la vie dans les murs de la ville de Florence, alors qu'avant cet événement mortel on ne les eût point estimés si nombreux? O que de grands palais, que de belles maisons, que de nobles demeures, auparavant remplis de familles entières, de seigneurs et de dames, restèrent vides jusqu'au moindre serviteur ! Que de lignées illustres, que d'héritages considérables, que de richesses fameuses se virent privés de successeurs légitimes! Que d'hommes valeureux, de belles dames et de gracieux jouvenceaux, dont Galien, Hippocrate ou Esculape eux-mêmes eussent jugé la santé excellente, déjeunèrent le matin avec leurs parents, leurs compagnons, leurs amis et, le soir venu, soupèrent dans l'autre monde avec leurs ancêtres ! »
*
« Cette tribulation avait pénétré d'une telle épouvante les cœurs des hommes et des femmes, que le frère abandonnait le frère, l'oncle le neveu, la sœur le frère et souvent l'épouse son mari. Chose plus forte et presque incroyable, les pères et les mères évitaient de rendre visite et service à leurs enfants, comme s'ils n'eussent pas été à eux. Pour tous ceux, hommes et femmes, qui contractaient le mal et la foule en était innombrable, il ne resta donc d'autre ressource que la charité des amis (et il y en eut peu) ou l'avidité des serviteurs, attirés par des salaires élevés et disproportionnés (mais le nombre de ces serviteurs n'augmenta pas pour autant). »
Structura 2 (2011)
The Art of Sparth
Sortie : 1 novembre 2011 (Royaume-Uni). Beau livre & artbook, Version originale
livre de Sparth
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
"However, the overall design is still very abstract,and for a good reason. I only want to concentrate on the visual balance and shape interaction, not on the addition of any realistic features that would force me to think in a more conventional way."
*
"I rarely zoom in my images, even when I'm still in a strong refining phase. Ifl do zoom in on, it will only be for a brief instant. This way I am always connected to the canvas as a whole, and not getting distracted by giving too much attention to a particular area."
*
{David Levy} :
"There is and there will always be different calibers of artists. What I rank highest are those who have the ability to inspire. […] Sparth's work triggers that machine. When I watch one of his images, not only am I transported, but also and more importantly, I am inspired. Some may try to dissect his work by attributing it to a perfect composition, a certain rhythm in values, shapes, or colors, but I tend to believe it all lies in hard work, passion, and trust in his intuition."
*
"Sparth's images have no doubt been the most imitated, but none of those imitations come even near to his elegance. He's powerful and subtle, deliberate and risky. When it comes to surfing that edge between order and chaos, Sparth remains unequaled.
Always fascinated in things new and different, his desire to understand plunges him into unexplored worlds. What makes these worlds believable is the intensity of detail in only the areas necessary. Sparth knows how to keep us dreaming by not submerging the viewer in self-gratifying visual saturation, which is unfortunately the norm."
L'Homme-Nuit (2023)
Sortie : 6 janvier 2023. Roman
livre de Pierre Cendors
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« La jeunesse se solitarise dans la compagnie des morts. On sait dans nos contrées quelle sorte de vie échoit à ceux que choisit la déesse sauvage de la solitude. En témoigne mon sort et celui de Lumnia.
Une même gravité décembrale nous possédaient. Nous pré-ferions nous taire à parler. Un seul regard résumait tout notre discours. Peu nous approchaient; il fallait pour cela franchir ce premier silence, comme on traverse le cœur le plus noir d'une nuit ou s'éteint même l'ardeur des plus audacieux.
Nous vivions avec les anciens dieux sans être l'un d'eux. Ils nous survivraient comme nous survivront le soleil, la lune et les astres, lorsque nous n'y seront plus. Nous n'étions qu'un souffle dans leur bouche, à peine un son, et moins qu'une note: leur silence. Singulière souffrance sans douleur que celle-là, comme l'âme en nous-cette violence anonyme, cette âpre douceur, insoumise,incorruptible, insaisissable - que nos yeux et nos mains, ici bas,ne peuvent jamais se figurer, jamais effleurer, jamais étreindre. »
*
« Quelque chose en moi s'obstinait à se taire. Une force rayonnait des tréfonds. J'attendais ; je laissais la solitude se prolonger ; je guettais, attentif, penché sur le silence, comme la hulotte sur sa branche, écoutant la forêt.
Une grande tension m'habitait ; un feu invisible se levait parfois en moi. Si l'obscurité était un muscle et la profondeur, un corps, j'éprouvais alors la contraction qui précède le jaillissement, le bond, le saut, fût-il de libération ou de destruction. »
*
« Il m'en vint un effroi élémentaire devant ce monde, celui qui, aux heures de grande dénudation, laisse entrevoir en nous une nature plus qu'étrangère à l'humain : une essence originaire d'une grande nuit, une élection du noir, puisque tout - les pensées et les émotions dont nous sommes traversés, leur fracas harassé, harassant, le silence tombal des civilisations passées et à venir — absolument tout, ici bas, même cette parole, nous touche sans nous atteindre face à l'inexorable roue de feu cosmique en quoi tout se consume. »
Tout l'art de Rogue One (2016)
The Art of Rogue One
Sortie : décembre 2016. Beau livre, Cinéma & télévision
livre de Doug Chiang et Lucasfilm Ltd.
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Ils repeignaient constamment sur les images de leurs camarades. De nombreux dessins présents dans ce livre ont évolué au fil des expériences et des collaborations, sans souci d'ego, afin de créer le meilleur concept possible. Comme je le craignais quand je me suis lancé dans cette aventure, ce livre est plein d'idées et d'images superbes qui n'apparaissent pas dans le film. Parfois, le récit change, on n'a pas le budget, ou c'est une question de malchance.
Mais cela n'est jamais dû au fait que le concept n'était pas assez bon. Quand nous devions renoncer au travail génial d'un artiste, nous nous consolions en disant : "C'est pour ça que Dieu a créé les livres 'Tout l'art de'." C'est à la fois une plaisanterie et une réalité. Là viennent grandes idées, non pas mourir,mais vivre éternellement dans notre imagination. »
« Au début d'un projet, je rassemble toujours des images qui me servent de référence pour chaque partie du film.Pour Rogue One, j'ai réuni deux mille images. Très vite, je me suis rendu compte (non sans un certain embarras) que certains des artistes dont j'avais 'volé' l’œuvre, dont Erik Tiemens, Doug Chiang et Ryan Church qui travaillaient sur le flm.C'était génial, en réunion, de montrer mes images préférées en demandant : "Vous pouvez me dessiner un truc comme ça ?" et de m'entendre dire : "J'espère bien, c'est mon tableau." »
[Préfigure le brutalisme gris des Harrkonen]
« Vador a besoin de retirer son armure de temps en temps pour reprendre des forces, mais cet endroit nappartient pas à l'Empire, C'est une habitation privée. On l'a surnommée le spa de Vador, le berceau de Vador, le centre de relaxation de Vador. Mais on a imaginé un endroit terrible avec une architecture brutaliste digne d'Albert Speer. »
L'Empire assyrien
Histoire d'une grande civilisation de l'Antiquité
Sortie : 11 février 2021 (France). Histoire
livre de Josette Elayi
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« En réalité, cette période est très difficile à analyser en raison du nombre restreint d’inscriptions, qui constitue déjà un problème en soi : est-il dû au hasard des découvertes ou traduit-il les difficultés de l’Assyrie ? »
*
« Il y a eu en réalité plusieurs conspirations fomentées contre lui, vraies ou supposées. Celle d’un certain Sasî s’est formée à partir de Harrân. Une prophétie est délivrée par la prophétesse extatique locale : "Voici la parole de Nushku (fils de Sîn) : “La royauté appartient à Sasî. Je détruirai le nom et la descendance de Sennachérib." Cette prophétie est désastreuse pour Assarhaddon et ses héritiers, dénoncés comme des imposteurs. Qui est ce Sasî, désigné comme le vrai roi d’Assyrie ? »
*
« La conscience qu’ont les Assyriens d’être soutenus par les dieux aboutit à une conception binaire du monde, et à un conflit manichéen entre le bien et le mal61. Tout ce qui est assyrien ou "assyrianisé" est bon, le reste est mauvais. Selon l’opposition traditionnelle entre le cosmos et le chaos, l’Assyrie s’oppose à la périphérie, non conquise, les Assyriens cultivés et civilisés sont confrontés aux étrangers, barbares par définition. La tâche du roi est de conduire cette humanité non civilisée à l’organisation et à la culture. Ramener la périphérie au centre est une œuvre de civilisation qu’il doit accomplir au nom des dieux. Les nombreuses qualités du roi s’opposent à la lâcheté de ses ennemis, qui n’observent pas les traités de paix et trahissent les serments jurés devant les dieux. Selon l’idéologie officielle, il représente un trait d’union cosmique entre les dieux et l’humanité. De manière un peu contradictoire, il est investi des attributs et prérogatives divins. Ainsi, la politique assyrienne est un mélange complexe et nouveau à cette époque d’impérialisme et de religiosité.
*
« Dans des inscriptions qui sont de véritables confessions, il exprime son désarroi et son angoisse trois ans après sa venue au pouvoir. Sa jeunesse très protégée et sa formation érudite ne l’ont pas préparé à affronter les crises qui secouent l’empire. Il se plaint de troubles du langage et de fatigue physique et intellectuelle : "Ai-je (encore) la maîtrise de mon esprit ?"»
Abdelkader Benchamma (2021)
Rayon Fossile
Sortie : 24 novembre 2021. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Stéphane Ibars, Marc Donnadieu et Abdelkader Benchamma
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« D'ailleurs, dans notre exposition, nous passerons également de la salle des monolithes à celle des "objets" célestes tout aussi rapidement. D'une salle où le dessin ne raconte rien d'autre que des transformations de matière - il est son propre sujet - à un lieu où le dessin s'empare de récits et les recompose, en exploitant cet interstice mystérieux entre fiction et réel.
Dans le monolithe de 2001 réside peut-être le potentiel infini de l'être humain. Dans mes Sculptures, c'est le potentiel de la matière à partir d'une forme très simple, en noir et blanc, qui les contient toutes. Comme la forme du tas, son opposé, contient toutes les formes en devenir. Bien qu'il s'agisse uniquement de dessins, la série s'appelle Sculptures car il y a cette idée de modelage, de tissage, de façonnage, mais obtenu par des procédés extrêmement simples: des traits tracés à la règle, des réserves de blanc, le plus souvent au stylo et feutre noir, et à l'encre pour les plus récents. Je pensais beaucoup aux processus alchimiques en dessinant ces formes: calcination, lessivage, sublimation, incandescence. »
*
« AB. J'ai toujours été captivé par ce moment où le réel semble se tordre, vaciller, se fissurer, pour laisser émerger une autre réalité, une autre perception. Il peut s'agir d'une hallucination, d'un miracle, d'une projection, consciente ou inconsciente, d'une croyance, d'une vision. Ce moment-là, très spécial, poétique et vertigineux, m'intéresse tout autant que ses multiples et infinies interprétations. Il parle de ce besoin immémorial de croire, ancré en nous par le biais du récit. Que ce soit dans la science, les religions, les extra- terrestres ou les théories du complot. Cet espace où le réel peut tout d'un coup embrasser d'autres croyances, qu'elles soient religieuses, spirituelles, ancestrales. C'est la partie visible d'un vaste iceberg aux ramifications infinies. Cela a toujours été présent en moi, mais je ne savais comment le mettre en scène dans mes dessins sans perdre une certaine poésie. »
Le Matin des origines (1992)
Sortie : mai 1992. Récit
livre de Pierre Bergounioux
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Il y a les heures d'or, la royale main des puissances chargées de nos éveils mais il y a aussi, à quelque degré, l'attente que nous apportons comme un écho des vieux âges. La main fit le Quercy pour nous toucher au cœur. Mais il était dans mon sang avant que j'aille à sa rencontre sous l'aurore du premier jour. Je sais pourquoi tout changeait soudain entre Salviac et Cazals, pourquoi l'émotion m'a coupé le souffle quand je revins trente années plus tard avec la mélancolie que mon père m'a léguée; j'étais chez moi. »
« C'est peut être pour ça qu’elle vient si tard et que, même après, quand on l’a, qu’on le sait, qu’on s’évertue à en user ainsi qu’il est requis, on n’y arrive pas très bien, pas toujours. Sans doute est-elle chose singulière, dépourvue de contours, de poids et de saveur, de couleurs, d’attrait. Tout impondérable qu’elle soit, on ne la meut, n’y entre qu’avec effort. Le séjour en est pénible, pareil à quelque chambre pneumatique où l’air respirable a été raréfié. On s’arrache les yeux à discerner d’impalpables reliefs, des transparences floues, des liaisons arachnéennes. Et l’on n’est jamais certain qu’en cela réside le principe de ce qui est, la nature véritable et la raison suffisante du monde qu’on a envisagé en pensée. Mais c’est peut-être qu’on ne souhaite pas tellement réussir. On n’aurait pas le courage de triompher. On ne pourrait pas supporter la douleur infinie que c’est, ce doit être, de tout savoir. En vérité, on ne voudrait plus.
Il faut donc autre chose pour faire pièce aux effets désenchanteurs de cette chose pensante qui nous est échue comme aux oiseaux les ailes, aux sauriens la cuirasse, à d'autres la fourrure et la soie, la vitesse, les chatoiements de l’arc-en-ciel et à tous – mais pas à nous – le paisible repos de soi en soi-même dans l’assortiment des venins et des nacres, des rémiges, des sabots, l’inconscience animale, la bienheureuse stupeur. »
Essai sur la journée réussie (1991)
Un songe de jour d'hiver
Versuch uber den gegluckten Tag: ein Wintertagtraum
Sortie : mars 1994 (France). Essai, Culture & société
livre de Peter Handke
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Et l’horizon noir d'un essaim de mots aussi monumentaux qu'ils ne voulaient rien dire ! Arrêtez ! La paix ! (Extase voulait dire pour lui panique.) Mais point final — lire, regarder, être dans l'image, la jour née-rien n'allait plus. Et maintenant ? Et inopinément après la procession bondissante des formes et des couleurs dans l'extase, la mort barra la route à la journée, bien avant le soir. Son dard, d'un seul coup, fit irruption au milieu de ces chimères. Y avait-il après cela plus farfelu que l'idée de la journée réussie ? L'essai sur elle ne doit-il pas commencer avec une tout autre tournure d'esprit, par exemple celle de l'humour sous la potence ? Pour la réussite de la journée ne peut-on créer de ligne et dût-elle être labyrinthique ? Mais cela ne veut-il pas dire que réamorcer sans arrêt cet essai est une possibilité particulière et qui lui est propre ? Il se peut bien que la journée (l'objet <journée >) soit devenue mon ennemi mortel qu'on ne peut plus changer en un compagnon domestique, en compagnon de route, en modèle lumineux, en parfum persistant, il se peut que ce projet de journée soit plutôt quelque chose de diabolique et qu'il aille au diable, qu'il ne soit que méli-mélo, une danse de voilages, sans rien derrière, un jeu de bouche trompeur au bout duquel on est bientôt dévoré, une flèche qui en se suivant ne fait que s'emmêler dans ses nœuds, c'est bien possible : c'est même ainsi, seulement pour moi, malgré tous les échecs que j'ai peut-être éprouvés jusqu'ici avec cet essai de journée réussie, il n'est pas pensable et je ne peux pas le dire, toujours pas et pas maintenant, que l'idée de la journée réussie est de la folie. »
Traversée sensuelle de l'astronomie (1938)
Sortie : 1938 (France). Essai
livre de Jean Giono
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Une quantité infinie de matière existe de chaque côté des classifications de matière. Une quantité infinie de corps existe de chaque côté de la classification des corps. Une quantité infinie de variations fait vivre la moindre partie de l'univers par rapport à elle-même. Une quantité infinie de variations fait vivre les parties de l'univers par rapport les unes des autres. Chaque partie de l'univers a son prisme, sa gamme, sa classification des corps, chaque partie de l'univers a son univers. Il n'y a pas de prismes, il n'y a pas de gammes, il n'y a pas de classification des corps, il n'y a pas de limites. Rien dans l'univers ne peut être autre chose que l'univers; c'est la polyphonie qui va s'élancer de la base chantante de la nuit. »
*
« À quatre kilomètres d’altitude, le ciel est bleu marine. À huit kilomètres, il est violet sombre. À dix kilomètres, le ciel est noir et poussiéreux comme un écroulement de suie. À vingt kilomètres de hauteur, le ciel est plus noir que le ciel de la plus noire nuit malgré l’éclatant soleil, et malgré le soleil de grosses étoiles vertes le déchirent. D’ici, les bonheurs commencent à se voir en bas sur la terre : un grand morceau de continent, assez étendu pour qu’on puisse en comprendre la composition et l’économie. Des grappes de montagnes, l’eau qui ruisselle, le discours logiquement déroulé des vallées à travers toutes les raisons géologiques des roches, les conclusions des plaines où déjà la plupart des mystères sont mis à la portée de l’homme. La mer ; les contours des caps, des promontoires, la flexion des golfes, l’élan général des terres qui bordent la mer, se prolongeant à ses côtés, avec toutes les tentatives d’amour réciproque des deux matières. Des troncs de fleuves. À cinquante kilomètres de hauteur, le ciel n’est plus un plafond ; il est à l’intérieur d’un océan de ténèbres. L’énorme soleil ne cache rien. »
*
« Car un peuplier qui bruit dans le vent, je le comprend avec mon corps, un chat qui joue au soleil ou l'éclair verdâtre de la truite dans le ruisseau brun, je les comprends avec mon corps, ces images ont un dynamisme sensuel qui me permet de créer les équivalences. »
Les Embrasés (2023)
Sortie : 19 avril 2023. Recueil de nouvelles, Fantasy
livre de Stefan Platteau
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Des siècles de lutte pour bâtir nos royaumes, soupire-t-elle, et pourtant nous ne sommes toujours rien devant la colère de la nature. Quelle leçon d’humilité… les vois-tu, toutes ces œuvres des hommes bousculées, tombées en ruines ? L’orgueil d’une cité jeté bas… »
Du menton, elle désigne le spectacle qui s’étale à ses pieds.
Peyr s’avance à ses côtés et se penche à son tour sur le vide.
Les relents de la ville envasée reviennent empester ses narines. Depuis ce point d’observation surélevé, le regard embrasse les quartiers du port ; il porte même jusqu’à la Neuville, plantée sur l’autre rive de l’Angmuir. Sauf qu’il n’y a plus de rive ; elle s’est perdue dans le lointain, dissoute en reflets fauves dans l’horizon. Le fleuve est partout. Dans la vaste plaine, dans les rues, au pied des remparts, dont de larges pans se sont effondrés, sapés par les eaux. Feddrantir n’est plus qu’une grande souille, un bourbier de gravats, de limons, de bois et de charognes.
*
Les entends-tu, Peyr, se traiter mutuellement de sac à foutre, de rouchie, de suce-la-foire ou de croûte-à-cul, en invoquant les Astres et en se frappant avec leurs symboles sacrés ? Un seul de ces épisodes suffisait à ruiner pour longtemps l’image des deux couvents ! Ce pourquoi, certaines des belligérantes, prenant soudain conscience de leur emportement, s’empressaient d’apporter des soins à celles qu’elles avaient rossées, bien en vue du public. Les cogneuses tombaient alors dans les bras les unes des autres, s’embrassaient en signe de paix, pleurant et riant dans la lumière des Astres… pour mieux recommencer plus tard, malgré leurs beaux serments.
*
« Il repense à l’ombre-Sita, à l’irrépressible vague d’émotions que ses appels au secours ont réveillée en lui. Une tempête enfouie profondément dans ses tripes, et dont il ne soupçonnait plus l’ampleur. Rien qu’à l’évoquer, elle remonte à nouveau dans son ventre, puis déferle dans tout son corps, charriant ses épaves, son écume, et le sel de tous les océans et de toutes les larmes du monde. Un chagrin vaste comme les abysses… »
Les Tortues (1956)
Sortie : 1956 (France). Roman
livre de Loys Masson
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« Dans mon pays les cyclones s’annoncent plusieurs jours à l’avance. Ils dépêchent dans le ciel un chambellan de rouge au couchant. C’est le charitable ; le préfacier. Cette pourpre de nuage qu’il étend à longs plis lâches est paisible et riche au possible. À travers elle il édicte le plus parfait des calmes sur la terre. Il descend un peu, il agite une bannière de recueillement sur les fontaines et les vergers. Il bénit. À son signe, de la profondeur des mousses et des écorces une âme monte adorer. C’est partout Bethléem. Les matins s’étirent, et les soirs ; il n’y a presque pas de midis. Les coqs des bois enrobent d’humilité leurs chants ; et les boulbouls aux vantardes crêtes noires côtoient sur les branches l’oiseau de la vierge en manteau roux-capucin, l’orgueil à côté de la révérence — dans un monde sur la route des recommencements, tout prêt à changer de visage… Trois jours ; quatre parfois. Et puis s’en vient le cyclone des chaufferies des îles Cocos ou des hauts de Madagascar, après une ambassade de quelques friselis à ras de terre et d’eau. Il est violent aussitôt s’il est de grande race ; mais il y a des pets foireux qui n’en finissent pas de pluie sale. »
*
« Il est des journées d’avant-drame qui sont pires que le plein drame. Quelque chose vous guette dans le dos ; vous vous retournez, il n’y a rien. Mais à peine avez-vous repris votre position que cela du même mouvement reprend aussi sa place. Puis, sournoisement, cela glisse, va vers la droite mais toujours un peu en retrait, caché — vous regardez à droite, tout aussitôt c’est votre côté gauche qui est assiégé. Vous êtes accompagné, suivi, très nettement assiégé ; on suppute votre résistance, vos ressources de santé, de chance ; et soudain il y a cette sensation que quelqu’un d’énorme a ri. La sensation, car ce rire vous ne l’avez pas entendu : c’est seulement comme un long biseau de cristal qu’on vous promène sur la nuque. Et voilà que vous devenez deux en vous, comme à un signe — l’homme premier, celui qui jusque-là était le vrai, lentement dissous par l’autre qui, lui, est déjà dans l’avenir, dans l’orage qui monte. Heure après heure il s’y installe. Il prépare les poisons, dessine les chemins de la foudre. Au soir il se croisera les bras, sa besogne achevée ; et alors, en vous, ce qui reste de vous, une sorte de fantôme écrasé, étiré, s’affole — et il n’y a pas de porte… »
Les Petits Personnages (2022)
Sortie : 3 mars 2022. Recueil de nouvelles, Peinture & sculpture
livre de Marie Sizun
Nushku a mis 4/10.
Annotation :
« Quelle heure est-il ? La lumière est celle d’un crépuscule, tombant d’un ciel bleu-gris où se dessine déjà un très mince croissant de lune blanc qui se reflète sans éclat dans le cours d’eau. C’est sans doute peu après le coucher du soleil. L’impression générale est d’une grande mélancolie, pour ne pas dire tristesse, mais du fait de l’heure incertaine, de l’absence de vie, du caractère fané des coloris, quelque chose suggère aussi le mystère. Les fenêtres du moulin ne sont pas éclairées ; elles semblent ouvrir sur des pièces vides, abandonnées. La journée de travail est terminée. La seule fenêtre éclairée, une petite croisée, est celle de la maison d’habitation. Son jaune orangé est la seule touche de vie du tableau. Le soir annonce avec la fin de l’activité du moulin la reprise du quotidien familial du meunier et des siens. »
*
« Or dans la nature morte qu’aurait pu constituer à elle seule l’image de cette cour – représentée à diverses reprises sans aucune présence humaine –, surgit ici ce personnage, ou plutôt cette idée de personnage, puisque, de la femme apparue, on ne voit que le visage de trois-quarts, sous une coiffe blanche, une épaule et le bras gauche appuyé au rebord de la fenêtre. Et cette apparition accidentelle change tout. De gratuit, secondaire, ce petit personnage devient figure essentielle. Mystérieuse. »
*
« L’essentiel pour nous est d’imaginer ce qui pouvait se passer en eux en cet instant qu’ils ont vécu chacun pour soi, mais pourtant bizarrement ensemble, dans une étonnante communauté retrouvée, par la grâce de ce qui les entourait, les portait au meilleur d’eux-mêmes, et en quelque sorte au-dessus d’eux-mêmes. De ces êtres nous ignorons tout, hors l’émotion d’ordre esthétique qui les habite et leur révèle ce que la vie a de meilleur. Et cette émotion partagée entre les uns et les autres, presque à leur insu, comparable à celle que nous permet le théâtre, n’est-ce pas le bonheur ? Même si ce moment de grâce ne dure que le temps où cette lumière leur est accordée. Le souvenir, lui, restera. »
Hiramatsu (2024)
Symphonie des Nymphéas
Sortie : 12 juillet 2024. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Cyrille Sciama
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Devant les œuvres captivantes de Maître Hiramatsu, nous sommes transportés dans un voyage artistique à travers le temps, marqué par les échanges culturels entre le Japon et la France. Caractérisées par la sensibilité du mouvement impressionniste et héritées de l'art japonais nihonga, ses ouvres révèlent la richesse et la profondeur de cette fusion artistique. Au moment où nous célébrons les 150 ans de l'impressionnisme, cette exposition rend hommage non seulement au talent de l'artiste, mais aussi au lien indéfectible entre nos deux pays. »
Monnaie de singe (1926)
Soldier's pay
Sortie : 1948 (France). Roman
livre de William Faulkner
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« "J'aurais bien voulu, reprit-il - et sa confession allait au-delà de ce qu'il avait jamais pensé -, j'aurais voulu avoir sa blessure et le reste.
- Et être mort, comme il le sera bientôt ?
Mais que représentait la mort pour le cadet Lowe, sinon quelque chose de vrai, de grand, de triste ? Il vit une tombe - ouverte - et lui-même dedans, avec bottes et ceinturon, des ailes de pilote sur la poitrine, et le chevron des blessés... Que peut-on demander de plus au destin ?
"Oui, répondit-il, oui."»
*
« Charlestown, comme d'innombrables villes du Sud, avait été construite autour d'un campement de chevaux et de mulets attachés en cercle. Au milieu de la grand-place il y avait le palais de justice, bâtiment purement utilitaire construit en briques avec seize belles colonnes ioniques souillées par des générations de mâcheurs de tabac. Des ormes entouraient le bâtiment et sous ces arbres, assis sur des bancs de bois usés et sur des chaises, les pères de la cité, faiseurs de lois solides et de solides citoyens qui croyaient en Tom Watson, ne craignaient que Dieu et la sécheresse, cravatés de noir ou affublés de tenues brossées d'un gris terni et des absurdes médailles de bronze des États confédérés d'Amérique et qui avaient définitivement abdiqué toute prétention au travail, dormaient ou passaient les longues journées léthargiques à tailler des bouts de bois, pendant que leurs cadets de tout âge, pas encore assez vieux pour dormir franchement en public, jouaient aux dames ou bavardaient en mâchant leur chique. Un homme de loi, un pharmacien et deux autres plus difficiles à classer, lançaient des disques de fonte dans une direction, puis dans l'autre, entre deux trous creusés dans la terre. Et sur tout cela couvait avril, un avril jeune encore portant midi dans ses flancs. »
*
« Mais Cecily Saunders ne dormait pas. Étendue sur le dos dans son lit, dans l'obscurité de sa chambre, elle entendait aussi les sons assourdis de la nuit, humait les senteurs douces du printemps et des choses qui se développaient dans les ténèbres : la terre, qui observait la roue du Monde, le calme et l'inévitabilité terribles de la vie, qui poursuivait sa course circulaire pendant les heures de ténèbres, franchissait son point mort et se mettait à tourner plus vite, puisait les eaux de l'aube des citernes assoupies de l’orient, interrompait le sommeil des moineaux. »
Essai sur la fatigue (1989)
Sortie : mars 1995 (France). Essai
livre de Peter Handke
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Grâce à ma fatigue, le monde était grand et débarrassé de ses noms. J’ai pour cela une image un peu grossière de quatre modes de rapports de mon moi-langage au monde : dans le premier, je suis muet, douloureusement exclu des déroulements – dans le second, la confusion des voix, le bavardage, viennent du dehors jusqu’à l’intérieur de moi et je reste, quant à moi toujours aussi muet, tout au plus capable de crier – dans le troisième, la vie entre enfin en moi, dans la mesure où, involontairement, ça se met à raconter, phrase après phrase, un récit adressé, à quelqu’un de précis un enfant, la plupart du temps, les amis – et dans le quatrième, j’en fis le plus durablement jusqu’ici l’expérience en ce temps de fatigue au regard clair, c’est le monde qui se raconte lui-même, en silence, absolument sans paroles, à moi, comme au voisin spectateur à cheveux gris, là et à la femme splendide qui passe là-bas avec une démarche ondulante ; un événement pacifique était en même temps déjà récit, et, à la différence des actions de combat et des guerres auxquelles il fallait un chroniqueur ou un chantre, il se disposait de lui-même en épopée devant mes yeux fatigués, il m’apparaissait, en épopée idéale ; les images du monde fugitif s’intégraient l’une dans l’autre et prenaient forme. »
« Désenchantement ; d’un coup les lignes de l’image de l’autre s’effacent ; lui, elle, ne donne en l’espace d’une seconde d’effroi plus aucune image ; l’image de la seconde d’avant n’avait été qu’un reflet de l’air : Ainsi pouvait-il en être fini, d’un instant à l’autre, entre deux êtres humains – et ce qu’il y avait de plus terrifiant, c’est que du coup, on semblait aussi en avoir fini avec soi-même ; on se trouvait soi-même aussi laid, ou bien, oui un néant comme l’autre, avec lequel on venait encore d’incarner une manière d’être [...], on se serait voulu éradiqué, à l’instant même, évacué comme le maudit vis-à-vis ; jusqu’aux objets autour de soi qui se défaisaient, inutiles ("Le rapide passe, fatigué, d’avoir été tant habité" – souvenir d’un vers du poème d’un ami) : le danger que couraient ces fatigues entre couples, c’était de s’étendre par-delà la fatigue propre, en lassitude de l’univers entier, lassitude du feuillage arraché, du fleuve à l’eau soudain comme figée, lassitude du ciel pâlissant. »
Masterpieces of Fantasy Art (2020)
Sortie : 19 septembre 2020. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Dian Hanson
Nushku a mis 3/10.
Annotation :
[Ils n'y sont pas tous, loin de là...]
« Enki Bilal, Yves Chaland, Serge Clerc, Guido Crepax, Jean-Claude Gal, H.R. Giger, Gaetano Liberatore, Milo Manara, Masse, Chantal Montelier, Jean-Michel Nicollet, Joost Swarte et Alain Voss, ainsi que le Chilien Alejandro Jodorowsky et les Américains Richard Corben et Bernie Wrightson. [...] Chris Achilleos, Julie Bell, Simon Bisley, Charles Burns, Clyde Caldwell, Howard Cruse, Alex Ebel, Alex Horley, Jeff Jones, Michael Kaluta, Paul Kerchner, Rod Kierkegaard, Karl Kofoed, Walter Simonson, Lorenzo Sperlonga, Arthur Suydam, Stefano Tamburini, Boris Vallejo et Luis Royo. »
*
« De retour en France, l'enfant créatif découvre Gustave Doré, Gustave Moreau et des sources d'inspiration plus inattendues : "L'été, nous retournions dans le fief familial du Gers. Là, je suis fasciné par les vieilles moissonneuses-lieuses que je découvre dans un hangar. Toutes ces griffes, ces roues dentées, ces transmissions, ce métal! Sans le savoir, notre œil stocke des images et notre imaginaire cherche une clé. Mes vaisseaux spatiaux sont nés indirectement de vieux tracteurs rouillés du Gers. Et puis, il y avait des ciels étoilés incroyables, l'été ! Superposez une machine agricole et ces galaxies, et vous avez mon univers graphique." »
Discours de Stockholm (1986)
Sortie : 1 mars 1986. Essai
livre de Claude Simon
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Sans doute est-ce là l'une des raisons du phénomène paradoxal qui fait que, dans le même temps qu'il naît, le roman réaliste commence déjà à travailler à sa propre destruction. »
*
« Eh bien, lorsque je me trouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses : d’une part le trouble magma d’émotions, de souvenirs, d’images qui se trouve en moi, d’autre part la langue, les mots que je vais chercher pour le dire, la syntaxe par laquelle ils vont être ordonnés et au sein de laquelle ils vont en quelque sorte se cristalliser.
Et, tout de suite, un premier constat : c’est que l’on n’écrit (ou ne décrit) jamais quelque chose qui s’est passé avant le travail d’écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre le très vague projet initial et la langue, mais au contraire d’une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l’intention. »
*
« Et alors tout change ! Parce que pour que ce scintillement ait lieu (ce scintillement qui, en un éclair, amène à notre conscience l’ensemble de la nature, de l’univers, la conjoncture qui fait que par le biais d’un angle d’incidence un rapport s’établit entre l’observateur, l’homme qui vide le chaudron, la rotation de la terre, la position du soleil à cet instant précis)… pour que ce scintillement ait lieu, donc, il faut l’homme, il faut le chaudron, il faut le geste, il faut cette micro action qui se trouve du coup indispensable, justifiée, générée par la description, comme le signifie bien la conjonction then montrant clairement que l’“événement principal” c’est bien, en fait, cet éclat de soleil en fonction duquel tout ce petit scénario semble avoir été monté, car c’est seulement alors, après que ce scintillement a eu lieu, que l’homme a le droit de rentrer dans le wagon, à la façon de ces personnages des horloges astronomiques qui sortent de leurs niches ou les réintègrent à un moment précisément détermine par la position des astres : maintenant, Faulkner n’a plus besoin de lui… »
Après Caravage (2012)
Une peinture caravagesque ?
Sortie : 13 juin 2012. Essai, Peinture & sculpture
livre de Olivier Bonfait
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« Les grands musées devaient posséder « du » Caravage (le Metropolitan réussit à acheter deux œuvres entre 1950 et 2000 et en présente plus ou moins quatre) et offrir des salles « caravagesques >> dans le parcours des visiteurs. À Rome, plus d'un tiers des achats de tableaux caravagesques pour la Galerie Barberini ont été faits entre 1950 et 1960 environ, en écho direct à l'exposition de Milan : ce musée national peut ainsi présenter de nos jours, aux côtés de Caravage, ses rivaux comme Baglione, les artistes qu'il put connaître directement comme le Napolitain Caracciolo ou des peintres qu'il influença fortement, comme Valentin. En Espagne, le Prado a choisi récemment une perspective résolument européenne pour sa salle caravagesque, accrochant côte à côte un Ribera, deux La Tour, un Tournier et un Manfredi, forçant ainsi le dialogue entre des artistes de différentes nationalités qui, pour la plupart, ne s'étaient jamais croisés. »
« L'histoire de la marque Caravage aurait pu s'arrêter là : à un affadissement progressif par des copies et des dérivations, à une dilution de son art révolutionnaire dans une peinture religieuse avec juste quelques effets de clair-obscur et des touches de réalisme. Aucun des artistes cités jusqu'ici (à l'exception de Saraceni) n'apparaît ni dans la liste fournie par Mancini de la schola del Caravaggio ni dans les noms cités par Bellori... Aucune peinture caravagesque donc, mais des tableaux marqués par certains aspects du faire de Caravage : une banale histoire d'influence, de réception collective et d'appropriations individuelles, sans que l'on puisse parler d'un mouvement… »
« Du Dossier Caravage d'Alain Berne-Joffroy publié par l'éditeur du Nouveau Roman, les Éditions de Minuit (1959), à la vie violente de Pasolini (mort en 1975) ou au film Caravaggio de Derek Jarman (1985), la seconde moitié du xxe siècle allait donc être placée sous le signe de Caravage. L'étude des peintres caravagesques ne fut pas en reste: des expositions consacrées ici aux peintres caravagesques nordiques ou français, là aux collections caravagesques de tel musée, sont régulièrement organisées. Naples la populeuse où s'était réfugié le peintre après le crime commis dans la cité pontificale, Naples capitale lettrée parthénopéenne ou Naples ville dangereuse, de la révolte de Masaniello aux rapines des malfrats d'hier et d'aujourd'hui, incarna cette Italie baroque du premier XVIIe siècle et le destin tragique de Caravage. »
Le Palace (1962)
Sortie : 1 mars 1962.
livre de Claude Simon
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Toutefois il supposa que devait jouer simultanément une autre loi (une sorte de corollaire) un peu semblable à celle des vases communicants et selon laquelle le niveau du contenu dans les divers contenants doit être partout égal, en vertu de quoi l’Histoire se constituait au moyen non de simples migrations mais d’une série de mutations internes, de déplacements moléculaires (comme on dit qu’à l’intérieur d’un métal martelé pour être façonné il se produit de véritables transhumances – ou plutôt quadrilles – de particules), si bien qu’il lui semblait voir, jurant, trébuchant et se croisant dans les escaliers deux files (les descendant et les gravissant) de conquérants-déménageurs ployant sous le double fardeau de leur équipement guerrier et (pour les uns, ceux de la file descendante) de chiffonniers en marqueterie, de coiffeuses enguirlandées, d’aguichantes nudités, croisant (porté par les autres, ceux de la file montante) l’équipement fonctionnel que les besoins de l’Histoire nécessitaient en lieu et place des élégants accessoires conçus pour remédier au nostalgique dépaysement des milliardaires brésiliens,... »
*
« ("... comme une grille d’égout, disait l’Américain, et si on la soulevait on trouverait par dessous le cadavre d’un enfant mort–né enveloppé dans de vieux journaux – vieux, c’est-à-dire vieux d’un mois – pleins de titres aguichants. C’est ça qui pue tellement : pas les choux-fleurs ou les poireaux dans les escaliers des taudis, ni les chiottes bouchées : rien qu’une charogne, un fœtus à trop grosse tête langé dans du papier imprimé, rien qu’un petit macrocéphale décédé avant terme parce que les docteurs n’étaient pas du même avis et jeté aux égouts dans un linceul de mots..." »
Plein-ciel (2024)
Sortie : 7 février 2024. Roman, Fantasy
livre de Siècle Vaëlban
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« C’était la première fois qu’elle pénétrait dans l’antre de la Maîtresse des costumes et des ornements. Elle s’immobilisa, surprise. Suspendues au plafond par des serpents de dentelle, des danseuses habillées de tutus enlaçaient des acrobates ciselés dans d’immenses feuilles d’argent. Les murs, tapissés de soie magenta et de délicates fleurs en tissu, accueillaient des tableaux voluptueux dans des cadres baroques : les couples s’y étreignaient au milieu de paysages sylvestres. Ivoire s’évertua à demeurer impassible. »
« Elle pria Nostrae de lui accorder son soutien. Le Génie de la nuit vint, accompagné des quatre autres : Saoffle, Tantris, Liviadel et Freor tournoyèrent sous son crâne en une sarabande endiablée. Leurs masques rituels défilaient dans sa mémoire. Ivoire se rappela toutes les processions auxquelles elle avait assisté, toutes ces journées de carnaval durant lesquelles les citoyens costumés en Génies envahissaient les rues de Nimbostratus jusqu’aux Confins. »
« Ivoire repoussa la voix de Kélicia qui racontait n’importe quoi : il n’y avait pas de plan savamment conçu derrière les mailles de son existence. Elle avait certes bénéficié de la compassion de Sylve, mais elle s’était débrouillée seule après sa mort. Par tous les astres, sa vie entière ne pouvait pas reposer sur un mensonge ! Mais Sylve-Sénéchale était un Masque. « Même lorsque tu les croiras sincères, ils te mentiront », avait-elle dit à Dé. « Ils ne savent pas faire autrement, ils se trompent eux-mêmes à chaque fois qu’ils regardent dans un miroir. » Avait-elle été prise au piège de ses propres mots ? Sylve lui aurait-elle menti ? »
« Et, à l’intérieur d’elle, tout était différent. Sa chair avait beau être encore douloureuse, Ivoire ne se sentait plus vraiment fragile. Elle n’était plus une feuille de papier-calque prête à se déchirer sous les coups de crocs. Elle s’imaginait davantage ressembler à cette corne d’ivoire que rythmait Li lorsqu’il prononçait son nom – une constatation fort agaçante, au demeurant. »
« Finalement, le huis clos décrété par la Maîtresse-Jouet aida la jeune femme à retrouver un semblant de paix intérieure. Il n’y avait rien de tel que de travailler dans un Atelier brillamment orchestré avec des artisans de qualité. Ivoire avait toujours adoré cette ambiance si particulière où la création, détachée de son objet final, combinait les talents et la passion des Jouets. »
Carnets du grand chemin (1992)
Sortie : février 1992. Essai
livre de Julien Gracq
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
[Parfait passage (un parfage)]
« Le parc de Saint-Cloud, veuf de son château, avec ses avenues convergeant vers le vide, sa perspective étagée qui cascade avec ampleur de palier en palier jusqu’à la balustrade suspendue au-dessus de la Seine, rameute à lui seul dans mon imagination toutes les étoiles de routes désaffectées qui, toujours, m’ont parlé dans la langue même des Sirènes. Routes qui ne mènent plus nulle part, perspectives inhabitées qui ne donnent sur rien, comment ne pas voir qu’elles sont sœurs de ces pièces vides, pleines de gestes fantômes et de regards que nul ne renvoie, dont la vacuité centrale a trouvé place malgré moi presque dans chacun de mes livres ? Il peut se rencontrer pourtant une singularité paysagiste plus rare encore. Dans le site peu connu de la Folie Siffait, proche de la Loire et du petit village du Cellier, site que Stendhal, et, je crois bien, George Sand ont visité au siècle dernier, partout des escaliers en impasse, des échauguettes, des belvédères sans panorama, des pans de courtine isolés, des soutènements pour jardins suspendus, des contreforts qui semblent épauler au-dessus du vide le mur de fond d’un théâtre antique, renvoient, sous l’invasion des arbres, à l’image d’un château non pas ruiné, mais éclaté dans la forêt qu’il peuple partout de ses fragments : si jamais l’architecture s’est manifestée sous la forme convulsive, c’est bien ici. Pourtant, tant de préméditation dans l’étrange rebute un peu : il manque, dans cette matérialisation coûteuse et un peu frigide — sur plans et sur devis — de la lubie d’un riche propriétaire désaxé, la pression du désir et la nécessité du rêve qui nous émeuvent dans le palais du facteur Cheval. Ce qui me ramène quelquefois sous les ombrages aujourd’hui très ensauvagés de la Folie-Siffait, c’est plutôt une projection imaginative terminale : j’y vois le prolongement en pointillé et comme le point ultime de la courbe que dessine, depuis la fin du Moyen Age, l’alliance de plus en plus étroite nouée avec la pelouse, le bosquet, l’étang et l’arbre, par l’art de bâtir : j’y déchiffre comme le mythe de l’Architecture enfin livrée en pâture au Paysage. »
Suzanne Valadon (2025)
Catalogue de l'exposition
Sortie : 8 janvier 2025. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture
livre de Chiara Parisi, Xavier Rey, Nathalie Ernoult, Jean-Paul Delfino et Daniel Marchesseau
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Les spécialistes du XXe siècle ont eu beau tirer Suzanne Valadon du silence ou briser la posture réductrice qui la piégeait, ils n'ont pas su extraire son empreinte d'une vision à ce point binaire qu'elle ne pouvait jamais être vraiment personnelle. Qu'importe le traitement favorable qui lui a été réservé durant des décennies au cours desquelles les mauvaises critiques se sont faites rares, qu'importe aussi qu'elle ait souvent permis de faire le liant entre différents récits de l'histoire de l'art, Suzanne Valadon est restée enserrée dans des contradictions rendant difficile toute approche de son œuvre pour ce qu'il était, c'est-à-dire pour lui-même. Ces mécanismes la situent inlassablement entre Gustave Courbet et la nouvelle génération, entre Edgar Degas et les nabis, mais, bien que ce désir ait quelque chose d'inapproprié étant donné son envie de se libérer de tout cadre,il paraît encore impensable de lui accorder la parenté d'un courant propre ou d'appréhender la nature unique de son parcours. »
*
« Quels souvenirs en garde l'histoire de l'art ? Passé le mélange initial de succès dans la scène de l'entre-deux-guerres et de réticence de l'histoire de l'art à voir chez Suzanne Valadon autre chose que la muse romantisée des grands artistes qui ont croisé son chemin, la critique du XXe siècle réhabilite sa mémoire en voyant dans son autonomie une synthèse de cette période riche en mutations formelles et historiques. Tantôt convoquée comme carte mère matricielle de courants auxquels elle n'a pas pris part, tantôt dépeinte en passeuse entre deux siècles, entre le classicisme et la modernité. Nourrie par des filiations composites mais jamais étouffantes, elle incarne désormais une figure singulière et capitale pour qui veut se retourner sur le panorama artistique qui a été le sien. Après n'avoir été ni d'une époque, ni d'une autre, Suzanne Valadon devient tout à coup le pont entre ces mondes, dont on observe le plus souvent les contradictions et les ruptures. Ce regard actualisé sur son travail, pour ne pas dire la considération qui lui est enfin accordée, ouvre la porte à de nouvelles lectures de ses toiles où surgissent les indices de correspondances insoupçonnées avec d'autres démarches. »
La Terre plate
Généalogie d'une idée fausse
Sortie : 8 octobre 2021 (France). Essai
livre de Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Comme nous l’avons constaté dans des discussions informelles, certains collègues avouent mentionner dans leur cours la question de la Terre plate à l’occasion de commentaires de documents figurant dans les manuels, qui aujourd’hui, pourtant, ne font plus, sauf exception, mention de cette croyance. Ils pensent ainsi bien faire en complétant un manuel qu’ils jugent lacunaire. On aime de toute évidence croire à ce mythe confortable, qui permet de légitimer une vision linéaire du progrès et une représentation simple de l’histoire, mais aussi certainement dote notre époque d’un doux sentiment de supériorité (alors que bien peu de nos contemporains sont à même de comprendre une page de philosophie médiévale). »
« Il faut donc être attentif à plusieurs points : la révolution astronomique du XVIe siècle ne peut ni se lire sur le mode « un savant seul contre tous », ni sur le mode « la science contre l’Église » – mythe construit par l’histoire positiviste sur la base des procès faits à Galilée – et encore moins sur le mode providentiel du grand homme et du savant-génial-qui-découvrit-la-modernité. En outre, il ne faut pas confondre le retour aux sources grecques restituées dans leur intégrité et la redécouverte des théories. »
« Au même endroit, il est décrit comme "un simple marin se présentant sans crainte au milieu d’un cercle imposant de professeurs, de moines et de dignitaires de l’Église". La délicieuse langue d’aujourd’hui dirait : un self-made-man dressé contre l’establishment. La Terre ronde, ainsi, appartient au génie des humbles, la Terre plate aux bigots et à ceux qui se proclament experts. »
La Ville au plafond de verre (2023)
Sortie : 3 novembre 2023. Roman, Fantasy
livre de Romain Delplancq
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Un Velast est par nature bouillonnant, fluide, toujours en gestation de lui-même. Il se constitue et se destitue au gré de ses assemblées, des figures qui en émergent et en prennent un temps la barre, de ses éventuelles victoires, de ses régulières défaites et de ses inévitables compromis. D’une ville à l’autre, d’un siècle à l’autre, les Velast mutent tant que les soutiens d’un Velast ici seront les adversaires de tel autre ailleurs. Peu importe : « Velast » n’est le nom ni d’une forme ni d’une organisation. C’est le nom d’une fonction. Une fonction de révolte.
Chaque fois que les pauvres gens se rassemblent pour résister qui à l’Empereur, qui aux barons, qui aux forgiers, il y a un Velast. »
*
« Le nom de Felfedis ne remontait pas très loin. L’arbre généalogique fleuri qui enlaidissait le couloir de leur deuxième étage plafonnait péniblement à deux siècles d’ancienneté, quand la lignée d’un baron varanne remontait les millénaires. Les Felfedis, certes, n’étaient pas nobles. Cependant, ils étaient forgiers, ce qui en cette époque était presque aussi bien ; et à Korost, en particulier, beaucoup mieux. Depuis mille ans, son incomparable fabrication du verre et les innombrables applications qu’en faisaient ses artisans avaient enchâssé la cité comme une des plus belles pierres de la couronne impériale. Et la découverte de l’arnoire deux siècles plus tôt l’avait révélée au monde. L’arnoire, le métal noir, l’or aux tons d’obsidienne, qui permettait aux machines de Korost d’utiliser la lumière du soleil. »
*
« Les ambitieux de tout l’Empire s’y étaient précipités, et les riches marchands d’Ivar avaient joué des coudes pour s’y tailler des parts de lion. Le Felfedis le plus haut perché dans l’arbre du deuxième étage était de ceux-là. On ouvrit des écoles où l’on se partagea les hermétiques secrets de la forge du métal noir, puis on les referma bien vite. On s’empara des filières d’acheminement des précieux minerais. On forma ses enfants, on leur fit épouser les rejetons désargentés de l’aristocratie – tout en étalant par-derrière, puis au grand jour, un mépris pour ces débris impériaux qui ne tenaient que par la rente de leurs verreries. La plèbe de Korost surnommait les débris en question "Barons-tessons". »
Sonnets (1546)
Sonnetti
Sortie : 10 avril 2025 (France). Poésie
livre de L'Arioste
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Ce fut ici qu'en des nœuds si serrés
Les beaux cheveux me prirent ; que le mal,
Qui me tuerait, naquit ; vous le savez,
Loggias de marbre, toits hauts et superbes,
Ce jour-là dames, cavaliers élus,
Avez reçus tels que jamais Pélée,
Pourtant choisi entre mille héros
N'en eut aux noces par Zeus redoutées.
Bien vous souvient qu'en repartis captif,
Le cœur percé, mais ignorez peut-être
Comment mourus et revins à la vie,
Et que ma dame, aussitôt qu'elle vit
Mon âme en elle de moi retirée,
M'offrit la sienne et qu'encore j'en vis. »
*
« Le soleil clos d'un voile ténébreux
Jusques aux rives extrêmes tendu
De l'horizon, s'entendait le murmure
Des frondaisons, et les tonnerres au ciel ;
Sous une pluie incertaine, ou la grêle,
Je m'apprêtais à franchir les eaux troubles
Du fleuve fier renfermant le tombeau
Du fils hardi du seigneur de Délos ;
Quand j'aperçus l'éclat sur l'autre rive
De vos beaux yeux et entendis des mots
Qui lors pouvaient me changer en Léandre.
Soudainement, la nuée alentour
Se dissipa, découvrant le soleil,
Le vent tomba et s'apaisa le fleuve. »