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15 livres

créee il y a presque 4 ans · modifiée il y a environ 2 ans

Appelle-moi par ton nom
8.1

Appelle-moi par ton nom (2007)

Call me by your name

Sortie : 2 octobre 2008 (France). Roman, Romance, LGBTQ+

livre de André Aciman

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 07/19 - Grasset

Un très beau roman à l'équilibre casse-gueule, qui passe du prosaïque au poétique, de l'obscène au subtil et du rétrospectif à l'instantané sans jamais se perdre ni dans l'un ni dans l'autre. Le style peut paraitre forcé mais contrairement à ce que j'ai lu ici, c'est pas tant un problème de "sous écriture" qu'un choix sensé d'épouser le point de vue et les limites de retranscription du personnage ado face au à son trouble érotique (dans un parti-pris similaire à La Jeune Fille à la Perle). A confirmer sous peu, avec sa suite Find Me.

Carol
7.9

Carol (1952)

Sortie : 1985 (France). Roman, LGBTQ+

livre de Patricia Highsmith

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 02/21 - Le livre de poche

Dans la catégorie "œuvre qui parvient à me faire oublier le monde actuel", voici pour l'instant l'unique représentant...

Le récit d'un premier amour à travers une multitude de détails et de fétiches, qui sont autant de points d'accroche pour mieux s'évader : deux femmes qui s'aiment, qui voyagent ; les cigarettes, les vinyles, les voitures, les hôtels, les décors miniatures... Et pourtant le vernis vintage et classieux de Carol ne prend jamais le pas sur les émotions, qui fleurissent grâce à une focalisation maitrisée et bienveillante : au plus près de son personnage principal mais sans incarner son point de vue. On est loin de l’honnêté parfois brutale du Maurice de Forster mais dans un juste équilibre entre lucidité et sensibilité, qui impressionne pour un second roman. Rien de mieux pour commencer l'année sereinement.

Des mille et une façons d'être juif ou musulman
7.2

Des mille et une façons d'être juif ou musulman

Sortie : 19 octobre 2017 (France). Entretien

livre de Rachid Benzine et Delphine Horvilleur

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 08/19

Ça paraitra naïf pour beaucoup (tant pis pour eux) tout comme le fait de le recommander ici. Pourtant le dialogue fonctionne sans complaisance, la pédagogie opère avec beaucoup de lisibilité et, au milieu de tout ça, énormément de pertinence et de pistes de réflexion sur comment vivre et faire évoluer les religions monothéistes.

Geneviève
8.2

Geneviève (2003)

Quatre sœurs, tome 4

Sortie : 2003 (France). Roman, Jeunesse

livre de Malika Ferdjoukh

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 08/19

Oubliez Harry Potter : la grande saga littéraire pour ado des 2000's, c'était chez l'école des loisirs. C'est d'ailleurs dommage qu'elle ait été éclipsée par l'hégémonie rowlingienne car avant même que se pense l'expression fallacieuse de young adult, on avait déjà un idéal de littérature jeunesse mature, qui avance avec la même force tranquille sur quatre tomes sans jamais abandonner son parti-pris audacieux : retranscrire le quotidien dans tout ce qu'il a de banal et de magique.

Cinq sœurs (car oui elles sont cinq et c'est dire si Ferdjoukh sait déjouer nos attentes), orphelines de fraîche date. Leur vie sur une année. D'une saison à l'autre pas grand chose, si ce n'est de petites (r)évolutions subtiles qui se fondent dans un monde où l'anti-spectaculaire est roi. Et mine de rien, un deuil qui se travaille et s'accomplit sans qu'on s'en aperçoit. Les fans d'action diront qu'il n'y a que de la romance ; les amateurs de romance diront qu'elles n’aboutissent finalement à rien. Entre les deux, les mordus de fantastique, déçus que la seule incursion dans le genre (le fantôme des parents décédés) ne soit au final que la projection du monologue intérieur des personnages, similaire à celui de Six Feet Under.

Pourtant Quatre Sœurs est définitivement animé par quelque chose, qui se joue ailleurs. C'est un style qui personnifie tout : les objets, les éléments naturels, les habitations. C'est une focalisation espiègle qui virevolte de micro-événement en micro-événement. C'est un découpage intelligent en quatre tomes/saisons qui se déploient à mesure que les jours s'allongent - le tout ramassé sur une année qui forme un ensemble cohérent et réaliste, en plus de créer un rendez-vous précieux dans la vie du lecteur. C'est enfin une prose ludique qui se réinvente en mots-valises ("sangoulinante", "superblime"), alternances de registre et autres merveilles qui forcent notre appréciation pour voir qu'un quotidien d'apparence morne est en fait rempli de possibilités et de forces invisibles à l’œuvre.

Et au milieu de toutes ces bonnes idées, on en vient à oublier que c'est une œuvre française ! On s'y plaint de la SNCF, on prévoit les vacances de la zone C, on chante Michel Legrand dans le salon, on roule en Twingo... Autant de familiarités qui nourrissent un univers déjà confortable et doucereux mais jamais inoffensif, où la mort reste toujours présente, bien qu'on sache la repousser avec verve et panache.

Bref, un chef-d’œuvre à découvrir et à célébrer !

Le Capitaine Fracasse
7.2

Le Capitaine Fracasse (1863)

Sortie : 1863 (France). Roman

livre de Théophile Gautier

Annotation :

Lu - 09/20 - Éditions Rencontre

Le Final Fantasy III de la littérature française. Les mêmes longueurs, la même artificialité, le même récit figé malgré ses personnages itinérants et surtout cette même absence totale d’originalité. C’est simple, si le roman sortait aujourd’hui, il serait taxé d’appropriation culturelle tant le style de l’auteur consiste à enchaîner les références, comme dans un mauvais morceau de rap.

Car dans l’univers du Capitaine Fracasse, tout est « comme » quelque chose. Tout rappelle tout, tout le temps. Tout a déjà été fait. Ben je suis désolé, Gautier, mais si tout est « comme » ou « plus que » ou « moins que » quelque chose, si « Icare tombant du haut du ciel n'en fit pas une [chute] plus profonde », si c’est « comme cela arrive à plus d’un compagnon aux Métamorphoses d’Ovide », si c’est « un nez qui rappelait celui de Cyrano de Bergerac », si c’est « aussi bizarre que celles des Songes drolatiques de maître Alcofribas Nasier » et bien d’autres.. alors rien n'est original, ce n'est pas la peine de vouloir créer. Je sais pas, ça me paraît logique.

En même temps, on peut pas vraiment lui reprocher de faire constamment dans l’intertextualité (souvent de manière anachronique, par ailleurs) vu que la longueur et l’inertie de ses descriptions, (qui impressionnent aussi par leur précision, il faut l’avouer) le limitent et le contraignent à ce point pour ne pas se répéter. Les esthètes de mauvaise foi diront que c’est aussi ça la littérature : de l’ekphrasis. On leur répondra gentillement que c’est surtout une question d’équilibre pour ne pas trahir son médium. Qu’à un moment, si on ne souhaite que décrire, on ne fait pas un roman d’aventure. Un conseil, le même que pour Crime & Châtiment mais pour d’autres raisons : Théo, si c’est pas trop tard, fais que du théâtre ou alors de la peinture, ce sera beaucoup mieux.

Les Heures
7.6

Les Heures (1998)

The Hours

Sortie : 1999 (France). Récit

livre de Michael Cunningham

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 09/19 - Belfond

A peu prés le même constat que pour l'adaptation de Daldry : une expérience tellement vive et ambitieuse que ses effets se dissipent toujours trop vite une fois qu’elle s’achève.

C'est une condition à laquelle le lecteur doit se préparer car elle est en fait au cœur du projet. Le roman lui-même est temps - c'est son sujet et sa matière. Trois femmes. Trois époques. Trois journées orchestrées par un auteur extra-lucide et un texte laborieux qui n'en donne jamais l'impression tellement il est précis et léger, comme un danseuse étoile.

Trois récits auxquels vous pouvez être sensible ou réfractaire, le résultat risque d'être le même. Vous aurez beau intellectualiser à fond votre ressenti a posteriori, vous aurez toujours l'impression de n'avoir que des réminiscences, des prémices. C'est un fardeau qu'il faut être prêt à porter. Il faut accepté d'être transporté avant d'être laissé sur le rivage. Il faut accepter de lire ou de voir Les Heures en un souffle et d'y revenir sans cesse.

Mansfield Park
7.3

Mansfield Park (1814)

(traduction Denise Getzler)

Sortie : 1814 (Royaume-Uni). Roman

livre de Jane Austen

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 01/22 - Folio Classique

Le roman qui contredit largement l’interprétation romantique et féministe que l’époque a de Jane Austen. Et moi le premier.

Car le jugement n'a jamais été aussi fort que dans Mansfield Park, et l’humour moins présent. C'est d'ailleurs surprenant de voir à quelle point la plume de l’auteure est empreinte de morale religieuse. Les mœurs et la mentalité des grandes villes y sont fermement critiquées, l'éducation et le mariage toujours considérés comme le meilleur moyen d'assurer l'ordre social, les modes sont passagères et menant à la débauche (le théâtre amateur). Sur ce point, ce n'est jamais les grands récits subversifs que l’on nous vend régulièrement. Si on poussait l’analyse, on pourrait même dire qu’ils sont réactionnaires.

L’originalité de celui-ci, c’est d’être le précurseur des grands romans d’apprentissage féminins du siècle à venir. Comment une femme, souvent désavantagée, s'adapte et résiste à un environnement hostile en se fiant à son caractère, tout en conservant son intégrité. Mais aussi comment le roman trahit déjà sa lignée. La seule chose qui guide l’intrigue ici, c’est le dialogue et les impressions de tout un chacun. Le nombre de non-événements est assez incroyable : à tout casser, il doit y avoir 3, 4 grandes actions sur 600 pages, dont une visite de domaine...

C’est pourtant une excellent matière pour construire une intrigue, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Comme dans un roman policier, on nous pousse à être attentifs aux comportements et aux déclarations d’autrui, pour percer à jour les hypocrisies et prédire la suite. Sur le moment, c’est aussi laborieux qu’en apparence futile. Ce n’est que rétrospectivement que l’esprit retrace le lien subtile qui anime le tout. L’aboutissement de cette idée érigée en principe de création, c’est bien entendu Emma, qui suit directement Mansfield Park.

Maurice
7.9

Maurice (1971)

Sortie : 2006 (France). Roman

livre de E.M. Forster

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 07/19 - Christian Bourgeois

Un portrait à l'honnêteté parfois brutale, qui vaut moins pour sa romance que pour sa très (trop) fine analyse de caractère et de mœurs, à laquelle la délicate adaptation d'Ivory ne rend pas vraiment justice il faut l'avouer. Plus dubitatif sur une fin assez peu vraisemblable, mais qui reste un geste fort, auparavant comme maintenant.

Mildred Pierce
7.8

Mildred Pierce (1941)

Sortie : 1950 (France). Roman

livre de James Mallahan Cain

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 06/21 - L'imaginaire

Comment en parler sans évoquer la mini-série de Todd Haynes qui est devenue pour moi, au fil des années, le plus beau film du monde, comme l'a dit un de mes éclaireurs à son propos ?

Parce que la série est une adaptation si fidèle, à la réplique prés (comme quoi, c'est possible) que ma lecture a finalement été sans surprises. Mais ça ne veut pas dire que le roman n'est pas réussi pour autant. Au contraire, j'y ai retrouvé ce qui m'avait énormément plu : la rencontre entre le mélodrame et la critique sociale.

D'un côté, le portrait d'une classe moyenne à un moment crucial de son histoire (la crise de 1929 et comment ne pas faire le lien avec ce qu'on vit actuellement ?), sa capacité à la résilience, sa détermination mais également son mépris de classe et son désir de mobilité.

De l'autre, une cruelle histoire d'amour entre deux femmes : une mère qui fait tout pour satisfaire sa fille, qui la rejette constamment. C'est d'une banalité sans nom et pourtant ça m'a remué, tant on touche finalement ici à quelque chose d'essentiel, d'acquis, qui vire à l’archétype, au mythe, au tragique. Ça m'a ébranlé sans prévenir, comme la mini-série. Je ne me l'explique pas vraiment.

Pourquoi y a-t-il des inégalités entre hommes et femmes ?
6.7

Pourquoi y a-t-il des inégalités entre hommes et femmes ? (2018)

Sortie : 14 février 2018. Document, Jeunesse

livre de Dorothée Werner

Annotation :

Lu - 08/20

Une chronologie nécessaire et intéressante, si l’on sait passer outre les approximations et les simplifications qui viennent gêner la lecture ici et là. Car si le féminisme, dans toute sa force et sa diversité, a beau s'être décliné au fil du temps en différents mouvements et théories, Werner et Bravi n’en propose ici qu’une vision unique et dogmatique, qui condense des réalités complexes en quelques phrases lapidaires.

« Femme libérée - chanson rabaissante pour les femmes.» Peut-être mais selon qui ? Les médias, le public de l'époque ou l’auteur elle-même? « Georges Sand réclame le même statut social qu'un homme.» Oui, tout en sachant qu'elle considérait la lutte féministe comme secondaire face à la lutte des classes (voir à ce propos l'excellente BD Mes hommes de lettres de Catherine Meurisse). « Les femmes consacrent deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques et les hommes, eux, choisissent les leurs.» Encore une fois, peut-être, mais selon quelle(s) étude(s) ? Selon quels indicateurs ?

Car non content de réduire drastiquement leur sujet, les auteurs le décrédibilisent encore un peu plus en négligeant complètement toute sa documentation : aucune bibliographie, aucune source n’est présentée pour appuyer chaque déclaration. Dans quel but ? Éviter la contradiction ce qui semble indiscutable ? Fuir une autre interprétation ? Ou simplement infantiliser le lectorat derrière un semblant de pédagogie ? Une impression qui n'est pas anodine, à en juger par le travail éditorial de l’ouvrage : s’il a beau être publié chez Rue de Sèvres (une filiale de l'école des loisirs) et arborer des couleurs et un style ludiques, il n'en est pas pour autant un livre destiné à la jeunesse (aucune mention de la loi de 1949 n'est visible) mais bien à tous les publics.

« En étant les plus objectives possibles, nous avons eu à cœur de révéler l'absurdité des raisons de ce déséquilibre qui a provoqué trois cent mille années d'injustices faites aux femmes.» peut-on lire en introduction. Intentions respectables. Dommage qu’en oubliant l’un, on échoue à parvenir à l’autre.

Postcritique

Postcritique (2019)

Sortie : 17 avril 2019. Essai, Philosophie

livre de Laurent de Sutter, Mark Alizart, Dorian Astor, Armen Avanessian, Emanuele Coccia, Johan Faerber, Tristan Garcia et Pacôme Thiellement

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 11/19

Semi-recommandation.

Il y a quand même pas mal de coquilles et il faut attendre la moitié de l'ouvrage pour atteindre un degré d'applicabilité et de réfutabilité acceptable. Chacun y trouvera son compte selon les différents articles et ses disciplines de prédilection mais pour ma part, je recommande les deux derniers qui résonneront de manière particulièrement forte sur le site : en l’occurrence la partie "Culture" de Pacôme Thiellement, qui épingle toutes les pratiques abusives de la critique cinéma (professionnelle comme amateur) et la partie "Philosophie" de my boy Tristan Garcia, qui synthétise et conclut l'ouvrage à lui tout seul.

Six feet under
7.3

Six feet under

Nos vies sans destin

Sortie : 6 septembre 2012 (France). Essai, Cinéma & télévision

livre de Tristan Garcia

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 10/19

Je n'avais jamais rien lu de Tristan Garcia.
Je connaissais Tristan Garcia le philosophe, le spécialiste de séries, dans de discrètes interviews écrites ou des podcasts radio chez les Inrocks ou à France Culture. Et à chaque fois la même stupéfaction : comment est-ce humainement possible d'être aussi calé et éloquent sur autant de sujets, sans jamais trahir l'intellect et l'émotion de son récepteur ? Comment peut-on se faire comprendre et transmettre autant sans jamais vulgariser ? Comment peut-on parler aussi bien de nous et à nous, humains ?

Je connaissais pas Tristan Garcia l'écrivain, l'essayiste et le romancier. Je me rattrape un peu aujourd'hui, sur un sujet précis, qui me parle, et sous une forme figée. Et le résultat est tellement phénoménal que j'en suis ému.

Je reviendrais pas sur la série en elle-même, qui tient une part importante dans mon enthousiasme mais sur l'éclairage qu'apporte à la fois le Tristan Garcia érudit et le Tristan Garcia sériephile, amoureux de l’œuvre d'Alan Ball. Car l'un et l'autre se complimentent juste tellement bien : autant d'éclairages au fil des pages et de mises en perspective politique, sociologique, philosophique, culturel, etc. qui montrent à quel point la série a su merveilleusement bien capter son époque tout en étant frondeuse ; autant de détails relevés et d'analyses constamment nuancées qui montre qu'elle a aussi su trouver le ton adéquat ; autant de travail sur le texte et sur sa mise en forme pour aller à l'essentiel sans être superficiel qu'il est devenu, sans déconner, un modèle personnel. Et de manière plus anecdotique aussi mais cruciale pour moi : enfin un spécialiste qui reconnaît l'influence d'Anna Karénine sur les séries modernes, alors qu'on sait comment le roman est boudé par de nouvelles générations de lecteurs et d'intellectuels !

Je comprends enfin, dans toutes ses possibilités et sa puissance, comment un essai peut vraiment soutenir une œuvre et décupler sa caisse de résonance émotionnelle plutôt que de la paraphraser bêtement. Six Feet Under était déjà une petite mort en soi, l'analyse de Tristan Garcia est un trou noir cosmique.

Je n'ai qu'une chose à dire, si j'ai un tant soi peu de crédibilité sur ce site : lisez/écoutez/découvrez Tristan Garcia, les gens. C'est un miracle de la pensée contemporaine. Ce mec me donne foi dans le travail universitaire, dans l'avenir de la littérature et quelque part, dans notre salut à tous.

Sombres citrouilles
7.6

Sombres citrouilles (1999)

Sortie : septembre 1999. Roman, Jeunesse

livre de Malika Ferdjoukh

Annotation :

Lu - 10/20

Ferdjoukh qui revisite un Hitchcock pour y développer en son sein tout un réseau familial fait de tension et d'affection, de secrets et de fantômes. Tout est énoncé ici, aussi bien la force que la faiblesse du roman : le plaisir de la référence assimilée, que l'on s'étonne à voir dans une production à la fois française et pour la jeunesse, mais également l'intrigue prévisible pour quiconque aura déjà vu Mais qui a tué Harry ?, qui fini par faire écran sur ce que l'auteur essaie de créer. Il faut alors attendre le dernier quart du livre pour que le drame s'écarte de son modèle et vienne s'ancrer plus solidement dans un contexte social plus proche de nous et donc déjà plus intéressant.

Sur ma peau
7.3

Sur ma peau (2006)

Sharp Objects

Sortie : 2007 (France). Roman

livre de Gillian Flynn

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 02/20 - Le Livre de Poche

Un idéal de premier roman mais surtout un idéal de subversion : celui qui sait dissimuler sa singularité (féministe ?) derrière une prose et une intrigue passe-partout. Ce qui explique en partie qu'on reste assez éloigné du choc esthétique qu'a pu engendrer sa vénéneuse adaptation TV - la faute également à certaines traductions qui font perdre en substance des jeux de mots ou des raccords phonétiques subtils (Amma / Mama) - mais tous ces personnages féminins déglingués, dont la cruauté et les psychoses ne font que se refléter les unes sur les autres, ont une puissance cinégénique et mythologique qui suffisent largement à la lecture.

Treize raisons
6.4

Treize raisons (2007)

13 Reasons Why

Sortie : 3 mars 2010 (France). Roman, Jeunesse

livre de Jay Asher

ImnotPaulAvery l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Lu - 12/19 - Wiz

Il existe des œuvres clivantes qui sont de puissants catalyseurs et qui révèlent nos vraies mentalités. On pourrait inclure à cette catégorie rare la série 13RW (du moins sa S1) qui, même quand elle pouvait paraître gratuite et approximative dans ses pires moments, avait au moins le mérite de dresser un constat sur les opinions et les préjugés, pas toujours très glorieux, de tout un chacun sur une poignée de sujets tabous. Sans revenir sur la polémique, la lecture du roman calmera peut-être les ardeurs des plus servants détracteurs de la série, qui apprécieront ici toute l'intelligence d'un procédé qui a été dilué dans une mise en image parfois ambiguë.

D’abord car la narration, ramassée sur une seule unité de temps, vient renforcer la notion de récit-cadre que la série avait tendance à oublier dans ses égarements et ses digressions. 13R n'est pas le récit d'un suicide, c'est une exégèse désespérée sur le récit d'un suicide. Non pas une matière brute mais un récit qui est commenté, nuancé, validé ou discrédité au contact de ses auditeurs / lecteurs, dans une double mise en abyme implacable. C'est à la fois une apologie et une critique de la parole d'une victime, que l'on pousse en vain dans ses contradictions.
Également parce que les cassettes nous sont données intégralement et ne viennent pas se soustraire à des images et un scénario qui se confondaient dans de faux flash-back unidimensionnels, que le spectateur considérait à tort comme probants. Le rythme du roman en ressort immédiatement amélioré et favorise l'empathie, qui est son véritable objectif.

Enfin car il nous est offert la possibilité d'analyser toute la rhétorique d'une suicidaire (qui repose excessivement sur la prolepse et la litote), sur les procès d'intention qu'elle génère (vengeance, rédemption) et de réparer ainsi rétrospectivement les dommages d'une adaptation qui représentait à outrance des détails qui sont, dans le roman, des zones d'ombre sur lesquelles elle ne peut logiquement pas s'appuyer (le tristement célèbre suspens de la série autour du viol disparaît sous la forme d'une anonymisation diégétique et non plus comme un choix de production racoleur).

Comme son jumeau maléfique mais de manière plus intègre, ce 13R constitue donc un garde-fou fascinant qui met en évidence comment nos cultures (occidentales, patriarcales) reçoivent et endommagent la parole des victimes, tout en acceptant que la réalité est toujours complexe et partagée entre les individus.

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