Kleber Mendonça Filho - Commentaires

Annotation :

Setubal, quartier le plus aisé de Recife, enclave d’urbanisme désordonné où se croisent bourgeois et domestiques, grands propriétaires et agents d’une entreprise de sécurité privée. Si le sujet se prêtait à l’approche documentaire, le réalisateur préfère convoquer la grammaire de la fiction pour faire accéder aux subjectivités troublées des résidents, ménager au cœur de sa matière réaliste des espaces oniriques, suggérer le substrat de féodalité qui préside toujours aux rapports de classe et de servitude. Il déroule une narration minimale avançant à pas chassés, raccorde des scènes en apparence disjointes mais comme parcourues d’une même irrationnelle inquiétude, au gré de l’enchevêtrement de tensions nouant ce sociotope d’une communauté craintive. Un premier long-métrage remarquablement maîtrisé.

Annotation :

Du déploiement de sa chevelure d’ébène à ses danses solitaires, de ses affrontements avec les instances offensives à ses parties de rigolade avec vieilles ses copines ou à ses rendez-vous amoureux, Clara résiste à la marche du monde, aux assauts insidieux d’un capitalisme sans valeurs, immuable de toutes les libertés acquises, de tous les combats menés. À travers la fabrique de son caractère, le film évoque à la fois l’histoire d’un pays et l’évolution d’une société, intrique l’intime et le politique, épouse le mouvement de l’existence – la vie palpable et la vie imaginaire, ce gisement de mémoire et de plénitude, somme de nos souvenirs et des lieux qui s’en font l’écho, magnifié par la générosité de l’écriture, l’expressivité du découpage et l’envergure d’un récit tissé en une complexe mais limpide stratification des motifs.
Top 10 Année 2016 : https://lc.cx/JSbQ

Annotation :

C’est dans ce village-titre à la population métissée de gènes, de caractères et de cultures, où la gamme des couleurs répond à celle des rites religieux ou magiques, que s’engage une lutte frontale entre le bien et le mal, reflet de la nouvelle donne politique brésilienne. Guidé par un sens très sûr de l’histoire, celle du monde, celle du cinéma, le film confronte primitivisme sauvage (enfouissement terrestre, camouflage, art de la machette et du tromblon) et technologie invasive (drones, maps, vues satellites, viseurs de précision), mobilise la mémoire communale contre les forces de l’ordre planétaire et du désordre local, tente de prendre de court la maladie terrifiante qui se propage, de la neutraliser pour lui survivre. Ou quand le meilleur cinéma de genre se fait porte-voix de l’engagement le plus fiévreux.
Top 10 Année 2019 : https://urlz.fr/bJLf