Les Aventures d'Adèle Blanc-Sec : sens de lecture (si l'on veut être complet)
une playlist à écouter pendant la lecture :
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voir aussi "Tardi : chronologie" :
https://www.senscritique.com/liste/tardi_chronologie/3944963?mode=preview
12 BD
créée il y a plus de 7 ans · modifiée il y a 8 moisLe Démon des glaces (1974)
Sortie : octobre 1974.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Première histoire indépendante de Tardi parue en album en 1974 et sans prépublication, LE DÉMON DES GLACES est fondateur dans son œuvre. Il y fera d'ailleurs référence plusieurs fois dans ADÈLE BLANC-SEC.
Ça commence dès la couverture, à la fois majestueuse et angoissante, référence évidente à 20.000 LIEUES SOUS LES MERS de Jules Verne, à qui cette histoire est un hommage permanent.
On suit donc le parcours d'un jeune gars sympathique au demeurant, Jérôme Plumier, victime d'un naufrage en Arctique, à la recherche de son oncle. L'aventure est présentée sous une forme volontairement surannée, reprenant l'esthétique des illustrations des livres de Verne, dans un univers qu'il n'aurait pas renié. Le ton ironique de Tardi est très drôle (notamment dans les commentaires) et les personnages principaux se révèlent finalement tous être de sales cons. Mais c'est très marrant parce que totalement inattendu : le retournement de situation du chapitre VI (planche 4) est tout simplement génial.
Seul bémol : la fin beaucoup trop brutale.
Adèle et la Bête - Adèle Blanc-Sec, tome 1 (1976)
Sortie : avril 1976.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
En passionné de la Belle Époque, Tardi crée une nouvelle série qui deviendra emblématique. On le sent d'ailleurs plus que jamais dans son élément lorsqu'il crée ses décors parisiens de 1911.
Il rend cette fois hommage aux feuilletons qui paraissaient dans la presse d'avant 14 ; des récits faits d'aventures mystérieuses à suivre qui tenaient le public en haleine à coup d'assassinats rocambolesques ou d'énigmes empruntes de spiritisme, chers aux Souvestre, Alain, Leroux et autres Leblanc, dans un univers où le progrès est encore envisagé comme la solution à tous les maux, et où chacun semble pouvoir créer dans sa cave ou son grenier une nouvelle invention qui profitera à l'humanité.
Adèle Blanc-Sec - elle-même intrigante - apparaît tardivement dans l'histoire et Tardi sait cultiver la part de mystère de son personnage principal (apparemment aisée, accompagnée de deux hommes - quelles sont leurs relations ? - à la recherche d'un magot volé à un banquier assassiné). Les autres protagonistes ont tendance à s'empiler comme un mille-feuille et on s'y perd un peu, notamment entre Albert et Joseph, mais le benêt Caponi fait bien sourire. Et comme souvent, l'ironie fait ce qu'il faut pour rendre le récit (auto)critique et très vivant.
Le Démon de la tour Eiffel - Adèle Blanc-Sec, tome 2 (1976)
Sortie : mai 1976.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
LE DÉMON DE LA TOUR EIFFEL débute huit jours après la fin d'ADÈLE ET LA BÊTE et c'est bien sûr du même tonneau. On y apprend finalement que, romancière, Adèle ne s'était liée au départ à Ripol que pour se documenter sur le milieu des voyous et que l'hôtel particulier de Meudon n'était pas chez elle. Pour le reste, on est toujours dans le monde du mystère teinté de fantastique qui était très à la mode à cette époque-là. Le style nouille est partout et Flagolet s'inspire beaucoup de Pierre Loti.
On remarquera au détour d'une case le caveau de famille des Plumier au Père Lachaise, et on apprécie encore une fois l'ironie mordante de Tardi, toujours aussi vivace (également envers lui-même), lorsque ses personnages s'accordent sur le fait que "cette histoire ne serait pas bonne à faire un mauvais roman. Trop compliquée, on n'y comprendrait rien".
La fin est complètement immorale, mais c'est fait pour et c'est ce qui donne son charme à l'ensemble. Les deux premiers albums sont d'ailleurs meilleurs considérés comme un tout (8/10) que indépendamment l'un de l'autre.
Le Savant fou - Adèle Blanc-Sec, tome 3 (1977)
Sortie : avril 1977.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 8/10.
Annotation :
Une fois le décor et les personnages bien plantés dans la première paire d'albums, on retrouve Adèle dans le très joli Paris enneigé de janvier 1912 aux côtés de quelques savants plus ou moins dingos, surtout un. L'histoire est moins alambiquée que précédemment mais toujours aussi typique du fantastique très en vogue de l'époque. Et le pithécanthrope est excellent, en particulier dans sa première scène. Tardi s'amuse, et nous aussi.
Momies en folie - Adèle Blanc-Sec, tome 4 (1978)
Sortie : janvier 1978.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Peut-être le meilleur album de la série, qui clôt la première période des AVENTURES EXTRAORDINAIRES D'ADÈLE BLANC-SEC. C'est d'ailleurs, contrairement au trois précédents, le seul album à la fin duquel il y a marqué "fin" sans question d'accroche au lecteur pour l'inciter à lire le prochain tome. Tardi comptait vraiment arrêter la série en 1978 et se consacrer à autre chose.
Il n'en reste pas moins que MOMIES EN FOLIE clôt cet ensemble de très belle manière. C'est loufoque et iconoclaste et la référence au DÉMON DES GLACES fait très plaisir. Ce n'est pas du simple fan service bas de plafond comme on nous en sert vulgairement au kilo à l'heure actuelle à la moindre occasion.
Adieu Brindavoine / La Fleur au fusil (1979)
Sortie : avril 1979.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
ADIEU BRINDAVOINE est la première histoire longue de Tardi seul, publiée dans "Pilote" en 1972. C'est un récit de jeunesse, avec ses imperfections, mais aussi avec son charme qui opère encore très bien aujourd'hui. On y trouve les prémices de ce qu'il développera par la suite, notamment dans LE DÉMON DES GLACES et ADÈLE BLANC-SEC, à commencer par sa passion pour la Belle Époque, son atmosphère et son esthétique.
On retrouve ensuite Brindavoine dans "La Fleur au fusil", histoire courte de 10 planches parue dans "Pilote" en 1974 et qui fait le lien entre le précédent récit et la Grande Guerre. Une brève histoire comme seul Tardi sait les pondre, mélange de réalisme cru, d'onirisme décalé et d'ironie grinçante.
L'ajout en 1979 de cette histoire à la suite d'ADIEU BRINDAVOINE donne plus de consistance à l'album.
Le Secret de la salamandre - Adèle Blanc-Sec, tome 5 (1981)
Sortie : avril 1981.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
Le retour de Mademoiselle Blanc-Sec se fait dans un étrange album d'ADÈLE SANS ADÈLE (elle n'apparaît que dans 9 cases).
À l'issue de MOMIES EN FOLIE, Tardi avait - semblait-il - mis un point final à sa série en tuant Adèle, la remisant au congélo. Trois ans après, il décide d'y revenir en ajoutant Lucien Brindavoine à son univers. Cet album est donc un mélange des environnements des deux personnages. Les lecteurs habituels d'ADÈLE BLANC-SEC furent donc déroutés par LE SECRET DE LA SALAMANDRE qui ne parle quasiment que de Lucien ou des personnages rencontrés dans ADIEU BRINDAVOINE. L'ensemble ressemble à un bordel sans nom qui correspond bien à l'ambiance de chaos de l'époque. C'est assez anarchique, mais le narrateur croisé entre ADIEU BRINDAVOINE et "La Fleur au fusil" (une représentation de Tardi lui-même complètement décati) joue les fils rouges pour nous aider à comprendre ce qu'il se passe.
Et le résultat n'est finalement pas si mal. L'atmosphère à l'arrière du front (nous sommes toujours au temps de la Grande Guerre) est très bien rendue. C'est d'ailleurs très intéressant de lire les albums de Tardi sur 14-18 entre ADIEU BRINDAVOINE/LA FLEUR AU FUSIL et LE SECRET DE LA SALAMANDRE, car ça donne une dimension supplémentaire aux personnages et à leur univers.
En somme, il ne faut pas s'attendre à lire du ADÈLE BLANC-SEC en lisant cet album de transition, et on comprend que ADIEU BRINDAVOINE ait finalement été intégré à la série (en en reprenant aussi la maquette depuis 2022).
Le Noyé à deux têtes - Adèle Blanc-Sec, tome 6 (1985)
Sortie : septembre 1985.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
LE NOYÉ À DEUX TÊTES marque le véritable retour d'Adèle Blanc-Sec, mais reste toujours aussi bordélique, même s'il se recentre sur son sujet principal. On y apprécie les déambulations nocturnes des personnages dans Paris le 11 novembre 1918 et quelques passages plutôt rigolos. En revanche, la série devient plus absurde qu'auparavant puisqu'on peut constater par exemple que Brindavoine est immortel (il se pend une bombe dans la tronche et tombe d'un immeuble, mais reste indemne à chaque fois).
De son côté, Adèle commence à changer. Elle est plus ronde et épaisse qu'elle n'était jusqu'à présent.
Tardi qui, à l'époque ou paraît l'album (1985), n'a pas encore produit beaucoup d’œuvres sur 14-18, utilise cette histoire pour dire ce qu'il pense du conflit avec parfois Adèle comme porte-parole, ce qui est assez maladroit car elle est le seul personnage à ne pas l'avoir vécu.
Un album sympa qui achève la transition amorcée par LE SECRET DE LA SALAMANDRE en lançant les bases de nouvelles intrigues pour la suite.
Et puis, c'est ici qu'on trouve cette excellente réflexion : "On m'a appris que les Américains n'étaient que des gardiens de vaches. Étant donné que les Français sont des veaux, les Français ont désigné leurs maîtres."
Tous des monstres ! - Adèle Blanc-Sec, tome 7 (1994)
Sortie : octobre 1994.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
C'est le lendemain de l'Armistice et la vie d'Adèle reprend son cours, à commencer par une visite chez son éditeur Bonnot (aperçu dans LA VÉRITABLE HISTOIRE DU SOLDAT INCONNU). L'histoire est plus cadrée que les deux précédentes, on y trouve un fil conducteur plus cohérent, mais c'est de plus en plus absurde. Ce qui différencie la seconde partie de la série par rapport à la première (1976-78).
Et, à l'instar d'Adèle qui a changé de personnalité comme de physique, Simon Flagolet, le détective, n'a plus rien à voir non plus avec ce qu'il était dans les premiers épisodes, dans lesquels il était plus intéressant. Il est désormais outrageusement pusillanime.
Tardi se défoule sur ses personnages et les maltraite copieusement et c'est ici qu'il commence à faire des cases répugnantes (les gerbis de Dieuleveult), mais ça n'empêche pas TOUS DES MONSTRES d'être un bon album, dans lequel participent quelques grands noms de la BD, tels que Mézières, Questac, F'murr, Bilal, Fred, Boucq, Gotlib, Solé, Comès ou encore Druillet pour les monstres. L'ironie mordante est toujours là et on trouve à nouveau une belle référence au DÉMON DES GLACES.
Le Mystère des profondeurs - Adèle Blanc-Sec, tome 8 (1998)
Sortie : octobre 1998.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
On revient enfin au niveau de la première partie de la série avec cet album. Tardi crée de nouveaux personnages truculents (le dentiste, Fluet et le notaire) tandis que le gros commissaire Laumanne s'empêtre dans un rébus en se coupant les doigts à la guillotine. On a quitté l'absurde pour revenir à un fantastique de feuilleton plus classique (les limules géants, un clin d’œil à la légendaire Musidora des Vampires), et comme le tout est saupoudré de dialogues marrants, ce tome est ravigotant. Et le dessin toujours au top.
Le Labyrinthe infernal - Adèle Blanc-Sec, tome 9 (2007)
Sortie : octobre 2007.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
Le style de Tardi a changé, son trait est plus épais ; une évolution que représente parfaitement le personnage d'Adèle qui, de toute fine et élégante à ses débuts est devenue une grosse dondon moche et avinée (sur l'édition actuelle, comparer sa tête entre le recto et le verso de la couv'). Elle était caustique et sarcastique, elle est devenue cynique et aigrie. Beaucoup moins sympathique, donc.
Néanmoins, l'histoire alambiquée que nous propose Tardi est plutôt bien construite et on attend la suite à la fin de l'album.
Qu'on attendra longtemps....
Le Bébé des Buttes-Chaumont - Adèle Blanc-Sec, tome 10 (2022)
Sortie : 12 octobre 2022.
BD franco-belge de Jacques Tardi
Muffinman a mis 4/10.
Annotation :
Tardi s'était lancé dans LE BÉBÉ DES BUTTES-CHAUMONT dans la foulée du LABYRINTHE INFERNAL, mais lassé de son histoire (on le comprend) et de ses personnages, il a laissé tomber. Le temps passant, on pensait donc qu'il n'y aurait jamais de fin à ADÈLE BLANC-SEC lorsque, miracle ! quinze ans plus tard, on a appris la parution de cet inespéré tome 10.
Si le tome précédent était sauvé par quelques bonnes trouvailles et une série de petites intrigues qui tenaient encore la route, ici c'est la grosse plantade. Tardi fait traîner sans raison, il rabâche et on s'ennuie ferme. C'est un gros n'importe quoi. Assumé. Mais n'importe quoi quand même et c'est donc ennuyant. Et - gros problème - le dessin laisse à penser qu'il a traité son histoire par dessus la jambe. Son trait, désormais toujours aussi épais et de plus en plus rondouillard, est parfois mal assuré (la main qui tremble ?), les décors peu détaillés (voir la couv'), l'exécution grossière (comparer le ptérodactyle du tome 1 à celui de la page 23 (ou du tome 9) : c'est tellement laid qu'on croirait que c'est dessiné par Sfar). Et tous ces boutons, pustules, tentacules autres mochetés sont répugnants.
Bref, c'est raté et on voit un peu trop que Tardi - se sentant obligé de conclure (pourquoi après tout ce temps ? Besoin de sous ?) - a empilé des idées improvisées à la va-vite dans un "Oh, et puis merde !" généralisé, en faisant par la même occasion un gros bras d'honneur à ses lecteurs.
On sourira juste à la critique envers l'envahissement de ces saloperies de trottinettes ou à celle adressée à la mair(i)e de Paris pour la crasse de la ville. Critiques dont l'auteur, cynique, sait qu'elle flattera une grande partie du lectorat qui ne verra pas, du coup, le bras d'honneur évoqué plus haut.