Notes de fin de vie

Annotation :

Né en 1908, décédé en 1950 par absorption de somnifères.
Il laisse dans une chambre d'hôtel son dernier manuscrit intitulé "La Mort viendra et elle aura tes yeux". Il y griffonne au dos :
"Assez de mots, un acte!"


(Son journal intime, paru à titre posthume terminait de son côté par "Tout cela me dégoûte. — Pas de paroles. Un geste. Je n'écrirai plus.")

Annotation :

Né en 1892, décédé en 1927.
Connu notamment pour avoir inspiré plusieurs films de Kurosawa; il souffrait d'hallucinations. Il se suicide le 26 juillet par ingestion de véronal et ne laisse que deux mots : ぼんやりとした不安 , c'est-à-dire "vague inquiétude".

Annotation :

René Crevel, né le 10 août 1900, et mort le 18 juin 1935 à Paris.
Partisan du mouvement surréaliste, ami de Breton. Suite à une altercation durant le Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, Breton et les surréalistes sont exclus de celui-ci. Histoire de bien s'achever, il apprend le 16 juin qu'il souffre d'une tuberculose rénale, durant la nuit qui suivit, après avoir rencontré quelques amis, il s’enferma chez lui. Il prit une forte dose de phanadorm et accomplit les gestes qu’il a décrits, non sans humour, dans son premier livre: «Une tisane sur le fourneau à gaz, la fenêtre bien close, j’ouvre le robinet d’arrivée, j’oublie de mettre l’allumette…»

Sur un meuble, il aura laissé une lettre pour son amie Tota Cuevas de la Serna et griffonné quelques mots sur un papier retrouvé épinglé au revers de sa veste :
«Prière de m’incinérer. Dégoût.»

Annotation :

1965-2007.
Pas de note à proprement parler, en revanche son dernier manuscrit, Suicide, qui évoque de manière romancée le suicide d'un ami d'enfance survenu il y a vingt ans, est déposé chez son éditeur dix jours avant qu'il se donne la mort, à 42 ans.

Annotation :

On ne le présente plus, Hunter S. Thompson est né en 1937 et s'est donné la mort en 2005.
Il met fin à ses jours avec sa propre arme à feu à son domicile d'Aspen le 20 février. Sa famille, qui se trouvait dans une pièce adjacente croit au bruit d'un livre qui tombe, et ne vérifie que quelques minutes après. Devant lui (selon le rapport de police), se trouvait sa machine à écrire où était seulement écrit la date du 22 février 2005 et le mot "conseiller" (Feb. 22 '05 et Counselor). Mystère.

Annotation :

Né le 20 avril 18951 à Paris. En 1959, une insolation modifie son rythme de vie et provoque l'accident qui, en 1968, lui fait perdre l'usage de l’œil gauche. Devenant ensuite quasi aveugle à la suite de cet accident, il avale une capsule de cyanure et, simultanément, se tire une balle dans la bouche.
Outre une note manuscrite à proprement parler, l'acte-même du suicide est parlant puisqu'il se tue le jour de l’équinoxe de septembre 72, faisant écho à l'un de ses essais précédemment publié.
« Quand le jour est égal à la nuit, que le oui est égal au non, qu'il est indifférent que le oui ou le non l'emporte ».

Montherlant laisse un mot à Jean-Claude Barat, son légataire universel :
« Je deviens aveugle. Je me tue. »

Annotation :

Virginia Woolf est née le 25 janvier 1882 - 28 mars 1941. Elle remplit ses poches de pierres et se jette dans la rivière Ouse, près de Monk's House, sa maison de Rodmell. Elle laisse une note à son mari :

« J'ai la certitude que je vais devenir folle : je sens que nous ne pourrons pas supporter encore une de ces périodes terribles. Je sens que je ne m'en remettrai pas cette fois-ci. Je commence à entendre des voix et ne peux pas me concentrer. Alors je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Tu m'as donné le plus grand bonheur possible... Je ne peux plus lutter, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais travailler. Et tu le pourras, je sais.

Tu vois que je ne peux même pas écrire cette lettre correctement. Je ne peux pas lire. Ce que je veux dire, c'est que je te dois tout le bonheur de ma vie. Tu as été entièrement patient avec moi et incroyablement bon. Je tiens à dire cela - tout le monde le sait.

Si quelqu'un pouvait me sauver, cela aurait été toi. Tout m'a quitté, mais non la certitude de ta bonté. Je ne peux pas continuer de gâcher ta vie plus longtemps.Je ne pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l'avons été. »

Annotation :

Kurt Tucholsky, né le 9 janvier 1890 à Berlin, mort le 21 décembre 1935.
Son œuvre évoque les tendances antidémocratiques dans les domaines politique, militaire et juridique de l'Allemagne de son époque, et la menace du National-socialisme.
Dans sa lettre du 15 décembre 1935 (six jours avant sa mort) à l'écrivain Arnold Zweig, il critique d'abord l'absence de résistance des juifs allemands face au régime national-socialiste. Il résume de façon résignée son engagement politique envers la situation en Allemagne :

« C'est dur à avouer. Je le sais depuis 1929 – à cette époque j'ai fait une tournée de conférences, j'ai vu « nos gens » face à face, devant la tribune, adversaires et partisans, et alors j'ai compris et je suis devenu de plus en plus silencieux. Ma vie m'est trop précieuse, pour m'installer sous un pommier et le supplier de donner des poires. Très peu pour moi. Je n'ai avec ce pays, avec sa langue que je parle le moins possible, plus rien à faire. Qu'il crève – qu'il soit conquis par la Russie – ce n'est plus mon affaire. »

Annotation :

George Sanders, né le 3 juillet 1906 et mort le 25 avril 1972.
Acteur avant tout mais beaucoup trop de charisme pour pouvoir échapper à cette liste.

« Je m’en vais parce que je m’ennuie. Je sens que j’ai vécu suffisamment longtemps. Je vous abandonne à vos soucis dans cette charmante fosse d’aisance. Bon courage. »

Annotation :

Né le 8 mai 1914, et mort le 2 décembre 1980.

« Pour la presse.
Jour J.
Aucun rapport avec Jean Seberg*. Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs.

On peut mettre cela évidemment sur le compte d’une dépression nerveuse. Mais alors il faut admettre que celle-ci dure depuis que j’ai l’âge d’homme et m’aura permis de mener à bien mon œuvre littéraire. Alors, pourquoi? Peut-être faut-il chercher la réponse dans le titre de mon ouvrage autobiographique, La nuit sera calme, et dans les derniers mots de mon dernier roman: "Car on ne saurait mieux dire".
Je me suis enfin exprimé entièrement. »



* L'actrice Jean Seberg s'est suicidée un an et demi plus tôt.
Elle et Gary ont eu une relation entre 59 et 68, et un enfant, Alexandre Diego Gary.

Annotation :

Né le 25 juin 1919 à Méréville et mort dans la nuit du 11 au 12 juin 1979

Pas de note à proprement parler, mais, dans la matinée du 11 juin 1979, Jean-Louis Bory note dans son cahier vert : «M’obliger à m’intéresser à autre chose que moi.» Dans la soirée, il se tire une balle dans le cœur.

Merci à @Aurea

Annotation :

Stefan Zweig est né le 28 novembre 1881 à Vienne, en Autriche.
D'origine juive, il quitte son pays natal pour échapper à la montée du nazisme. Il se suicide suite à la découverte de l'existence des camps de la mort, moralement détruit par la guerre.
Sa femme, Lotte, se refusera à lui survivre et mourra avec lui de l'ingestion de barbituriques (Véronal).

«Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.

Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.

Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux.»

Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-42

Annotation :

André Gorz est né le 9 février 1923 à Vienne, mort le 22 septembre 2007 à Vosnon. Il est l'auteur d'une pensée qui oscille entre philosophie, théorie politique et critique sociale. En 2007 il édite une lettre d'amour adressée à sa femme Dorine qui vient de fêter ses 82 ans.
La sachant condamnée, il avait pris sa plume pour lui dire combien il l’aimait, combien il regrettait de l’avoir négligée, combien il la trouvait belle après 58 ans de vie commune.

Excipit : «Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes dit que si, par impossible, nous ­avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble.»

Le jour de leur suicide dans leur maison de Vosnon, dans l'Aube, où le couple s'était retiré depuis une vingtaine d'années, un simple message sur la porte d'entrée : «Prévenir la gendarmerie».

Annotation :

Le maître de la nouvelle a vu la fin de sa vie très sérieusement perturbée par des troubles nerveux et psychiques qui lui venaient probablement d’une syphilis mal soignée. Le 31 décembre 1891, il fait ses adieux à son médecin avec une lettre alarmante. Le lendemain, il commet deux tentatives de suicide : la première, avec un pistolet que son domestique avait eu le soin de décharger au préalable, la seconde avec un morceau de vitre brisée qui ne lui entaille que faiblement le cou. Il est admis quelques jours plus tard dans la clinique psychiatrique qui avait accueilli Nerval en son temps. La lettre de suicide avorté de Maupassant devient ironiquement sa dernière lettre, puisque l’écrivain demeurera dix-huit mois à la clinique dans une inconscience presque totale, avant de s’éteindre, paralysé, le 6 juillet 1893, à seulement quarante-deux ans. (deslettres.fr)


"JE SUIS ABSOLUMENT PERDU. JE SUIS MÊME À L’AGONIE, j’ai un ramollissement du cerveau, venu des lavages que j’ai faits avec de l’eau salée dans mes fosses nasales. Il s’est produit dans le cerveau une fermentation de sel et toutes les nuits mon cerveau me coule par le nez et la bouche en une pâte gluante et salée dont j’emplis une cuvette entière. Voilà vingt nuits que je passe comme ça. C’est la mort imminente et je suis fou. Ma tête bat la campagne. Adieu ami, vous ne me reverrez pas…"

[fin décembre 1891]

Annotation :

Hubert Aquin (né à Montréal le 24 octobre 1929) est un écrivain, cinéaste et intellectuel québécois.
Il se suicide dans les jardins du collège Villa Maria à Montréal, en laissant à sa compagne une dernière note :

« Aujourd’hui, le 15 mars 1977, je n’ai plus aucune réserve en moi. Je me sens détruit. Je n’arrive pas à me reconstruire et je ne veux pas me reconstruire. C’est un choix. Je me sens paisible, mon acte est positif, c’est l’acte d’un vivant. N’oublie pas en plus que j’ai toujours su que c’est moi qui choisirais le moment, ma vie a atteint son terme. J’ai vécu intensément, c’en est fini. »

Annotation :

Ismaïl Ahmad Adham est un écrivain égyptien né à Alexandrie en 1911.
Il est l'un des rares écrivains athées et à défendre l'athéisme dans le monde arabe. Il publie son manifeste le plus connu Pourquoi suis-je un athée ? et reçoit de nombreuses réactions de la part d'écrivains théistes.
Adham souffrait apparemment d'une dépression et nourrissait sa mélancolie en lisant du Schopenhauer et du Kierkegaard.
Il se suicida à 29 ans en se noyant dans la Mer Méditerranée, avec un mot pour la police dans sa poche, qui expliquait qu'il haïssait la vie, et qu'il ne voulait pas que son cadavre fût enterré mais brûlé.

Annotation :

Poète né le 21 septembre 1895. Il participe à la révolution de 1917 en prêtant à la politique bolchevique un visage mystique et anarchiste. Entraîné dans le mouvement poétique des imaginistes, il mène une vie de bohème. Il épouse en 1922 Isidora Duncan (1878-1927), danseuse américaine de l’Art nouveau avec qui il parcourt l’Europe et l’Amérique. Il la quittera pour revenir en Russie et sombrer dans l’alcoolisme et la neurasthénie. Il se suicide dans un hôtel de Leningrad le 28 décembre 1925 laissant près de son corps un poème d’adieu:

Pour les puristes :

До свиданья, друг мой, до свиданья.
Милый мой, ты у меня в груди.
Предназначенное расставанье
Обещает встречу впереди.

До свиданья, друг мой, без руки, без слова,
Не грусти и не печаль бровей, —
В этой жизни умирать не ново,
Но и жить, конечно, не новей.


Pour les un-peu-moins-polyglottes :

(«Au revoir, mon ami, au revoir
Très cher, en moi tu es enraciné
La séparation prédestinée
Nous promet rencontre à plus tard.

Au revoir, mon ami, sans main serrée, sans mot.
Garde l’œil sec: ni chagrin, ni souci
Mourir n’est pas nouveau dans cette vie
Mais vivre, assurément, n’est pas plus neuf»)

Annotation :

« Dans une situation sans issue, je n’ai d’autre choix que d’en finir. C’est dans un petit village des Pyrénées où personne ne me connaît que ma vie va s’achever. Je vous prie de transmettre mes pensées à mon ami Adorno et de lui expliquer la situation où je me suis vu placé. Il ne me reste pas assez de temps pour écrire toutes ces lettres que j’eusse voulu écrire. » (Carte postale envoyée à Juliane Favez, secrétaire de l’Ecole de Francfort dont le siège se trouvait alors à Genève, datée du 25 septembre 1940).

Walter Benjamin se donnera la mort le lendemain, 26 septembre 1940 en absorbant une forte quantité de morphine.

Annotation :

"La mer de la fertilité est une tétralogie romanesque de Yukio Mishima en forme de testament. Neige de printemps, Chevaux échappés, Le temple de l’aube, L’ange en décomposition constituent une exploration du Japon moderne, mais aussi du Japon ancien. C’est le lendemain de l’envoi du dernier manuscrit que Yukio Mishima devait se suicider par seppuku rituel."

Merci à @Aurea

Annotation :

Le titre de sa dernière oeuvre ici recensée est parlant en lui-même.

Merci à @Coupigny

Annotation :

14 avril 1930

À tous : Je meurs, n’en accusez personne. Et pas de cancans. Le défunt avait ça en horreur…

Maman, mes sœurs, mes camarades, pardonnez-moi, ceci n’est pas un moyen (je ne le conseille à personne), mais moi je n’ai pas d’autre issue.

Lili, aime-moi.

Camarade gouvernement, ma famille, c’est Lili Brick, maman, mes sœurs et Veronica Vitaldovna Polonskaïa. Si tu leur rends la vie possible, merci.

Les poèmes commencés, donnez-les aux Brik. Ils s’y retrouveront.

Comme on dit : « L’incident est clos. »

Le canot de l’amour
S’est brisé contre la vie courante.
Je suis quitte avec la vie.
Inutile de passer en revue
Les douleurs,
Les malheurs,
Et les torts réciproques.
Soyez heureux.

Annotation :

Sara Teasdale (1884-1933) est une poétesse lyrique américaine. De santé fragile durant son enfance, elle est isolée par sa famille et n'a pas de contact avec le monde extérieur avant l'âge de 9 ans. Elle rédige poèmes et sonnets, inspirée par les thèmes de la beauté et du sentiment. En 32, une pneumonie chronique l'affaiblit, elle déprime et ne voit plus le beau autour d'elle. Elle se suicide le 29 janvier 33 à NY.
Une légende commune entoure sa mort : le poème "I Shall Not Care" a longtemps été considéré comme une lettre de suicide. Toutefois selon des recherches, il aurait été écrit plusieurs années avant sa mort. Je me permets quand même de l'ajouter ici, étant intrinsèquement lié à la mort de Sara Teasdale, et présentant l'avantage d'éclairer malgré tout sa vision de la mort.

I Shall Not Care

When I am dead and over me bright April
Shakes out her rain-drenched hair,
Tho' you should lean above me broken-hearted,
I shall not care.

I shall have peace, as leafy trees are peaceful
When rain bends down the bough,
And I shall be more silent and cold-hearted
Than you are now.

Annotation :

Poétesse russe née à Moscou en 1892. Figure importante de la poésie russe, méconnue de son vivant, elle s'exile à l'étranger où elle poursuit son oeuvre poétique et entretient une large correspondance avec Rainer Maria Rilke et Boris Pasternak. Après s'être dressée contre le fascisme, elle rentre en Russie en 39. L'hostilité à laquelle elle est confrontée la pousse au suicide : évacuée avec son fils en république Tatare, la moitié de sa famille emprisonnée, elle se suicide par pendaison en 1941.


Elle fera explicitement référence à la mort dans bon nombre de ses écrits (à 18 ans : "Je ne crains qu'une seule chose au monde - ces moments où en moi la vie se fige" ; plus proche des anges "avec eux, je saurai m'y prendre" que des hommes ...)

"Puisque j'ai pu cesser d'écrire des poèmes, je pourrai un beau jour cesser d'aimer. Alors je mourrai... Je finirai, bien sûr, par un suicide."

"La vie est une gare, je vais bientôt partir, je ne dirai pas où."

Puis finalement le 27 août 1941, alors qu'elle n'a plus de travail ni d'argent, qu'elle ne sait pas si sa fille et son mari sont vivants, son fils écrit dans son journal : "Mère vit dans un brouillard suicidaire, elle ne parle de rien à part de suicide. Elle ne fait rien d'autre que pleurer et évoquer les humiliations qu'elle subit... Mère dit, que tout soit perdu et je me pendrai."

Le 31 août, Marina écrit 3 lettres d'adieux, notamment au poète Nicolai Aseev pour lui demander de prendre soin de son fils et de son legs poétique (il échouera aux 2), ainsi qu'à son fils :

"... Je t'aime follement. Dis à Papa et à Alia - si tu les vois - que je les ai aimés jusqu'au tout dernier moment, et explique leur que je m'enfonçais dans une impasse."

Annotation :

Née à Boston en 1932, Sylvia Plath est une poétesse américaine. Elle a également écrit The Bell Jar, roman d'inspiration autobiographique décrivant les circonstances de sa première dépression. Enfant douée, elle écrit très jeune. Le décès subit de son père quand elle a 8 ans, lui fait dire "Je ne parlerai plus jamais à Dieu."
Unanimement appréciée à l'université, son humeur oscille cependant entre la plus grande joie et le profond découragement. Elle épouse un coreligionnaire poète d'origine anglaise, mais met sa carrière de côté pour subvenir à leurs problèmes financiers et effectuer son travail d'épouse. Ils auront deux enfants, et elle fait une fausse couche en 1961, événement qui hantera ses écrits par la suite. Du fait de ses troubles psychiatriques, et de l'infidélité de son époux, le couple se sépare en 1962. La période de colère à suivre sera la plus productive de son oeuvre.
Retournée vivre à Londres avec ses enfants, elle loue l'ancienne maison de William Butler Yeats. L'hiver 1963, au réveil, malade et dépressive, elle met sa tête dans le four après avoir ouvert le gaz.
Elle aura auparavant calfeutré la porte de la cuisine, et préparé du lait et des biscuits pour ses enfants qui dorment à l'étage et échapperont à l'empoisonnement.
Son dernier poème connu, "The Edge" ("Le Bord"), est prémonitoire : il évoque une femme qui a ou va commettre un suicide, en présence de corps d'enfants enroulés comme des serpents, près de chacun une cruche de lait maintenant vide.

Depuis son suicide, elle est devenue une figure emblématique dans les pays anglophones, les féministes voyant dans son oeuvre l'archétype du génie féminin écrasé par une société dominée par les hommes, les autres voyant en elle une icône dont la poésie, majoritairement publiée post-mortem, fait figure de chronique d'un suicide annoncé.



THE EDGE

The woman is perfected
Her dead

Body wears the smile of accomplishment
The illusion of a Greek necessity
Flows in the scrolls of her toga,
Her bare

Feet seem to be saying:
We have come so far, it is over.

Each dead child coiled, a white serpent,
One at each little

Pitcher of milk, now empty
She has folded

Them back into her body as petals
Of a rose close when the garden

Stiffens and odors bleed
From the sweet, deep throats of the night flower.

The moon has nothing to be sad about,
Staring from hood of bone.

She is used to this sort of thing.
Her blacks crackle and drag.

Annotation :

SergueÏ Essenine naît en Russie centrale le 3 octobre 1895. Poète, il est introduit à 20 ans dans les milieux culturels de Pétrograd par Alexandre Blok. Il publie plusieurs recueils et se rapproche des socialistes-révolutionnaires. Enthousiasmé par la Révolution, sa poésie reflète quelques temps son idéal d'une autre Russie; puis sa désillusion et la prise de conscience que celle-ci ne répondra pas à ses attentes. Pris dans des rivalités politiques, cerné par le scandale et les rixes liées à ses beuveries, il connaît une grave dépression nerveuse. Il écrit entre autre : "un poète lyrique ne devrait pas vivre très longtemps" en 1921. Après un séjour en hôpital psychiatrique, souffrant d'hallucinations et miné par l'alcoolisme "je n'écris plus de poésie, je ne fais que des vers", il quitte sa femme Isadora Duncan, il recommence à boire un mois après avoir quitté une clinique.
Il se rend à Léningrad, et se pend à un tuyau dans sa chambre d'hôtel le 28 décembre 1925. N'ayant pas trouvé d'encre, il laisse ceci avec son sang :

До свиданья, друг мой, до свиданья.
Милый мой, ты у меня в груди.
Предназначенное расставанье
Обещает встречу впереди.
До свиданья, друг мой, без руки, без слова,
Не грусти и не печаль бровей,-
В этой жизни умирать не ново,
Но и жить, конечно, не новей.
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Au revoir, mon ami, au revoir,
Mon tendre ami que je garde en mon cœur.
Cette séparation prédestinée
Est promesse d’un revoir prochain.
Au revoir, mon ami, sans geste, sans mot,
Ne sois ni triste, ni chagrin.
Mourir en cette vie n'est pas nouveau,
Mais vivre, assurément, n'est pas plus neuf.

Annotation :

(à prendre avec des pincettes)
Frida est née le 2 juillet 1907 au Mexique. Elle connaîtra une santé fragile toute sa vie : souffrant de poliomyélite depuis l'enfance, puis victime d'un grave accident de circulation, durant lequel son bus a percuté un tramway. Clouée à son lit d’hôpital suite à cela, elle s'initiera seule à la peinture pour s'occuper, demandant à ce qu'on suspende un miroir au-dessus de sa tête et réalisant une série d'autoportraits. Inscrite au Parti communiste mexicain, elle défend l'émancipation des femmes, revendique liberté et plaisir. Amoureuse passionnée de Diego Rivera, leur relation conflictuelle donne néanmoins 2 grossesses qui finiront en fausses couches, résultant de multiples fractures du bassin, séquelles de son accident.
Commencent à transparaître dans son oeuvre la douleur de ses fausses couches, son sentiment d'abandon, son dégoût des Etats-Unis, ses problèmes de santé... Sa correspondance traduit également sa haine des intellectuels (notamment parisiens : « Ça valait la peine de venir jusqu'ici pour comprendre pourquoi l'Europe est en train de pourrir, pourquoi tous ces incapables sont la cause de tous les Hitler et les Mussolini. »)
En août 1953, on l'ampute de la jambe droite jusqu'au genou à cause d'une gangrène. Cette opération apaise ses souffrances, mais la plonge dans une profonde dépression. « On m’a amputé la jambe il y a six mois qui me paraissent une torture séculaire et quelques fois, j’ai presque perdu la tête. J’ai toujours envie de me suicider. Seul Diego m’en empêche, car je m’imagine que je pourrais lui manquer. Il me l’a dit, et je le crois. Mais jamais de toute ma vie je n’ai souffert davantage. J’attendrai encore un peu… »
Frida Kahlo meurt dans la nuit du 13 juillet 1954, officiellement d'une embolie pulmonaire. Cependant, les derniers mots de son journal (« J'espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir - Frida ») et son dernier dessin suggèrent qu'elle se serait suicidée; certains de ses amis auraient cru que sa mort était due à une OD de médicaments, qui n'était peut-être pas accidentelle.
Toutefois, au cœur même de son dernier tableau, peint juste avant de mourir, elle a écrit : « Viva la Vida ».

Annotation :

Ce texte qui aurait pu être une promesse de livre à venir, est en fait un achèvement, car Miriam Silesu a rencontré la mort dans la force de sa jeunesse. Cette rencontre était sans doute programmée, tant la présence de la faucheuse était grande au sein de ses mots, on aurait même pu parler d’obsession. Elle voulait l’étudier, la comprendre : « Désirer mourir n’est pas le désir d’être mort, et si l’un conduit parfois à l’autre c’est dans une sorte de malentendu. Vivant on pense la mort en mouvement, et c’est à ce mouvement au fond que l’on désire adhérer ». Miriam a connu un destin tragique pour avoir tenté de faire de la Mort une compagne trop fidèle. Elle avait 23 ans et avait des projets de publications et de création de revue. Des petites proses poétiques et des aphorismes composent l’ouvrage et abordent les thèmes du corps, de l’amour, de la douleur, du désir : « L’homme cherche une légende à son désir, et voudrait lire une histoire d’amour dans son sang, mais le désir est illisible, et personne ne connaît son histoire ». Tout au long de sa courte existence, elle n’aura cessé d’interroger le monde. Comme l’a voulu Miriam Silesu dans le choix de son titre Cinéraire, qui fait écho à l’union du cinéma et du funéraire, la Mort est vécue comme l’ultime spectacle de la Vie.

Annotation :

Alfonsina Storni Martignoni est une poétesse du postmodernisme argentin née le 22 mai 1892 et morte le 25 octobre 1938, en Argentine. La poésie de la dame brune se voile d'une douce et terrible noirceur, jusqu'à se laisser presque toute envahir par deux images incessantes : la mer et la mort, la mort et la mer, leitmotiv d'une inondation lente et inexorable des flots noirs, de Frente al mar (1919) à Un cementerio que mira al mar (1920), ou encore Alta mar (1934), et jusqu'au rêve prémonitoire Moi au fond de la Mer. C'est ainsi d'ailleurs, qu'atteinte d'un cancer du sein, Alfonsina Storni s'installe, pour la dernière fois, dans un hôtel de Mar del Plata en octobre 1938 et se suicide comme dans ses poèmes.

Annotation :

Sarah Kane est une dramaturge britannique née en 71 et décédée en 99.
4.48 Psychose est sa dernière pièce, elle se suicide par pendaison quelques semaines après avoir terminé sa rédaction. Elle est généralement interprétée comme l'expression de l'expérience de la dépression clinique, un trouble dont Kane souffrait. La contemplation et la discussion du suicide occupent une place importante et, bien qu'il n'y ait pas de narration ou de chronologie stricte, certaines questions et certains événements sont clairement abordés : la décision de prendre ou non des médicaments pour traiter la dépression, les désirs de l'esprit dépressif, les effets et l'efficacité des médicaments, l'automutilation, le suicide et les causes possibles de la dépression. Outre la dépression, d'autres thèmes sont abordés tout au long du texte : l'isolement, la dépendance, les relations et l'amour.
Le titre de la pièce provient de l'heure, 4h48, à laquelle Kane, dans son état dépressif, se réveillait souvent.

Annotation :

En 1988, il accepte de participer à un long entretien télévisé à condition que ce film ne soit diffusé qu'après sa mort.
Sa maladie respiratoire devenant trop difficile à supporter, Gilles Deleuze se donne la mort par défenestration le 4 novembre 1995.
« Ce sont [les] organismes qui meurent, pas la vie. »

Il est enterré à Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne.