Cover Des fleuves et des fleuves ou les livres lus en l'an 2022

Des fleuves et des fleuves ou les livres lus en l'an 2022

Cette année je me résous à annoter avec précision et de façon détaillée mes lectures. Au programme : combler mes lacunes en matière de poésie, de théâtre (je dois principalement consacrer une bonne partie de mes lectures à l'étude des oeuvres de Beckett, Pinter et Pirandello) mais aussi découvrir ...

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9 livres

créee il y a plus de 2 ans · modifiée il y a environ 2 ans

Homo Juridicus
7

Homo Juridicus

Essai sur la fonction anthropologique du droit

Sortie : 3 septembre 2009 (France). Essai

livre de Alain Supiot

venusinfinitesimale le lit actuellement.

Déjeuner de famille
7

Déjeuner de famille (1978)

The Stories of John Cheever

Sortie : avril 2007 (France). Recueil de nouvelles

livre de John Cheever

venusinfinitesimale a mis 7/10.

Annotation :

Avec ce recueil de nouvelles (il en aurait écrit plus de 200 !), John Cheever prouve qu'il fut un des grands stylistes des lettres américaines. Son écriture fait des merveilles pour faire voler en éclat les conventions sociales et le bonheur de façade d'une certaine classe aisée. Lorsqu'il s'aventure à parler des personnes de condition modeste (comme un gardien d'immeuble) il est moins revêche et se fait plus tendre. Mais justement je préfère lorsqu'il pointe subtilement les contradictions des êtres humains et leurs tares les plus inavouables.
Sans oublier que Cheever est très fort pour les associations de mots semblant antagonistes. Comme le prouve l'extrait ci-dessous.

"Elle ne sortit jamais de l'aéroport. Elle prit l'avion suivant pour Orly et rejoignit les centaines, les milliers d'Américains qui sillonnent l'Europe, gais ou tristes, comme s'ils n'avaient véritablement pas de maison.Elle voyageait sans cesse, en rêvant de sandwiches bacon-laitue-et-tomate."

L'Anniversaire
7.4

L'Anniversaire

Sortie : janvier 2009 (France). Théâtre

livre de Harold Pinter

venusinfinitesimale a mis 7/10.

Annotation :

Cette "comédie de la menace" m'a interrogée et déconcertée. Qui peuvent être Goldberg et McCann, d'où viennent-ils et surtout quelles sont leurs réelles intentions ? Qu'est-ce qui les animent profondément ?
Durant les trois actes on n'en saura rien ce qui entretient le mystère.
La dépression nerveuse dont souffre Stanley, détail qui n'en est pas un, éclaire sous un jour nouveau son comportement imprévisible.
L'influence de Ionesco, Beckett et plus généralement du "théâtre de l'absurde" est palpable dans les faits et gestes de ces personnages sans Dieu ni morale mais Pinter parvient à renouveler le genre en apportant des touches d'humour (grinçant) ici et là.

Prochaine étape : lire "Le Retour" et voir si l'écriture de Pinter suscite chez moi toujours autant le trouble.

Le Retour
7.2

Le Retour (1965)

(traduction Éric Kahane)

The Homecoming

Sortie : 1969 (France). Théâtre

livre de Harold Pinter

venusinfinitesimale a mis 6/10.

Annotation :

Après l' "Anniversaire" qui ressemble à côté à une comédie loufoque et légère, je découvre "Le Retour" qui a des qualités indéniables mais des défauts bien visibles également.
Si j'ai été impressionnée par la violence latente puis explosant durant la pièce (des insultes jaillissant de toutes parts, la rancoeur exprimée par des personnages malsains et torturés) le traitement du seul personnage féminin m'a paru problématique. En effet il semble être dénué de sensibilité et incapable de réfléchir aux conséquences de ses actes. Puis Pinter semble concevoir la femme selon le modèle de la maman ou la putain. Le texte à mes yeux a mal vieilli mais son écriture abrupte, n'épargnant (presque) personne fait qu'il mérite qu'on s'y attarde.

Lewis et Irène
7.9

Lewis et Irène (1924)

Sortie : 1924 (France). Roman

livre de Paul Morand

venusinfinitesimale a mis 6/10.

Annotation :

Je dois faire mon mea-culpa : jusqu'à présent je ne "connaissais" (c'est un bien grand mot) Paul Morand que pour sa réputation sulfureuse d'écrivain ayant de par ses activités diplomatiques collabore avec l'ennemi allemand d'alors.
Mais j'ai voulu faire fi de cela et lire avec le plus d'objectivité possible un de ses romans. Mon choix se porta donc sur cette histoire relatant une rencontre amoureuse sur fond de cours de la Bourse et de spéculation financière.
Il n'y a pas à dire Morand a le sens de la formule et manie avec brio ses tournures de phrases.
Ses portraits brefs de femmes que Lewis séduit puis abandonne tout aussi vite sont mordants et souvent brillants. Tout comme les descriptions de pays qu'il visite pour ses affaires.
Néanmoins j'ai par moment été agacée par la tendance de Morand d'avoir envie de prouver au lecteur l'étendue de son érudition. Ainsi je ne compte pas le nombre de références (plus ou moins obscures) à des personnages ou événements historiques. Cela donne à ce récit un côté suranné. Prochaine étape de mon itinéraire littéraire : la lecture d' "Hecate et ses chiens" peut-être le texte le plus connu de Morand.

"Quand Lewis se réveille il n'a pas les paupières chargées des buveurs de Bourgogne dont les reins, toute la nuit, ont travaillé, ni les yeux rouges des liseurs, ni ces cercles violets des amoureux, anneaux nuptiaux, ni les mèches poissées des danseurs au lendemain d'un bal, ni cette peau des joueurs où l'on voit les reflets du tapis vert.
Hors des draps sort une forte figure de trente ans, irrégulière, qui, soulevée par l'arête âpre du nez, descend ensuite en pente douce le long des joues. La barbe, en repoussant, accuse, alourdit, les assises de la mâchoire."

Hécate et ses chiens
7.5

Hécate et ses chiens (1954)

Sortie : 1954. Roman

livre de Paul Morand

venusinfinitesimale a mis 6/10.

Annotation :

J'ignorais totalement qu' "Hecate et ses chiens" était un récit semi-érotique genre que je connais très mal. La encore Morand avec une facilité déconcertante sait poser un décor, une ambiance (en l'occurrence celle de l'Afrique du Nord au début du 20 ème siècle) et ses aphorismes font souvent mouche, percutent le lecteur. Mais plus qu'un récit grivois, "Hecate" est surtout l'histoire d'un homme ayant été victime d'un amour obsessionnel pour une femme qui semble de prime abord être une simple jeune femme ayant une relation extra-conjugale pour tromper son ennui mais qui est en réalité franchement malsaine et vicieuse.
Si "Hecate et ses chiens" était publié à notre époque il y a de fortes chances qu'il susciterait l'indignation des chantres de la bien-pensance et agirait comme un repoussoir.
Si je n'ai pas été plus enthousiasmée c'est principalement car les nombreux passages où le narrateur s'adonne aux plaisirs de la chair ne m'ont pas émoustillée, ce qui est légèrement embêtant pour un récit érotique, et j'ai trouvé la fin trop évidente et classique.
Néanmoins l'intention de l'auteur de créer l'effroi et le malaise chez le lecteur à la lecture des pulsions de Clotilde fait toujours son effet.

Êtes-vous fous ?
8

Êtes-vous fous ? (1929)

Sortie : 1929 (France). Roman

livre de René Crevel

venusinfinitesimale a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

De René Crevel j'ignorais tout. Ainsi aucune attente, idées reçues et préjugés pouvaient entraver ma lecture. Dès les premières pages je suis sous le charme des trouvailles lexicales (la langue du titi parisien côtoyant celle plus soutenue des bourgs) et stylistiques (la prose poétique qui grâce au sens de l'observation aiguisé de l'auteur/narrateur est déconcertante).
R. Crevel a une écriture sans nulle autre pareil, en lisant "Êtes-vous fous ?" je me faisais la réflexion que je n'avais jamais tenu entre mes mains un tel livre .
Après j'ai parfois pu me lasser quelque peu de ces exercices de style et de l'absence de fil directeur narratif. Sans doute car je ne suis pas particulièrement adepte du mouvement dadaïste dont faisait partie Crevel.
C'est donc la découverte d'un auteur capable de fulgurances (comme celle de faire coexister un taureau d'appartement, un rat de 50 kilos, un fakir et une femme littéralement morte-vivante) mais qui comporte des limites.

"Pourtant la misère, cette carne, elle tape à grands coups de marteau sur les crânes, elle creuse ses galeries, la gale, et vire virus, écorche, diablesse, d'un ongle empoisonné la fragile peau de terre, sous le poil verdâtre des squares, moud son poivre, verse son vitriol entre les cuisses des faubourgs.
Alors au fond des cabarets, les mains dans les poches de pantalon, l'enfance se gratte au sang. Il n'y a pas seulement l'internationale prostitution de faux matelots, des faux petits garçons en maillots cycliste, mais aussi celle des gosses qui ne veulent pas mourir de faim et dehors grelottent sans une chemise entre la vieille veste de mauvais drap et les épaules, le dos, la poitrine."

La Vie sensible
7.1

La Vie sensible

Sortie : 16 octobre 2013 (France). Essai, Philosophie

livre de Emanuele Coccia

venusinfinitesimale a mis 6/10.

Annotation :

Emanuele Coccia offre une réflexion souvent stimulante et originale sur les sens, leur nature, leurs multiples fonctions et sur les images.
En quelques paragraphes concis, il arrive à analyser finement ce qui est visible chez tout animal (dont l'être humain), l'importance de la représentation qu'on a de soi-même à travers nos sens mais aussi le médium par excellence qu'est le miroir.
Mais comme je peux le reprocher à un bon nombre de philosophes contemporains, E. Coccia a tendance à écrire des réflexions évidentes, que tout lecteur peut aisément comprendre mais cherche à complexifier formellement sa pensée en employant un jargon crispant pour la lectrice novice d'essais philosophiques que je suis.

Des arbres à abattre
8.5

Des arbres à abattre (1984)

Holzfällen

Sortie : 1985 (France). Roman

livre de Thomas Bernhard

venusinfinitesimale a mis 10/10.

Annotation :

Alors que j'étais assise sur ma chaise après avoir lu l'histoire d'un homme assis sur une chaise, j'ai pensé, à quel point ce livre est étrange, drôle (mais l'humour est noir) et nihiliste
La seule chose dont je suis sûre, c'est que je n'ai jamais rien lu de tel auparavant.
Ça ne me dérangerait pas d'aller boire un verre avec M. Bernhard, mais si c'est son idée d'un dîner, je déclinerais poliment l'invitation et resterais chez moi avec un bon livre

Le roman se déroule sur seulement quelques heures, mais est raconté avec de gros morceaux de flashback, de sorte que l'échelle de temps semble beaucoup plus étendue et présente un narrateur intolérable qui ne veut surtout pas être dérangé de sa chaise à dossier, son derrière étant confortablement planté dessus, lors d'un dîner inconfortable organisé en l'honneur d'un acteur jouant dans une production de The Wild Duck d'Ibsen. Les hôtes, "les Auersbergers", forment un couple des plus déplaisants (snobs culturels ignorants), j'ai pensé, assise dans mon fauteuil, que je commençais à les apprécier au fur et à mesure que l'histoire avançait.

En lisant Bernhard pour la première fois, j'étais comme abasourdie par ma lecture même si j'avais parfois l'impression de tourner en rond, dans l'ensemble, j'étais impressionnée.
Après avoir affronté une marée circulaire de masse de phrases, avec une répétition de construction dans un mur vertigineux de mots apparemment destinés à obscurcir le sens, j'ai lentement mais sûrement, accepté le récit de Bernhard, et je me suis contentée de le suivre.

J'avais l'impression de lire ce livre avec un morceau de citron coincé dans la bouche, un goût à la fois acide et amer sur la langue.
La relation amour/haine de Bernhard avec sa patrie est dérangeante mais surtout passionnante.

Un livre qui peut agir comme un repoussoir, mal aimable et à ne pas mettre entre toutes les mains mais qui imprime sa marque dans l'esprit du lecteur longtemps après l'avoir refermé.

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