Un très bon livre, qui s'impose d'abord comme une grande réussite stylistique avec son écriture à la fois dense et abstraite, et puis qui émeut et qui parle aux tripes à certains moments. La première et la troisième parties sont les plus réussies ; j'aurais aimé pouvoir lire plus tôt une évocation aussi juste, empathique, exaltante et mélancolique en même temps d'une émeute urbaine, d'une quasi-révolution. Alors après, tout n'est pas parfait : malgré ses indéniables qualités, le roman a aussi des côtés un peu "too much" - la deuxième partie traîne un peu en longueur, l'hyper-lucidité des personnages est sûrement poussée un peu loin, et on a parfois du mal à rester absolument concentré tout au long de leur interminable introspection. Surtout, l'un des paris les plus intéressants du roman, vaguement exposé d'ailleurs dans un passage "méta" drôle et assez réussi dans la troisième partie, n'est pas tenu jusqu'au bout, pas assumé jusqu'à ses dernières conséquences : en se proposant de dissoudre les identités des personnages et des narrateurs, l'auteur a l'air d'hésiter face à l'ampleur de son projet, et les ré-individualise maladroitement, voire lourdement, en "signant" les paroles intérieures de ses personnages au moyen de motifs obsessionnels (la branlette, les pétards, la violence, l'hypocondrie), de néologismes idiolectaux ("inécrire"), etc. ; bref, le dosage entre singularité des voix et désintégration des identités n'est pas le bon, et le résultat paraît artificiel. C'est dommage, mais ça n'enlève rien aux autres qualités du roman, qui, par moments (mais par moments seulement...) se dévore plus qu'il ne se lit.
Gauvain
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le 13 août 2013

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