Pascale Ferran - Commentaires

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Un château de sable, un enfant, des adultes, les souvenirs qui affluent, et la difficulté d’être alors que les autres ne sont plus. Creusant la culpabilité des survivants après la mort d’un proche, les "arrangements" qu’ils se construisent pour combler le manque, Pascale Ferran s’interroge sur la façon dont naissent les histoires qu’on s’invente pour pouvoir continuer à vivre. Elle nous raconte un après-midi dans la journée de trois personnages ordinaires, scinde le film en un lumineux triptyque, sans souci des règles de temps, mélangeant allègrement les évènements réels et les évènements imaginaires sont tomber dans des effets surréalisants. Sa délicatesse pour tisser des liens invisibles et préserver le mystère des êtres n’égale que la chaleur et la pudeur de son regard. Un premier film superbement pensé, interprété, accompli.
Top 10 Année 1994 : http://lc.cx/UPY

Annotation :

Il n’y a ici ni vraie histoire ni fil conducteur mais une série de trames entrecroisées auxquelles sont accrochés des instants de vie : on se fait une bouffe ou une fête, on s’interroge sur ses sentiments, on ergote post-coïtum. Comme dans beaucoup de films français d’alors (le fameux renouveau des années 90), les garçons sont souvent bavards, doux et ramollos et les filles énergiques et passablement enquiquineuses. Sans se prendre la tête, Ferran exprime des choses sensibles et sensées sur les incertitudes, les espoirs et les désillusions de ces jeunes strasbourgeois, avec une oreille sûre pour des dialogues affûtés dits par des comédiens étonnamment présents. Assez volatile mais plutôt charmant, son puzzle témoigne du renouvellement de la pensée qui, en cette fin de siècle mondialisée, ne veut pas tarir.

Annotation :

La célèbre formule de Lacan affirme qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Avec une transparence particulière, la cinéaste s’applique à démontrer le contraire et installe la relation érotique dans la temporalité étirée de la caresse et de la découverte de soi. Prise dans une durée qui marque la pénétration mutuelle du sentiment amoureux, la narration s’attache à suivre autant les étapes de l’aventure du couple que la désaliénation progressive d’une femme qui ignore les carcans de classe, s’ouvre à la réalité physique et sensuelle du monde, à sa nourrissante immanence. L’espace naturel (la forêt domaniale) est ici conçu comme celui de l’égalité des êtres, le toucher comme la réappropriation triomphante du désir et d’une intériorité délicate, et la douceur du filmage comme la transcription vivante d’une émotion précieuse.
Top 10 Année 2006 : http://lc.cx/UPh

Annotation :

Il faut chérir les propositions ambitieuses et originales comme celle-ci, qui misent sur des tours de force jamais hors de propos et poussent le spectateur à accepter la main qui lui est tendue. Première partie : un cadre saturé décide de s’affranchir de tout ce qui n’est plus une vie. Huis-clos intense en milieu hostile, dont chaque étape est à la fois une douleur et un soulagement. Deuxième partie : une jeune femme de chambre vit une expérience surnaturelle de liberté absolue. Segment funambule où rien ne compte plus qu’une audace candide à la Weerasethakul, la découverte émerveillée de l’instant. Reliée à la matière complexe de notre monde ultra-connecté, Ferran invite à sortir de son îlot solitaire pour nouer le contact, nous défaire de ce qui nous ligote, décoller très haut. C’est peu dire qu’un tel film fait du bien.
Top 10 Année 2014 : http://lc.cx/zse