Lectures 2025

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Relecture

Doucement, rentrer dans la phrase proustienne, trouver son équilibre. Du côté de chez Swann s‘ouvre d’emblée sur des pages imprégnées d‘une grande nostalgie. Une introspection exceptionnelle où les sentiments sont mis en mots avec une très grande sensibilité et précision. Déjà, la madeleine. Puis l‘on bascule dans Un amour de Swann, qui est peut-être moins vertigineux. Une relation déséquilibrée, progressivement rongée par la jalousie. Proust excelle pourtant là aussi à faire basculer la perception par d‘infimes événements. Dans la troisième partie, l‘amour naissant et l‘impatience qui va avec. Et ici comme ailleurs, le temps qui se dilue dans ces espoirs et ces fantasmes.

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Soit 40 ans de la vie de Harry Mason (dit Bo), avec ses hauts et ses nombreux bas, athlètes incomparables, charismatique, gâchette facile, beau parleur, père désintéressé, violent, caractériel, magouilleur, flambeur, vulgaire, radin, égocentrique. Un roman très américain, obsédé par la réussite, cette montagne de sucre inatteignable, mirage capitaliste qui fait rêver Bo et le pousse toujours à déménager, à retenter sa chance ailleurs, traffic de Whisky pendant la prohibition, ouverture de Casino plus tard, à remettre ses gains en jeu, femme et enfants sous le bras, entre le Dakota, Nevada, Utah, peu importe. Ce rêve est une chimère, mais il semble toujours à portée de main pour cet ambitieux tête-à-claque que l’on adore détester. Les grands personnages font les grands hommes romans ? Alors on aurait tendance, malgré parfois une écriture un peu plate dans le premier tiers, à donner raison à Nabokov qui qualifiait ce classique d’ « enchanteur » et de « déchirant ». On devine entre les lignes que cet homme plein de contradictions ressemble beaucoup au père de Stegner. Écrivain oublié, National Book Award et Pulitzer, il a été le professeur de Ken Kesey, Tom Mc Guane ou Gordon Lish à Stanford. Son épopée rappelle dans ses meilleures pages un Steinbeck un peu truand qui aurait quitté la Californie pour vagabonder. Si les dialogues ne sont pas parfaits, ça transpire l’humanité à chaque page.

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C’est le livre où le narrateur parvient à se détacher de Gilberte avant de partir pour Balbec et faire la rencontre, d’abord du peintre Elstir puis d’Albertine. La moitié ou presque de ce deuxième volume se déroule donc dans la station balnéaire, ce qui donne aussi un souffle nouveau au récit, une rupture au sens propre. On sort prudemment du giron familial. Les pages pour moi les plus belles sont celles où Proust questionne l’art, les pages où il avoue sa légère déception auprès de Bergotte et puis celles au contact d’Elstir. Son esprit absolument tourné vers le groupe de jeunes filles, il cherche enfin toutes sortes de stratégies pour les approcher sans en avoir l’air. La profondeur du regard, les sentiments comme décortiqués au scalpel, la justesse des métaphores toutes plus parfaites les unes que les autres. Et pourtant, une immobilité des corps, une lente inertie. L’aventure intérieure est cérébrale, elle touche aussi à la sensualité, mais les phrases, souvent, m’ont comme tenu à distance, comme devant une beauté froide.

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Texaco est une réussite époustouflante, l’histoire de la Martinique, depuis l’esclavage jusqu’à la visite de De Gaulle après la guerre, en passant par l’éruption dévastatrice du volcan de la montagne Pelée en 1902. Ces différents épisodes tournent autour du quartier de Texaco, bidonville de Fort-de-France et de ses habitants hauts en couleurs. Si je craignais que le texte soit riche en gouaille et charme et peut-être parfois seulement ça (quelque chose comme du Danny Laferrière, que j’apprécie beaucoup par ailleurs), il faut dire que Chamoiseau boxe dans une autre catégorie, proche d’un Céline des Caraïbes, même si les références qui reviennent à longueur de texte sont Rabelais et Lautréamont. Il triture la langue comme ces derniers, n’hésite pas à oser, inventer, néologiser de partout, irrévérencieux et formidablement vivant. Son roman demande une constante attention du lecteur mais offre son lot de récompenses aux plus attentifs, des trouvailles stylistiques comme si il en pleuvait, dans un français créolisé et fleuri au possible. Une œuvre ambitieuse, qu’on ne peut réduire à son exotisme ! Une fois bercé par le rythme étrange de cet argot des îles, on se sent bien, et on en redemande. De mémoire, un des plus beaux Goncourt.

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(anglais)

Grande fresque romanesque sur une pionnière de l’aviation, Great Circle traverse plusieurs décennies sans jamais baisser d’intensité. Au centre de ce page-turner fascinant, deux personnages de jeunes femmes : dans le passé, Marian Graves, orpheline qui grandit sans le sou en rêvant de devenir pilote ; aujourd’hui à Hollywood, la jeune starlette Hadley interprète Marian dans un biopic qui lui rend hommage. Pour ce roman riche et ambitieux, Maggie Shipstead a été près de remporter le Booker Prize 2021. Au coeur de ces personnages qui traversent le siècle, en Europe, Alaska ou quelque part dans les airs, se met en place une dynamique entre la vie dramatique de Marian et sa légende pour le cinéma. Il faut tirer la part de fiction dans la fiction elle-même. Shipstead construit habilement ses va-et-vient et ménage quelques surprises, tout en documentant les premières traversées de ces femmes qu’on ne voulait pas laisser aux commandes. La narration multiplie les temps forts. Marian, toujours poussée par sa passion et sa volonté, comme son frère jumeau, artiste et paumé, sont des personnages touchants et mémorables.

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(anglais)

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(allemand)

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