Lem is a Jorge Luis Borges for the Space Age
Bien que le phénomène n'ait rien de spécifique à Lem, ni à la science-fiction, on peut regretter que celui-ci n'ait pas été encore entièrement traduit en français, et que les rayons des librairies ne contiennent généralement que Solaris. Dommage parce que j'ai beaucoup d'admiration pour le polonais, dont l’œuvre que je commence tout juste à explorer est loin de se résumer à ce beau roman.
Il brille également (surtout ?) dans ses nouvelles, souvent très drôles - la Cybériade et la série des Ijon Tichy sont là pour en témoigner. Cet humour est caractérisé par son côté "métaphysique", celle-ci étant souvent soumis au ridicule de la mise en pratique et donc à des résultats peu convaincants. L'inconvénient de ces recueils étant qu'ils sont souvent un peu disparates et hétérogènes.
Ce recueil-ci est encore différent : il s'agit d'un recueil de critiques de livres n'ayant pas été écrits, plus celle -négative bien sûr- du recueil lui-même. L'idée est très borgienne, et Lem fait d'ailleurs explicitement référence à la géniale nouvelle "Pierre Ménard, auteur de Don Quichotte". Le ton est très variable : "Gigamesh" ridiculise avec humour et respect Joyce, "Idiota" Dostoïoveski et "Toi" le Nouveau Roman, mais certaines sont bien plus sérieuses. Grüppenfurher Louis XVI contrairement aux apparences est le lieu d'une réflexion intéressante sur le nazisme et la force des apparences, Non Serviam est un quasi-essai de philosophie analytique...
Bref, les idées foisonnent, le format convient excellemment aux sujets et aucune nouvelle ne me semble déparer la qualité de l'ensemble.