Deep State of Mind

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Début des années 60, l'ère de la deuxième Red Scare, marquée par le Maccarthysme et la course au nucléaire, prend fin. En 63, après la quasi-apocalypse de la crise des missiles de Cuba, la détente s'impose. Sorti en 62, le film de Frankenheimer annonce cette nouvelle ère de la guerre froide et illustre en quelque sorte le passé et l'avenir des relations est-ouest.

Son scénario, tout paranoïaque qu'il soit, est basé sur des faits très réels. En pleine guerre de Corée, des soldats US faits prisonniers apparaissent à la télévision soviétique pour dénoncer les crimes de l'OTAN et la panique s'empare du Pentagone et de l'exécutif US. Comment de bons GIs peuvent-ils être ainsi retournés et utilisés par la propagande soviétique? Cela ne peut s'expliquer que par la programmation mentale. Allen Dulles (fondateur et patron de la CIA), jamais en reste pour exploiter une bonne petite panique, en profite pour convaincre Truman de lancer un projet similaire de manipulation du comportement. Celui-ci connaitra divers avatars dont le plus connu est le fameux projet MKUltra.

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Le film n'est pas explicitement au sujet du rôle de l'état profond dans la création de la French Connection. J'aime pourtant penser que sa fin ambigüe (qui implique un agent fédéral dans un rôle étrange) est une allusion au degré d'implication de l'"Intelligence Community" dans le soutien de la French Connection, notamment en ce qui concerne le trafic d'héroïne par la CIA depuis le triangle d'or vers les US via la France et Marseille en particulier, où ils avaient depuis le direct après-guerre une très forte présence surtout dirigée vers la destruction des syndicats de travailleurs portuaires.

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Executive action est un assez mauvais film, assez piètrement réalisé et très paresseusement scénarisé par Don Trumbull.

D'un point de vue conspi, il défend principalement la thèse d'un "Business Plot" pour assassiner Kennedy, qui a souvent été la préférée de ceux qui en avait contre Johnson, l'homme du pétrole texan et du complexe militaro-industriel (avec lesquels il avait forgé des liens forts tout au long de sa "brillante" carrière au sénat).

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Le grand miracle Coppola, c'est qu'il n'est pas, en tant qu'artiste, intéressé par la politique, lui-même est plutôt attiré par la psyché humaine, mais dans la mesure où il a mariné dans un monde intégralement imprégné de politique, il a réussi à incarner la politique dans sa praxis cinématographique. Son ambition, déraillée par l'échec de One From the Heart, lors de la création American Zootrope était de court-circuiter l'emprise des studios et créer une nouvelle méthode, plus horizontale, de création.

Comme son autre palme d'or Apocalypse Now le fera cinq années plus tard, The Conversation réussit à être un grand film politique sans vraiment essayer. Mais il s'agit surtout d'une plongée dans la vie d'un homme (et malgré l'oscar, ceci est la meilleure performance de la carrière de Hackman) et le dissection de l'effet qu'un contexte exerce sur un homme et comment il met à jour les lignes de faille de son caractère.

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Je ne sais pas qui, en 2021, croit encore que Oswald seul a tué Kennedy, mais si c'est votre cas envoyez-moi un message privé, j'ai un remède miracle, garanti sans micro-chip, contre le coronavirus à vous proposer.

S'il n'aura par de scrupules à s'attaquer de front au Watergate, Pakula prend Dallas par la bande de la fiction. Néanmoins, il n'y a pas moyen de ne pas comprendre de quoi il parle vraiment...

Ce que je trouve particulièrement intéressant dans ce film est son côté résolument moderne: Parallax est une compagnie privée sans visage, elle ne représente même pas de gouvernement, elle est juste l'expression pure de la conflictualité au cœur de l'état profond et son intrication avec les intérêts d'argent. Ça me fait un peu penser à l'assassinat récent du président haïtien, mené à bien par des mercenaires colombiens avec la bénédiction des USA pour le compte d'oligarques locaux.

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Pour le dernier volume de sa trilogie du complot, il était sans doute normal que Pakula s'attaque au cas du Watergate. Le scandale qui a torpillé l'administration Nixon, pourtant passée maitre dans un usage finaud des canaux de l'état profond (notamment par l'entremise d'un virtuose de l'entourloupe du calibre de Kissinger), est avec l'assassinat de Kennedy l'origine d'une méfiance radicale à l'égard de l'exécutif étasunien.

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Peter Hyams est un réalisateur intéressant, même si je pense qu'il n'est pas un très bon scénariste... Ses films sont en tout cas un pont important entre le nouvel Hollywood et les années 80, au même titre que ceux d'un Adrian Lyne, d'un Paul Schrader ou d'un frère Scott.

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Moins connu que le Bilderberg et moins public que le forum de Davos, le Bohemian Grove (ou Bohemian Club) est pourtant un topos conspi majeur. Club politique conservateur ultra-fermé, il est un protagoniste important dans les thèses complotistes relatives au 11 septembre (avec comme promoteur principal, qui d'autre qu'Alex Jones? le gourou de la mouvance). Mais le premier a avoir, presqu'innopinément, mis en lumière le rôle d'influence de ce groupe, est Tricky Dick lui-même, qui le qualifiait de "truc le plus pédé qu'il ait jamais vu"...

Le film, et la pièce dont il est tiré, fantasment sur le rôle du club dans l'avénement de Nixon et son influence dans le développement de la guerre au Vietnam.

C'est là, d'ailleurs, une thèse explicative classique de l'affaire du Watergate, qui est que la CIA aurait volontairement fabriqué le cambriolage raté afin de faire tomber Nixon dans le but de réétablir sa prééminence sur la politique étrangère US.

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Revoir Manhunter en 2023 est une étrange expérience: tout a tant été repompé ad nauseam qu'on a l'impression de voir un épisode de Criminal Minds réalisé par Michael Mann... Avant le Silence des agneaux, c'est le film qui a lancé la mode de l'agent du FBI trop génial, trop impliqué, trop comme le tueur en fait, ainsi que celle du tueur psychopathe sophistiqué solitaire et torturé trop génial au grand plan cosmique. C'est pourquoi j'aime bien Se7en qui l'air de rien prend à contre-pied (discret mais quand même) ces deux tropes: les policiers sont des demeurés dépassés et le grand plan génial du tueur est revu à la baisse du gore craspec de la schraderisation de la société US.

En quoi le phénomène du serial killer est-il pertinent au monde de la conspi, me direz-vous? Alors, pour résumer en quelques mots la bible de cette frange de la mouvance conspi, Programmed to Kill, de Dave MacGowan:

- Son intersection avec le monde de la contre-culture, des acid-tests et MK-Ultra et son archi-représentation en Californie, Texas et Floride
- Son intersection régulière avec les projets secrets de l'armée US
- La régulière proximité des figures de Tueurs en Série avec le crime organisé et le satanisme
- L'obsession de médias et de la science du comportement à créer la figure archétypale du tueur psychopathe (qui dans bien des cas ne correspond en rien à la réalité des criminels)

https://www.senscritique.com/livre/programmed_to_kill/53636218

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Ce que je trouve assez incroyable c'est qu'en 91 Stone ait pu réaliser un film de plus de trois heures avec un casting de stars incroyable, musique de John Williams, sur la conspiration pour assassiner Kennedy et gagner plusieurs oscars dans le procédé.

Les années 90 sont en quelque sorte un croisement où s’entremêlent courants anciens et nouveaux du complotisme. On est dans l'immédiat après-guerre froide. L'URSS est dynamitée et les US s'apprêtent à devenir la super-puissance unique, Bush Sr, vieux reptile qui a grenouillé 25 ans dans la mare de la CIA fait des dabes sur le cadavre de l'armée de son ancien copain Saddam et le traité de Maastricht est passé aux forceps. La guerre contre la terreur n'est encore qu'un conflit latent de basse intensité (attentat du WTC en 93, attaques de Nairobi et Dar Es Salam en 98, bombardements du Yémen et du Soudan par l'administration Clinton, etc.).

Stone appartient au courant descendant (auquel appartient aussi un Chris Carter par exemple) issu de la contreculture et de la guerre froide. Ce n'est pas pour rien que son œuvre fait le tour des sujets habituels: Vietnam, Kennedy, Cuba, Iran-Contra, la révolution conservatrice, etc.

Mais le 90' sont aussi le lieu de plusieurs éléments catalyseurs d'une vague ascendante: Ruby Ridge, Waco et Oklahoma City en particulier seront les déclencheurs d'une nouvelle vague d'hostilité envers les organes de l'état profond (au premier rang le FBI), cette fois-ci issue de la droite libertarienne et de la suprématie blanche.

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Si quelqu'un a décidément mérité la corde, c'est bien Kissinger. Son compteur méfaits est à des niveaux stratosphériques et le présent documentaire ne fait qu'exposer les plus grands hits (Timor, Chili, Vietnam) et laisse de côté certains des moins connus (Bangladesh).

Néanmoins, son personnage reste celui de quelqu'un qui aura tenté de jouer la bureaucratie de l'état profond sur tous les tons à ses propres fins et souvent aux dépens de celle-ci: l'exploiter, la contourner ou carrément la duper. Nixon lui-même, du fait de sa paranoïa (en bonne partie justifiée), souhaitait, tant que faire se peut, court-cuiter les canaux habituels de la sécurité d'état: de ce point de vue Kissinger était son maitre instrument.

Sinon, c'est marrant de revoir Christopher Hitchens avant qu'il ne fasse son chemin de Bagdad et ne devienne un réactionnaire convaincu.

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Ce que j'aime au sujet de ce film, c'est qu'il réussit un équilibre assez délicat entre la démonstration et le romanesque. Il y a le drame personnal pathétique de Damon, l'apprenti al qaeda en Arabie Saoudite et l'espion dur à cuire à l'ancienne de Clooney, le tout sur une tapisserie d'intrigue de couloirs et de salles de réunions crédible et passionnante. C'est ainsi que Gaghan réussit là où d'autres échouent.

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Shooter est vraiment et uniquement enfant de son temps. Sorti dans les derniers moments, dans les râles d'agonie pour ainsi dire, de l'administration Bush Jr, après la réalisation douloureuse de l'immensité du gâchis de la guerre contre la terreur et avant sa clôture brutale et innaboutie par la présidence Obama, le film est assez unique dans son nihilisme et sa radicalité.

Mais le film va puiser à des sources conspi droitières, puiqu'il est une adaptation du livre Point of Impact de Stehpen Hunter (lauréat du Pullitzer du journalisme de cinéma...), partie d'une série dédiée au personnage de Bob Lee Swagger, vétéran de la guerre du Vietnam impliqué dans diverses histoires rocambolesques de complot. Cela explique en partie l'aspect relativement patriotique, mais anti-étatique (typiquement étasunien...), du film. De ce point de vue d'ailleurs, la suite de l'oeuvre d'Antoine Fuqua n'est que la prolongation de ce fil, et fait de lui le réalisateur d'action réactionnaire moderne par excellence.

Le complot à la base de ce film est d'ailleurs un classique: la mise en boîte de Marky Mark n'est qu'une variation sur la thèse classique relative au rôle d'Oswald dans l'assassinat de JFK: celle d'un bouc-émissaire. Il est entrelacé avec une aimable histoire de black-ops dans la corne de l'Afrique qui est elle aussi très de son temps (qu'on pense à des films comme Constant Gardner ou Syriana). C'est ainsi, que presque par accident, le film vient nous rappeller à propos que l'impérialisme n'est autre que le stade suprème du capitalisme. C'est pourquoi il est facile de voir dans le personnage de Ned Beatty un avatar de Dick Cheney, le profiteur de guerre par excellence, qui avant d'être le grand promoteur de la guerre en Irak était le CEO d'Halliburton, grande compagnie pétrolière...

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Bien oublié aujourd'hui, Zeitgeist fut pourtant une sensation à sa sortie, surtout dans son pays d'origine mais pas seulement (Bryan Roy, footballer néerlandais et promoteur de QAnon en parle comme l'origine de sa vocation...). Avec Loose Change elle fait partie des documentaires qui ont popularisé cette nouvelle vague de documentaires "indépendants" facilitée par l'internet (et dont personnellement j'impute la paternité à Al Gore et son abominable An Inconvnient Truth...). Cette tradition continue encore à ce jour puisqu'un des documents cardinaux du mouvement QAnon est le documentaire amateur de Janet Ossebaard "Fall of the Cabal".

Par comparaison, Zeitgeist a un aspect plus pro. Il se divise en trois parties dont la juxtaposition me fait particulièrement bien rire et souligne l'origine libertarienne de la pensée du réalisateur Peter Jospeh.

La première partie est la plus grotesque et la plus typiquement étasuniennne: la religion est un mensonge créé pour contrôler les gens! Vraiment on a l'impression d'entendre la dissertation du petit neveu de 15 ans qui vient de lire ses premières citations de Nietzsche et se rend compte qu'on lui a menti toute sa vie, que l'amour n'existe pas, que Noël est juste une fête commerciale et que la religion ne sert qu'à couvrir les faits de pédophilie de la prétraille.

Seule la partie sur le 11 septembre est quelque peu interessante, même si elle n'avance rien de bien extraordinaire pour ceux qui s'intéresse un peu au mouvement du "9/11 trutherism".

Dans la troisième partie, le film réchauffe pas mal de clichés réactionnaires, tel que la conspiration des banquiers pour créer la "Fed". Il la pique à Alex Jones mais elle trouve son origine dans les écrits d'Eustace Mullins (grande inspiration d'Alain Soral) et Lyndon Larouche. Il prend juste le soin d'en gommer les aspects antisémites les plus saillants. L'aspect très anti-gouvernement est la partie la plus clairement libertarienne du film et est pour autant très étasunienne.

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La famille Kennedy a l'étrange privilège d'avoir été la victime de deux des assassinats politiques les plus fascinants du 20ème siècle.

L'assassinat des frères Kennedy ont d'ailleurs pas mal de points communs: un coupable désigné invraisemblable au parcours atypique, un second (voire troisième) tireur mystérieux, l'implication de la CIA... celui de Bobby a en prime une sirène mystérieuse en robe à pois et de l'hypnose!

Le documentaire en tant que tel est honnête même si comme toujours je trouve la minutieuse discussion des détails pragmatiques (combien de balle? A quelle distance? Blabla...) moins intéressante que la discussion des ressorts politiques de l'intrigue. Cette dernière est bien présente mais relativement limitée.

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En tant que documentaire, Citizenfour n'est pas vraiment trépidant... je trouve même que son aspect pontifiant le rend assez horipilant. Néanmoins, Snowden et Greenwald sont des héros de la lutte contre l'état profond et méritent toutes les louanges.

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La thèse qui anime la plupart des films d'Adam Curtis est qu'après la chute des idéaux collectivistes et de la fin de la politique de masse, les gouvernements ont peu à peu délégué leurs pouvoirs à des institutions non-démocratiques dans une tentative de contrôler l'anomie issue de cette perte de légitimité démocratique. Son idée est également que face à la complexité croissante de la technologie et la crise terminale du management démocratique issue de l'époque progessiste, les gouvernements ont souhaité conjurer le chaos par une gestion technocratique, pour une bonne part issue du monde de la technologie et son utilisation par la finance (on peut aussi revisiter à ce sujet sa passionnante série de documentaire The Mayfair Set). C'est ce qui pour lui explique les différents phénomènes de réaction autrement incompréhensibles (Brexit, Trump, les grands hits...), lui les lit comme des réactions face à l'abdication de la classe politique de ses fonctions qui ne sont pas juste celles de la gestion technocratique du marché.

Mon problème avec Curtis est qu'il inverse souvent la causalité: il suggère notamment que l'individualisme de la génération 68 a été à l'origine de la chute des partis de masse et de l'échec de la contre-culture alors que je pense qu'il faut plutôt la lire comme le projet de la réalisation du capitalisme libertaire issu du plan Marshall (plus personne ne lit Clouscard, c'est un grand tort...). Néanmoins, il pose une question qui est cruciale et qui concerne l'avenir du progressisme. Quelle que soit l'étiologie que l'on applique à la situation actuelle, il est devenu impossible de penser un nouveau progressisme qui n'incluerait pas les évolutions de l'indivualisme libertaire.