I believe in angels- Critique d'A.N.G.E. Partie 2

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  • Cédric Orléans: directeur de la base de Montréal. Très intelligent, à cheval sur le règlement de l'ANGE, exprime peu ses émotions et comprend encore moins celle des autres: vous l'aurez compris, l'auteur s'est inspirée de l'autisme Asperger pour modeler son personnage, même si le mot ne sera jamais prononcé:

    elle le fait passer pour une caractéristique reptilienne



Evidemment, au travers de la saga, tout l'enjeu sera pour Cédric d'apprendre à comprendre les émotions de ses agents alors qu'il doit en même temps affronter les démons (au sens figuré) de sa jeunesse. J'ai beaucoup apprécié ce personnage, cependant il faut reconnaitre que c'est le personnage le moins bien géré par l'auteur, parce qu'elle est confrontée à ses propres limites: comme Océane, l'auteur avait tout en main pour en faire un personnage véritablement dramatique


culpabilité après l'explosion de l'hôtel, mise à mort de Képhas et Jehuda


mais quand elle est sur le point de développer ces passages, elle s'arrête net en disant "non attendez, c'est une fiction pour adolescents, il ne faut pas que j'en fasse quelque chose de trop dur" et elle recule sur une pirouette plus ou moins convaincante pour que ça reste gentillet. C'est vraiment dommage, parce que de ce fait, l'auteur a créé un personnage avec un beau potentiel, mais qu'elle n'a pas pu/su exploiter jusqu'au bout.



  • Thierry Morin: le meilleur allié du groupe, et le personnage qui se rapproche le plus des Chevaliers d'Emeraude: règles de vie strictes ponctuées par des mantras appris par coeur jusqu'au réflexe, entrainements sévères dès l'adolescence... Bref, je pense que vous voyez l'idée. Cependant à bien des égards, Thierry se rapproche davantage des ninjas des Ailes d'Alexanne que des chevaliers du royaume d'Emeraude. Mention spéciale à sa relation avec Neil et Darrell, que j'ai trouvée vraiment touchante. Egalement, une petite précision car l'auteur ne lève jamais l'ambiguité: dans la saga, Thierry est souvent appelé Théo, l'auteur expliquant qu'il s'agit d'une traduction de son prénom. C'est vrai... à un détail près: contrairement à ce que l'on aurait pu penser compte-tenu des thématiques abordées, Théo ne vient pas ici du grec theos signifiant dieu, mais du germanique theud signifiant peuple. Je ne sais pas pourquoi Mme Robillard a maintenu cette confusion jusqu'au bout alors qu'un simple adjectif de nationalité aurait pu éclaircir les choses, mais voilà, au moins c'est dit.


Il y aurait bien d'autres personnages que je pourrais citer, mais j'ai promis de condenser, aussi je m'arrête là. Passons maintenant à la deuxième partie, celle des thématiques abordées.


Je ne m'attarderai pas sur les reptiliens. Je pense que c'est la partie la moins intéressante de ce cycle, car l'auteur multiplie les incohérences à ce sujet. D'autre part, à part les Dracos et les Nagas, ils ne sont pas extrêmement bien décrits et on ne sait finalement pas grand chose d'eux, et à plusieurs moments, je me suis dit qu'ils n'étaient là que pour complexifier les choses


(Kevin et Cael, divins et Nagas... pourquoi?)


Donc je passe directement à l'Apocalypse, l'autre thème principal des romans.


Tout d'abord, je rassure ceux qui n'ont jamais lu l'Apocalypse: aucun besoin d'être croyant pour suivre cette saga (d'ailleurs, je ne le suis pas non plus). A la rigueur, vous risquerez peut-être de vous embrouiller dans les noms hébraïques, mais honnêtement je ne le pense pas. L'intrigue est claire, les enjeux bien expliqués, la chronologie détaillée: la saga se comprend sans problème. D'autant plus que l'auteur ne colle pas à l'Apocalypse à la lettre, elle se contente de s'en inspirer et d'en adapter certains grands épisodes. Pas de cavaliers ni de trompettes d'anges en revanche, j'étais déçue. En revanche, sans doute parce que l'Apocalypse n'était pas assez sinistre, l'auteur y a ajouté subrepticement les 10 plaies d'Egypte (sans les nommer): après tout, le but est tout de même de réduire la population mondiale de deux tiers, il ne faut donc pas faire les choses à moitié. De là peut-être une certaine lassitude au bout d'un moment à cause de toutes les catastrophes qui s'abattent sur les héros: peut-être que l'auteur aurait pu se contenter de quelques catastrophes mais bien en décrire les impacts. Cependant, ce n'est pas si choquant que ça.


Egalement, Anne Robillard fait de nombreux clins d'oeil à la Bible, Ancien comme Nouveau Testament. Je ne détaille pas, mais si vous voulez un exemple, examinez les analogies entre la vie publique de Képhas et celle de Jésus, vous ne serez pas déçus. La conférence de Yannick Jeffrey, pour autant que je sache, est rigoureusement exacte même si j'aurais ajouté Flavius Josèphe à la bibliographie, et, pour finir ce tour d'horizon théologique, notons que Anne Robillard s'inscrit à la fois dans la mouvance de la religion universelle (toutes les religions se valent et sont des façons différentes de prier le même dieu) et du protestantisme évangélique (critique de l'Eglise, enlisée dans ses ors et sa hiérarchie, et mise en valeur des pasteurs guidant la communauté).
Je décerne également à Anne Robillard une mention spéciale pour sa représentation de Jésus et de Dieu: je ne m'attendais pas à cela pour Jésus mais j'ai bien rigolé, quant à Dieu, c'est tout de même autre chose que ce vieillard décati à la Philip Pullman.


Enfin pour terminer avec les thèmes, je note également la présence de deux autres thèmes qui seront largement développés dans les Ailes d'Alexanne: l'écologie new age et le féminisme. Pour simplifier: nous sommes trop nombreux, nous polluons trop, on va profiter de l'Apocalypse pour remettre les compteurs à zéro et vivre en harmonie avec les autres et avec la nature. Cela nous vaut d'ailleurs une diatribe étonnante et complètement hors-sujet sur le maquillage, distribué par de grands groupes ne visant qu'à se faire de l'argent sur le visage des femmes alors qu'elles sont tellement plus belles au naturel. Chacun jugera. Quant au féminisme, Anne Robillard y croit tellement qu'elle va jusqu'à transformer un apôtre en femme, auteur de romans fantastiques, s'il vous plait. Et ce parce que "de l'avis du Père et de Jeshua, ce siècle rendra enfin justice aux femmes. Pour accomplir ma mission d'amour et d'entraide, il fallait que j'en sois une". Toute ressemblance avec un auteur... Ne parlons même pas de l'avenir d'Adielle Tobias qui, entre deux missions, donnera des conférences sur la place de la femme dans le monde alors que rien dans l'opus ne l'y préparait jusque là. Enfin, petite mention à une question à peine soulevée, mais qui mérite sa réflexion: l'humanisation de l'intelligence artificielle (merci Cass).


Bref, pour résumer:
J'ai lu les Chevaliers d'Emeraude, j'ai lu les Ailes d'Alexanne, j'ai lu ANGE. Incontestablement, ANGE est la meilleure saga des trois. Bon, ça reste Anne Robillard: incohérences, gestion du temps élastique, bref, les défauts habituels. Cependant, les personnages sont bien gérés, très humains et remarquablement équilibrés, les thématiques donnent un fond solide à l'histoire, et finalement l'alchimie fonctionne: encore une saga que je place dans ma pile "A relire pour le plaisir". Merci Mme Robillard.

Luevana
7
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le 19 févr. 2017

Critique lue 418 fois

Luevana

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