Je ne la possédai jamais tout entière: elle ressemblait à la vie.

Comble de la beauté et de la poésie que ce roman. J'avais déjà été subjuguée par le premier tome. Le second est tout à fait différent. Moins drôle, plus poétique, plus fou, plus lyrique, moins de Combray, plus de Balbec. Chaque page est un ravissement. C'est simple : sélectionnez N'IMPORTE quelle phrase et vous pourriez l'accrocher au dessus de votre lit, l'apprendre par cœur, en faire votre devise.

A l'Ombre des jeunes filles en fleurs, c'est tout d'abord un titre sublime. Ces "f" qui résonnent, ce "o" si long, dites le à voix haute, il annonce la poésie de l'œuvre.

De bout en bout, c'est étourdissant de beauté. Métaphores géniales (par exemple, le bruit du jus de citron sur une sole qui fait penser au son d'une cithare), introduction de personnages étourdissants de justesse, de lyrisme, de drôlerie (Saint Loup, Charlus et sa démarche si spéciale, Albertine et son langage peu raffiné, Françoise toujours aussi peu délicate), écriture toujours plus fine, subtile, parfois incompréhensible il faut le dire. Je suis même persuadée que Proust ne comprenait pas lui même certaines de ses phrases. Souvent, je reprends quelques lignes. Je les lis à voix haute, et il m'arrive d'avoir les larmes aux yeux. C'est tellement bien dit, tellement sensible. On peut presque entendre le bruit de la mer à Balbec/Cabourg, sentir les fleurs de chez Odette, entendre la voix d'Albertine, voir le ciel cristallin que Proust prend tant de plaisir à décrire. Il a une facilité immense à restituer les sensations, à nous les faire éprouver. Quand je lis A l'ombre des jeunes filles en fleurs, je ne suis plus vraiment moi-même, dans le métro lugubre parisien. Non, je suis sur la jetée de Balbec. Je suis à table, avec Swann et sa fille. Je lis Bergotte avec Charlus. J'ouvre les rideaux de la chambre du Grand Hôtel qui donne sur la mer. Un moment d'évasion béni, un petit rayon de soleil dans ma journée.

En désordre, les passages à tomber à la renverse, lisez en au moins un sur internet, c'est mieux que rien : les jeunes filles qui se baladent sur la jetée, la marchande de lait, les couchers et levers de soleil, la scène du restaurant, la description de Charlus, la description de l'appartement de Madame Swann plein de fleurs et de couleurs, le train, les mains d'Albertine, les dix dernières pages...

A l'Ombre des jeunes fleurs n'est pas un simple livre. C'est un voyage dans le temps. Une Odyssée de la sensation, de la beauté, qui sent la mer et les lilas.

Il y a quelques jours, j'ai rêvé de Proust, c'est dire si son œuvre me hante. Je redoute le moment où j'aurai tout terminé..

A chaque fois qu'une phrase me plaît, je corne la page. Mon livre est entièrement corné. Tirez en la conclusion que vous préférez : je suis dingue, ou c'est un livre sublime.

Le côté de Guermantes...A l'attaque !
Clairette02
10

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le 24 févr. 2012

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Clairette02

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