The fight for a greater Koz' [Portrait d'une discographie #6 - Mark Kozelek]

Annotation :

Peut-être le moins bon album de l'excellente carrière des Red House Painters. Ayant complété ma rétrospective de Kozelek, j'aborde avec un peu plus de bagage cet album maintenant qu'à l'époque où je l'ai découvert pour la première fois. Le vrai classique, le chef-d'oeuvre, c'est "Medecine Bottle", qui justifie amplement ses presque 10 minutes. Lent mais dévastateur. J'oserais même dire fondateur pour une bonne partie de la scène slowcore en plein développement.

Le reste de l'album est lent également, mais manque de piquant en comparaison. Ce qui entraine une chanson comme le morceau titre, 11 minutes trop longues, avec une batterie militaire qui ne trouve pas sa place, et des instrumentations qui s'étirent, s'étirent, sans que Mark ne trouve grand chose d'intéressant à raconter. Tout cela demeure très agréable à écouter, et si je suis sévère dans mes mots ce n'est que parce que je sais qu'ils atteindront de bien plus hauts sommets après. Ici leur mélasse, quoique rudement belle, manque de maturité dans la prod et le jeu (ça tape un peu à côté et ça sonne encore très eighties- Koz n'a jamais autant eu l'air d'un Morrissey sous valium), et le songwriting de Kozelek attend encore de trouver sa pleine expression. Rollercoaster remédiera très vite à cela, le fossé entre les deux album est gigantesque.

Full album : https://www.youtube.com/watch?v=l3zMsofGYZ4

Annotation :

Il n'aura fallu qu'un an aux Red House Painters pour atteindre l'apogée de leur formule. Et sortir un des chefs-d'oeuvre indépassables du slowcore. Rien que ça ouais. En même temps au moment où le premier morceaux commence, "Grace Cathedral Park", paf! c'est déjà immortel. La voix de Kozelek a pris son envol, elle plane comme un aigle tranquille au dessus des boucles d'arpèges cristallins, de la batterie lente et tressautante et de la basse qui se prélasse tranquillement devant un coucher de soleil. Oui oui.

On compte sur ses doigts les classiques absolus : "Katy Song", sa coda inexorable et son clin d'oeil à "Imagine", les deux versions de "Mistress" comme un trip en bagnole sur une autoroute sans fin, la romantique et désabusée "Things Mean a Lot", "Funhouse" qui parvient à mêler mélancolie élastique et urgence sourde dans sa montée en puissance qui donne tant envie de sangloter que de frapper du poing sur la table au ralenti, la distorsion parfaitement gérée qui fait tout le sel de "Rollercoaster"... je devrais toutes les citer pour leur rendre justice. Mais voilà quoi, ça enfile les perles.

Le seul défaut de ce bijou, s'il fallait en trouver un, c'est sa longueur. Lourd à digérer, mais si c'est le prix à payer pour avoir un tel alignement des planètes alors je suis prêt à en supporter le poids. Dans son genre, on fait difficilement plus parfait que ça.

Grace Cathedral Park :
https://www.youtube.com/watch?v=R_3PYEjFBgo
Katy Song : https://www.youtube.com/watch?v=NFQ4nuUuwNo
Mistress : https://www.youtube.com/watch?v=EhD3aG8J3pE

Annotation :

Après avoir déjà atteint le sommet que reste-t-il à faire ? La réponse des Red House Painters sera un changement de direction progressif (mais lent, éthique slowcore oblige). Bridge (le surnom officiel de cet album), sorti la même année que son grand frère, peut avoir des faux-airs de chutes de studio de ce dernier, mais ce serait sous-estimer injustement ce qui demeure un très bon album des américains.

Alors certes on a une nouvelle version de "New Jersey", un chouia inférieure par dessus le marché, mais les RHP tentent aussi des trucs intéressants derrière. La reprise de "I Am A Rock" notamment, qui m'avait déplu au premier abord mais qui en fait peut s'avérer diablement jouissive quand on s'y attend, la formule slowcore appliquée à Simon & Garfunkel... ça marche. Il y a aussi "Blindfold' qui laisse sur sa fin éclater des rugissement tout bonnement improbables de la part d'un Kozelek transfiguré en Kurt Cobain (il ne le refera plus jamais et c'est dommage, c'est impressionnant). Sur "Evil", Mark chante si lentement que sa prononciation semble déformée... Donnez lui sa chance, il le mérite bien.

Blindfold : https://www.youtube.com/watch?v=aMbAPx_m6Mo
I Am A Rock : https://www.youtube.com/watch?v=0qtlccEWrXI
Evil : https://www.youtube.com/watch?v=kYI1J9URUVA

Annotation :

Les Red House Painters qui reprennent KISS, improbable ? Pourtant c'est ce qui se passe sur ce mignon petit EP, où le Koz et sa bande chantent une ode au BDSM, sans pression, en se réappropriant l'instrumentation. Et ma foi!, ça marche bien. C'est même la meilleure partie de cet EP, qui propose également un morceau, "Sundays and Holidays", qui ressemble à un entre-deux de "New Jersey" et "Mistress", sans atteindre les sommets de l'un ou de l'autre. "Three Legged Cat" est trop courte pour être remarquable. Quand à la face B, elle propose une bonne version acoustique de "Shock Me" et un instrumental joli quoiqu'un peu longuet et manquant forcément de la voix de Mark pour le faire décoller.

Une gentille petite parenthèse pour les fans. Pas forcément les fans de KISS...

Shock Me : https://www.youtube.com/watch?v=NidlhipZ1Fg

Annotation :

En voilà un dont je comprends assez difficilement la réputation. Certes "Drop" est incroyable, et sa hidden track est une splendeur acoustique, certes "Moments" est grandiose dans sa seconde moitié et "San Geronimo" si c'est pas la vie ça y ressemble quand même fort. Certes les moulins c'est joli. Mais.

Mais Ocean Beach témoigne de toute évidence d'une phase de transition pour les RHP, qui semblent ici chercher leur son. Résolus à s'éloigner petit à petit de leur slowcore natal (ils ont de toute façon déjà niqué le game avec Rollercoaster, donc ils n'ont pas forcément tort de prendre le large et de s'attaquer à des territoires différents), ils tentent des trucs. Et beaucoup de ces trucs ont à voir avec une instrumentation plus acoustique, avec de la gratte sèche ici et là, du piano tout partout, des violons, de la contrebasse même... Et franchement, je ne trouve pas que ce soit là où le groupe brille le plus. Et ce malgré des compos tout à fait au niveau. L'intro instrumentale "Cabezon" est fort mignonne mais flotte sans but, "Summer Dress" est bucolique mais je ne me sens pas spécialement emporté par ces violons, "Shadows" est profondément frustrante car je sais qu'elle n'atteint pas son plein potentiel ainsi paresseusement adaptée au piano, l'accordéon de "Over My Head" ne me parle pas plus que ça...

Sans doute les adeptes de la dépression se reconnaissent dans cette stase d'un nouveau genre. Mais l'adepte des développements que je suis ne trouve pas son compte sur une bonne partie de cet album. Les Red House Painters ont toujours eu ce talent de parvenir à prolonger leur spleen sur de longs morceaux sans rendre la chose ennuyeuse ; au contraire un vortex particulier se créait de cette répétition. Ils me semblent avoir plus de mal à maintenir cela ici. Où est mon cocon ? :'(

San Geronimo :
https://www.youtube.com/watch?v=CSOBQsyYGRU
Drop :
https://www.youtube.com/watch?v=lBL28tgXK18

Annotation :

Ouuuh la belle pochette. Avec Songs for a Blue Guitar, les RHP semblent avoir trouvé leur futur son (qui deviendra petit à petit celui de Mark Kozelek tout court, avec l'émergence proche de Sun Kil Moon), un qui est en partie libéré des sonorités du slowcore et qui se concentrerait plutôt vers le folk-rock. Un folk-rock immanquablement nineties, mais piochant tout de même dans les 70's. On y entend notamment le fantôme de la guitare électrique de Neil Young (Zuma, où es-tu ?).

Et avec cette nouvelle peau l'inspiration revient (enfin elle n'était jamais partie bien loin, les compos ont toujours été au poil). "Have You Forgotten" s'entame et s'impose instantanément comme un classique du groupe, et une garantie que ce changement de son n'implique nulle trahison à leur essence. Le motif mélodique à la guitare sèche pourrait sortir tout droit de Rollercoaster, et la répétition ad libitum est bien présente, de même que le spleen élastique. Entre acoustique plus ou moins dépouillé et folk-rock grungy (les 12 minutes de crescendo de "Make Like Paper"), le groupe se balade aisément et parviennent à me convaincre d'un bout à l'autre. Et ils se font bien plaisir, avec notamment 3 reprises, "Long Distance Runaround" de Yes et sa coda énervée, la superbe cover des Cars "All Mixed Up" qui parvient à transcender l'originale, et la très chouette bien qu'un poil longuette "Silly Love Songs" de McCartney, dont les américains offrent un rendu puissamment Young-esque. Je devrais rajouter qu'on commence à entendre, notamment sur les interludes instrumentaux de "Revelation Big Sur", un goût certain de Mark pour la guitare espagnole.

Virage folk rock (limite country par moments) très bien négocié et annonciateur de la suite.

Have You Forgotten :
https://www.youtube.com/watch?v=t7aLPQEfrFE
All Mixed Up : https://www.youtube.com/watch?v=GQSUIRDs6VE
Make Like Paper :
https://www.youtube.com/watch?v=ZqN-iCPp5UQ

Annotation :

Voilà un album qui n'a pas eu de chance. Terminé en 1998, alors que le groupe commençait à partir en morceau et alors que les majors étaient en crise (les RHP étant passés de 4AD à Island depuis Songs for a Blue Guitar), Old Ramon restera dans les limbes avant d'être finalement paru en 2001, alors que le groupe n'existait déjà plus. Ce qui aura causé un manque d'intérêt à sa sortie, ayant "raté le coche". Ce qui en fait sans doute le moins connu et le moins réputé des albums du groupe. Alors que flûte, je le mets en troisième position dans leur panthéon, derrière Rollercoaster et SFABG !

Old Ramon est un excellent album, peut-être le plus équilibré (par exemple si je préfère l'atmosphère de Blue Guitar et que ce dernier a des sommets plus hauts, je trouve Ramon plus constant dans la qualité). Il s'agit en tout cas du plus joyeux de tous, du plus uptempo aussi sans doute, qui épouse complètement les influences folk rock du précédent, avec un côté country rock plus poussé (comme pouvait le laisser penser le drapeau américain de la couverture). Pour sûr, ça a dû foutre en PLS les fans du bon vieux RHP slowcore, de voir Mark & Cie se la jouer borderline redneck. Tant pis pour eux, tant mieux pour moi qui passe mon temps à chanter en chœur les refrains de ce super album.

À noter qu'entre Blue Guitar et Old Ramon, Mark opère son premier "changement vocal", qui le voit passer du chant doux, lent et aérien de ses débuts à un chant plus "terrien", plus rugueux, très adapté finalement à son virage Amérique profonde. Ce sera le premier des deux revirements vocaux du Koz, il faudra attendre plus de dix ans pour ouïr le second.

Byrd Joel : https://www.youtube.com/watch?v=m_B8kXOGeCk
Void : https://www.youtube.com/watch?v=SaN5DuFA82o
Cruiser : https://www.youtube.com/watch?v=OgZdeLQXHyo

Annotation :

Pendant que Old Ramon est bloqué dans les limbes d'Island Records, Kozelek part en solo s'amuser un peu avec des reprises... d'ACDC. Avant de juger, rappelons qu'il avait très bien réussi sa reprise de Kiss alors pourquoi pas ? Et bien, exactement comme ladite "Shock Me", ces trois reprises d'ACDC sont confondantes de beauté. Comme à son habitude il transfigure l'originale, impossible de savoir d'où ça provient sans avoir été mis au courant à l'avance. Le résultat est du Kozelek pur jus, c'est à dire des perles de mélancolie lente.

Quelqu'un disait "C'est comme écouter Pink Moon avec des paroles écrites par Bon Scott". Bon, le parallèle avec Pink Moon n'est pas très pertinent mais c'est un jolie façon de résumer la chose. Les originaux sont excellents aussi, on savait déjà que le Koz était excellent seul avec sa gratte, ça se confirme.avec cet EP.

Full album : https://www.youtube.com/watch?v=VH1h4taPsTg

Annotation :

More of the same... Kozelek nous refait le coup des reprises d'ACDC mélangées à des originaux, sur un format plus long. Certains de ces morceaux étaient déjà présents sur l'EP, si on a déjà écouté ce dernier il y a assez peu d'intérêt à aller écouter cet album ci, dont je trouve les version légèrement inférieures. Garder ça en format court était une bonne idée, What's Next to the Moon s'appesantit un peu trop. Il serait temps que Sun Kil Moon naisse pour que Kozelek retrouve du travail !

Full album : https://www.youtube.com/watch?v=KB-FDUwcui0

Annotation :

Rolala... tout est beau dans ce disque. Que ce soit la splendide pochette qui montre un chérubin ocre à tête de Michael Gira (je sais pas pourquoi j'ai cette image qui me vient), la voix de Kozelek de plus en plus "humaine" et qui monte souvent dans de très beaux aigus, le jeu de guitare de Mark qui a franchi une étape importante, enrichissant son répertoire acoustique de fulgurances de grâces absolues.
Tout est beau donc. Pas une seule piste ici n'est faible à proprement parler. Certaines peuvent paraître en certain décalage avec le flow de la tracklist (oui c'est à toi que je m'adresse "Lily & Parrots", avec ton riff sec, ta grosse batterie et ta simplicité joyeuse) mais elles n'en sont pas moins excellentes.

Je vais me retrouver à faire un inventaire des coups de grâce de l'album comme pour Rollercoaster : "Carry Her Ohio" est immortelle, d'une évidence telle que je n'en parlerai pas plus, "Salvador Sanchez" nous noie dans un cocon de distorsion extatique aussi stylée que les meilleures heures de Neil Young, "Glenn Tipton" et "Last Tide" montrent toute la maîtrise du format folk acoustique par le Ko', la première partant en festival acoustique scintillant et la seconde en soudaine montée de violon, "Gentle Moon" joue le rôle de la parfaite ballade romantique de milieu d'album. "Si Paloma" parvient à captiver pendant plus de 5 minutes en étant un simple instrumental... ici brille tout le talent nouveau du Koz' pour arranger les guitares et autres mandolines, c'est d'une légèreté et d'un optimisme jamais vu chez notre gros mélancolique !

Quant à "Duk Koo Kim", que dire qui n'ait pas déjà été dit ? Pas loin d'un quart d'heure, et le plus grand quart d'heure de sa carrière. Rien que le riff d'entrée nous plonge dans une mélancolie qui d'emblée coupe le souffle. Le reste... le reste appartient à l'histoire. Bigger (and sadder) than life.

Full album : https://www.youtube.com/watch?v=Ql7eX-JFVtk

Annotation :

Le moins qu'on puisse dire, c'est que voici une bien étrange suite à Ghosts of the Great Highway. Ici, c'est plutôt Mark qui revient à ses délires de reprises (les plus courtes sont les meilleures...), avec un disque entier de reprises à la Kozelek de morceaux de Modest Mouse. J'ai beau adorer le groupe, de toute façon le Koz transforme une fois de plus tout ça à sa sauce de manière à ce que les originaux soient méconnaissables. Pas une grosse réussite si vous voulez mon avis, tout ne marche pas et l'album parait un peu monotone, même pour du Mark Kozelek.

Full playlist :
https://www.youtube.com/watch?v=8orMC5p6BrU&list=PLXQalL5oE4yh2or7zsdM6EST9qFuCuChQ