Cinéma et nouveautés streaming : classement 2022 par Ether

Annotation :

Film austère sur la déliquescence du couple qui évite tout classicisme grâce à un montage précipitant le spectateur à chaque séquence in media res. "The Souvenir" est un produit typiquement anglais, on sent la digestion du roman d'Austen et de Woolf dans son prolongement, avec son héroïne blafarde et timide. C'est austère, par moments, et pas forcément évident aujourd'hui ; le film ne dit pas quoi et comment penser, il se contente de montrer une situation d'impuissance commune, entre l'homme qui manipule tout en étant minable, et la femme qui laisse faire, par amour, dans une veine universelle et déjà traitée des tas de fois par le passé (l'exemple récent le plus emblématique, peut-être, est Phantom Thread).
Il faut voir à quel point la situation de vie bourgeoise empêche toute réflexion dans ce marasme, on prend les choses comme elles viennent, avec bonhommie, on ne cherche pas à les régler, on attend qu'elles passent sans s'en émouvoir, ce que le film illustre très bien, avec la dose de recul nécessaire.

Annotation :

Probablement un des films les plus forts de l'année, le genre parti pour rester dans les mémoires cinématographiques. Eo est court, à contre-courant des productions made in festivals de cinéma (1h29) et possède une mise en scène riche d'éléments faisant appel aux sens, aux émotions, mais aussi à la mécanique, à la science-fiction, c'est rempli de bouts qui ne se marchent pas dessus et qui ne font pas trop tout en créant un ensemble cohérent destiné à célébrer l'animal via un anthropomorphisme assumé. Un paradoxe grâce auquel on croit comprendre l'âne, qui à chaque fois réussit à nous surprendre avec ses actions. Après tout, on dit bien qu'un âne est têtu... Les images aux drones sont fascinantes, d'autant plus que le rouge n'est pas vraiment une couleur à la mode. Il manque des films qui mettent en avant les animaux sans l'emphase de Disney, qui proposent autre chose, un regard, une singularité, c'est ce manque que EO vient combler, le prix du jury c'était le minimum qui pouvait lui être donné à Cannes.

Annotation :

Très tranche de vie comme film, Licorice Pizza est encore une occasion pour PTA de montrer à quel point il est doué, sans l'ombre d'un doute. Malgré un sujet pas aussi évident qu'il en a l'air en 2022 (certains ont tapé dessus à cause de la différence d'âge entre les protagonistes), le film l'affronte à bras-le-corps pour en faire sa thématique principale : comment se lancer dans une relation dans un contexte pareil ? Au lieu d'amasser les saynètes indigentes, PTA montre les années 70 aux US avec tout ce qu'elles recelaient d'inventivité, sans jamais éluder la part de projection qu'il y a là-dedans, totalement assumée depuis les cinquante années plus tard où nous nous situons. Grâce à ces situations cocasses, personnages principaux comme secondaires vivent pleinement dans le film sans s'écraser les uns les autres, malgré des acteurs plus connus dans la seconde catégorie. La photographie est magnifique.

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A mon grand étonnement, j'ai préféré la version de Reeves au tritptyque de Nolan, peut-être parce que Pattinson me semble plus appréciable que Bale et sa version golden boy. "The Batman" n'a rien de transcendant, mais il réussit malgré tout à proposer un blockbuster différent de ce qui se fait actuellement, sans lésiner sur la qualité. Depuis Suicide Squad, c'est sûrement ce qui s'est fait de mieux, grâce à une vision artistique qui emprunte à des réalisateurs comme Fincher (le film est très Seven), Hitchcock (Fenêtre sur Cour), sans pastiche, et dans une tendance globale marquée fin années 90 / début 2000, qui coïncide avec la temporalité de la mort des époux Wayne. C'est la tendance actuelle, partout chez les jeunes, la mode, les réseaux sociaux, et sans calcul évident, le film s'inscrit dans cette imagerie fantasmagorique.
Trois heures, c'est long, mais ça passe tout seul si on n'adhère pas à un certain type de film tout en actions constantes. Il y a une dans ce Batman une monotonie inévitable, qui a provoqué chez quelques spectateurs un rejet compréhensible, même si c'est ce qui fait la force du film.

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Excellent film injustement compris, bouffonade volontaire qu'on a malheureusement vendu comme thriller érotique, alors qu'il n'est ni un thriller, ni un film érotique. Le public visé, un peu trop premier degré a a priori mal digéré l'humour qui sous-tend "Eaux Profondes" pendant toute sa durée.
C'est l'histoire d'une femme qui ne "vaut rien" seule, n'a pas de boulot, pas d'argent, et qui a des rapports sexuels avec d'autres hommes alors que son mari n'est pas si consentant qu'il en a l'air. Elle ne va pas bien, ça se voit, tandis que lui en toute impunité tue un à un ses amants. Malgré les personnages tordus, les répliques font souvent mouche, on rigole pas mal, y compris dans les scènes les plus excentriques. C'est fait pour, dommage que le film ait été autant plombé par un marketing raté, il suffit de voir la moyenne sur Sens Critique pour se rendre compte d'à quel point il a été injustement considéré.

Annotation :

J'ai légèrement moins apprécié le second que le premier, contrairement à beaucoup de gens, mais ce film n'en reste pas moins de très bonne qualité. Les références au cinéma sont multiples, c'est très intello (pas sûre qu'il s'adresse à un large public), et le dépassement de la douleur ou de la dépression par la création, qui est une thématique usée jusqu'à la corde s'avère ici bourrée de justesse. Le duo Swinton mère et fille tient le coup, et c'est toute une façon de faire du cinéma qui est creusée dans le moindre petit détail qui s'opère sous les yeux du spectateur. La mise en abîme est totale, sans contrebalancement superficiel avec une autre histoire d'amour, ou un développement privé qui n'aurait intéressé personne.
C'est à ça qu'on voit bien que le film est écrit par une femme.

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Avis aux amoureux des histoires de fous, d'idiots et de clochards célestes, "la légende du roi crabe" est faite pour vous. Superbement incarné par Gabriele Silli, artiste plasticien dont c'est le premier rôle au cinéma, Luciano oscille entre le je-m'en-foutisme d'ivrogne et la révolte intérieure contre le despotisme absurde qui règne dans sa contrée. Séparé en deux parties, le récit passe de l'Italie bucolique à la sauvagerie des paysages argentins, hostiles à toute vie humaine. Photo admirable, durée correcte, un des meilleurs films italiens sorti ces dernières années.

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Soi-disant le cinéma français c'est nul, et il y a quand même des types qui sortent des films sur la politique qui sont bien écrits et crédibles. Le duo Kateb Huppert fonctionne parfaitement bien, tout le film repose sur une idée, à savoir que même en politique, on croit qu'on fait un plan, honnête ou pas, et jamais, jamais on obtient ce qu'on voulait, ça se ramasse toujours sur le côté. Malgré tout, on réessaie, comme si la première et les fois suivantes on n'avait toujours pas compris le message.
On n'a aucun mal à concevoir que ce genre de personne existe, et qu'au fond, la politique, c'est un mélange très humain de calcul et d'envie de faire quelque chose de propre, parfois aussi.
On notera également la difficulté extrême de faire avancer des projets, et c'est bien aussi de le montrer, parce que ça va à l'encontre des promesses délirantes de certains auxquels il y a toujours des idiots pour y croire.

Annotation :

Excellent film sur le divorce, qui ose le mélo à fond, et qui surtout raconte les problèmes de la France vis-à-vis de l'enfance : une gosse dont le foyer se casse la figure ne trouvera de refuge nulle part ailleurs, elle sera complètement démuni, et tout le monde la refoulera par manque d'empathie. On imagine sans peine la réalité de ce qui est montré, effroyable, rien ne semble tirer par les cheveux ou complètement fantasmé. La lâcheté se situe dans tout l'environnement de Solange à des degrés plus ou moins édifiants, entraînant une succession de claques qui vont la faire sombrer on ne sait où, parce qu'on finit par se demander où toute cette horreur va s'arrêter.
Le film est passé relativement inaperçu, il mérite mieux (hormis les Cahiers qui l'ont mis en film du mois)