Top 10 Cinéma 2020 (+ 1 mention spéciale)

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"Je veux juste en finir" pose son ton dès les premières minutes : une discussion interminable dans une voiture à base de références littéraires tentant de solidifier la vacuité de la parole entre les personnages enfermés dans leur bulle. Bulle qui symbolise tout le long-métrage ; de paroles qui ne signifient plus rien à des séquences mélangeant plusieurs temporalités, en passant par l'apparition incongrue d'animation au sein de la prise de vue réelle, le film représente un espace-temps perturbé qui illustre la perte de repères dans le monde humain. Toujours épris d'angoisses existentielles, le scénariste Charlie Kaufman expérimente encore une fois dans son rôle de réalisateur pour un résultat inégal, inaccessible mais enivrant pour quiconque veut bien entrer dans cette bulle métaphysique pleine d'amertume.

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En privilégiant un rythme effréné, un point de vue alternant les points de distance (comme s'il s'agissait d'une caméra de surveillance) et les gros plans (filmés sur le vif), les frères Safdie arrivent à ausculter un chaos urbain orchestré autour de la place newyorkaise. Adam Sandler prête à merveille son côté hâbleur à ce personnage de vendeur hystérique et obnubilé par l'appât du gain. Une fascination troublante se tisse alors dans "Uncut Gems" entre ce diamant aux propriétés étranges comme objet de convoitise et cette descente aux enfers suffocante d'un escroc qui se perd au milieu de la jungle urbaine.

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L'ambiguïté a une place primordiale dans ce film de procès français. Au lieu d'attribuer immédiatement au personnage de Lise Bataille, adolescente accusée du meurtre de sa meilleure amie, le rôle de victime d'une injustice, Stéphane Demoustier, avec l'entrelacement de points de vue, préfère entretenir le mystère et implique le spectateur dans cette enquête bouleversante pour tous. Remake du film argentin "Acusada" (2018), "La Fille au bracelet" montre un point de vue différent sur l'affaire Amanda Knox par son unique plan d'intro : une famille en vacances sur la plage qui se fait interrompre par des policiers embarquant la jeune fille. L'instant de bonheur se fissure en une traversée sans fin dans les ténèbres de l'âme humaine, dont le visage impassible de la jeune Melissa Guers incarne ses contours.

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Traitant toujours de la figure du héros américain, Clint Eastwood trouve en l'affaire de Richard Jewell, ancien agent de sécurité dans le parc du Centenaire à Atlanta, un sujet capable de renouveler son cinéma. En effet, car le personnage-titre est avant tout un corps ingrat, grossi, donc à l'opposé de la représentation du héros américain. Sur ce point, Paul Walter Hauser incarne magnifiquement ce corps maladroit mais attachant. Ensuite, derrière son vernis de film calibré pour les Oscars, "Le Cas Richard Jewell" veut démanteler les idéaux américains en dépeignant une manipulation à l'arrière-plan du statut d'un seul personnage, passant en un clin d'oeil de héros de la soirée à l'ennemi du groupe au lendemain. Si le long-métrage accuse d'un traitement manichéen des médias avec les personnages interprétés par Jon Hamm et Olivia Wilde (dont celle-ci a suscité une petite polémique par rapport à l'entreprise du film), "Richard Jewell" fait un constat qui est toujours bon à rappeler : les démons sont toujours ailleurs, méfiez-vous des apparences !

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A partir d'un documentaire sur Gilles Caron, photographe disparu au Cambodge en 1970, Mariana Otero compose une enquête riche d'images d'archive et de réflexions sur la place d'un photographe dans le monde, son rôle et son œuvre tous deux inscrits dans une période sociale et historique précise. Malgré une voix-off de la réalisatrice un peu trop envahissante, cette "Histoire d'un regard" se défend grâce à un sujet passionnant et un montage réfléchi entre plusieurs traces visuelles.

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En racontant une romance particulière entre un jeune garçon replié sur lui-même, nommé Paul, et Gloria, une adolescente schizophrène, le réalisateur belge met en scène une évasion tour à tour sensible et imprévisible, se déroulant en plein cadre naturel. La nature, en tant que décor principal de l'intrigue, épouse avec virtuosité les moments de grâce et de tourments vécus par ces deux êtres en quête de liberté. La mise en scène reste à hauteur d'enfant afin de bien représenter le jeu de séduction entre Paul et Gloria, porté par l'alchimie entre deux acteurs convaincants, à savoir Thomas Gioria ("Jusqu'à la garde") et Fantine Harduin ("Dans la brume"). Avec une apparition de Benoît Poelvoorde, tout en sobriété, "Adoration" de Fabrice Du Welz dépeint un apprentissage ambigu de l'amour dans un cadre épuré, baigné dans une atmosphère à la fois incandescent et glaçant.

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Initialement prévue dans les salles de cinéma, disponible finalement sur la plateforme d'Amazon, cette nouvelle adaptation du conte de Carlo Collodi se démarque avant tout par ses partis-pris visuels. Revenant au texte-source, le réalisateur Matteo Garrone réinvestit le genre du conte merveilleux à l'écran à travers un mélange de prises de vue réelles, de maquillages et prothèses ainsi que de l'animation. Donnant corps à l'ambiance irréelle du métrage, cette direction artistique donne lieu à un fascinant cabinet de curiosités, fondé sur la limite entre l'Homme et l'animal. Ainsi, le cadre misérable d'un village italien au XIXe siècle contraste volontiers avec la féerie étrange qui s'y dégage. Soulignons également une magnifique photographie, la lumière de la Toscane resplendissant au sein d'un décor en plan large propice à un tableau de Caravage. Malheureusement, ce "Pinocchio" n'échappe pas à l'écueil d'une adaptation trop attachée au matériau originel. De ce fait, l'aventure du pantin se retrouve hachée en plusieurs segments agencés de manière décousue. L'intention est là, au détriment de l'émotion. Peu importe, Garrone rebondit en offrant un spectacle visuel du plus bel écrin.

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Mention spéciale : petite triche de ma part, puisqu'il s'agit là d'une compilation des premiers épisodes de la série "Primal".
Dirigée par Genndy Tartakovsky (à qui l'on doit les animés "Le Laboratoire de Dexter", "Samuraï Jack"), cette création animée est une pépite doublée d'une véritable anomalie pour les standards actuels. Contexte de la Pré-Histoire, histoire épurée (un voyage de deux êtres qui ont perdu leur famille), violence brute et, surtout, aucun dialogue enregistré - tout juste des cris et grognements. Sorti de la commande "Hotel Transylvania", l'animateur d'origine russe prend un risque, celui de revenir à l'âge du muet pour un dessin-animé moderne. Cette audace joue en la faveur de "Primal" : le silence met en valeur l'émotion des personnages, la beauté des décors dessinés et l'intensité des actions retranscrites. Retour à l'origine, retour aux racines du récit héroïque, retour au trait de crayon expressif ; "Primal" incarne tout cela et constitue un indispensable face au tout-venant.