Livres Lus 2016

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On pourrait dire de la poésie d'Heine qu'elle est post-romantique. Plus léger, plus détaché, ironique même parfois, chez lui l'Amour est plus immanent que transcendant, ses égéries sont belles et bien matérielle, et accessibles physiquement (si vous voyez ce que je veux dire) pas de Femme Idéale et intouchable. Sa poésie politique n'est pas héroïque, mais critique et grinçante contre les les souverains de son époque et leurs rêves de gloire. Brillant.

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Il manque quelque chose dans ces mémoires, je ne sais pas vraiment quoi, de l'ampleur, de l'analyse, un point de vue, mais Neruda n'est pas très doué pour l'introspection (ni pour la clairvoyance politique, ni pour la modestie d'ailleurs). De très beaux passage tout de même lorsque l'auteur insuffle un peu de poésie dans sa prose.

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24 textes très courts qui sont comme des poèmes en prose, écriture très minutieuse, précision quasi maniaque pour capter des instants, des états d'âmes, des personnages. Assez puissant (surtout pour les 30s).

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Souvenirs d'un poète héroïnomane new-yorkais fréquentant notamment la Factory de Warhol. On pourrait s'attendre au pire mais Carroll n'est pas un poseur, son regard est très lucide et plein d'humour sur lui-même et ses fréquentations, ironique mais reproduisant bien l'intensité de sa vie grâce notamment à un style impeccable.

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Rochman écrit l'errance d'un rescapé des camps, il écrit sur les survivants, sur ce qu'ils peuvent faire après l’événement irréparable, sur ce que le peuple Juif peut devenir après ça.
Grand livre de fantômes, remuant des choses que l'on voudrait parfois laisser reposer. Très long aussi, une bonne connaissance du judaïsme doit aider à apprécier certains passages un peu trop discursifs.

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Roman iconoclaste et époustouflant. Ce texte longtemps perdu, publié en 1891 s'éloigne de l'ambiance Fin-de-Siècle pour se projeter dans la modernité du Xxe, par sa fantaisie, son rythme infernal, son humour absurde, cynique et parfois scatologique. Ecrit sous le haut patronage de Lautréamont et de ses Chants (même éditeur à l'époque) longuement cités, on y voit déjà apparaître les prémisses de Dada, Roussel, Jarry et quelques dynamiteurs du roman, qui trouvent là un aieul oublié.

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Ah. Voilà un livre un peu bancal mais ce n'est pas de la faute de son auteur. Une collection de remarques philosophiques extraites de carnets de travail, pour les curieux et admirateurs de Wittgenstein. Mais pas seulement, si l'intérêt premier de ces remarques est bien de s'approcher un peu plus du philosophe et de se pensée via des remarques "obliques", pas toujours dans le cœur de sa philosophie, explorant des territoires esthétiques, religieux et autres, ces cours textes valent aussi pour leur fulgurance propre, pour ces éclairs de génie wittgensteinien.

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Je crois que c'est le Bataille que j'ai le plus apprécié, j'étais sans doute dans le bon état d'esprit. Rapidement j'ai fait le lien entre ses personnages et ceux de Dostoievski, j'ai ainsi mieux accepter leur exaltation; leurs quêtes des extrêmes, leurs approches presque hystériques d’événements parfois plus anodin que tragiques.
Et puis il y a le style, hiératique, à l’extrême limite du classicisme sans tomber dans la préciosité.

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Analyse croisée de l'histoire des Noirs américains et de leurs musiques. De l'esprit et quelques belles intuitions, mais dans l'ensemble ça manque de passion, sauf à la fin peut-être, et de rythme, ce qui est dommage vu le sujet.

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Oubliez tout ce que vous savez sur la poésie et lisez Whitman!
En plein milieu du 19e siècle, seul ou presque sur son continent, il crée une forme nouvelle, une expression révolutionnaire. Point d'obscurité ni d'apitoiement, pas de rimes géométriques ni de vocabulaire précieux. Le vers est libre, le surmoi inexistant, la pensée et le corps se rejoigne, les dieux n'ont pas fui mais sont partout, et la langue exprime une puissance unique dans l'Histoire, à la dimension de l'Amérique et de son peuple.

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Autobiographie et compilations d'essais, un livre aux multiples sujets et facettes, plus ou moins passionnants selon les thèmes mais toujours riche et juste dans sa manière de lier sensibilité et histoire intime et réflexions philosophiques plus générales.

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Livre en deux temps, pour commencer Carrère nous raconte sa période chrétienne, pourquoi? Eh bien, pour le plaisir de parler de lui et surtout pour nous dire d'où il parle. Ensuite il nous raconte les débuts du christianisme à sa sauce, à hauteur des hommes qui l'ont faite. Plein d'érudition et de belles intuitions, le livre se lit très bien d'autant plus que ce qui est raconté ici, et que devrait déjà connaitre tout honnête homme..., était assez peu clair dans mon esprit. Bon cela dit, malgré la liberté de parole de Carrère, le livre tombe un peu trop dans la paraphrase d'historien, et puis Carrère manque un peu de puissance d'écriture (puissance plus présente dans les nombreuses citations qui émaillent le livre).

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Livre de fausse aventure, à la Heart of Darkness post-moderne, histoire d'une quête vaine en nature hostile mais philosophiquement riche. Le poète Mutis réussit parfaitement son passage à la prose, style et narration excellente. à poursuivre avec les autres novelles du cycle de Maqroll le Gabier.

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Winkler part étancher sa soif d'Eros et Thanatos sur les berges de Bénarès où se déroule la crémation rituelle des morts, au bord du Gange donc. Description saisissante d'un lieu où mort et vie se rejoignent, où un fleuve sale nettoie, où cadavres et déjections flottent entre des rubans de fleurs. Hélas le livre est bien trop répétitif.

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Ce recueil de nouvelles ne bouleverse pas vraiment les règles du genre, entre Carver et le New Yorker, on suit des américains "moyens" mais plus ou moins dysfonctionnels dont les vies s'étiolent ou glissent vers la bizarrerie.
Surement une référence pour ateliers de creative writing, car c'est très bien fait, mais pas plus.

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Chichkine est l'un des écrivains russes contemporains les plus reconnus, récompensés. A la fois post-moderne et héritier des grands romanciers du XIXe siècle, il nous propose ici un roman épistolaire, genre oublié dynamité par l'absence de dialogues entre les deux rédacteurs qui vivent dans des temporalités disjointes, l'un bloqué dans une guerre lointaine, l'autre déroulant sa vie "normale" parfois pleine d'épreuves elle aussi. Seul le souvenir de leur amour illumine de bonheur des récits difficiles, un peu bavards et évanescents mais brillamment écrits.

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Je me suis un peu ennuyé dans ce Foucault, qui explore le rapport à la sexualité dans la Grèce Antique, selon différent aspects (économie, vérité etc...). Beaucoup d'infos intéressantes, mais on reste trop dans le commentaire et la description.

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Prokosch était un poète anachronique, en plein modernisme, souvent furieux, de la poésie américaine, il privilégie l'élégie, le lyrisme, les thèmes mythologiques. Parfois avec réussite. La traduction de Bulteau m'a parfois interpellé, mais le texte est en bilingue.

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Hervé Bouchard crée une nouvelle langue pour nous raconter une enfance, rejouant toutes les micro-tragédies, hontes, mais aussi les jeux épiques et la puissance vitale de cette époque. Une plongée dans une subjectivité perturbante et un roman éblouissant, avec un style "inouïe". On se demande pourquoi la littérature québécoise n'est pas plus connue et éditée en France, pour ne pas donner de complexes à nos écrivains nationaux?

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On dit souvent que les romanciers ont tendance à en faire trop dans leur premier livre... connaissant Vollmann on pouvait donc s'attendre à du lourd. Et en effet, il nous sert une grande fresque cartoonesque (son sous-titre) sur un pitch SF abracadabrantesque, mélange d'Histoire, d'aventures pulp (Rider Haggard), de réflexion sur la technologie, et quelques traits autobiographiques. On pense pas mal à Pynchon, certains passages sont sublimes, d'autres un peu longs, mais le voyage vaut le coup.

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Au début, je n'y ai pas trop cru, ces histoires d'initiation Aux drogues et au SM, ce faux clochard mystérieux, et puis la langue assez commune de Murakami. Cette langue n'est pas là par hasard, car ce sont les personnages qui racontent leur vie, et finissent petit à petit par retrouver dans leur récit l'intensité de leurs expériences physiques. Murakami sait qu'il faut aller loin parfois, il trouve exactement le bon dosage de transgression pour captiveer le lecteur sans tomber dans le Grand-Guignol.

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Mallarmé en prose n'est plus directement intelligible qu'en vers. Pire même sans le secours du rythme on se perd un peu à déchiffrer ses phrases comme un puzzle, les remettre à l'endroit, ré-assembler les éléments dans le bons sens. Sinon il y a de belles choses mélancoliques au début, puis une réflexion complexe sur le théâtre, Wagner tout ça, bien.

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Marias se lance dans un projet méta-littéraire sur les rapports entre réalité et fiction en partant de la glose d'un de ses propres romans. Son style est toujours aussi juste et on se perd avec joie dans ses longues phrases, son érudition joueuse. Surtout ici il insuffle de la vie (la sienne et celle des autres, amis et famille) dans un récit au départ purement livresque, il déboutonne un peu son habit bourgeois, tout en gardant ses distances grâce à un dispositif narratif qui trouble le lecteur.

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Influence Jim Thompson et southern gothic dans ce pseudo polar centré sur la Mal qui habite son personnage principal, c'est dans la forme que Cullin se démarque avec ses vers brisés qui scande la vie du shérif et ses inéluctables malheurs.

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Gourmont est un écrivain/penseur inclassable, que fait-il ici dans ses articles? De la philosophie? De la critique littéraire? Du journalisme d'opinion? Son ton péremptoire et son approche plus intuitive que scientifique lui fait parfois dire des bêtises, mais son style impeccable et la vivacité de son esprit et quelques intuitions brillantes rendent cette lecture délectable.

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McCarthy semble prendre Tintin comme prétexte pour nous parler de toutes ses lectures littéraires, philosophiques et autres, interprétant l'oeuvre d'Hergé à sa convenance pour placer différents concepts post-modernes.
Au final on ne retient pas grand-chose de tout ça, à part une légère envie de réouvrir certains vieux albums, c'est déjà ça.

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Wieland, écrivain semble-t-il considérable, maître revendiqué d'Arno Schmidt par exemple, et pourtant peu lu et édité de ce coté du Rhin (mais qu'en est-il en Allemagne? pareil peut-être), nous livre sa recréation d'un conte médiéval. Voilà donc une épopée revivifiée par une sorte d’expressionnisme proto-romantique, style enluminé et exaltation des sentiments. On pourrait être déstabilisé par la narration presque naïve, le manque de distanciation par rapport à son sujet, mais Wieland réussit son tour d'enchanteur, et nous entraîne dans ce récit fantastique.

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Toute toute petite chose. Léger nous parle de Barbara Loden, de son film, d'elle-même, de son enquête, de sa mère. Sans qu'aucune puissance ne se dégage de ses mots, qu'aucune sensation de Réel ne touche le lecteur.

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Angela Carter, un des grands écrivains anglais du XXe siècle, nous propose un roman fantastique pour "adultes" aux nombreuses ramifications, qui bien que bourré de références, n'oublie pas le plaisir de la lecture qui nous ramène aux meilleurs livres d'aventures classiques, le style est luxuriant et splendide comme d'habitude, avec moult descriptions surréalistes, tout ça sans oublier les nombreux questionnements philosophiques qui parcourt le livre (on pense à Reich pour Hoffmann par exemple). Un exemple de post-modernisme fertile et vitaliste.

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Le dernier Sorrentino, testamentaire dirait-on, publié après sa mort d'ailleurs. Derrière son titre programmatique emprunté à Henry James, il déploie une dernière fois son style "tardif", fait de courte vignettes, de morceaux d'existence, de réminiscences, ici placés sous le signe de l'Ecclésiaste, vanité, vanité des hommes, une litanie d'une lucidité presque lugubre, illuminé par ce style toujours aussi précis, et ses annotations laconiques, la Vie n'est ni juste ni injuste, et il n'est pas mauvais d'en rire.