Carnet de glanures : « Fragments »
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684 livres
créée il y a plus de 5 ans · modifiée il y a environ 1 heureAugustin Frison-Roche (2025)
Épiphanies
Sortie : 15 janvier 2025. Essai, Peinture & sculpture
livre de Christiane Rancé
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« ...toutes ses couleurs aux taches d'or, et dans un jour où se fondent les clartés furieuses et les splendeurs d'ombre des sous-bois. De ce bleu dont Alechinsky choisit de peindre son Arbre dans la ville, à qui Yves Bonnefoy prêta sa parole : "Passant, regarde ce grand arbre et à travers lui, il peut suffire." Les arbres d'Augustin Frison-Roche, on les regarde yeux grands ouverts. On voit alors ce qu'Henri Pichette a écrit : "L'arbre reprit sa hauteur dans l'âtre de l'orient." Est-ce aussi une allégorie de la forêt profonde qu'est notre vie et qu'il faut traverser comme nous l'a appris le grand poème de Dante ? Sans nul doute, puisque le travail de Frison-Roche demande aussi qu'on se souvienne, et dès lors, qu'on joue avec les hasards et les correspondances, avec les échos, les symboles et les signes secrets. »
Le Promontoire du songe (1864)
Sortie : 1864 (France). Essai
livre de Victor Hugo
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Entrent en scène les psylles, les nages, les alungles, les démonocéphales, les dives, les solipèdes, les aspioles, les monocles, les vampires, les hirudes, les diacogynes, les stryges, les masques, les salamandres, les ungulèques, les serpentes, les garous, les voultes, les troglodytes, tout le peuple hagard des noctambules, les uns sautant sur un seul pied, les autres voyant d’un seul œil, les autres, hommes à sabot de cheval, les autres, couleuvres autant que femmes ; et les phalles, invoqués des vierges stériles, et les tarasques toutes couvertes de conferves, et les drées, dents grinçantes dans une phosphorescence. La Wili, délicate, fluide et féroce, arrête le chevalier qui passe, et lui promet « une chemise blanchie avec du clair de lune ». Salomon qui a adoré Chamos, idole des Amorrhéens, est salué par Satebos, dieu cornu des Patagons. Les éwaïpoma rôdent ; ce sont des hommes qui ont la tête dans la poitrine et les yeux sous les clavicules. Au fond, dans le ciel livide, on aperçoit les comètes. »
*
« Et où es-tu toi-même, philosophe ? dans l’utopie.
Il y a l’utopie sublime. Mais de même que l’idéal peut être bête, l’utopie peut être mauvaise. Le rêve à reculons existe. On peut être utopiste en arrière. Vouloir que l’avenir vive trop tôt, c’est l’illusion et l’effort des grandes âmes ; mais donner à l’ancien monde théocratique et féodal, à Jadis déjà avancé et odorant, une sorte de vie morte qui le ramène au milieu de nous, et qui nous marie, nous le présent, à ce cadavre, nous la lumière, à cette nuit, c’est aussi là une tentative, cela est extraordinaire et vaut la peine d’être essayé, et il y a des rêveurs pour faire ce rêve. Quel succès, la chute ! Quel triomphe, la décadence ! Quel bel assassinat, tuer le progrès ! Épaissir le bandeau sur la paupière humaine, masquer le point du jour, faire marcher l’homme du côté des talons, bravo ! J’ai l’honneur de vous présenter le passé, bouchez-vous le nez si vous voulez, mais embrassez-le. »
La Fièvre Masaccio (2025)
Sortie : 20 février 2025. Roman, Histoire
livre de Sophie Chauveau
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Hélas non. Il en conserve une boule au ventre, prête à surgir en cas de laisser-aller, au moindre relâchement. Il l'a garde au cœur avec la terrible appréhension que ça le reprenne, ces tremblements, ces suées glacées, ces nuits entières sans dormir, la peur au cœur, l'angoisse qui lui bat les tempes, et cette terrifiante absence d'énergie, toute volonté abolie. Ça peut recommencer n'importe quand, n'importe où, puisqu'il ne sait pas pourquoi il en a été victime. »
*
« À Pise, absolument seul, il travaille de l'aube au couchant, et traverse des heures désespérées. Quelque chose le terrasse de l'intérieur dont il ne parvient pas à se débarrasser. Même peindre jusqu'à plus soif ne le console pas.
Révision déchirante : quelle est sa vie ? Qu'est-ce que vivre ? La peinture remplace-t-elle tout ? Supplée-t-elle à tout ? »
*
« Tout ce qui n'est pas peinture l'ennuie. Alors il bâille ouvertement.
Comment décrire la vitesse prodigieuse de sa transformation d'apparent apprenti en peintre confirmé ? Dès ses premières œuvres, sa personnalité est indubitable tant dans ses traits, sa narration, son tracé, sa construction, son usage de l'ombre, que par son rouge, ses rouges, sa passion bizarrement mélancolique pour cette couleur de feu. On y lit la justesse des gestes, ce ductus pictural, et sa détermination. Pas de doute, il sait où il doit aller. Et il y va. »
*
« Si l'enfance à Vald'Arno fut mélancolique, Masaccio a presque tout oublié de son père, fors son parfum de bruyère et la douceur aiguë de sa barbe sur son front. Il ne se souvient que de sa gêne quand sa mère lui a présenté un nouvel homme pour remplacer le mort. Mais, sitôt à Florence, plus question de morosité, tout se colore d'une intensité qui le lance dans une course-poursuite pour devenir qui il est. Enfin sortir ce qu'il ressent au-dedans et étouffe de ne pouvoir transmettre d'un seul jet. Riche d'une joie profonde surgie des cryptes de son enfance : les pigments à écraser, les sables, les craies de toutes les couleurs à broyer. »
As-tu mérité tes yeux ? (2021)
Things Have Gotten Worse Since We Last Spoke
Sortie : 23 janvier 2021 (France). Nouvelle, Fantastique
livre de Eric Larocca
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Ce n'était pas que je me sente vide. Je crois que nous nous sentons tous vides la plupart du temps, et que nous faisons seulement semblant de remplir ce vide avec des rires, des pleurs, des excuses - tout ce qui peut nous aider à nous sentir humains.
Je pense que je me suis sentie comme un astronaute qui fonce vers la Terre dans une minuscule prison d'acier, les flammes rongeant son vaisseau lorsqu'il entre dans notre atmosphère.
Il y a une raison si les objets se consument lorsqu'ils tombent vers la Terre comme des anges effroyables — en plus de la raison évidente. Des astéroïdes gros comme des voitures blindées se réduisent à de bêtes cailloux en l'espace de quelques secondes. C'est parce que la planète est carnivore et veut simplement être nourrie. C'est aussi ce que veulent les gens. Ils aiment manger d'autres gens.
J'ai passé tellement d'années à oublier que j'avais des dents, moi aussi. »
*
« 22:34:59 Tout le monde est capable de changer. Parfois c'est douloureux.
22:35:07 Tu sais comment je me sens ?
22:35:16 Comme une constellation nouvelle, couverte d'une croûte de noir scintillant 22:35:20 Une trace étalée à travers l'univers.
22:35:28 Attends que l'astéroïde arrive
22:35:40 Non. Je me sens comme une sorte de ceinture cosmique informe, comme si une divinité invisible me serrait dans ses bras »
Ferdinand du Puigaudeau (2025)
Capturer la lumière
Sortie : 30 mai 2025. Essai, Peinture & sculpture
livre de Jean-Marc Pinet
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« De plus en plus en plus isolé et coupé du marché de l'art, vivant difficilement de la vente de ses tableaux à quelques amateurs locaux, ‘l'ermite de Kervaudu’ ainsi que l'avait surnommé Edgar Degas, décède au Croisic le 15 septembre 1930. "Il y a encore tant de belles choses que j'aurais voulu peindre ! Regarde cette lumière dorée sur les mûriers, cette lumière dont j’ai tant cherché les secrets. C'est dur de vous quitter toutes les deux et de quitter la lumière, les jeux des couleurs…" C'est en ces termes que Ferdinand s'adressa à sa femme Blanche et à sa fille Odette au cours de ses derniers instants.
L’œuvre de Ferdinand du Puigaudeau est difficile à rattacher de façon exclusive aux écoles et mouvements picturaux de son temps. Il fut toutefois un artiste de grand talent entretenant un lien passionné avec sa peinture, conscient de l'originalité de ses productions et dédaignant les avant-gardes. Présent dans nombre d'éminents musées en France et dans le monde, il est considéré aujourd'hui comme un éminent représentant du post-impressionnisme ainsi qu'un véritable maître de la lumière. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_du_Puigaudeau
Marguerite Sérusier (2025)
La Création spontanée
Sortie : 13 juin 2025. Essai, Peinture & sculpture
livre de Virginie Foutel
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Le peintre habite alors de façon quasi permanente à Châteauneuf-du-Faou en Finistère et invite Marguerite à venir découvrir cette petite ville située entre les monts d'Arrée et les montagnes Noires. La jeune femme y vient une première fois en 1910 accompagnée de la peintre Jeanne Rij-Rousseau. Sa relation avec Paul Sérusier s'affirmant au cours de l'année, ils se marient à Saint-Sulpice entourés de leurs seuls témoins, dont Maurice Denis.Marguerite s'installe ensuite définitivement dans la petite cité bretonne. De cette époque datent des œuvres de Paul représentant Marguerite, dont Madame Sérusier lisant au bord de la rivière ou Madame Sérusier à l'ombrelle. Le couple semble avoir trouvé une osmose dans la création artistique et dans l'admiration réciproque", et si Marguerite appelle volontiers son mari 'maître Sérusier', Paul quant à lui trouve en son épouse une inspiratrice des motifs floraux que l'on trouve dans plusieurs toiles de cette période, ainsi que du thème des brodeuses. Chez Marguerite, le travail du fil, broderie et ornement, n'est jamais loin. Il illustre son intérêt pour l'art de la tapisserie de Cluny ou d'Angers (découvertes avec son mari), mais aussi sa connaissance de la haute couture parisienne. Plusieurs objets personnels conservés à Châteauneuf-du-Faou en témoignent. Tous deux décorent ensemble leur maison. Toutefois, ce qui semblait être l'envol de son affirmation artistique sera très vite entamé par une période difficile.»
W ou le souvenir d'enfance (1975)
Sortie : 1975 (France). Roman, Biographie
livre de Georges Perec
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« Mon enfance fait partie de ces choses dont je sais que je ne sais pas grand-chose. Elle est derrière moi, pourtant, elle est le sol sur lequel j’ai grandi, elle m’a appartenu, quelle que soit ma ténacité à affirmer qu’elle ne m’appartient plus. J’ai longtemps cherché à détourner ou à masquer ces évidences, m’enfermant dans le statut inoffensif de l’orphelin, de l’inengendré, du fils de personne. Mais l’enfance n’est ni nostalgie, ni terreur, ni paradis perdu, ni Toison d’Or, mais peut-être horizon, point de départ, coordonnées à partir desquelles les axes de ma vie pourront trouver leur sens. Même si je n’ai pour étayer mes souvenirs improbables que le secours de photos jaunies, de témoignages rares et de documents dérisoires, je n’ai pas d’autre choix que d’évoquer ce que trop longtemps j’ai nommé l’irrévocable ; ce qui fut, ce qui s’arrêta, ce qui fut clôturé : ce qui fut, sans doute, pour aujourd’hui ne plus être, mais ce qui fut aussi pour que je sois encore. »
*
« Ce qui caractérise cette époque c’est avant tout son absence de repères : les souvenirs sont des morceaux de vie arrachés au vide. Nulle amarre. Rien ne les ancre, rien ne les fixe. Presque rien ne les entérine. Nulle chronologie sinon celle que j’ai, au fil du temps, arbitrairement reconstituée : du temps passait. Il y avait des saisons. On faisait du ski ou les foins. Il n’y avait ni commencement ni fin. Il n’y avait plus de passé, et pendant très longtemps il n’y eut pas non plus d’avenir ; simplement ça durait. On était là. Ça se passait dans un lieu qui était loin, mais personne n’aurait très exactement pu dire loin d’où c’était, peut-être simplement loin de Villard-de-Lans. »
*
« Il faut les voir, ces Athlètes squelettiques, au visage terreux, à l’échine toujours courbée, ces crânes chauves et luisants, ces yeux pleins de panique, ces plaies purulentes, toutes ces marques indélébiles d’une humiliation sans fin, d’une terreur sans fond, toutes ces preuves administrées chaque heure, chaque jour, chaque seconde, d’un écrasement conscient, organisé, hiérarchisé, il faut voir fonctionner cette machine énorme dont chaque rouage participe, avec une efficacité implacable, à l’anéantissement systématique des hommes, pour ne plus trouver surprenante la médiocrité des performances enregistrées : le 100 mètres se court en 23"4, le 200 mètres en 51" ; le meilleur sauteur n’a jamais dépassé 1,30m. »
Seiobo est descendue sur terre (2008)
Seiobo járt odalent
Sortie : 21 mars 2018 (France). Roman
livre de László Krasznahorkai
Nushku a mis 9/10.
Annotation :
« La haine marquait son point de départ et d'arrivée, une haine si profonde, venant de si loin, qu'au tout début il n’avait pas la moindre idée de l'endroit où le menait ce chemin, n'avait même pas conscience d'avoir pris un chemin quelconque, il détestait le pays où il vivait, détestait la ville où il habitait, détestait les gens avec qui il prenait le métro, tôt le matin, ceux avec qui il prenait le même métro, le soir, pour rentrer chez lui, et il avait beau se dire : je n'ai personne, aucune attache qui me retienne ici, qu'ils aillent tous se faire voir ! il mit beaucoup de temps avant de franchir le pas, et il prenait le métro le matin, rentrait en métro le soir, et puis un jour, à l'aube, au lieu de monter dans la rame avec les autres, il resta sur le quai, il n'avait aucune idée en tête, mais il resta là, au milieu des gens qui le bousculaient... »
« à droite, un coup à gauche, et même s'il se tenait toujours prêt à détaler à la moindre alerte, il s'attarda plus méthodiquement devant certains tableaux, car hormis le Christ à l'autre bout de la salle, dont il avait croisé le regard sévère au tout début, les autres saints et Enfant Jésus et rois le regardaient avec une grande douceur, qui l'apaisa un peu, il resta donc, et personne ne vint le rappeler à l’ordre ou lui demander son ticket d'entrée, s'il s'agissait bien d'une exposition, il resta, ne retourna pas dans la première salle, qu'il avait traversée à l'aveugle à son arrivée, mais passa dans la suivante, une salle tout aussi sombre où seules quelques petites lampes éclairaient les tableaux, et, là encore, des saints, avec la Vierge Marie ou le Christ, et toujours cette abondance d'or et de brillance qui émanait des tableaux, ils dégageaient tant de lumière que les petites lampes au-dessus d'eux semblaient superflues, il allait et venait, avec une certaine assurance compte tenu des circonstances, pas sait d'une salle à l'autre, observait les saints, les rois, et autres dignitaires, et au lieu de remercier le ciel de pouvoir flâner ici en toute quiétude, une tristesse s'empara de lui, en lieu et place de l'habituelle haine, il se sentit seul - depuis son arrivée il n'avait jamais ressenti cela, il contempla cette brillance, contempla tout cet or, et se mit à ressentir une vive douleur, qu'il ne comprenait pas : était-ce ce sentiment de solitude qui lui faisait mal, et l'avait saisi si brusquement, ou bien était-ce le fait d'errer au hasard comme un vagabond, tandis que dehors tout le monde se pr
Poèmes (1954)
Sortie : 24 juin 1954. Poésie
livre de Jean Sénac
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
MATIN SECRET DU PRINCE
« Ils étaient ligués contre toi
nombreux pour ce partage
dans leur jeu possédant le tonnerre et la cage
Silence disaient-ils
Sous la robe de soie
enfant tu distinguais la rugueuse présence
Toi le seul
Nous parlons du prince disaient les chevaliers infirmes
car il nous a dressés dans son héritage
afin que sa parole éclate
sur les remparts et sa colère
sous les porches
Et tous écoutaient ces voix de fard
Toi seul enfant tu devinais les frontières du monstre
tu semais des œillets
(refus mon beau refus)
dans un
désert de plâtre »
*
« Printemps épais printemps fragile
pentecôte de la raison
l’homme est arraché à son île
l'âme vacille dans les bourgeons
Chaque feuille arque la parole
et nous rend capables de ciel
le caprice mon abeille
refait sa ruche dans l'oreille
Même le rail ne se dérobe
à la malice des prairies
l'attentive noue sa robe
au rose-crâneur au vert-samedi
Paresse faille d'abondance
printemps juste comme un désir
l'enfant titube d'impatience
ses doigts secrets provoquent l'avenir
O prince captif du deuil
cueille le trèfle sous tes pieds
à ce nid qui nous accueille
nous connaissons la vérité. »
Les féministes t'encouragent à quitter ton mari, tuer tes enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir (2025)
Sortie : 10 janvier 2025. Essai, LGBTQ+, Poésie
livre de Alex Tamécylia
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Nullipare épanouie : ta vie si vide ta féminité inaccomplie, compense l’aigreur par d’infinies soirées sans dernier métro et de longues nuits d’un trait de somme. Et des crêpes d’amantes tartinées à toute heure cela dans le plus grand calme d’éternelles matinées ensommeillées, silence saupoudré à volonté. Tu dois supporter des conversations avec tes amix sans coupure de parole, des lectures ininterrompues les dimanches de pluie, des échappées hors ponts du mois de mai – toujours dans le wagon haut du TGV. Tu dois dépenser l’équivalent d’une tonne de couches en loisirs variés. Tu as le temps d’apprendre et d’écrire. Tu as le temps pour t’inspirer discuter militer penser te divertir. Pour le sexe et l’amour parfois. Sans ennui pleine de joies vilaine égoïste c’est terrible terriblement épanouissant.
Qui héritera de tes dettes
Quel héritage vas-tu laisser
à quelles personnes »
*
« bonne continuation Bonjour, j’espère que tu vas bien :) Comme convenu tu trouveras en PJ les nouvelles recommandations féministes pour un monde meilleur n’hésite pas à partager tes retours et pistes d’amélioration dès que possible afin que je lance l’axe de la machine à développement à la fin de l’appel, je reste sans interventions avant la fin de l’appel, je reste à ton écoute à ta disposition à ta merci merci pour ton partage tu peux t’exprimer librement tes émotions sont légitimes c’est bien noté on a un sujet je t’invite à ne pas blesser tes alliés à canaliser ta colère merci d’avance arrête de répéter que tu es désolée affirme-toi forte en tout lieu du strapontin dans le métro à la signature de tes mails communique sans violence stp dans la bienveillance l’usage des emojis est un vrai plus emoji sourire Te souhaitant une excellente journée, belle fin d’hiver de semaine d’année de goûter de vie, joyeuse rupture conventionnelle, prends soin de bien à toi ainsi que tes proches En vous remerciant câlins bisous et BONNE CONTINUATION. »
Le Corps (1982)
The Body
Sortie : 1986 (France). Nouvelle
livre de Stephen King / Richard Bachman
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Ce qu’il y a de plus important, c’est le plus difficile à dire. Des choses dont on finit par avoir honte, parce que les mots ne leur rendent pas justice – les mots rapetissent des pensées qui semblaient sans limites, et elles ne sont qu’à hauteur d’homme quand on finit par les exprimer. Mais c’est plus encore, n’est-ce pas ? Ce qu’il y a de plus important se trouve trop près du plus secret de notre cœur et indique ce trésor enfoui à nos ennemis, ceux qui n’aimeraient rien tant que de le dérober. On peut en venir à révéler ce qui vous coûte le plus à dire et voir seulement les gens vous regarder d’un drôle d’air, sans comprendre ce que vous avez dit ou pourquoi vous y attachez tant d’importance que vous avez failli pleurer en le disant. C’est ce qu’il y a de pire, je trouve. Quand le secret reste prisonnier en soi non pas faute de pouvoir l’exprimer mais faute d’une oreille qui vous entende.
J’allais sur mes treize ans quand j’ai vu un mort pour la première fois. »
*
« Aujourd’hui elle me fait l’effet d’une imitation terriblement scolaire ; le style pris à Hemingway (sauf que tout est au présent, je ne sais pour quel foutu snobisme), le thème à Faulkner. Est-il possible d’être aussi sérieux ? Littéraire ? »
*
« "C’est vraiment un bon moment", a tout simplement dit Vern, et il ne parlait pas seulement d’être entré en fraude dans la décharge, d’avoir embrouillé nos parents ou suivi les rails au plus profond de la forêt ; il parlait de tout ça mais il me semble maintenant qu’il s’agissait d’autre chose, et que nous le savions tous. Tout était là, autour de nous. Nous savions exactement qui nous étions et où nous allions. C’était génial. »
Différentes Saisons (1982)
Different Seasons
Sortie : 5 juin 1986 (France). Recueil de nouvelles
livre de Stephen King / Richard Bachman
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Il a tiré sur sa pipe mais elle s’était éteinte à nouveau. Je me rendais vaguement compte que Stevens était derrière moi, et je savais qu’il devait avoir préparé nos manteaux. Bientôt il nous faudrait les enfiler… et nos vies par la même occasion. Comme l’avait dit McCarron, les histoires étaient finies pour cette année. »
*
« C’était le matin qu’il se sentait le plus vulnérable, quand la barrière entre ce qu’il était et ce qu’il pourrait être était la plus mince. C’était pire après une nuit de mauvais rêves, mais même sans un seul rêve, c’était dur. Un matin, il s’était rendu compte, saisi par la terreur, qu’il pensait sérieusement à tendre le bras par-dessus la serviette de son père pour prendre le volant et les précipiter dans les deux voies express, semant la mort et la destruction parmi les banlieusards. »
*
« Et il est parti en flânant, comme un homme libre venant de faire une proposition à un de ses semblables. Pendant quelques instants cela suffit pour que moi aussi je me sente libre. Voilà ce dont il était capable. Andy pouvait me faire oublier un moment que nous étions tous les deux condamnés à perpète, à la merci d’une commission de faux culs et d’un directeur bigot qui voulait voir Andy rester là où il était. Un caniche capable de remplir des déclarations d’impôts ! Quel animal merveilleux ! »
*
« Morris avait le sentiment qu’il savait peut-être, en fait, où il avait connu Denker, mais que ce savoir ressemblait au fils du vieux couple dans le conte – revenu de parmi les morts, mais pas comme sa mère l’imaginait : horriblement mutilé, déchiqueté par la machinerie où il était tombé. Il savait que son rapport avec Denker pouvait être une créature de l’inconscient, frappant sur la porte séparant cette part de son esprit d’une compréhension rationnelle qui exigeait d’être admise… et qu’une autre partie de lui cherchait frénétiquement la patte de singe – ou son équivalent psychologique –, le talisman qui ferait disparaître à jamais ce savoir. »
Poésies (1929)
Sortie : 1929 (France). Poésie
livre de Paul Valéry
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Automne, transparence ! ô solitude accrue
De tristesse et de liberté !
Toute chose m’est claire à peine disparue ;
Ce qui n’est plus se fait clarté.
Tandis que je m’attache à mon regard de pierre
Dans le fixe et le dur « Pourquoi ? »,
Un noir frémissement, l’ombre d’une paupière
Palpite entre moi-même et moi…
Ô quelle éternité d’absence spontanée
Vient tout à coup de s’abréger ?…
Une feuille qui tombe a divisé l’année
De son événement léger.
Vers moi, restes ardents, feuilles faibles et sèches,
Roulez votre frêle rumeur,
Et toi, pâle Soleil, de tes dernières flèches,
Perce-moi ce temps qui se meurt…
Oui, je m’éveille enfin, saisi d’un vent d’automne
Qui soulève un vol rouge et triste ;
Tant de pourpre panique aux trombes d’or m’étonne
Que je m’irrite et que j’existe ! »
*
« Ces jours qui semblent vides
Et perdus pour l’univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts
La substance chevelue
Par les ténèbres élues
Ne peut s’arrêter jamais,
Jusqu’aux entrailles du monde,
De poursuivre l’eau profonde
Que demandent les sommets.
Patience, patience,
Patience dans l’azur !
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr !
Viendra l’heureuse surprise :
Une colombe, la brise,
L’ébranlement le plus doux
Une femme qui s’appuie,
Feront tomber cette pluie
Où l’on se jette à genoux ! »
Cosmogonies (2020)
La Préhistoire des mythes
Sortie : 1 octobre 2020. Essai, Culture & société
livre de Julien d'Huy
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« Il anticipe les objections, tient compte des incertitudes, remet sans cesse en chantier son ouvrage, et se tient donc loin de toute position scientiste. Il fait varier les approches, et confronte ses résultats à ceux d’autres disciplines : linguistique historique, préhistoire, génétique des populations. Lorsque ces résultats concordent entre eux, leur validité en est naturellement renforcée, de sorte que les conclusions atteignent un très haut niveau de vraisemblance, sans pour autant échapper à toute critique. » (Le Quellec)
*
« Ces observations conduisent à une perception radicalement nouvelle de l’arbre obtenu plus haut, la proximité topologique de deux versions se révélant être fonction de leur proximité généalogique. Né à un moment donné et dans un lieu précis, le mythe traverserait les corps, passant de génération en génération, se divisant en écotypes, puis en versions, perdant certains traits, en gagnant d’autres, dans une évolution permanente et continue, sans qu’on puisse en prédire l’aboutissement. L’histoire d’un mythe ne peut être tracée qu’a posteriori.
Les mythes évolueraient-ils donc comme des êtres vivants ? L’idée est audacieuse mais elle n’est guère nouvelle. »
*
« À l’instar des dérives romantiques de l’archéologie et de certains scénarios de l’anthropogenèse dont les conceptions doivent plus à une histoire conjecturale s’enracinant dans des traditions religieuses ou des croyances séculaires qu’aux découvertes paléoanthropologiques supposées les étayer, la mythologie comparée a parfois abouti à fabriquer ou à répéter des mythes à partir de leur matière même, quand elle ne tirait pas son inspiration des doctrines ésotériques ou politiques de son temps. L’analyse phylogénétique marque à cet égard une avancée décisive, en permettant un contrôle incomparablement plus rigoureux des données et une interprétation moins tributaire de l’imagination fertile de l’analyste et de ses propres inclinations fabulatrices. Pour tenir les promesses de cette approche, il est toutefois indispensable d’en respecter les quatre étapes, que l’on peut résumer comme il suit. »
Blanche Meyer et Jean Giono (2007)
Sortie : 3 mai 2007. Autobiographie & mémoires
livre de Annick Stevenson
Nushku a mis 4/10.
Annotation :
« Si je me pose la question de savoir si Giono était conscient ou inconscient de ses mensonges, je n'ai pas de réponse précise. Je pencherais pour l'inconscience mais cette pensée est fortement balancée par le fait que sur beaucoup d'autres plans, il avait une conscience aiguë et une connaissance profonde de son intérêt propre, là où le mensonge n'était pas admis. [...] Je me dis aussi que ce qu'on appelle son génie, son invention littéraire à sa cause même dans cette hypertrophie de son imagination, mais moi, je ne veux pas m'obliger à subir, ni même à connaître cette partie de lui qui me fait du mal. Je refuse. Je m'éloigne."
*
« Et voilà Giono qui réapparaît, emporté par le déluge de ses habituels excès de langage, imaginant le pire, et lui envoie de "nouvelles lettres-tornades", enflées de jalousie contre le major qu'il abhorre sans le connaître. "En somme, il me reprochait un besoin vital d'appartement", proteste-t-elle simplement, faisant semblant d'ignorer la cause principale de ce courroux." Mais en quoi étais-je coupable ? Ne pouvait-il m'aider, plutôt que de me blâmer ? [...] Et bien entendu, Jean resta à mes côtés, comme il l'est si longtemps resté, malgré son mauvais caractère." »
*
{Ces notes seront découvertes en 2023, publiées en 24 :}
« Peu après, le 27 juillet 1939, Giono écrit dans son Journal qu'il a parcouru "environ cent soixante-dix kilomètres à pied à travers la haute Drôme", visitant tour à tour Sahune, Valdrôme, Le Cheylard, Nyons - toute la région d'origine de Blanche Meyer. "Ai écrit au jour le jour les notes de ces étapes", ajoute-t-il. Notes que l'on ne trouvera toutefois dans aucune publication. Ce même jour, il cesse d'écrire son Journal, pour ne le reprendre qu'en 1943. "C'est entre ces deux dates,fait remarquer Jolaine, que se situe la plus importante partie de la grande correspondance. »
Chagall, Modigliani, Soutine... Paris pour école (2020)
1905-1940
Sortie : 16 septembre 2020 (France). Beau livre & artbook, Histoire, Peinture & sculpture
livre de Pascale Samuel et Juliette Braillon
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Au début du XXᵉ siècle, c’est à Montmartre que se rassemble le premier groupe cosmopolite d’artistes et que naît le cubisme au Bateau-Lavoir, dans les ateliers de Georges Braque et Pablo Picasso.
Ce modèle d’amitiés solidaires autant que réseau professionnel se déplacera à Montparnasse. On y retrouvera des académies, des cités d’artistes, des associations et des cafés où s’organiseront banquets, bals et expositions, mais à une échelle décuplée.
En 1914, Guillaume Apollinaire écrit : « Montparnasse d’ores et déjà remplace Montmartre. » Les artistes quittent la Butte pour la rive gauche, où ils dénichent des ateliers à moindre coût. Montparnasse devient le point de ralliement de créateurs venus de tous horizons. Comme Picasso, qui est passé du Bateau-Lavoir au boulevard Raspail puis à la rue Victor-Schoelcher, Amedeo Modigliani, issu d’une famille juive de Livourne et installé rue Caulaincourt en 1906, délaisse Montmartre pour Montparnasse. Cité Falguière, il se consacre d’abord à la sculpture, échangeant avec Constantin Brancusi, dont l’atelier est situé non loin, impasse Ronsin. Mais en 1914, l’artiste, affaibli, abandonne la sculpture et se remet à la peinture ; le portrait occupe alors la majeure partie d’une œuvre peuplée de ses amis Henri Epstein, Jacques Lipchitz, Chana Orloff, Moïse Kisling... Ce dernier, arrivé en 1910 après une formation à l’Académie des beaux-arts de Cracovie, connaît le succès dans les années 1920. Lieu de sociabilité exceptionnel, son atelier attire le cénacle artistique de l’époque : Jean Cocteau, Max Jacob, Juan Gris, André Derain... »
Déplier le monde (2025)
Sortie : 1 septembre 2025. Essai, Culture & société
livre de Pierre Bergounioux
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« On a qualifié, longtemps, de pittoresques, les paysages devant lesquels la main de l'homme est retombée, hautes montagnes, sombres futaies, côte sauvage sur laquelle brise, continuellement, une mer démontée. A l'opposé, ce sont les intérieurs raffinés, rincés d'eau claire qu'ont peints les artistes hollandais lorsque l'Europe occidentale amorce le grand mouvement d'expansion qui introduit, dans la vie ordinaire, bois précieux et soieries, épices, abondance et volupté. Le genre connaîtra une fortune éclatante avec le XIXe siècle finissant, l'opulence des demeures bourgeoises aux murs tendus d'étoffes imprimées, encombrées de mobilier de prix, agrémentées de tableaux, de pianos, de bibelots, d'ors et de cristaux. »
*
« Avec l’exactitude sensible qui n’est que de lui, l’art fixe l’esprit de l’époque dont il témoignera, seul, lorsque le temps aura passé, emporté les traces et jusqu’au souvenir. A quel moment pareil souci traverse-t-il l’esprit des virtuoses occupés à donner forme au goût de la vie, à la préoccupation, à l’espérance qui les hantent, c’est ce qu’ils n’ont pas dit explicitement. Mais leurs gestes le proclament, la décision de peindre la faune édénique de l’âge de pierre aux parois des grottes souterraines de Lascaux, le choix des plus tenaces matières qui soient, le marbre, le bronze, pour figurer les héros, les dieux, plus tard l’abri des églises et des palais, des salons de la bourgeoisie du négoce et de la finance. »
*
« Une dernière chose, dont la friche industrielle témoigne brutalement, mieux que de longs discours : c'est l'antinomie des deux esprits aux prises. Celui de l'homme est amoureux des lignes pures, de la géométrie, du repère cartésien, de l'économie, de la raison. Celui, si toutefois le mot convient, de la nature est prodigue, anarchique, opportuniste, cynique, invasif, confus, bref, sans pensée ni sentiment. Dépassant les parallélépipèdes rectangles d'une bâtisse en ciment, les longs cylindres de canalisations suspendues, les têtes hirsutes, insolentes des arbres obstinés à pousser, pointent. Ils vont l'emporter, nous vaincre et nous le savons mais, comme déjà le notait Pascal, ils n'en savent rien. »
Goya de père en fille (2025)
Sortie : août 2025. Autobiographie & mémoires, Peinture & sculpture
livre de Léonor de Recondo
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Cachées aux regards, les gravures de Goya créent un espace en lui. Un lieu secret où il est le seul maître de sa création. Point de commandes, de condition courtisane, qui l'obligeraient à tordre sa pensée pour satisfaire au goût du jour et à la bienséance. Dans son geste de libération solitaire, il défait nos propres chaînes, son geste devient aussi le nôtre. La puissance de son art et la pugnacité qu'il lui a fallu pour terminer ces 82 gravures font voler en éclats nos temporalités distinctes. Nous sommes, ensemble, avec lui. »
*
« 1936, 2023, presque un siècle.
Les vivants, les fantômes, la frontière s'estompent. Les décennies se dissipent. Je deviens eux. Cette histoire faite de souffrances, mais aussi des souvenirs d'un pays aimé, m'est transmise et j'en aurai la preuve officielle. Une carte d'identité. Je porte l'histoire familiale comme Ana Non et son pain, et cette carte l'attestera.
Quelque chose s'ouvre en moi. Je m'autorise à y croire, à faire partie de cette famille disparue. Le lien rompu est suturable grâce aux écritures (formulaire, actes officiels, etc.). L'histoire fait bien les choses, donnant finalement du sens au chaos, lui donnant une fin heureuse.
Jusqu'à la lecture de la page suivante.
Dans les documents exigés, puisqu'il en faut assez pour qu'ils fassent dossier, se trouve celui-ci : justificatif du statut d'exilé.
Or mon père n'entre là dans aucune case. En 1936, aucun papier n'est venu justifier ou certifier leur passage de la frontière. Je n'ai aucune preuve de leur statut d'exilés politiques. »
*
« Il y a beaucoup de livres d’art dans cette bibliothèque, des catalogues d’exposition, des monographies. Mes parents y trouvent matière à inspiration et à création.
Dans l’atelier, une grande pièce d un appartement de l’Est parisien, ma mère a sa table en hauteur sur une mezzanine, et mon père dessine en bas sur de grandes feuilles maintenues sur des panneaux de bois. Je suis installée devant une petite table que mon père m’a fabriquée. Je joue à dessiner, je gribouille. Je veux faire les mêmes gestes queux. L'un des murs est recouvert de livres : une cache à monstres, je suis persuadée d être la seule à le savoir. »
La Maison vide (2025)
Sortie : 28 août 2025. Récit, Autobiographie & mémoires
livre de Laurent Mauvignier
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« D’un bout à l’autre d’un siècle trop court, ils sont posés l’un en face de l’autre, se répondent, dialoguent par-dessus la béance que laisse Marguerite, fille de l’une et mère de l’autre. Moi, de mon côté de la rive du temps, j’aperçois tout ça comme le seul récit diffracté d’un monde dont la gloire a été – par la mort de Jules – le signe avant-coureur de la catastrophe familiale qui a nourri le récit qu’aujourd’hui quelque chose en moi cherche à comprendre, comme pour en reconstituer le puzzle – vieux cliché que l’image du puzzle, mais si limpide et évidente qu’elle s’impose avec une force telle que je me refuse à la révoquer, oui, l’image d’un puzzle dans une histoire du temps que j’ai cherché depuis ce matin à reconstituer en retrouvant le certificat de Légion d’honneur dressé en 1920 sur lequel on fait le panégyrique d’un Jules parmi les autres, mort dans la boue de la Grande Guerre avec ces majuscules tonitruantes comme une charge de cavalerie. »
*
« De toutes ces angoisses nocturnes qui lui avaient souvent pourri une vie déjà bien encombrée par le travail, ou même de ces grandes idées qui étaient des programmes, des projets de vie pour les siens et pour lui-même, je ne pourrai jamais dire avec certitude que Firmin les a eues ; ici, je ne fais que des suppositions, des spéculations – du roman – c’est ça, je ne fais que du roman –, mais je crois que si ce que j’écris ici est un monde que je découvre en partie en le rêvant, je ne l’invente pas tout à fait : je le reconstruis pièce à pièce, comme une machine d’un autre temps dont on découvre que le mécanisme a pourtant fonctionné un jour et qu’il suffit de le remonter pour qu’il puisse redémarrer. Ce monde, je pars de sa disparition pour le reconstituer, peut-être à l’aveugle, en prenant trop de libertés, mais avec la conviction que je le fais dans le bon sens, comme à partir d’un fémur fossilisé le squelette d’un animal préhistorique que personne n’a jamais vu. »
L'Herbier des fées (2011)
Sortie : 26 octobre 2011. Album, Beau livre & artbook, Jeunesse
livre de Sébastien Pérez et Benjamin Lacombe
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Moi, je sais maintenant que toutes nos connaissances passées, présentes et à venir ne sont rien au regard de ce que nous ne saurons jamais. »
« je me demande si, à tout hasard, quand on n'a pas de vie véritable, comme c'est actuellement mon cas, on ne la remplacerait pas tout de même un peu par quelques mirages. »
*
« J'ai été touché par leur regard lorsque je les ai approchés. Aujourd'hui, mes mains tremblaient tant que j'ai lâché le tube. A l'instant même où il s'est brisé au sol, tous mes spécimens se sont volatilisés de façon incompréhensible, y compris celui épinglé.
Faut-il briser une chose pour apprendre ce qu'elle est ? Ai-je quitté les chemins de la raison ? »
*
« {30 juin 1915}
Voici déjà près d'un mois que je parcours taillis et sous-bois, et chaque jour je m'y aventure plus profondément.
Près du tombeau des druides, en allant vers l'ouest, j'ai trouvé une Helleboria en pleine mutation, semblant passer de l'état de fleur à celui de fruit. La petite créature de la plante paraissait se débarbouiller, et se déshabillait peu à peu de sa chrysalide en se dissimulant derrière les feuillages. Peu craintive malgré ma présence, elle ondulait de tout son corps comme lors d'une danse. Puis elle a stoppé net. Machinalement, je lui ai adressé quelques mots de bienvenue, et ne sachant plus quoi dire je me suis tu. Elle a recommencé à ondoyer. Alors je lui ai tendu lentement la paume de ma main et elle s'y est glissée sans hésiter.
Elle est à peine de la taille d'une coccinelle. Magnifique. »
*
« A cette heure très chaude d'après déjeuner, j'ai choisi les berges fraîches de l'étang aux fées pour me reposer. Alors que je m'assoupissais en songeant sue le sommeil nous remet de bien des choses, j'ai senti virevolter autour de moi un parfum rafraîchissant, comme celui d'un œillet. De ce souffle léger sur mon visages, les yeux clos, j'ai savouré l'instant. Était-ce un rêve ? »
Destination Orion (2023)
Voyage à bord du télescope James Webb
Sortie : 30 août 2023. Essai, Sciences
livre de Olivier Berné
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Avec ces images spectaculaires, la NASA diffuse donc, consciemment ou pas, un message qui participe à une forme de domination culturelle occidentale. Ces clichés sont politiques, et toutes les agences spatiales (ESA, CNES, etc.) procèdent de la sorte. D'ailleurs, ce n'est pas non plus un hasard si le privilège de présenter la toute première image fournie par le JWST, dans la nuit du 11 au 12 juillet 2022, a été réservé au Président Joe Biden.
Quand nous avons demandé au STScI de collaborer sur la publication de nos images de la nébuleuse d'Orion, l'institut, qui comporte une équipe de communication de près de quarante personnes, nous a répondu favorablement, mais nous a indiqué vouloir contrôler la quasi-totalité de la production des images et du contenu textuel les accompagnant. En particulier la colorisation, étape cruciale qui donne corps à ces images, devait être réalisée par leurs graphistes, en respectant une certaine charte conférant aux images un style particulier et reconnaissable, la 'marque' JWST. Nous avons refusé cela, et choisi nous-mêmes l'histoire à raconter par la colorisation : un choix de couleurs vives, néon, rappelant un univers de science-fiction, inspiré par une culture "geek".
Quelques jours après la publication de nos images (par nos soins), la NASA a publié un communiqué indiquant que toutes les images du JWST ne sont pas publiées par la NASA et que, si les scientifiques restent libres de publier... »
Fragonard et le Roland Furieux (2003)
Sortie : 15 septembre 2003. Beau livre & artbook, Peinture & sculpture, Littérature & linguistique
livre de Marie-Anne Dupuy-Vachey
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Italo Calvino définit le Roland furieux comme le "Poème du mouvement". C'est bien ainsi que l'a ressenti et traduit Fragonard. Du début à la fin, une même énergie sous-tend chacune des pages. Les chevaux galopent, se cabrent ou volent. Les héros courent et bondissent d'épisode en épisode. Quelques détails viennent souligner la rapidité de l'action, suggérer le souffle du vent ou le trot du cheval: les panaches ébouriffés qui surmontent les casques, l'ondulation des capes, les extrémités flottantes des belles écharpes barrant la poitrine des chevaliers ou ceignant leur taille. Même lorsque le récit impose le repos aux acteurs, ceux-ci semblent toujours sur le point de repartir comme le laissent entendre leurs gestes décidés et la tension que trahit leur attitude.
Le parti de varier les points de vue, en présentant les personnages tantôt de face, tantôt de profil, mais aussi, à de nombreuses reprises, nous tournant quasiment le dos dans de savants et suggestifs raccourcis : tout concourt à faire de cette série un étourdissant festival d'images, servi par une technique virtuose. »
*
« En France, où la première traduction voit le jour en 1543, l'attrait de l'œuvre demeure sensible jusqu'au début du XIXe siècle, ainsi qu'en témoigne le célèbre Roger délivrant Angélique d'Ingres (1819). Mais, comme l'a démontré Alexandre Cioranescu, c'est aux alentours de 1780 que cet intérêt est le plus manifeste'. Deux traductions du Roland publiées à cette époque, toutes deux en prose, attestent plus particulièrement de ce regain de faveur.
Celle de Louis d'Ussieux (1775-1783) est assez fade, mais son édition est fort luxueuse, chaque chant étant accompagné par deux planches gravées. La moitié des illustrations est en fait reprise de l'édition du poème parue à Birmingham quelques années auparavant (1773), dans sa langue originale. Cipriani, Moreau le Jeune, Eisen, Greuze, Monnet sont les auteurs des dessins, et surtout Cochin à qui revient au total l'invention de cinquante-deux vignettes. Les graveurs ne sont pas moins réputés : Ponce, Bartolozzi, Delaunay, Choffard...
En 1780 paraît la traduction du comte de Tressan. Bien qu'assez fautive, pleine de simplifications et d'interversions dans la succession des épisodes, elle rencontra un grand succès qui entraînèrent de nombreuses réimpressions. Toujours à la même époque, des adaptations furent mises en scène au théâtre et à l'opéra. C'est notamment Marmontel qui écrivit le livret du Roland composé par Piccinni (1778). »
Les Enfants Tanner (1907)
Geschwister Tanner
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de Robert Walser
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« La campagne et la plaine commencèrent. Le brouillard se dissipa, des couleurs apparurent, des couleurs enchantées, enchanteresses, des couleurs du matin ! Un beau dimanche d’automne semblait s’annoncer. »
*
« Je visiterai tous les endroits que nous avons trouvés beaux ensemble et je les trouverai encore plus beaux ; un défaut, une perte rendent les choses plus belles. Il me manquera quelque chose à moi et au pays, mais ce manque ou ce défaut mettra des impressions encore plus fortes dans ma vie. Je ne suis pas de ceux qui éprouvent le manque comme un poids. Quelle idée ! Au contraire, c’est quelque chose qui libère, qui soulage. Et puis les places laissées vides sont faites pour être de nouveau remplies. »
*
« C’est merveilleux d’avoir travaillé le jour et, le soir, d’être agréablement fatigué et réconcilié avec tout. Sans soucis, à peine une pensée. De pouvoir se promener si facilement, avec le sentiment de n’avoir fait de mal à personne. Regarder autour de soi, si on plaît peut-être à quelqu’un. Sentir qu’on est maintenant un peu plus aimable et estimable que du temps où on escamotait les journées, où elles disparaissaient dans un abîme, partaient en fumée. Sentir beaucoup de choses en une seule soirée, qui est comme un cadeau. Éprouver le soir comme un cadeau. C’est réservé à ceux qui ont consacré la journée au travail. On donne et on reçoit. »
La Chasse royale (1953)
Sortie : 1953 (France). Roman
livre de Pierre Moinot
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« Le ciel blanchissait au-dessus de Philippe, pointillé d'une rosée d'étoiles. C'était le soir. Le monde entier l'avait oublié au sommet de cette montagne et basculait lentement sous ses yeux vers la nuit, emporté dans un rythme qui ne connaissait pas d'essoufflement. Philippe se sentait tournoyer dans un espace infini, étendu sur son nid de feuilles de hêtres, perdu sur cette étoile morte qu'une ivresse inconnue faisait tourbillonner dans un torrent d'univers. Au-dessus de lui, dans le ciel pâle, des mondes en fuite éclataient vers le vide et se poursuivaient. Ces grands mouvements l'entraînaient à leur suite avec une indifférence inhumaine, qui le remplit soudain d'humilité. Tout ce qu'il avait combattu autrefois et tout ce qu'il acceptait était sans importance; les jours et le cœur des hommes, l'agitation vaine des êtres qui se cherchaient ou se repoussaient n'entraient pas dans cet ordre dont il contemplait le déroulement.
Il se souvint brusquement de ce qu'il avait dit à Hélène après le dîner, lorsqu'elle était venue lui parler. Il n'avait pas pu le retrouver, bien qu'il y eût souvent pensé, et l'insensibilité des premières étoiles le lui rappelait maintenant autour de lui, aussi loin qu'il pût imaginer, tout ne continuait à vivre que par la violence, la cruauté et la mort. Il n'y avait rien d'autre sur le Herrenberg que des bêtes poussées par le danger, l'amour ou la faim, que des jappements de renards sur les traces d'une proie, que des martres aux dents pleines de sang. Et dans les vallées les yeux rouges des furets ou les souples bonds des fouines suivaient sans cesse quelque chair affolée. Et tout gémissait pour s'aimer ou se dévorer dans le silence des bois que coupaient le sifflement sournoisement plaintif des buses ou le jacassement des geais meurtriers, dans les marais où s'abattaient les sarcelles épuisées, les pluviers pêcheurs, les canards si vorace- ment amoureux qu'ils ne voyaient plus les fusils. Et sous l'eau calme, commençaient les luttes muettes et terribles des poissons. Il n'y avait pas de répit dans ce ruissellement de souffrance. L'orgueil des hommes n'y pouvait trouver, de temps en temps, que le bref salaire des vies épargnées. »
Terra Forma (2019)
Manuel de Cartographies Potentielles
Sortie : avril 2019.
livre de Alexandra Arènes, Axelle Gregoire et Frédérique Aït-Touati
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« C'est pourquoi nous proposons de visualiser le point de vie par un système d'enveloppes emboîtées ou le territoire est une succession de franchissements de seuils, depuis la peau, zone de contact, jusqu'à l'extension territoriale la plus éloignée. A la manière de Hooke, quand nous regardons à la loupe le point de vie, que nous le grossissons jusqu'à ce qu'un monde surgisse, nous ouvrons les multi-localités de celui-ci. Nous laissons entrer progressivement les externalités, qui définissent l'étendue de notre territoire depuis l'intérieur. En un mouvement symétrique à celui de la première carte, le monde est ici replié à l'intérieur de chaque entité percevante. Cette carte développe l'internalité du point de vie dans lequel sont inclus tous les territoires frontières qui nous constituent, et dont la première est la peau (que l'on soit homme, plante ou animal). »
« Comment habiter ce monde fait d'autres vies que les nôtres, cette Terre réactive ? Les cartes telles que nous les connaissons disent un rapport à l'espace vidé de ses vivants, un espace disponible, que l'on peut conquérir et coloniser. Il nous fallait donc pour commencer tenter de repeupler les cartes. Nous avons pour ce faire déplacé l'objet de la notation en tentant de dessiner non plus les sols sans les vivants, mais les vivants dans le sol, les vivants du sol, en tant qu'ils le constituent. Cette cartographie du vivant tente de noter les vivants et leurs traces, de générer des cartes à partir des corps plutôt qu'à partir des reliefs, frontières et limites d'un territoire. »
« C'est le point de vie qui terraforme les localités du globe, mais il ne le fait pas seul. Il est entouré d'autres points de vie. On pourrait interpréter l'hypothèse Gaïa en ce sens : elle ne signifie pas que la Terre est un être vivant, mais que l'écosystème Terre est tissé inextricablement des vivants ; qu'il n'y a pas de milieu physique, car le milieu pour un vivant ce sont les autres vivants, et le produit de leur activité métabolique passée et présente. Comment visualiser leurs interactions ? Que se passe-t-il dans l'intersection de leurs trajectoires ? C'est dans ces lignes enchevêtrées qu'il nous faut désormais plonger. »
Une drôle de peine (2025)
Sortie : 20 août 2025. Récit, Autobiographie & mémoires
livre de Justine Lévy
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
« Les jours suivants, je me sens moyen. C'est compliqué de vivre sans mère. De se lever sans mère. De s'endormir sans mère. De rire vraiment, de toute son âme, sans mère. Et quand, en plus, vous ne vous souvenez plus de tout, que les images s'effacent, que vous avez perdu le dernier rouge à lèvres, cassé la dernière broche, prêté et jamais revu le dernier bouquin annoté,c'est encore plus difficile. Mais ça l'est encore et encore plus quand les souvenirs viennent, se pressent, affluent, quand c'est une crue de souvenirs, quand maman n'est plus là mais qu'elle est là, tout le temps, presque trop, à tous les coins de rue. Elle ne me lâche plus. Je la croise sans cesse.[e suis bombardée, pulvérisée par sa présence.Ça m'énerve que Pablo ne la voie pas, là, attablée dans ce café où elle boit, à petites gorgées,un chai épicé comme elle a toujours aimé... Et qu'est-ce qu'elle fabrique, maintenant, en scooter, sans casque, pétaradant dans une ruelle ? Et pourquoi les gens ne se retournent pas sur elle,ne se dévissent pas le cou, comme ils le faisaient dans le vrai Calcutta et la vraie vie ? Et là, cette petite fille aux doigts pleins de bagues, n'est-ce pas à maman qu'elle tend la main ? On ne dirait pas qu'elle singe maman, la vendeuse d'épices qui lance une œillade à Pablo ? »
*
« Je ne veux jamais que papa sache quand je ne vais pas bien. Je ne veux pas qu'il sache pour cette absence étouffante et gigantesque de maman qui n'en finit plus d'être morte. Je ne veux pas qu'il sente mes gestes engourdis, mes pensées minimales, ma vie au ralenti, vivre le moins possible pour avoir le moins mal possible,ne pas se réconcilier avec le monde, chagrin et colère, rêves lourds, fantôme de maman partout,sentiment de vivre pour rien, ou pour deux, et d'y arriver encore moins. Je ne veux pas lui dire non plus la vie de maman nouée à la mienne,vivre à sa place, vieillir à sa place, est-ce elle qui m'étrangle, corde au cou lancée depuis le ciel ?ou moi qui ai, au lasso, pris une étoile et la tire avec moi partout ? »
Enfers et Paradis (2004)
L'Italie de Dante et de Giotto
Sortie : 2004 (France). Essai, Histoire, Culture & société
livre de Elisabeth Crouzet-Pavan
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
« La vie est là, décrite, restituée dans ses détails. Et cette représentation oblige à nuancer les périodisations ordinaires des histoires de l’art, celles pour lesquelles l'observation de la nature, l'étude du monde extérieur ne sont pas, dans la peinture italienne, à l’ordre du jour avant la fin du XIVe siècle. Les vignes sont celles de la campagne siennoise. Les ânes portent des balles de laines que marque le signe du marchand. La route est dallée selon les normes des magistrats commis à la voirie. Quoique couverts de fruits, les arbres ne sont pas simplement allégoriques. Mais à ce paysage, trop beau, trop riche, il revient de diffuser des messages. […] Pour exprimer l'abondance, toutes les phases des travaux des champs sont donc associées dans la figuration, du labour à la moisson, comme si les temps du renouveau, du croît et de la récolte, devenus continuum, avaient réussi à infiniment être et revenir. Pour traduire la prospérité accordée à ceux qui travaillent en paix, sous le gouvernement des Neuf, les fruits du printemps et de l'été sont représentés ensemble” comme si, là encore, le printemps régnait en même temps que l'été, comme si l’hiver était aboli, infligé seulement au Mauvais gouvernement, lié à la guerre, aux vices, à la tyrannie. Grâce à l'observation soigneuse du milieu, l’allégorie prend vie et un avertissement politique, clairement didactique, est mis en images. »
*
« La ville ne présente plus l’aspect désolé qui était le sien deux siècles plus tôt : ruines et décombres, friches, jardins, clos de vignes, emblavures mêmes à l'assaut de ce qui avait été un espace urbain. L'agglomération était polynucléaire : habitat discontinu, cellules de vie séparées par les terrains vagues, groupes de maisons, souvent fixés près des anciens aqueducs, encerclés par les oliviers et les herbes. Le paysage urbain dès le x1° siècle se métamorphose : développement du Borgo sur la rive droite du Tibre, de Saint-Pierre jusqu’au château et au pont Saint-Ange, croissance des densités, vers l’ouest, dans l’anse du Tibre, résurrection enfin de la zone du Capitole qui tend à devenir un second pôle urbain. »
L'Empereur-Dieu de Dune (1981)
Le Cycle de Dune, tome 4
God Emperor of Dune
Sortie : 1982 (France). Roman, Science-fiction
livre de Frank Herbert
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
« Certains voudraient faire croire que je n’ai pas de conscience. Ils se trompent eux-mêmes autant qu’ils trompent les autres. Je suis la seule conscience qui ait jamais existé. De même que le vin retient le parfum du tonneau, je conserve l’essence de ma très ancienne genèse et c’est là le germe de toute conscience. Par là même, je suis sacré. Je suis Dieu parce que je suis le seul à connaître vraiment mon hérédité ! »
*
« Du fatras de souvenirs où je peux puiser à loisir, des configurations émergent. Elles sont comme un langage différent que je sais déchiffrer sans peine. Les signaux d’alarme sociaux qui font verser les peuples dans des postures d’attaque ou de défense sont pour moi comme des mots hurlés. En tant que groupe, vous réagissez contre les menaces qui mettent en danger l’innocence et la jeunesse sans protection. Des bruits inexpliqués, des odeurs, des visions, vous font dresser sur des ergots dont vous aviez oublié l’existence. Alarmés, vous vous raccrochez à votre idiome natal, parce que toutes les autres configurations de sons vous paraissent étranges. Vous exigez d’être vêtus de manière acceptable parce qu’un costume étranger vous paraît une menace. Nous sommes là en présence de ce qu’on appelle une rétroaction de système, au niveau le plus primitif. C’est la mémoire de vos cellules.»
*
« — Un appareil ixien ? Vous défiez le Jihad !
— Il y a là une leçon également. A quoi servent de telles machines, en réalité ? A accroître le nombre de choses que nous pouvons faire sans y penser. Voilà le vrai danger... les choses que nous faisons sans y penser. »
*
« — Pourquoi insistes-tu pour découper le continuum en tranches ? demanda Leto. Quand tu vois la totalité du spectre, y a-t-il une couleur qui domine les autres ? »
Méridien de sang (1985)
Blood Meridian
Sortie : 14 avril 1988 (France). Roman
livre de Cormac McCarthy
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« Ils continuèrent et le soleil à l’orient lança de pâles bandes de lumière puis comme du sang suintant par vagues soudaines un jet de couleur plus épais s’épanouissant en nappe et là où la terre était aspirée dans le ciel à la limite de la création la cime du soleil sortit du néant comme la tête d’un grand phallus rouge jusqu’à ce qu’il eût franchi le bord caché pour se poster derrière eux, trapu et maléfique et palpitant. Les ombres des plus petites pierres étaient comme des lignes griffonnées sur le sable et les formes des hommes et de leurs chevaux s’allongeaient devant eux comme les filins de la nuit d’où ils étaient venus, comme des tentacules pour les enchaîner à l’obscurité encore à venir. Ils allaient tête basse sur leurs montures, sans visage sous leurs chapeaux, comme une armée marchant dans son sommeil. Avant midi un autre homme était mort et ils l’emportèrent du chariot où il avait souillé les sacs parmi lesquels il gisait et ils l’inhumèrent à son tour et repartirent. »
« Il se leva et se tourna vers les lueurs de la ville. Les flaques laissées par la marée étincelantes comme des poches de fusion parmi les sombres rochers où grimpaient des crabes phosphorescents. En traversant les salicornes il se retourna. Le cheval n’avait pas bougé. Les feux d’un navire clignotaient dans la houle. Le poulain se pressait contre le cheval avec la tête penchée et le cheval regardait au loin, là-bas où s’arrête le savoir de l’homme, où les étoiles se noient, où les baleines emportent leur âme immense à travers la mer sombre et sans faille. »
*
« Tout autour d’elle les morts gisaient avec leurs crânes pelés pareils à d’humides polypes bleuis ou à des melons luminescents en train de refroidir sur quelque plateau lunaire. Dans les jours à venir les fragiles rébus noirs du sang dans les sables allaient se lézarder et s’effriter et se disperser de sorte qu’après quelques révolutions du soleil toute trace de la destruction de ces gens serait effacée. Le vent salé du désert rongerait leurs ruines et il n’y aurait rien, ni fantôme ni scribe, pour dire au voyageur sur son passage que des humains avaient vécu ici et comment ils y étaient morts.»
La Traduction du monde (2022)
Essais littéraires
La Traducción del mundo: las conferencias Weidenfeld 2022
Sortie : 14 février 2025 (France). Essai, Littérature & linguistique
livre de Juan Gabriel Vásquez
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
« Mais la notion de littérature usuelle dérange de nombreuses personnes. Pleines de bonnes intentions, elles pensent que défendre l'inutilité des arts permet de préserver l'autonomie de ces derniers, les protège de l'instrumentalisation grossière qui les a toujours oppressés. Pourtant, nous autres lecteurs (ou du moins certains d'entre nous) savons que la vérité est différente. Nous nous immergeons dans les romans parce que nous y découvrons ce que nous ne trouvons nulle part ailleurs : informations, connaissances, révélations, et qu'ils relèvent d'un ordre humain éloigné des faits tangibles et vérifiables. »
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« Ces œuvres obéissent à la même stratégie : un homme qui est invariablement le narrateur enquête sur le mystère - les secrets et les cachotteries - de la vie d'un autre individu. Et ce qu'il découvre le transforme inévitablement, car découvrit ce que dissimule quelqu'un d'autre, c'est apprendre les secrets de son propre pays, de son histoire collective.
Les romans que Ford désigne comme étant 'impressionnistes' sont également reliés par le fait qu'ils ont pour sujet la vie d'autrui qu'ils découvrent ou révèlent, ainsi que l'effet produit par ces découvertes sur celui qui les fait. »
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« Nous pourrions donc dire qu'il existe au niveau supérieur un récit dont le narrateur est un ensemble de forces sociales ou politiques qui sont rationnelles ou se présentent comme telles ; et un autre récit, au niveau inférieur, composé de forces plus rétives à l'analyse, tantôt irrationnelles, tantôt simplement incompréhensibles selon les méthodes employées par la raison. Dans ces récits agissent ou filtrent les mécontentements, les frustrations, les insatisfactions, les pulsions cachées d'une collectivité, ses démons et ses fantômes. Les fictions émanant d'une société sont souvent une tentative visant à éclairer ces espaces, d'autant plus quand aucun autre récit - ni journalistique ni historiographique - ne semble posséder le langage adéquat pour les décrire.
La fiction peut-elle être le terrain ou une société questionne le récit que cherchent à lui imposer ses leaders sociaux ou politiques, ou encore - pour reprendre une expression souvent utilisée par Berlin - ses hommes d'action ? Je crois que cette interrogation est valide. Le récit supérieur s'établit sur des certitudes ; la littérature lui oppose un lieu constitué de nos incertitudes, de nos doutes, de nos ambiguïtés. »