Cover Le palais d'images — 2024

Liste de

106 films

créee il y a 5 mois · modifiée il y a environ 1 heure

Péril en la demeure
6.4

Péril en la demeure (1985)

1 h 40 min. Sortie : 13 février 1985 (France). Drame

Film de Michel Deville

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

Très grand film que 'Péril en la demeure' qui, comme 'Dossier 51' auparavant, raconte un bouleversement audiovisuel utilisé par des forces surveillantes. La vidéo, support alors très jeune, est au centre de l'histoire comme un dangereux moyen d'espionnage mêlant le personnage de David à un complot dont il est un élément inconscient. Le professeur en musique incarne une facette toujours pure et naïve de la société, rattachée aux peintures, dont celles à l'esthétique érotique de Balthus qui a influencé des plans du film (Julia et David dormant reposant sur le lit de ce dernier), à la délicatesse de la musique, et à un mode de vie pauvre, fragile. Quand son entourage le balade dans les complots mortifères incluant un industriel vindicatif, une femme revancharde et un ami tueur à gages, lui semble incapable d'accomplir sans aide un meurtre, même pour se défendre : il n'a fait que blesser Graham puisque c'est son épouse qui l'a achevé, et s'il tue Daniel c'est parce que ce dernier l'a délibérément poussé sur cette voie. Le père du héros, fabricant de bombes artisanales, est une figure ambivalente, comme Edwige, visage de la complaisance moderne dans le voyeurisme, mais qui par ses réflexes de tout filmer permet au musicien de découvrir la vérité.
Perversion, pouvoir et machination. Julia a bien conscience de l'innocence de son amant. Elle lui fait ses adieux à travers une vidéo et, une fois commencé à lui offrir une dernière vue d'un de ses seins, casse subitement le miroir par lequel elle filmait son image. Une façon de lui refuser la corruption par le voyeurisme pervers de l'écran. David refait donc sa vie avec Viviane.
La démonstration de montage proposée par Deville et sa monteuse Guyot est brillante. Elle traduit le monde du film fait de faux-semblants et d'érotisme mental par un style tout en faux raccords. Faux raccord dans l'axe quand au lit avec David et Julia, Guyot recoupe deux fois la scène sur des objets sur table, partant sur un travelling vers les amants. Faux raccord mouvement quand à la fin David part en voiture de chez Edwige, et que le panoramique vers la gauche coupe sur sa main mettant une lettre à la poste dans la même direction. Faux raccord regard quand Viviane passe de nue à habillée à la fenêtre uniquement par le plan de David venant la chercher.

Ai Nu, esclave de l'amour
7.3

Ai Nu, esclave de l'amour (1972)

Ai nu

1 h 30 min. Sortie : 7 septembre 1972 (Hong Kong). Arts martiaux, Drame, Érotique

Film de Chu Yuan

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

Comme la Hammer, la Shaw Brothers, grand pôle du cinéma bis, a surfé sur la sexploitation pour attirer un plus large public. Parfois avec un traitement joyeusement décomplexé de tabous de l'époque : quand 'Dr Jekyll et Sister Hyde' mêle le genre horrifique à la transsexualité en plus de l'ambiance érotique, à la même époque de l'autre côté du globe, 'Ai nu' irrigue son intrigue de rape and revenge d'une relation lesbienne empoisonnée, en plus des combats de sabres. Dans le genre, même si l'érotisme est vicié par la violence sexuelle que subit l'héroïne, il reste très élégant, voire pudique, surtout si on le compare aux excès immoraux apportés en masse par les films de la catégorie III hongkongaise 20 ans plus tard. L'apothéose se trouve dans une scène où sont seulement montrés les seins des courtisanes, le moment le plus comique puisque la mise à mort de l'homme se fait en le poussant à une surdose d'aphrodisiaques. Cela amènera à la remarque misandre classique mais toujours efficace par le visage de Chun Yi entrant dans le champ : "Les hommes sont tous les mêmes. Ils préfèrent mourir plutôt que de se passer de femmes."
Ce sont de ces hommes que tient à se venger Ai Nu, précisément de quatre puissants qui l'ont violée, alors qu'elle venait d'être kidnappée et vendue au lupanar du "Printemps éternel" de Lady Chun Yi. Structure classique du rape and revenge en deux parties : la première où Ai Nu subit d'horrible séquestrations physiques et psychologiques aboutissant à un viol (et au meurtre de son allié), puis la seconde où l'héroïne, se faisant passer pour docile fait payer ses tortionnaires, d'abord les quatre hommes puis les gardes, et leur chef, et enfin la maquerelle qui était pourtant tombée amoureuse d'elle. Mais Ai Nu, n'ayant pas perdu toute sa bonté, accepte de donner un dernier baiser à Chun Yi qui avait caché du poison dans sa bouche, ce qui la condamne. L'amour ne saurait empêcher la perversion.
Encore un travail formidable pour un wu xia pian de la Shaw, dirigé par Chu Yuan, qui propose des combats sensationnels. Les énumérer serait vain ; retenons tout de même la bataille finale où un travelling montre la combattante qui avance dans un couloir de jardin en repoussant les soldats qui arrivent des deux côtés.

Night Swim
3.7

Night Swim (2024)

1 h 38 min. Sortie : 3 janvier 2024 (France). Épouvante-Horreur

Film de Bryce McGuire

Azguiaro a mis 1/10.

Annotation :

Aux États-Unis, il n'est pas si rare qu'un long-métrage d'horreur (ou éventuellement d'un autre genre), ait d'abord été un court-métrage un peu conceptuel, puis par hasard ou par le biais d'un tel, un studio a alors embauché le réalisateur pour faire une version longue de son récit. Parfois c'est le cinéaste lui-même qui crée son premier jet pour convaincre les studios de financer un plus gros projet sur le même principe ; ou bien, il cherche d'autres moyens en freelance comme une campagne de financement participatif. 'Saw', 'Dans le noir', 'Terrifier' et maintenant 'Night Swim' étaient d'abord des courts-métrages, pas forcément meilleurs que les longs qui ont suivi d'ailleurs. Mais dans le film qui m'intéresse actuellement (et "intéresser" est un bien grand mot), difficile d'imaginer comment le premier jet pourrait être pire que ce ramassis de clichés que ne sauve jamais une mise en scène qui n'est jamais marquante, mais au contraire parfaitement académique dans ses "hauts", et nullissime dans ses bas. La petite famille qui s'installe dans un nouveau quartier, l'élément interne à la maison qui les menace, le passé dramatique de l'un des personnages... Tout est parfaitement calibré, à un point où ça en devient vraiment énervant, tant ça commence à se sentir comme une véritable insulte à l'intelligence du public, devenu bétail à engraisser avec toujours les mêmes merdes qui rendraient presque acceptable la vague d'exploitation de slashers mal branlés des années 80. Le résultat est tellement désincarné que les deux ou trois plans qui ne sont pas totalement nazes ne sont que noyés dans une histoire racontée à la va-vite. Peut-être pour ne pas qu'on s'interroge sur pourquoi il devrait arriver autant de choses folles à la classe moyenne, et en conclure qu'un genre comme l'horreur qui avait tant de potentiel pour dénoncer (pensons à 'Vermines' sorti récemment), ou au moins effrayer, l'a souvent gâché dans des productions cachées derrière l'excuse du cinéma d'exploitation pour être lissées, et dépourvues de toute ambition pour faire ressentir, ou divertir.

A Touch of Sin
7.1

A Touch of Sin (2013)

Tian Zhu Ding

2 h 13 min. Sortie : 11 décembre 2013 (France). Drame, Sketches

Film de Jiǎ Zhāng-Kē

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Environ 30 minutes de film pour chacun des quatre destins présentés, de quatre personnages racontant la violence qui touche la Chine moderne, et que ne saurait sauver l'influence désormais fantoche des résidus traditionnels. Le désespoir social et économique que traverse le pays imbibe de pulsions destructrices les individus, qui chez les protagonistes explosent après une série d'événements dramatiques. Dans les trois premières histoires, c'est le meurtre qui en résulte : Dahai descend tous ceux qu'il juge responsable de la corruption liée à son usine après un passage à tabac et une moquerie collective, Zhou San ne peut s'empêcher d'assassiner pour ne pas s'ennuyer et y est poussé dès l'ouverture, et Xiao Yu surine un client agressif après l'altercation avec la femme de son amant. Dans la dernière partie, c'est le suicide : Xiao Hui, dans la misère et mis sous pression par sa mère et l'ancien collègue réclamant un dédommagement, se jette d'un immeuble. Mais l'épilogue reprenant la destinée de Xiao Yu sur une note plus positive refuse une conclusion totalement pessimiste. Et ce même si le retour au travail capitaliste est nécessaire, et que, malgré la tuerie cathartique en première partie, les maîtres du développement économique restent en place. On le sait, la Chine, n'a pas fini d'abriter des patrons véreux, des riches qui frappent des femmes à coups de billets et d'autres qui jouissent de leur corps dans des représentations fantasmées.
Les signes du monde traditionnel auxquels se remettent encore les Chinois ont pourtant perdu depuis longtemps leur aura. L'endroit devant lequel le maire est tué dans la première histoire arbore une devanture référençant les temples anciens. Les bouddhas, figures sacrées, ne sont plus que des produits de consommation fabriqués à la chaîne. Zhou San prie avec de l'encens en disant : "Si quelqu'un a à se plaindre, qu'il s'adresse à Dieu" mais, personnage cynique avant même que la caméra s'intéresse à lui, il ne semble plus croire en un processus spirituel depuis longtemps. Avec Dahai, la couverture de tigre qui enveloppe le fusil est enlevée, assassine devant un faux temple, et le dernier meurtre se fait dans un paysage industriel : c'est la victoire de la modernité viciée. Les animaux qui apparaissent dans chaque partie du récit sont aussi des êtres rattachés au passé, tout aussi impuissants : les zébus, le serpent, le singe, les poissons, le cheval qui avance sans coups de cravaches.

Le Roi de l'évasion
6.7

Le Roi de l'évasion (2009)

1 h 37 min. Sortie : 15 juillet 2009 (France). Comédie dramatique

Film de Alain Guiraudie

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

Après avoir, entre autres, tissé sa trilogie obitane ('La Force des choses', 'Du soleil pour les gueux' et 'Voici venu le temps'), Alain Guiraudie décide de s'éloigner des histoires de bandits et de guerriers dans une réalité parallèle pour livrer une comédie, toujours en Occitanie de l'Ouest, sur un personnage qui à l'image de son créateur remet en question sa trajectoire, aboutissant à une fugue avec une fille de 16 ans. On croirait à un retour des genres d'action populaires lors de la séquence du rêve, offrant un récit plus dramatique aux tons des films noirs, de gangsters et des westerns avec le costume du protagoniste, l'adolescente séquestrée, le meurtre et le paysage urbain en courte focale. Ce passage, introduit en sursaut par un raccord sur le mouvement de rotation d'Armand, sert à donner du poids à l'enjeu de la fugue pour les deux personnages en crise, Curly de l'adolescence et Armand de la quarantaine. Le désir brimé de la jeune fille perçu par le vendeur est signifié par le vêtement rouge qu'elle fait flotter aux barreaux de sa fenêtre comme une princesse dans sa tour.
Une comédie excellente et atypique construite sur un coming out à l'envers : Armand se demande si depuis tout ce temps il n'aimerait pas les femmes, arguant que si c'est la normalité depuis la nuit des temps c'est qu'il y a une raison. Il emmène donc une personne qui en sexe comme en âge est à l'opposé de celles qui l'attirent d'habitude. Mais Guiraudie est un farceur qui aime encore revenir à ce qu'il connaît : une brève vie commune des deux fugitifs convainc Armand que l'homosexualité sans engagement est ce qui lui convient. Quand quelques années avant l'adoption de la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe, les opposants scandaient que l'homosexualité n'est qu'une phase, le cinéaste semble répondre qu'on peut en dire autant de l'hétérosexualité. Mais toujours avec un regard tendre envers chaque personnage, aussi imparfait soit-il, Armand, Curly, ses parents, le vieux queutard... et le commissaire, retors et acharné, mais qui finira par adhérer à la communauté homosexuelle en profitant visiblement de leur fameuse drogue qu'il traquait.
Les hommes sont toujours prépondérants chez Guiraudie. Les paysages ruraux aussi, qui sont des matrices de l'érotisme dans lesquels les personnages baignent et s'enfoncent.

Au Pic de Nore

Au Pic de Nore (1996)

1 min. Sortie : 1996 (France).

Court-métrage de Alain Guiraudie

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Guiraudie crée un espace pleinement liminal pour la première fois de sa filmographie, c'est-à-dire un cadre ouvert mais en même temps absolu, à la limite de la conscience par l'ambiance fantasmagorique qui s'en dégage. Un type de plans qui sera encore mieux travaillé dans 'La Force des choses' puis dans 'Du soleil pour les gueux', là où ces grands espaces servent de paysages émotionnels, dans lesquels les protagonistes remettront en cause leur passé (les travaux d'autrefois) ou leur futur (les rêves quasiment condamnés par leur situation sociale). Dans 'Au pic de Nore', les témoignages de rêves nocturnes se superposent aux personnages errant dans le cadre brumeux. Ambiance existentielle encore très simple mais qui contient déjà une bonne partie du cinéma que Guiraudie tissera par la suite.
Tourné au pic de Nore, comme son titre l'indique, dans la montagne Noire, également lieu de tournage du court-métrage suivant.

Godzilla Minus One
7.2

Godzilla Minus One (2023)

2 h 05 min. Sortie : 7 décembre 2023 (France). Action, Science-fiction, Aventure

Film de Takashi Yamazaki

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Dernier film de Godzilla en date de l'ère Reiwa, commencée avec 'Shin Godzilla'. En 2016 le reptile géant était une métaphore des conséquences de la pratique nucléaire sur le territoire nippon, et cet aspect apparaît aussi dans 'Godzilla Minus One', mais s'enveloppe d'une affaire plus personnelle, la revanche d'un jeune homme pour lequel le monstre est un traumatisme, ainsi que le déclencheur d'un déshonneur. Son nom, Shikishima, parlera plus aux Japonais qu'au reste du monde : c'était l’appellation pour la première unité historique de kamikaze – ou tokkōtai pour prendre un terme plus juste. Le pilote a été désigné pour s'écraser sur une flotte, mais il prétexte un défaut de son avion pour se désister, et, toujours envahi par la peur, il ne tire pas sur la créature surgie des eaux, qui tue alors les mécaniciens de l'île. Par la culpabilité grandissante de Shikishima d'avoir survécu, encouragée par l'ingénieur Tachibana et la voisine Sumiko, le film dénonce de façon claire l'obsession pour l'honneur patriotique au Japon, passant toujours par la honte de ceux qui ne s'y plient pas, y compris au paiement de leur vie. Trop claire, diront certains, et c'est vrai que 'Godzilla Minus One', comme de nombreux films japonais, n'hésite pas à présenter des expositions appuyées. De même que des grosses ficelles scénaristiques : Noriko qui survit, Shikishima aussi, et le jeune dragueur de mines joint la bataille finale, alors que sa mise à l'écart était pourtant révélée dans une scène émouvante où son aîné lui dit en guise d'au revoir : "Il y a de quoi être fier de ne pas avoir vécu la guerre".
Les deux premiers points veulent se justifier en partie par le propos du film. Contre la propagande d’État autour du fait de mourir pour l'empereur, il revendique la vie avant tout. En réémergeant le nom de Shikishima il remonte aux racines du mal et rend un hommage antimilitariste à tous les sacrifiés de la guerre du Pacifique.
Godzilla remplit très bien son rôle d'obstacle à affronter pour le héros afin de retrouver une paix intérieure. La réalisation est le plus important et elle vaut le coup, efficace dans sa description du titanesque dévastateur grâce à des effets spéciaux assez impressionnants. Le souffle atomique renvoie de façon limpide aux dégâts provoqués par la bombe A, avec le champignon qui se forme au loin, les bâtiments soufflés comme dans les images célèbres de tests nucléaires, et la pluie noire qui s'abat juste après sur un Shikishima sous le choc, le moment le

Scenes From the Occupation in Gaza

Scenes From the Occupation in Gaza

Scenes From the Occupation in Gaza

13 min. Expérimental, Société, Politique

Documentaire de Mustafa Abu Ali

Azguiaro a mis 7/10.

Annotation :

Du Groupe du Cinéma Palestinien, fait de techniciens palestiniens œuvrant pour la libération du pays, cofondé par le réalisateur Mustapha Abu Ali qui avait commencé sa carrière quelques années plus tôt. Ce dernier s'approprie un reportage français où des journalistes suivent une patrouille israélienne dans la bande de Gaza. C'est le montage qui charge ces images d'un discours révolutionnaire contre le pouvoir sioniste. Les insertions très brèves d'un pistolet et/ou d'une grenade rappellent brutalement la colère palestinienne qui bout sous les rapports de domination, et qui éclate parfois comme le raconte la voix off sur la résistance à Gaza. Ce n'est qu'une réponse à la violence de l'armée israélienne, bien plus terrible encore : quand les images se figent, par exemple lorsque est raconté le meurtre d'un garçon par une patrouille, un coup de feu retentit. La mort menace à chaque contrôle, chaque fouille, chaque réponse des militaires à la lutte de libération en faisant payer les locaux. C'est ce que révèle Abu Ali en transformant un point de vue qui avait vocation à être purement occidental et à ne gratter que la surface comme une atténuation de la colonisation de la Palestine.

Wallonie 2084

Wallonie 2084 (2004)

1 h 20 min. Sortie : 2004 (Belgique). Guerre, Fantastique

Film de Vincent Hachet et Jean-Jacques Rousseau

Azguiaro a mis 3/10.

Annotation :

Les budgets extrêmement faibles et les acteurs non-professionnels était la marque de fabrique de Jean-Jacques Rousseau, qui a toujours dit chercher à exhiber son absence de moyens comme une façon sale gosse de la revendiquer. Bien sûr, ça ne suffit pas à la réussite artistique. La seule chose qui différencie un film de Rousseau d'un nanar basique est cette auto-conscience assumée qui pourrait amener à l'auto-sabotage ; et pourtant de son œuvre émane une énergie très similaire à celle de toutes ces séries Z aussi nulles qu'attachantes. La célébration des luttes politiques wallonnes contre les Flamands est au centre de ce film qui dans son récit est à peine compréhensible, enchaînant les moments de danse sortis de nulle part, les tortures sexuelles et les intrigues de polar sans trop de logique scénaristique, le tout retranscrit de façon parfaitement laide dans la photographie et hasardeuse dans le montage et le cadrage. À certains moments c'en est réellement drôle, même si on constate la volonté de parler des problèmes liés au syndicalisme dans les combats militants. Il faut juste accepter le ridicule des situations, le strip tease d'ouverture, la bombe (en fait un sextoy) insérée dans le cul d'un prisonnier politique, la fin même pas finie... mais aussi certains points un peu succulents comme le fait de dépeindre les dirigeants flamands comme de véritables nazis. Une certaine idée de la culture du mauvais goût, sans cynisme apparent.

Karminsky Grad

Karminsky Grad (2011)

1 h 35 min. Sortie : 2011 (France). Expérimental

Film de Jean-Jacques Rousseau

Azguiaro a mis 3/10.

Annotation :

Rousseau, s'opposant à tout gros budget pour ses films même si c'est pour tomber dans le cinéma bis fauché, tourne presque entièrement son 'Karminsky Grad' dans ce qui semble être un entrepôt. Il faut respecter la volonté de faire avec presque rien, mais ici comme ailleurs dans la filmographie on regrette que ce parti pris n'ait pas donné quelque chose de plus surprenant, alors que les décors prennent place dans une uchronie contemporaine où les soviétiques et les nazis se disputent le pouvoir dans l'usine de Karminsky. Les deux clans sont renvoyés dos à dos quant à la tyrannie qu'ils répandent, ce qui n'empêche pas une femme de se remémorer son passé communiste peu avant l'explosion nucléaire, et les travailleurs qui en pâtissent pendant tout le film de chanter 'L'Internationale' en clôture. L'un de ces points où on réalise que le cinéaste n'oublie pas son socle ouvrier, célèbre l'union prolétaire face aux dirigeants de tout bord, et critique la doctrine du pain et des jeux quand la réponse de la cheffe soviétique aux protestations du peuple (de 8 personnes) est un combat de lutte, où la concentration de mauvais jeux d'acteurs donne l'impression d'une soirée d'intégration qui part complètement en vrille. Ainsi, c'est formellement affreux, trop mal rythmé pour ne pas trouver le temps long à de nombreux moments, personne ne joue bien, mais la revendication du minimum chez Rousseau a au moins le mérite de se demander à quel point le budget d'un objet cinématographique est lié à sa qualité, si par cette dernière on comprend des ambitions esthétiques, parfois vectrices d'un message politique.

Readers

Readers (2017)

1 h 48 min. Sortie : 12 octobre 2017 (États-Unis).

Film de James Benning

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Quatre plans forment 'Readers', tous faisant entre 25 et 28 minutes, sans compter les intertitres après chacun d'entre eux, citant un passage de livre qu'on associe donc forcément à l'image précédente. Mais qu'importe si ces mots viennent vraiment de ces livres vus entre les mains des lecteurs, ils ne sont peut-être destinés qu'à entrouvrir un univers mental et enjoindre le public à y entrer de lui-même comme le font les quatre personnages présentés. Dans l'ordre : Clara McHale-Ribot semble travailler dans le cinéma, Rachel Kushner est écrivaine, Richard Dick Hebdige est sociologue et Simone Forti a été autrefois une danseuse et une chorégraphe. Mais il y a sans doute plus qu'une célébration muette de la littérature, qui seule aurait de quoi passer pour de l'entre-soi puisque ce sont des individus reconnus venant tous de milieux artistiques ou académiques. Leur succession dans l'ordre croissant des âges montre la lecture accompagnant l'être humain dans sa vie. L'activité a beau être apparemment simple, ses conditions révèlent avec beaucoup de clarté l'évolution décroissante du corps, de la jeune fille qui peut s’asseoir en tailleur sur son canapé à la vieille femme qui doit suivre une histoire assise bien droite sur une chaise, ses mains tremblant. Le film tend ces portraits comme des miroirs physiques plus que mentaux, par lesquels le public s'y contemple alors par empathie.
Presque 30 minutes par plan pour 1h48 de durée, c'est un peu plus ardu que dans d'autres films de Benning, mais si celui-ci ne compte pas parmi les meilleurs de la période actuelle du cinéaste, ce dernier se montre toujours sans égal pour amener le spectateur à saisir quelque chose d'invisible, par on ne sait quelle magie du cadrage ou du montage.

Katalin Varga
6.8

Katalin Varga (2008)

1 h 24 min. Sortie : 7 octobre 2009 (France). Drame, Thriller

Film de Peter Strickland

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Pour son premier long-métrage, Strickland revisite le rape and revenge avec sa méthode déjà axée sur le mixage son, suggérant par son biais le traumatisme du viol de Katalin. Les sonorités angoissantes errent dans les paysages, en particulier dans ce recoin de forêt où elle a été brisée des années auparavant. Également lorsque Antal court à travers un champ pour tomber sur le corps de sa femme, comme une allégorie de l'errance morale qu'il a vécue jusqu'à la conséquence de son crime. La conversation nocturne entre lui et Katalin est un summum atypique puisque le violeur n'est pas puni directement mais subit plutôt un échange froid, et d'un réalisme assez touchant, alors que la mère a tué son ami Gergely auparavant et amènera Etelka au suicide par cette discussion surprise. Mais Katalin n'aura pas d'occasion d'apaiser son âme quand par la suite elle sera brouillée avec son fils puis finalement rattrapée et assassinée par la milice. Autre chose scène marquante : le récit du viol sur la rivière avec la présence de la victime comme du coupable. Les mouvements de la barque troublent l'eau filmée, induisant un resurgissement des souvenirs quand Katalin et Antal, dans le flou du décor, semblent remonter dans le temps et revenir à ce moment terrible.
Les thèmes chrétiens développés dans film le rapprochent de 'La Source', racine principale du rape and revenge, bien plus que la plupart des autres histoires du genre. Chez Bergman, Tore venge la mort de sa fille en massacrant ses bourreaux mais aussi l'enfant qui les accompagnait, et pour racheter cet acte aux yeux du Tout-Puissant il promet la construction d'une église. Ce sujet de la pénitence, s'il aboutit à l'émergence d'une source comme réponse divine, reste en demi-teinte, quand on constate qu'il est censé racheter un infanticide, et surtout la période de désillusion religieuse que le réalisateur traversait alors. L'observation du monde métaphysique chez Strickland est sans doute plus désabusée encore, et elle est aussi sans issue convenable. La vengeance que mène Katalin ne lui apporte aucune paix de l'âme mais une mort précoce, seulement la croyance en un être supérieur et juste ne l'a pas protégée du viol. Dans le récit de conte qu'elle donne le faon ne peut lui répondre autre chose qu'une larme quand elle lui demande pour qui elle paie les péchés. À la toute fin, c'est au nom du Tout-Puissant et de son commandement qui interdit le meurtre qu'elle sera pourtant tuée.

Pauvres Créatures
7.3

Pauvres Créatures (2023)

Poor Things

2 h 21 min. Sortie : 17 janvier 2024 (France). Comédie, Drame, Fantastique

Film de Yórgos Lánthimos

Azguiaro a mis 5/10.

Annotation :

Uchronie volontiers kitsch, conte gothique façon Frankenstein ressuscité par le steampunk, noir et blanc puis couleurs saturées, fisheyes intempestifs, focales non-conventionnelles, sonorités étranges... Le chaos audiovisuel de 'Pauvres créatures', comme pour embrasser le point de vue informe de son héroïne, est encore au-dessus de celui de 'La Favorite'. Avec le temps, et malgré ce formalisme divertissant, Lánthimos n'est pas devenu plus subtil quant à ses propos, tel est le bilan à dresser de ce récit d'apprentissage mâtiné de féminisme un peu naïf, même si la fin, où Bella triomphe avec un domaine, un travail, un époux et une amante, reste une bonne conclusion. Toute la dernière partie avec le retour de l'ancien mari ne sert cependant qu'à en rajouter sur la critique du contrôle des femmes par les hommes, avec de gros sabots.
Mais le cinéaste s'amuse beaucoup avec sa protagoniste, qui sert de principal ressort comique à l'histoire. Si le film, faute de consistance, n'atteint jamais l'humanisme qu'il aimerait tirer de son personnage au point de départ, tel celui de 'L'Homme sans passé' de Kaurismäki, il lui donne tout de même une énergie dévergondée à rapprocher, proportions gardées ou non, d'un 'Frankenhooker' de Henenlotter. Infiniment curieuse et sans gêne, Bella grandit mentalement durant tout le film et mène la vie dure aux figures masculines qu'elle côtoie, le père de substitution, le fiancé et l'amant, lors de situations ubuesques. Sa liberté les touche tous, les transforme, alors que leur caractère masculin les pousse paradoxalement à vouloir la posséder comme l'ancien mari. Sa naïveté est souvent comique quant elle se confronte aux normes sociales. Mais parfois aussi dramatique quand elle découvre les injustices auxquelles elle ne peut rien : les pauvres qui meurent dans les bas-fonds d'Alexandrie, et la mère maquerelle enchaînée à sa maison close à cause de son enfant malade. Bella veut changer le monde mais doit déjà apprendre à y trouver sa place, sans céder au nihilisme comme son compagnon de navire Harry, pourtant le seul homme estimable, qui n'a jamais cherché à abuser d'elle.
Bien sûr, il est un tantinet facile que les seuls comportements que Bella n'acquiert jamais pendant le développement soient liés à la bienséance. Mais cela amène les scènes les plus amusantes, qui rendent le film attachant malgré tout.

For ever Mozart
6.6

For ever Mozart (1996)

1 h 24 min. Sortie : 27 novembre 1996 (France). Comédie dramatique, Guerre

Film de Jean-Luc Godard

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

La guerre de Bosnie-Herzégovine et les horreurs qui y ont été commises ont durablement marqué Jean-Luc Godard. 'For ever Mozart' est une observation désespérée de la violence humaine, recréée en mise en scène minimaliste autour du lac Léman. C'est aussi une dénonciation de la passivité des nations face à cette même violence, et un aveu d'échec de l'art à pouvoir changer le cours de la grande histoire. En lisant un article de Philippe Sollers qui critiquait le projet de Susan Sontag de monter une représentation de la pièce 'En attendant Godot' en plein siège de Sarajevo, Godard décide de suivre son conseil en filmant plutôt la tentative d'une représentation du 'Jeu de l'amour et du hasard'. Ne trouvant aucun texte de l'auteur dans la librairie de sa ville, il se rabat, comme une protagoniste du film, sur 'On ne badine pas avec l'amour'. Mais la troupe de fortune est tuée par des miliciens serbes, après avoir été abandonnée par Vicky Vitalis, le réalisateur lassé, de la même façon que les Bosniaques ont été abandonnés par les Européens de l'Ouest pendant la guerre. L'art a échoué à changer le monde parce que le monde n'y a pas cru.
Dans les 'Histoire(s) du cinéma' Godard a brossé un portrait mélancolique de ce qu'on appelle le 7ème art car il a échoué à dénoncer et réfléchir correctement les horreurs du 20ème, en devenant qu'un art de la défaite. Vitalis incarne cette défaite du cinéma. Après avoir lâché les jeunes gens dans la forêt, il retourne en France et par son film veut se rattraper en restituant leur mort à l'image, comme s'il ne pouvait jamais que représenter les fantômes. En réponse au nombreux "Non !" criés dès le début du film au casting, il somme finalement l'actrice de crier simplement "Oui !", et c'est la réplique la plus juste, même si c'est trop tard. Le public de la première s'en va quand il se rend compte que c'est un film d'art et d'essai.
La dernière partie du film est alors particulièrement sublime, quand elle arrive après tant de désespérance, ponctuée de plans tragiques (le pied de Camille morte dépassant de la fosse). Si Vatalis reste dans les escaliers, l'un des acteurs de son film est convié à tourner les pages de la partition du pianiste de la jeune troupe jouant un concerto de Mozart. L'ancienne génération essoufflée, la nouvelle a encore les moyens de magnifier les œuvres fondatrices. En espérant qu'en trouvant l'universel ils trouveront aussi l'empathie pour toute l’humanité, celle qui a manqué au vieux cinéaste.

Seule contre la mafia
7.3

Seule contre la mafia (1970)

La Moglie più bella

1 h 48 min. Sortie : 27 juin 1972 (France). Drame, Policier

Film de Damiano Damiani

Azguiaro a mis 7/10.

Annotation :

L'histoire de Francesca Cimarosa est de toute évidence inspirée de celle de Franca Viola, fille de paysan de la région sicilienne d'Alcamo, elle aussi promise d'abord au neveu d'un mafieux local. La famille de Franca a été plus vive que celle de Francesca : elle rompt les fiançailles dès que l'homme, Filippo Melodia, est soupçonné d'entretenir des relations directes avec "le milieu". Après être parti d'Italie quelque temps en ayant feint de s'être rangé, Filippo revient et tente d'intimider les Viola, puis kidnappe Franca et la viole. Le conservatisme sicilien et la loi italienne forment alors une voie sans issue pour les femmes victimes : l'un instaure une pression sociale qui les pousse à épouser celui qui leur a pris leur virginité, l'autre annule toute charge contre le violeur une fois le mariage acté. Mais les Viola trouvent le moyen de retirer la localisation de la captive et la police vient la libérer puis arrête Filippo, qui dans un procès à résonance nationale finit condamné. Franca, qui jusqu'au bout choisit le déshonneur sociale plutôt que la soumission, devient une icône de l'émancipation féminine, voire l'incarnation d'un premier pas vers la modernité de la Sicile.
Si on pourrait reprocher un certain effacement des truands dans un récit qui les conspue, le parti pris est efficace pour révéler une tare plus grande. Damiani dénonce la main mise du crime organisé sur l'île, mais aussi les connivences de chacun pour perpétrer un ordre traditionnel très compatible avec le clanisme de la mafia. Le titre français est un euphémisme : Francesca ne doit pas tenir tête qu'à des truands menés par un homme capricieux, mais bien contre toute une société, faite des pressions des citoyens, de l’Église qui veut maintenir les principes du mariage et du patriarcat, et de sa propre famille sensible aux menaces. Mais le père refuse finalement la lâcheté quand une autre fille est passée à tabac pour avoir soutenu Francesca. C'est la conclusion émouvante d'un film incisif, à hauteur de femme.
Scène remarquable : celle où Vito et Francesca se voient pour la première fois. Le zoom qui crée un très gros plan sur les yeux fascinés de la jeune fille révèle ses sentiments. Mais cette pénétration d'intimité ne va pas dans les deux sens : Vito, durant l'échange de regards, n'est jamais coupé plus près qu'à la poitrine. Cela révèle sa froideur émotionnelle qui annonce la nature du rapport de force entre les deux, que renversera courageusement Francesca après son viol.

Dernier caprice
7.6

Dernier caprice (1961)

Kohayagawa-ke no aki

1 h 43 min. Sortie : 27 janvier 1982 (France). Comédie dramatique

Film de Yasujirō Ozu

Azguiaro a mis 10/10.

Annotation :

L'automne mentionné dans le titre original est anormalement chaud, tout comme Menbai, le patriarche, toujours rayonnant, qui surmonte son âge et continue d'essayer de retrouver le printemps de sa vie en revoyant son ancienne maîtresse Tsune. Mais la nature sait faire des rappels à l'ordre, que Menbai ignore consciemment : le second infarctus a raison de lui. Cependant, la vie est un entremêlement de boucles où la fin d'une chose n'est que le commencement d'une autre, comme le philosophent les deux pêcheurs de la fin devant la cheminée du four crématoire. Le film est plus porté sur l'avenir des filles de Kohayagawa que sur la volonté de ce dernier de renouer avec son passé. Le concubinage est un paramètre important dans la vie des jeunes femmes : Akiko est veuve et refuse de se remarier avec le jeune industriel, quand Noriko rejette tout mariage arrangé également pour rejoindre son ancien collègue par amour. Fumiko est déjà l'épouse du dirigeant de la distillerie de saké de son père. Les trajectoires sont diverses mais chacune des femmes considère ou a considéré sa vie par rapport à l'idée du couple traditionnel, tout en trouvant la volonté de l'accepter ou le rejeter selon ses règles, avec maturité. En cela, elles s'éloignent de l'insouciant paternel qui, comme un enfant, s'amuse de sa relation officieuse avec Tsune. Il ressemble bien plus à Yuriko, la fille de Tsune et potentiellement la sienne, dont la jeunesse la pousse dans les sorties et les fêtes, sans se soucier de se ranger. Elle est cherchée par deux fois par des jeunes hommes étasuniens, un élément quasi-inexistant dans la filmographie d'Ozu, ici pour le mieux : ils rappellent le consumérisme de l'Occident qui influence Yuriko. Celle-ci n'attend de Menbai qu'un manteau en fourrure. Pourtant, le réalisateur, toujours dans la subtilité, révèle quelques signes d'affection dans la mare d'égoïsme : la jeune femme n'oublie pas de saluer le défunt. La belle-sœur de Menbai le critique copieusement aux funérailles, mais ne peut finalement réprimer les sanglots.
Une nouvelle histoire du temps qui passe chez Ozu, sans lourdeur aucune, très axée sur la mort (les plans de corbeaux et de pierres tombales), mais pour mieux parler de la vie qui se réinjecte inexorablement dans les jeunes générations, comme le montre le décès du père qui est l'impulsion pour que Noriko, la première fille à avoir découvert le corps, s'en aille retrouver son amour.

Jeux d'ombres

Jeux d'ombres (1928)

04 min.

Court-métrage de Emile Malespine

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Dans les années 1920 il n'était pas rare que des savants ou des intellectuels développent un intérêt pour le cinéma, par exemple le reconnu Jean Painlevé qui continuera bien après. Émile Malespine est de ceux-là, à l'origine psychiatre, certifié de botanique et de géographie (entre autres), mais aussi écrivain, peintre, comédien de théâtre et faiseur de cinéma. Ses films, peu connus, sont aussi peu renseignés. 'Jeux d'ombres' est créé quelques années avant ses 'Jeux arborescents'. Les objets présentés, floraux ou architecturaux, sont difficiles, voire presque impossibles à reconnaître en raison de la déformation de leurs images, de leurs rotations, parcellisées, parfois floutées ou passées en négatif. Là est le jeu de ce court-métrage purement esthète.

Le Garage

Le Garage (1979)

22 min. Société

Court-métrage documentaire de Collectif Mohamed

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Le collectif Mohamed, ce sont des lycéens qui à la fin des années 70, dans les quartiers d'Alfortville et de Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne, ont pu, à l'aide de bobines de Super 8 et d'un professeur d'école, enregistrer leur vie de banlieusards. En France, les collectifs de cinéma militant étaient nombreux dans les années 1960 et 1970. Quand Godard et Gorin filmaient les luttes du monde avec le groupe Dziga Vertov, ceux de Medvedkine tournaient des films d'ouvriers à Besançon et Sochaux. Les Insoumuses s'occupaient de la production et de la diffusion de métrages vidéo sur les luttes féministes, et pendant ce temps le Front Paysan rapportait les images de combats du syndicalisme agricole. Les jeunes de ce qui aurait été appelé "collectif du Joint de Culasse" s'inscrivent dans cette voie passionnante du cinéma politique français, en proposant dans leur courte filmographie un discours politique axé sur les conditions de vie dans les quartiers populaires, contenant une grande partie des populations non-blanches du pays.
'Le Garage' est le premier des trois films tournés. Il comporte toute la joie amatrice de saisir les images de sa propre existence : les jeunes d'Alfortville et alentours se réunissent quotidiennement dans un lieu qu'ils ont transformé pour y faire la fête, jouer ou y produire des discours plus politisés. Le Garage n'est bien sûr pas le seul endroit qu'ils utilisent (on les voit au bord de l'eau ou faisant du vélo), mais on devine que son existence est la possibilité d'éviter les réunions de rue qui amèneraient plus de plaintes de voisins rigides et des passages de la police. Ce qui n'empêchera pas des voix de se faire entendre pour que finalement ce point de rendez-vous soit injustement fermé. L'aspect docu-fiction permet alors aux jeunes garçons de faire des déclarations conscientes qui conspuent le racisme et la xénophobie qu'ils subissent.

Zone immigrée

Zone immigrée (1980)

35 min. Société

Documentaire de Collectif Mohamed

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Peu de temps avant 'Ils ont tué Kader', troisième et dernier film du collectif Mohamed, l'ambiance est encore assez joyeuse dans 'Zone immigrée', malgré la dénonciation de début évidente des adultes, souvent blancs, qui frappent des enfants non-blancs sous prétexte qu'ils sont trop turbulents, par le biais de cette histoire d'agression par un chauffeur de bus. Sont filmés les jeunes en question, leur milieu entre les tours, les témoignages des rapports qu'ils entretiennent avec le reste des quartiers. Également les critiques sur la politique d'aménagement urbain, l'absence de jeux pour les mineurs si ce ne sont quelques absurdités comme ces bois verticaux qui passent pour une moquerie raciste car ils ont tout de l'occupation pour singes de zoo. Le garage maintenant fermé, la salle d'arcade est le seul lieu d'animation. Derrière toute ces images pointe le sujet principal : l'ennui dans les quartiers populaires. Malgré le montage supervisé par un professeur, René Rodriguez, ce sont bien les enfants du collectif qui pensent le film, appelant par le cinéma amateur à se réapproprier ces espaces laissés à l'abandon par les pouvoirs publics. C'est forcément maladroit, titubant, mais ça a la puissance du premier acte artistique auquel on ne peut refuser la tendresse.

Ils ont tué Kader

Ils ont tué Kader (1980)

21 min. Société

Documentaire de Collectif Mohamed

Azguiaro a mis 7/10.

Annotation :

Vitry-sur-Seine, 1980. Un enfant du quartier, Abdelkader, est tué par un gardien d'immeuble. Le fait divers fait très vite son bout de chemin et les médias cherchent chacun à tirer leur scoop, comme d'habitude en écoutant à peine, de façon déformée, ceux pointés du doigt dans ce genre d'affaire : les banlieusards issus de l'immigration. Dans le collectif Mohamed, dirigé par Mohamed Salah Azzouzi, et épaulé par un professeur de lycée qui aidait au montage, on connaissait Kader. La caméra des jeunes sert alors de contre-pouvoir à celle que veulent poser les journalistes, en particulier ceux d'Antenne 2 pris à parti par les gamins. Le film retient cette confrontation après que les professionnels aient pu voir 'Zone immigrée', et dû admettre que la vérité qui s'en dégageait surpassait les représentations superficielles et ultra-formalisées de la télévision. Le rapport de force qui se crée permet aux garçons d'imposer la légitimité de leurs images et, peut-être plus encore, la légitimité de comment ils les assemblent. Mohamed sait que le montage détermine le sens de ce qui est diffusé et peut donc devenir une arme politique. Il refuse donc que les journalistes prennent simplement les images des enfants tout en faisant leur propre reportage. Il exige une diffusion en direct, filme aussi donc l'avant du direct pour créer le contexte en dehors des tricheries de la télé. Cette conscience de la puissance de l'image en mouvement et toutes les questions éthiques, et esthétiques, qu'elle induit dans une histoire aussi grave, fait toute la puissance du documentaire.
Critique de la passivité syndicale dans l'altercation des jeunes avec le militant. Celui qui a une vision pourtant marxiste des forces de l'ordre refuse de voir le problème qu'ont les banlieusards à laisser la police superviser un rassemblement de ce genre. Et au-delà encore, le film est aussi un hommage sincère au camarade décédé. Les dernières secondes sont dédiées aux recueillement sur le cercueil couvert d'un drapeau algérien.

Jeune femme à sa fenêtre lisant une lettre
6.8

Jeune femme à sa fenêtre lisant une lettre (1983)

45 min. Sortie : 1983 (France).

Film de Jean-Claude Rousseau

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Des plans plutôt longs, calmes, contemplatifs, sur des fenêtres. Ou sur un miroir qui reflète une fenêtre. Le cinéaste le réarrange. D'autres plans, aussi, comme sur une chaise, ou une carte topographique sur un mur. Faux raccords dans l'axe. Un concert classique de piano en fond, une lettre lue. Le premier film de Jean-Claude Rousseau qui incarne déjà sa puissance radicale, et qui cherche l'ailleurs en restant cloîtré. Il tourne au Super 8, parti pris original pour une succession de cadres fixes. Sans doute s'inspire-t-il du cinéma de Yasujirō Ozu qu'il a découvert à New York dans les années 70, et qui l'a poussé à la carrière artistique. Sans doute également que, comme chez Ozu tel que décrit par Deleuze, Rousseau s'applique avec son film à essayer de rendre tangibles le temps et la pensée.
Référence aux tableaux de Jan Vermeer sur les jeunes femmes s'adonnant à la pratique épistolaire.

Classified People
6.7

Classified People (1988)

55 min. Sortie : 20 septembre 2023.

Documentaire de Yolande Zauberman

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

Yolande Zauberman part en Afrique du Sud fin des années 80, avec en tête l'idée de suivre une vieille femme qui, en raison d'un problème de santé, doit repasser régulièrement un test pour prouver qu'elle est blanche selon les lois de l'apartheid. C'est un film de guérilla : en tant que femme étrangère elle risque gros en utilisant une caméra. Mais alors que Zauberman, désintéressée de son premier cas, filme une famille remise en cause elle aussi dans sa "blanchité", son équipe est dénoncée. La réalisatrice joue alors le tout pour le tout et filme plutôt un couple noir vivant la ségrégation depuis 21 ans de vie commune.
Robert est un métis qui a servi la France durant la Première Guerre mondiale dans une troupe non-blanche. Quand apparaît l'apartheid, ce point joue contre lui et on lui refuse la qualité de blanc, contrairement à sa femme française et ses enfants, qui le renient. Il se marie à Doris, une femme noire. Son histoire résonne comme un exemple de la violence raciale qu'ont exercée les colons dans le pays. Depuis 1948, les "coloured" (noirs, métis, Indiens...) sont marginalisés, ghettoïsés, ne bénéficient pas des privilèges démocratiques. La classification mise en place vise à les séparer des blancs selon des critères aussi arbitraires que risibles – un interrogé évoque le test du crayon dans les cheveux pour déterminer s'ils sont vraiment lisses. De nombreuses familles se déchirent alors. Voilà ce dont Zuberman rend compte avec ses deux personnages : la possibilité d'une existence commune ruinée par des intérêts fondés sur la ségrégation.
Penser au cinéma de guérilla pour dénoncer l'apartheid, c'est penser à 'Come Back, Africa'. Rogosin a utilisé le déroulement de célébrations de rue pour sortir sa caméra aux yeux de tous. Zauberman, sans cette couverture et déjà dénoncée une fois, doit filmer les intérieurs de maisons des personnes interrogés. Aucune fiction dans les témoignages, y compris celui du vieux raciste, contre un mur la nuit, lumière braquée sur lui pour faire ressortir ses propos criminels. Non plus dans la bêtise ahurie des deux fils blancs de Robert venus le voir, à laquelle répond le silence du père et de Doris. Les rares plans d'extérieur se font surtout en voiture, d'une force rejoignant le travail d'Akerman dans 'Sud', et montrent les différences de richesse entre blancs et non-blancs.

La toubib se recycle

La toubib se recycle (1977)

Taxi Girl

1 h 42 min. Sortie : 14 avril 1977 (Italie). Comédie

Film de Michele Massimo Tarantini

Azguiaro a mis 2/10.

Annotation :

Une des nombreuses comédies érotiques italiennes avec Edwige Fenech dans le rôle principal de la femme désirée de tous les hommes, et une des suites au film 'La Toubib du régiment' de Nando Cicero. Un récit qui part dans tous les sens sur une femme médecin qui décide de travailler en tant que taxi également, et se fait draguer lourdement par un certain nombre de personnages masculins irritants, voire construits dans une optique raciste. Dix ans avant le début du club Dorothée et de 'Salut les musclés', les Italiens se sont déjà emparés de la figure du cheikh arabe disposant d'un harem de femmes, amenant plus d'une situation particulièrement embarrassante. Mais tout le reste du film est lui aussi riche en moments poussifs, n'avançant de plus convaincant que les formes de Fenech. La fin est un grand foutoir à la Benny Hill, fait un peu mal à la tête et offre une ronde finale censée mettre un terme à un film déjà trop long, qui rappelle étrangement le final de la série 'Coincoin et les z'inhumains'. À jeter sans hésitation.

Amelia's Children
5.3

Amelia's Children (2023)

A Semente do Mal

1 h 31 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Épouvante-Horreur, Thriller

Film de Gabriel Abrantes

Azguiaro a mis 5/10.

Annotation :

Abrantes, pour son premier long-métrage horrifique, a cherché à être un minimum original sur le genre par rapport à la production actuelle, en particulier étasunienne puisque c'est celle qui inonde le marché. Soyons de bonne foi : ça fonctionne plutôt bien à certains moments. La légende d'une sorcière portugaise représentée sur une mystérieuse peinture de Goya, qui pour avoir la jeunesse éternelle fait des enfants en copulant avec ses fils, tout en mangeant ses filles encore bébés, c'est plutôt attirant : dépaysement, tabou de l'inceste, destruction de l'enfance. La chanson portugaise traditionnelle est à l'honneur. La thématique du semblable est corrompue, les garçons d'Amelia se ressemblent car ils sont issus de leur propres frères. Riley voit deux oiseaux identiques dans leur cage, elle demande s'ils sont de la même famille ; Manuel lui répond qu'ils sont amoureux. La consanguinité est attribuée à la sorcellerie, mais cette dernière a tout d'une métaphore de la bourgeoisie, repliée dans ses beaux domaines, n'aimant qu'elle-même.
Le problème du film est qu'il ne peut pas s'empêcher de ressasser des clichés horrifiques de son temps, souvent lassants car prévisibles, réalisés de façon trop similaire à d'autres : l'arrêt chez des locaux inquiétants façon survival horror, le cauchemar, le cauchemar dans le cauchemar, la musique criarde (pas toujours crispante ceci dit, et faite par le cinéaste lui-même) la jeune fille qui ne se décide pas à terminer son poursuivant qu'elle a déjà blessé... Difficile de s'investir complètement dans une mise en scène classique de poncifs. Bien qu'il y ait des effets de style notables, lorgnant du côté de l'expressionnisme : les beaux plans de Manuel chantant dans le soir de la forêt le font ressortir comme une silhouette, un être sombre à combattre, comme d'autres plans, par celui où il écoute à la porte du couple qui se dispute, complètement noir, la lumière derrière lui. L'héritage expressionniste se voit sinon dans l'idée plus classique de faire émerger les choses inquiétantes des ténèbres. Le fait de ne pas s'empêcher de reproduire des effets galvaudés semble ironique pour un film qui révèle le secret d'une famille se reproduisant à circuit fermé, créant des hommes qui ont tous le même visage. Peut-être est-ce la volonté du réalisateur ?...

Fantôme en délire

Fantôme en délire (1985)

School Spirit

1 h 30 min. Sortie : 30 octobre 1985 (États-Unis). Comédie, Fantastique

Film de Alan Holleb

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

Comédie érotique étasunienne des années 80, un plaisir de cinéma bis avec des meufs nues et un concept complètement con parce que complètement accessoire. Une vision de la fac ricaine où tout le monde est beau et tout le monde veut faire la fête, fantasme typique de son temps puis moqué par la suite jusque dans 'Les Simpson', mais quelle importance ? La magie peut fonctionner, même si on vient que pour mater et se vider la tête. On se retrouve à apprécier les personnages, les rares idées parfaitement basiques de mise en scène, et des passages réellement mignons entre le fantôme lubrique et cette Française venue pour donner de l'argent à la faculté. Elle finira par financer les délires des étudiants et déclarer le jour de bizutage comme jour de congé officiel, ça n'a aucun sens et le message régressif est vraiment trop yankee, mais c'est pour le mieux. Pas beaucoup de sens non plus que la conséquence du retard de l'oncle à ramener son neveu à la porte du Paradis soit que Billy "revienne" à la vie. Mais si c'est pour qu'il reste avec Héloïse dans une fin heureuse, allez, pourquoi pas, parce que j'aime trop ce genre de films. Encore plus quand dans ma tête je transforme les mecs en butches, là ça devient parfait. Vive le jugement subjectif, vive le cinéma bis, vive la vie.

Tirez sur le pianiste
6.7

Tirez sur le pianiste (1960)

1 h 21 min. Sortie : 25 novembre 1960. Policier, Drame, Thriller

Film de François Truffaut

Azguiaro a mis 8/10.

Annotation :

À certains moments, le deuxième long-métrage de Truffaut passe pour un pastiche de film noir, en particulier dans les passages avec les deux truands, plus sympathiques que menaçants. Ils apportent parfois un comique délicieux : par un enchaînement de plans on comprend que le bandit provoque la mort de sa mère de façon absurde, jurant sur sa tête que l'écharpe qu'il porte serait du métal japonais. Mais le sentiment de légèreté ressenti n'est que la touche subtile d'une palette d'émotions majoritairement portée sur le drame et la fatalité, racontant comment un homme pourtant moral, gentil et romantique est condamné à une boucle tragique. Charlie a fui ses frères délinquants pour se consacrer à la musique, mais ces derniers reviennent pour lui attirer de nouveaux problèmes. Sa relation passée avec sa défunte femme Thérésa, qui se suicide à cause de son infidélité avec l'impresario, se répète avec Léna, tuée par un truand après une fuite en montagne due à la jalousie de Plyne, le tenant de bar. À chaque fois, la femme aimée veut aider Charlie, ce qui précipite les ennuis à cause d'un tiers. Le choix du héros, qu'il relève de la lâcheté ou du courage, n'arrange jamais la situation. Quand Thérésa lui avoue sa liaison, il la laisse seule dans la chambre, ne pouvant donc lui éviter de se jeter par la fenêtre. Quand Plyne devient agressif face à Léna et la barwoman, il intervient, ce qui provoque le combat à l'issue funeste.
Avant de jouer Charlie/Edouard dans 'Tirez sur le pianiste', Charles Aznavour avait pris le rôle d'un autre homme timide dans 'Les Dragueurs' de Jean-Pierre Mocky. Les deux films sont intéressants à comparer car ils parlent chacun des difficultés des hommes face à la gent féminine. Celles-ci sont plus théoriques que pratiques chez Truffaut : les personnages masculins n'alpaguent pas les femmes dans la rue mais ont chacun leurs idées ou leurs obsessions sur elles. Les truands se complaisent dans les remarques misogynes. Les frères de Charlie ont le même rapport puéril à l'autre sexe. L'impresario a entretenu une relation avec une femme qui n'était pas la sienne. C'est ce qu'aurait voulu Plyne avec Léna. Charlie est tourmenté par les femmes qu'il voudrait aimer mais craint de perdre, à raison. Seul l'homme du début que rencontre le frère Chico entretient un rapport apaisé aux femmes, par le biais de l'épouse qu'il a appris à aimer avec le temps.

Bosko and Bruno

Bosko and Bruno (1932)

07 min. Sortie : 30 avril 1932 (États-Unis). Animation, Comédie

Court-métrage d'animation de Hugh Harman

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Une aventure de Bosko, quand celui-ci faisait partie des Looney Tunes, dont il a été le premier représentant. Puis ses créateurs, Hugh Harman et Rudolf Ising, ont fini par se brouiller avec Leon Schlesinger, propriétaire de la Warner Bros. Cartoon, et ont donc profité du fait qu'ils avaient gardé les droits du personnage pour le déplacer à la MGM en 1933. 'Bosko et Bruno', un exemple de la dynamique purement 2D des dessins animés à l'ancienne : pourquoi faire un pas sur le côté pour échapper à un train quand on peut courir sur les rails pendant des plombes en espérant trouver une échappatoire sur le fer ? La maîtrise de l'animation est tout à fait bonne pour son époque.

Le Vent des Aurès
6.8

Le Vent des Aurès (1966)

Rih el-Aouras

1 h 30 min. Sortie : 1 novembre 1966 (Algérie). Drame

Film de Mohammed Lakhdar-Hamina

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Un film culte sorti quelques petites années à peine après l'indépendance de l'Algérie. Le sujet du sort des prisonniers locaux durant ce conflit résonnait donc profondément dans les esprits. L'histoire est d'ailleurs inspirée d'un récit de famille du réalisateur (remarquons que l'un de ses deux noms de famille est aussi le prénom du fils). Cela ne rend pas le montage moins titubant à certains moments (les durées des plans ne sont parfois pas très bien gérées dans des scènes où la mère balaie son environnement du regard), ni les quelques fautes d'acting moins visibles. Mais le résultat reste sensible et touchant, mettant en scène l'acharnement d'une mère à retrouver son fils arrêté par l'armée française qui, par souci de réalisme, ne peut empêcher une issue tragique. La dernière partie, commençant par les échanges de regards de Lakhdar et ses compagnons de camp avec sa génitrice de l'autre côté des grilles constituent le point le plus désarmant du récit, trouvant sa force dans le muet. La musique de Philippe Arthuys prend le relais des mots, et les visages souriants des retrouvailles ne sont que pure émotion... y compris lorsque ceux des prisonniers deviennent moroses un jour pour indiquer la mort du fils. De ce constat découle la scène finale, où le déchaînement du vent comme représentation de la détresse et du désespoir se combine à l'expressionnisme le plus défaitiste. La mère, blancheur écrasée par les ténèbres de la nuit, hurle impuissante devant les lumières d'intérieur du camp qui s'éteignent, et se jette sur les barbelés électrifiés après un jeu possédé, renforcé par des gros plans et des plans tordus.
'Le Vent des Aurès' est aussi un film qui consacre un temps notable à évoquer la vie rurale des Chaouis dans leur région historique. Après le générique d'ouverture, ce sont de longues minutes qui sont consacrées à la description d'une communauté fellah dans son quotidien, de la prière au travail au foyer ou dans les champs. Mais même à ce niveau du film, Lakhdar-Hamina fait planer une menace imminente avec les vols d'un avion français à la recherche de maquisards, qui casse ponctuellement la tranquillité du tableau. Ce qui n'empêche pas les espaces de l'Aurès, filmés dans leur immensité, de permettre encore un sentiment de liberté, s'opposant aux nombreux plans de la dernière partie où les personnages sont filmés au travers des barbelés.

Daaaaaalí !
6.4

Daaaaaalí ! (2023)

1 h 18 min. Sortie : 7 février 2024. Comédie

Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)

Azguiaro a mis 6/10.

Annotation :

Scène de télévision : Salvador Dalí confirme qu'il est son propre chef-d’œuvre, lui qui n'aime pas son art et ne regarde que lui-même. C'est pour ça que 'Daaaaaalí !' n'est pas un biopic, ni un examen de son œuvre, mais un jeu constant autour de la personne en tant que personnage, pétrissant ce qui a irrigué sa légende bien plus que son vécu ou ses créations : son ego titanesque. Pour Dalí, il faut toujours voir immense ; il faut l'aimer, le vénérer, l'intéresser et prouver qu'il intéresse. Dupieux joue pleinement ce jeu. Pour rendre le personnage mythique, il multiplie ses interprètes selon les réalités : Édouard Baer, Jonathan Cohen, Gilles Lellouche, Pio Marmaï, Boris Gillot et Didier Flamand. Par une intrigue à tiroirs il montre un homme qui ne se plie jamais, qui résiste inlassablement à une entrevue avec la jeune Judith, sabote par son orgueil et ses extravagances les tentatives de le filmer. Ce n'est que par une série finale de mises en abyme que le film sera terminé, comme autant de boîtes nécessaires pour contenir sa mégalomanie. C'en finit même par être éreintant, le film tire tout de même trop vers la fin dans son métatexte qui s'étend hasardeusement, au nom du narcissisme tortueux de l'artiste que seule Judith s'obstine à affronter... tout en s'y soustrayant perpétuellement.
Dans toute cette démesure hors-sol, Dalí est montré touchant lorsqu'il trahit une angoisse très humaine, celle du temps et de la mort. Autour du thème, Dupieux révèle son tour le plus malin. Il filme d'abord l'Espagnol qui s'aperçoit vieilli derrière une vitre de sa villa. Ce dernier conclut, comme le public, à une hallucination. Mais plus tard, le cinéaste rejoue la scène en prenant cette fois le point de vue du vieillard ; le Dalí au téléphone devient alors le reflet du passé. Si tout n'est qu'un film, celui de Dupieux développe tout de même brillamment, par deux faces d'un même prisme, la peur de la jeunesse face aux rides d'un futur devenant présent, et l'aigreur de la vieillesse constatant le temps qui s'en est allé.
Surréalisme évidemment présent : couloir qui s'allonge, images rembobinées, pluie de chiens morts... Mais si le réalisateur filme l'orgueil de Dalí, il s'en écarte en référençant surtout, une nouvelle fois, les films Luis Buñuel, ami du peintre avec qui il a co-scénarisé 'Un chien andalou'.

Nuit noire
5.3

Nuit noire (1982)

One Dark Night

1 h 29 min. Sortie : 25 février 1983 (États-Unis). Épouvante-Horreur

Film de Tom McLoughlin

Azguiaro a mis 5/10.

Annotation :

Par le réalisateur de 'Jason le mort-vivant', l'un des films les plus appréciés de la saga 'Vendredi 13'. L'histoire du bizutage d'une jeune fille par les garces de son école, se faisant dans un mausolée où la nuit un vieux télépathe mort récemment revient à la vie et ressuscite d'autres morts. L'horreur frontale prend du temps à arriver. Avant, l'errance dans le mausolée est à l'honneur, avec une ambiance froide et lugubre plutôt réussie, permise par les plans de couloirs labyrinthiques où s'alignent les tombes dans les murs. L'apothéose macabre a des airs de film de Fulci, en moins gore.

Azguiaro

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